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BLANCHE NEIGE ET LE CHASSEUR (2012)



L'HISTOIRE : Dans une réécriture du conte des frères Grimm, le chasseur supposé tuer Blanche Neige dans les bois devient son protecteur et son mentor afin de monter une armée pour reconquérir le royaume, et libérer le peuple du joug de l'impitoyable Reine Ravenna...


MON AVIS : L’année 2012 voit apparaître au cinéma deux films narrant les aventures de Blanche Neige, tirés tous deux du célèbre conte des frères Grimm. Alors que le premier, mettant en scène Julia Roberts, est destiné à un public plutôt jeune, le second est quant à lui bien plus sombre et s’apparente bien plus à un film d’heroïc-fantasy.

Réalisé par un certain Rupert Sanders, qui jusqu’alors n’a travaillé que dans la publicité audiovisuelle, ce second film intitulé Blanche-Neige et le Chasseur a fait un joli score au box-office américain et siège fièrement à la seconde place du box-office français en cette fin de juin 2012, derrière un certain Madagascar 3, bons baisers d’Europe. Fort d’une bande-annonce énergique, rappelant entre autres la saga culte de Peter Jackson Le Seigneur des Anneaux, ce premier film de Rupert Sanders ne passe pas inaperçu et fait rapidement oublier le premier film mettant en scène la belle Blanche Neige en cette année 2012. Mais qu’en est-il réellement de cette nouvelle adaptation du conte des frères Grimm ?

Comme dit avant, cette nouvelle version du conte de Blanche Neige est assez sombre, bien plus proche d’un Seigneur des Anneaux que du dessin animé de Disney. Mélange d’heroïc fantasy et de film épique, Blanche-Neige et le Chasseur nous gratifie donc de jolis monstres, certes très rares mais bien modélisés (un Troll un poil énervé, des monstres ailés dans une forêt des plus menaçantes, des guerriers sombres venus des Enfers…), mais également de scènes de bataille, de siège de château…

Mais, alors que la bande-annonce pouvait laisser espérer un rythme des plus haletants, il s’avère que le film de Rupert Sanders en manque cruellement par moments. Les scènes dites spectaculaires demeurent en effet peu nombreuses et sont séparées par des séquences de dialogues un brin trop longues, même si l’on demeure très loin du désastreux et soporifique épisode de La Boussole d’Or avec Nicole Kidman. Par ailleurs, on reprochera aux scènes d’action de pas être assez étoffées, notamment les scènes de batailles qui sont bien communes et dont le manque de créativité fait que le long-métrage critiqué ici souffre immanquablement de la comparaison avec des films épiques bien meilleurs sortis antérieurement. Un manque d’originalité qui lasse par moments le spectateur parfois trop (très) habitué à ce genre de cinéma.

Ne boudons cependant pas notre plaisir devant cette sympathique aventure, certes simple mais reprenant avec quelques touches fantastiques (un Troll terrifiant et des êtres imaginaires de toutes tailles), humoristiques (les nains à la retraite) et sentimentales (le lien qui se crée entre le chasseur et Blanche Neige) le conte des frères Grimm. Certes, le conte original est fortement remanié ici mais les idées de base demeurent encore présentes tout au long du film, même si ces dernières n’ont pas forcément les mêmes finalités. On appréciera par contre que le film de Rupert Sanders ne tombe pas trop rapidement dans la facilité, notamment en ce qui concerne le fameux baiser entre Blanche Neige et son prince charmant que beaucoup attendent forcément.

Notons également que le casting n’est pas en reste et s’avère être de très bonne facture. Et pour donner vie à son aventure épique et fantastique, Rupert Sanders et son équipe engagent des têtes biens connues du cinéma contemporain avec notamment la très jolie Kristen Stewart (découverte dans Panic Room où elle donnait la réplique à Jodie Foster, et vue ensuite dans la saga Twilight où elle campe le rôle de la petite amie de Robert Pattinson) dans le rôle de Blanche Neige ou encore le beau gosse Chris Hemsworth (le fameux Thor au cinéma) dans la peau du chasseur. Il est d'ailleurs intéressant de voir comment le personnage du chasseur est mis en valeur dans le film de Rupert Sanders. N’oublions pas évidemment celle qui clôture le trio d’acteurs principaux : Charlize Theron, qui joue ici le rôle de la sorcière Ravenna, un personnage qui lui va comme un gant.

Il est  amusant de voir comment les personnages ont évolué entre le conte des frères Grimm et le film de Rupert Sanders. Outre des nains sans emploi depuis le règne de la sorcière et un chasseur bel homme ne laissant pas de marbre notre héroïne, l’exemple le plus flagrant est sans conteste celui de Blanche Neige. Passée du statut de jeune et jolie princesse fragile à celui de femme guerrière prête à tout pour sauver son peuple et venger la mort de son père (une scène où elle sort de la forteresse du Duc à cheval avec derrière elle toute une armée de cavaliers fait étrangement penser à Jeanne d’Arc), Blanche Neige s’avère être une redoutable combattante, n’hésitant pas à partir au front et à affronter la magie de la sorcière.

Qui dit heroïc fantasy dit également magie, fantastique, monstres, etc. Et le pari est en parti réussi. En effet, malgré un bestiaire assez maigre au final et des scènes de grand spectacle peu étoffées, on peut saluer l’effort de l’équipe du film pour nous donner quelques monstres sympathiques à l’écran, des transformations faciales très réussies (vieillissement, rajeunissement de la peau, métamorphose de la sorcière) ainsi que des décors variés (forteresse, forêt obscure…), plaisants et parfois fourmillant de petits détails appréciables, à l'image du sanctuaire, alias le domaine des fées, où vivent nombreux animaux et êtres imaginaires. Les musiques quant à elles collent parfaitement à chaque endroit que nous découvrons au fur et à mesure que l’aventure avance.

Au final, Blanche Neige et le chasseur est une adaptation du conte des frères Grimm à l’allure d’heroïc fantasy, sombre dans son approche et remaniée à de nombreux niveaux. Certes simple et peu original dans ses scènes d’action, le film de Rupert Sanders s’avère toutefois plaisant à regarder. Simple mais agréable dirons-nous !


Titre français : Blanche Neige et le Chasseur
Titre original : Snow White and the Huntsman
Réalisateur : Rupert Sanders
Scénariste : Evan Daugherty, John Lee Hancock, Hossein Amini
Musique : James Newton Howard
Année : 2012 / Pays : Usa, Angleterre
Genre : conte fantastique, heroic fantasy / Interdiction : /
Avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron, Sam Claflin, Ian McShane...




David MAURICE

BLADE RUNNER (1982)



L'HISTOIRE : Los Angeles, 2019. Le détective Rick Deckard est chargé de retrouver quatre réplicants. Mais qu'est-ce qu'un réplicant ? Pour exploiter les colonies, les hommes ont créé des androïdes, qui sont des répliques des êtres humains. Mais ils ne doivent en aucun cas se trouver sur Terre. C'est donc à la recherche de ces quasi répliques de l'homme que Deckard se met en quête à travers un Los Angeles tentaculaire...


MON AVIS : Il est étonnant de constater à quel point certains films qui reçurent le statut de culte, furent pourtant considérés comme des films tout au plus médiocres à leur sortie. Tout le monde a en mémoire l'horrible échec au box-office de The Thing de John Carpenter. C'est au tour de Ridley Scott (Alien) d'en faire l'amère expérience pour Blade Runner, une adaptation assez libre du roman de Philip K.Dick : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

Entre les soucis de financement, les scripts modifiés et les différentes versions du film (environ huit montages existeraient !), Blade Runner fut un véritable souci en terme de création artistique. Car, difficile de dire quelle est la version définitive voulue par son réalisateur. Le résultat fut sans appel. Avec à peine 14 millions de $ de recettes aux Etats-Unis, le public bouda majoritairement ce film de SF atypique. Atypique de par son choix délibéré de se refuser à tomber dans les canons du film de genre et de ne pas être un énième clone de Star Wars. Car, dans Blade Runner, ce qui frappe, c'est l'apparence de calme qui s'en dégage. Ici, pas de combats spectaculaires ni de scènes d'actions époustouflantes.

Portées par la magistrale musique de Vangelis, les images de Blade Runner sont d'une beauté époustouflante. On sent bien la richesse visuelle et l'importance accordée aux décors. La ville de Los Angeles y est représentée comme l'évolution ultime de la Cité, celle qui s'étend indéfiniment et dont les bas-fonds de la ville reçoivent une pluie acide incessante, alors que dans les bâtiments les plus élevés (de couleur dorée) on aperçoit le soleil. Une allégorie de la société, opposant le bas de la ville (majoritairement composée d'hispaniques et d'asiatiques), et le haut, là ou les décideurs siègent.

Entre les deux mondes, nous retrouvons le personnage principal : Rick Deckard, un blade runner (c'est-à-dire un policier), en charge de traquer les réplicants. Tout auréolé de son rôle de Han Solo dans la trilogie La Guerre des étoiles, Harrison Ford trouve ici un des plus beaux rôles de sa carrière. Son personnage n'étant pas sans évoquer les célèbres détectives des années 40 et 50 (comme Philip Marlowe). Blade Runner jouant la carte de la SF rétro, précurseur en cela de films comme Dark City. Le contraste est saisissant entre le monde de la rue toujours plongé dans le noir mais éclairé par des néons publicitaires (on a même droit à de la pub pour Coca Cola !) et par des gros phares des véhicules nécessaires à dissiper le brouillard ambiant, et les intérieurs très sombres des appartements.

A côté d'Harrison Ford, on note un casting aux petits oignons : Rutger Hauer qui s'installe dans les rôles de méchant sadiques (La Chair et le Sang, The Hitcher), Sean Young (Dune) en femme fatale, Daryl Hannah (Splash, Kill Bill) dans le rôle d'une combattante adepte de l'étouffement par les cuisses (!), Brion James (House 3) et Joanna Cassidy (Ghosts of Mars, la série Six Feet Under. Les réplicants apparaissent certes comme des androïdes dangereux capables de violence, et qui pour s'affranchir vont jusqu'à tuer leur créateur (que Hauer appelle même Père). Ils sont donc capables d'avoir des émotions (du moins pour les dernières générations), Deckard allant jusqu'à être attiré par l'un d'eux. Pour autant, ne pas sous-estimer leur dangerosité (voir à ce sujet le combat final où Hauer fait preuve d'une agressivité bestiale).

En quête d'une sorte d'immortalité (ils ont une durée de vie préprogrammée), les réplicants sont capables d'aimer, de désirer, de vouloir vivre tout simplement. Ce que la société industrielle leur refuse dans une sorte de pouvoir de vie et de mort sur ses propres créations. Troublant aussi le fait que certains des réplicants ignorent leur vraie identité, et de là peuvent découler plusieurs interrogations quant à la vraie nature de certains des protagonistes. Questions sans réponses puisque le final (tel que décrit par la soit-disant version du réalisateur disponible en zone 2) laisse la porte ouverte à toutes les hypothèses.

S'il y a un film qui mérite bien son statut de chef-d'œuvre, c'est ce film envoûtant de Ridley Scott (qui tentera de récidiver avec moins de réussite dans le domaine de l'héroïc-fantasy avec Legend). Difficile d'y trouver quelque chose à redire, tant l'œuvre aboutit à nous hypnotiser. Les images s'imprègnent dans notre rétine avec une force rarement égalée. Un grand moment de cinéma pour un film intelligent, que l'on ne peut se lasser de revoir régulièrement pour capter des détails qui nous auraient échappé. Une redécouverte à chaque visionnage.


Titre français : Blade Runner
Titre original : Blade Runner
Réalisateur : Ridley Scott
Scénariste : Hampton Fancher, David Peoples
Musique : Vangelis
Année : 1982 / Pays : Usa, Angleterre
Genre : Science-fiction, robots et cyborgs / Interdiction : /
Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Edward James Olmos, 
Daryl Hannah, Brion James, Joanna Cassidy...




Gérald GIACOMINI

BLACK RAINBOW (1989)


L'HISTOIRE : Martha Travis est médium et elle sillonne les Etats-Unis en compagnie de son père, un alcoolique qui la met en scène dans des shows dans lesquels elle "parle avec les esprits des défunts" devant une foule de croyants crédules. Une vie monotone pour la jeune femme, qui n'a aucun amis ni personne à qui parler à part son père. Lors d'un show, elle entre en contact avec un défunt qui a été assassiné par un tueur à gages. Problème : le défunt est actuellement en vie. Mais quelques jours plus tard, il est effectivement victime d'un tueur à gages. Pour Martha, la vie se complique quand elle comprend qu'elle a des visions qui ne se sont pas encore produites. Connaissant l'identité du tueur à gages, elle devient une cible potentiel pour ce dernier. Elle trouve du réconfort auprès d'un journaliste qui décide de l'aider...


MON AVIS : Vu au cinéma à l'époque de sa sortie, je n'avais plus aucun souvenir de ce Black Rainbow et c'est donc avec plaisir que je l'ai revu via le Blu-Ray édité par Arrow Vidéo. Le film a été réalisé en 1989 par Mike Hodges, le célèbre metteur en scène du kitsch Flash Gordon (1980) et du rigolo Les Débiles de l'espace en 1985. Il met en scène Rosanna Arquette, un an après le succès du Grand Bleu, ainsi que Jason Robards et Tom Hulce. L'actrice joue donc une jeune médium, ayant acquis une certaine sensibilité de sa mère qui avait aussi un don. Elle est sous la coupe de son père, qui gère sa vie et sa carrière en organisant des shows à travers tout le pays. Ce dernier a un sérieux penchant pour l'alcool mais aussi pour le jeu d'argent, perdant les sommes gagnées par sa fille, comme celle-ci l'apprendra à un moment dans le film.

Rosanna Arquette et Jason Robards s'en sortent vraiment bien dans leur rôle respectif et cette relation père / fille est bien mise en avant par l'histoire, une relation compliquée, Martha se sentant prisonnière de son statut de médium et restant impuissante face à l'alcoolisme de son père. Mais le plus intéressant dans Black Rainbow est évidemment la capacité de Martha à entrer en contact avec les défunts dans l'autre monde. Comme le dit son père, il s'agit d'un show et le public doit en avoir pour son argent. La question qu'on se pose tous est bien sûr : a-t-elle réellement un don, parle-t-elle réellement avec les défunts ou tout n'est-il que mascarade, trucage, théâtralité ? Les personnes dans l'assistance sont-elles de mèches, ont-elles été payées pour apporter de la crédibilité à cette entreprise familiale de spectacle ?

On sait que le crédulité des gens ne demandent qu'à être assouvis et les prestations de Martha Travis leur apporte ce qu'il faut pour y croire, le jeu d'actrice de Rosanna Arquette faisant le reste. L'approche du réalisateur est ici bien éloigné de ses deux films cités plus haut. Il n'y a pas d'humour ou de parodie, c'est filmé de manière sérieuse, et si le réalisateur ne lésine pas à inclure un chœur gospel ou un pianiste comme élément du show de Martha, comme le ferait tout prédicateur ou charlatan d'ailleurs, il ne le fait pas dans le but d'amuser ou de démystifier le propos du film. 

La séquence dans laquelle un petit grain de sable vient endommager le rouage pourtant bien huilé mis en place par le père de Martha fait monter la tension et le film prend une dimension plus dramatique, avant de basculer carrément dans le thriller fantastique. Cette séquence, dans laquelle Martha entre en contact avec un défunt qui ne l'est pas encore, marque un tournant dans le récit, celui-ci aurait d'ailleurs très bien pu être écrit par Stephen King car le fantastique intervient par petite touche avant de clairement devenir un élément capital de l'intrigue.

Black Rainbow étant avant tout un film d'ambiance, il ne faut pas s'attendre à de l'action tout azimut. Non, ici, le rythme est très posé, rien ne verse dans le sensationnel ou le démonstratif. La condition de médium de Martha donne tout son intérêt au film, et ses nouvelles visions, prophétiques cette fois-ci, viennent fragiliser un personnage qui l'est déjà beaucoup et Rosanna Arquette apporte une vraie sensibilité à Martha, qu'on a envie d'aider, de soutenir, comme le fera le journaliste joué par Tom Hulce

Si on devine assez facilement un des twists finaux, on est tout de même assez surpris voire même déconcerté par l'idée finale du film, qui ne nous apparaît pas logique et pénalise pour ma part le film. Si Black Rainbow n'est pas exempt de défauts, et notamment ce final inattendu, le film distille une atmosphère assez soignée, qu'on aurait aimé être encore plus perturbante, effrayante, il y avait matière à le faire. Mais dans l'ensemble, et pour qui aime les films qui prennent leur temps, Black Rainbow fait le job et se révèle attachant, sans pour autant nous subjuguer.


Titre français : Black Rainbow
Titre original : Black Rainbow
Réalisateur : Mike Hodges
Scénariste Mike Hodges
Musique John Scott
Année : 1989 / Pays : Angleterre
Genre : Fantômes et spectres / Interdiction : /
Avec Rosanna Arquette, Jason Robards, Tom Hulce, Mark Joy, Ron Rosenthal...




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Stéphane ERBISTI

BLACK DEATH (2010)

 


L'HISTOIRE : 1348 : la peste noire frappe l'Europe toute entière, dévaste les villes et les campagnes, laissant derrière elle des montagnes de corps endoloris et putréfiés. Un jeune moine, Osmund, soupçonné d'être malade, profite du chaos pour aider sa bien-aimée à fuir le village. Pour la rejoindre, il intègre une escouade de guerriers au service de Dieu, qu'il est chargé de conduire dans un village perdu dans les marécages. Celui-ci, curieusement épargné par la peste, serait ainsi le lieu de cérémonies macabres et de pratiques magiques, organisées par de mystérieux nécromanciens...


MON AVIS A présent chef de file (avec Neil Marshall et Michael J.Basset) d'un cinéma anglais aussi enragé qu'un punk de la belle époque, Christopher Smith se voit aligner les séries B toutes plus malignes les unes que les autres, jamais esclave d'un quelconque sous-genre. Il faudra malheureusement souligner la distribution désastreuse de son Triangle, trip maritime digne d'un épisode de La Quatrième Dimension, après les passages remarqués de Creep (finalement bien meilleur que son comparse Midnight Meat Train) et de Severance.

Avec Black Death, il ne fait que souligner davantage le réveil d'une dark-fantasy jusque là assoupie : voilà que ce succède des titres plus ou moins encourageants tels que 300, Solomon Kane, La Légende de Beowulf, Wolfhound, sans parler de la tournure adoptée par des sagas tels que Harry Potter ou Underworld. On abandonne volontiers le merveilleux pour des relectures plus guerrières et adultes des mondes féeriques d'autrefois : on ne rit plus ; les veines se gonflent, les regards s'assombrissent, les épées se salissent, on transpire, on saigne, on meurt. La barbarie a fait son grand retour dans la grande toile du septième art. Et ce n'est pas la tendance actuelle qui prétendra le contraire...

Cependant, si Black Death impressionne malgré tout, c'est plus dans son fond que dans sa forme : on ne pourra hélas pas beaucoup s'extasier sur le triste visuel du film, radical mais cheap, dû à une absence d'ampleur dans les décors et une caméra à l'épaule envahissante. Un petit budget prégnant, hélas...

Si l'assaut de ce village de nécromanciens aurait pu donner un grand film épique, il n'en est rien. Dans une logique déceptive, Christopher Smith macule son écran de boue et de chair sanguinolente tout en détournant son film de l'éventuelle image qu'on pouvait se figurer dès lors : pas de grandes batailles (mais les quelques prises de gueules sont tout de même salement gores), pas de sorcières ultra-sexy ou de sorciers infernaux, encore moins d'armée de morts-vivants en putréfaction. On aura vite fait de tirer la tronche sauf que le virage adopté n'a pas dit son dernier mot.

Il faut déjà saluer la toile de fond désespérée (déjà vu certes) choisie par Smith, à savoir une Europe sans dessus-dessous enchylosée par la grande peste et la terreur sourde qu'elle fait régner : ce ne serait ni plus ni moins que le châtiment de Dieu à entendre les badauds, les moines et les soldats parcourant ces charniers interminables, lointain reflet des paysages déjà bien marqués de La chair et le Sang et de Le Nom de la Rose. Plus que la déconfiture, c'est la décomposition généralisée, la mortification redoutable des êtres et des terres. Des âmes aussi.

Au même titre que la réaction des guerriers menés par le solide et rocailleux Sean Bean quand ceux-ci découvrent le village redouté, le spectateur se voit proposer un spectacle bien moins tapageur que prévu. La préoccupation de Smith n'était pas de tourner un film de zombies dans un contexte moyen-âgeux (vous n'en verrez pas de toute façon), mais plutôt une fable torturée et ultra-violente sur la religion et ses conséquences néfastes. La rencontre entre les soldats de Dieu (tous meurtris et meurtriers) et les païens (dirigés par la superbe Carice Van Houten, faussement diaphane et charismatique à souhait) fera donc plus d'une étincelle...

Le comic-book dégénéré désiré se mue en tragédie à la noirceur vertigineuse, portant durement sur ses épaules toutes les ténèbres qui imprègnent le décor de la première à la dernière image : sur le chemin, tout n'est que pêchés mal digérés, paysanne promise au bûcher, procession morbide et croyances démentes. 

Le tableau ne semble offrir aucun repentir, aucun espoir possible ; les hommes sont trompés par leurs blessures, et la religion se fait alors vecteur de maux sans noms ; parole assassine et toute puissante justifiant à tour de bras le mal qu'elle engendre, trouvant enfin le salut en éradiquant les hérétiques, hélas trop vite jugés. Un propos que Smith éludera dans un dernier acte ébouriffant de pessimisme (hallucinant Eddie Redmayne, déjà fort inquiétant en adolescent incestueux dans Savage Grace), faisant ainsi fi de tout manichéisme (les notions de bien et de mal voltigent au fil des tueries). Puissant, intelligent, et forcement moins bourrin que les carnages à l'écran le laissent penser. Et donc tout à fait surprenant.


Titre français : Black Death
Titre original : Black Death
Réalisateur : Christopher Smith
Scénariste Dario Poloni
Musique Christian Henson
Année : 2010 / Pays : Allemagne, Angleterre
Genre : sorcellerie / Interdiction : -12 ans
Avec Sean Bean, Carice van Houten, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon...





Jérémie MARCHETTI

BIENVENUE AU COTTAGE (2008)

 


L'HISTOIRE Alors qu’ils viennent de kidnapper la fille d’un gros caïd, deux frères et leur otage se réfugient dans un cottage à la campagne en attendant la rançon. Malheureusement pour eux, ce qu’ils pensaient être un coin tranquille pour se cacher et opérer en toute sécurité s’avère être au final le pire endroit qui puisse exister en Grande-Bretagne. Au diable l’otage - de toute façon c’est une garce ! - c’est leur vie qui est en jeu à présent…


MON AVISLa Grande-Bretagne n’en finit plus de nous sortir des comédies horrifiques. Certes, tout n’est pas rose dans la longue liste des films anglais appartenant à ce registre mais certains méritent vraiment d’être vus et c’est le cas de ce fameux Bienvenue au Cottage.

Ecrit et réalisé par un certain Paul Andrew Williams, The Cottage (titre original) est un film sorti dans nos contrées de manière (trop) discrète, sans grande médiatisation. Pourtant, ce dernier s’avère être une réelle bonne surprise pour qui aime les comédies horrifiques : drôle et glauque à la fois, le film de Paul Andrew Williams n’a rien à envier aux piliers du genre.

Même si le film ne révolutionne en rien le genre qui le caractérise, il faut bien admettre que ce dernier est doté d’un scénario efficace. Alors que la première partie de Bienvenue au Cottage lorgne principalement du côté de la comédie avec ses situations gags et ses personnages un brin crétins, la seconde moitié du film va nous plonger en plein survival, nos personnages principaux étant alors aux prises avec un monstre semblant être le fruit de relations consanguines, rappelant notamment la saga des Détour Mortel.

Même si certains trouveront peut-être la première partie du film un peu longue et sans véritable élément horrifique, cette dernière est toutefois suffisamment distrayante pour nous faire oublier la future menace qui va se présenter à nos quatre personnages principaux promise dans le résumé du film. Nos deux frangins kidnappeurs et leur imbécile de complice semblent si mal à l’aise et maladroits dans leur façon de gérer la situation que certaines séquences sont hilarantes. Entre gaffes énormes de la part du frérot binoclard et étourderies du copain complice, on s’amuse à de nombreuses reprises, d’autant plus que l’otage n’est pas ce qu’il y a de plus calme et docile ! (Attention aux coups de boules !)

La seconde partie quant à elle est clairement différente de la première d’un point de vue atmosphère. En effet, même si le film continue d’amuser la galerie avec ses quelques situations ridicules, voire même parfois grand-guignolesques, un basculement radical a été opéré en termes d’ambiance : plus glauque et inquiétante, cette seconde moitié de Bienvenue au Cottage nous plonge dans un univers bien plus sombre. Le survival prend alors rapidement le dessus, nous invitant dans un jeu du chat et de la souris dans des endroits peu hospitaliers (vieille grange, ferme abandonnée, sous-sol lugubre et autres sinistres forêts) avec pour menace un terrifiant personnage doté d’une force surhumaine et atrocement défiguré qui va mener la vie dure à nos chers amis.

Quelque soit la partie considérée, on appréciera en tout cas que le rythme soit toujours fort bien maintenu, grâce notamment à un humour omniprésent, des rebondissements bienvenus et des courses-poursuites haletantes en compagnie de notre monstre. Certes, le film se permet de temps à autres quelques clichés volontaires et deux-trois clins d’œil au cinéma de genre (on pense forcément à Evil Dead avec la fameuse trappe par exemple) mais ce n’est assurément que pour mieux captiver son public.

Concernant le casting, là aussi nous ne sommes pas en reste avec une galerie de personnages divers et variés. Les deux frangins kidnappeurs totalement opposés : l’un est calme et réfléchi tandis que l’autre n’est ni plus ni moins qu’un boulet ! Leur complice est totalement dépassé par les événements et l’otage qui s’avère être une vraie peste ! Bref, un condensé de bonheur et d’éclate qui ne manquera pas de vous faire rire ! A noter, et cela est assez rare de nos jours, que le film propose une VF satisfaisante (même si on préférera toutefois regarder le film en VOSTFR).

Du côté des effets spéciaux, à la manière d’un The Butcher, les quelques scènes sanglantes fort réussies sont originales et prêtent parfois à rire. Les maquillages et autres prothèses faciales utilisés pour confectionner notre monstre difforme sont également de très bonne facture et ne manqueront pas de vous faire frissonner lors de la première vision de ce dernier.

Enfin, la musique elle aussi est l’un des ingrédients non négligeable du film de Paul Andrew Williams. Très cartoon dans la première moitié du long-métrage, cette dernière devient plus sérieuse et inquiétante dans la seconde partie, alors que nous découvrons ce que sera le terrain de chasse de notre monstre.

Au final, Bienvenue au Cottage est une très bonne surprise. Pour ma part dans le haut du panier du registre des comédies horrifiques, ce film british saura vous divertir de part ses situations gags, ses personnages drôles et idiots à la fois et sa partie survival haletante et gore par moments. Un petit bijou à découvrir si ce n’est déjà fait !


Titre français : Bienvenue au Cottage
Titre original : The Cottage
Réalisateur : Paul Andrew Williams
Scénariste : Paul Andrew Williams
Musique Laura Rossi
Année : 2008 / Pays : Angleterre
Genre : comédie horrifique
Interdiction : -12 ans
Avec Andy Serkis, Reece Shearsmith, Steven O’Donnell, Jennifer Ellison...





David MAURICE

LE BATEAU DE LA MORT (1980)

 

Titre français : Le Bateau de la Mort
Titre original : Death Ship
Titre alternatif : Cauchemar Nazi
Réalisateur : Alvin Rakoff
Scénariste : John Robins
Musique : Ivor Slaney
Année : 1980
Pays : Angleterre, Canada
Genre : Fantômes et spectres
Interdiction : -12 ans
Avec George Kennedy, Richard Crenna, Nick Mancuso, Victoria Burgoyne...


L'HISTOIRE Le capitaine Ashland et son équipage effectue son dernier voyage aux commandes d'un paquebot de croisière, l'heure de la retraite ayant sonnée. Alors qu'il s'en va participer à contre-cœur à la fête des passagers, son second vient l'avertir qu'un navire fonce droit sur eux. Le capitaine ne peut éviter la collision et le paquebot sombre aux fond des eaux. Seul neuf passagers survivent au drame, dont la capitaine Ashland, l'officier Trevor Marshall, la femme et les deux enfants de ce dernier ainsi que Lori, Sylvia et deux membres de l'équipage. Ils parviennent à se hisser sur le navire qui les a percuté. Ils découvrent qu'il n'y a pas âme qui vive sur ce bateau d'apparence ancienne. Pourtant, ce dernier se met en marche et des incidents mortels commencent à avoir lieu. Les rescapés doivent se rendre à l'évidence : les histoires de vaisseau fantôme ne sont pas un simple mythe et ce bateau cache un terrible secret, hérité de la seconde guerre mondiale...


MON AVISAvec sa superbe affiche qui fît rêver bon nombre de personnes ayant vécu la période bénie des vidéoclubs, Le Bateau de la Mort possède une certaine aura parmi la communauté des aficionados du cinéma fantastique, surtout chez ceux qui ne l'ont pas vu d'ailleurs ! Réalisé en 1980 par Alvin Rakoff, metteur en scène spécialisé dans les épisodes de séries-télévisées et totalement novice dans le genre fantastique / horreur, Le Bateau de la Mort est un petit budget dont l'histoire a été imaginée par Jack Hill (scénariste de The Terror, Spider Baby, The Big Bird Cage, Coffy, Foxy Brown...) puis scénarisée par John Robins

Pour donner un cachet à son film, Alvin Rakoff fait appel à plusieurs acteurs dont la carrière ne brille plus vraiment, à l'image de George Kennedy, Richard Crenna (qui relancera sa carrière deux ans plus tard avec le personnage du colonel Trautman bien sûr), Nick Mancuso, Sally Ann Howes ou Kate Reid par exemple. Des têtes bien connues du public, qui se retrouvent donc prises au piège dans un bateau vivant ! Le début du film nous fait irrémédiablement penser à la série La Croisière s'amuse (si, si) avant de bifurquer vers l'épouvante une fois le bateau fantôme entrant en scène et envoyant par les fonds le paquebot de croisière. 

L'ambiance se fait plus pesante et le look du bateau fantôme, vieux et décrépi, fait son petit effet quand il apparaît juste derrière le canot de sauvetage contenant les rescapés. Une fois montés à bord de ce navire peu accueillant, ces derniers vont vite s'apercevoir que quelque chose cloche : personne à l'horizon, de la poussière et des toiles d'araignées à foison, l'eau des robinets à une couleur rouille, bref, ça sent le bateau abandonné et pourtant, il avance ! La salle des machines nous est montrée à l'écran à de nombreuses reprises, avec ces roulements et ces pistons qui fonctionnent à plein régime, sans aucune intervention humaine ! Bruits étranges, cliquetis, voix spectrales en allemand et incidents se mettent alors à avoir lieu, ce qui permet au réalisateur de distiller ses effets et d'instaurer une atmosphère lugubre assez réussie mais qui ne va malheureusement pas empêcher le film de tourner en rond. 

En effet, Le Bateau de la Mort devient un huis-clos mais aussi un film de couloir (bah oui, on est dans un navire en pleine mer hein), l'impression que l'histoire ne progresse pas énormément s'empare de nous, tout comme une certaine lassitude à voir et revoir ces plans de la salle des machines. De plus, les personnages sont à peine esquissés et on ne s'intéresse franchement pas à eux, si bien que lorsque la mort frappe, on s'en fout un peu. Toutefois, les acteurs semblent assez investit pour la plupart, surtout Richard Crenna, qui court partout pour trouver une échappatoire, et la jolie Victoria Burgoyne qui nous offrira la meilleure scène du film : voulant prendre une douche, elle se retrouve nue (un bon point pour le film !) et se voit arroser de la tête au pied avec du sang qui s'échappe du pommeau de douche. L'actrice gigote dans tous les sens et hurle tout ce qu'elle peut, la porte de la cabine de douche restant inlassablement fermée. Elle connaîtra juste après une fin peu enviable. 

Les autres manifestations mortelles, façon Destination Finale avec vingt ans d'avance, sont également assez sympathiques, voire même cruelles et sadiques comme ce pauvre homme attaché par les pieds à un cordage lui-même relié à un système de poulie et qui va être lentement plongé tête la première dans la mer ! Sympa comme torture non ? 

Plus le film avance, plus le capitaine interprété par George Kennedy semble sombrer dans la folie, le bateau voulant apparemment qu'il devienne le nouveau chef de bord. Une idée déjà vue mais avec le contexte nazi, ça marche pas trop mal, dommage que l'acteur se contente de faire une tête bizarre et ne se soit pas plus impliqué dans le rôle. Rassurez-vous, je ne vous dévoile en rien un pot-aux-roses, on le sait depuis belle lurette que le bateau est un ancien navire nazi qui écumait les mers dans les années 40. C'est d'ailleurs ce contexte qui fait tout le sel du film et lui donne son intérêt. 

La découverte d'une caméra projetant des images de défilés nazis, d'un poste radio diffusant de vieilles chansons militaires allemandes, d'une salle entièrement dédiée à la gloire d'Adolf Hitler, d'une chambre froide contenant les cadavres de prisonniers pendus au croc de boucher ou d'une cale dont le filet est rempli de squelettes, dont on imagine qu'ils ont été victimes des expériences morbides des officiers nazis, augmentent l'aspect malsain du film et rehaussent notre attention et notre attrait pour cette petite production au rythme peu enlevé et à la mise en scène assez passive. 

Très honnêtement, Le Bateau de la Mort n'est pas dénué d'intérêt mais son côté un peu cheap fait qu'à mon avis, il était déjà daté en 1980 ! De plus, il a un rendu très téléfilm et je pense qu'il aurait bien mieux fait d'en être un, on aurait pu le ranger à côté du classique Le Triangle du Diable de Sutton Roley, avec lequel il partage pas mal de point commun en terme de mise en scène et de rendu. A noter que Le Vaisseau de l'Angoisse est un pseudo-remake de ce film, en plus grand-guignolesque et spectaculaire.




Stéphane ERBISTI

BERBERIAN SOUND STUDIO (2012)

 

Titre français : Berberian Sound Studio
Titre original : Berberian Sound Studio
Réalisateur : Peter Strickland
Scénariste : Peter Strickland
Musique Broadcast
Année : 2012
Pays : Angleterre, Allemagne, Australie
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec Toby Jones, Antonio Mancino, Guido Adorni, Susanna Cappellaro...


L'HISTOIRE : Nous sommes dans les années 70 et le cinéma de genre transalpin bat alors son plein. Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus minables d’Italie. Là, arrive Gilderoy, un ingénieur du son naïf et timide tout droit débarqué d'Angleterre. Il est alors chargé d'orchestrer la bande-son du dernier film de Santini, un maître de l'horreur local. Laissant derrière lui les documentaires britanniques et leur ambiance paisible, Gilderoy se retrouve petit à petit plongé dans l'univers inconnu des films d'exploitation italiens. A mesure que les actrices se succèdent pour enregistrer des cris tous aussi stridents les uns que les autres, ses relations avec les membres de l’équipe et certains bureaucrates peu conciliants commencent à décliner. Très vite alors, son nouveau cadre de travail va se transformer, à l’image des films dont il mixe la bande sonore, en véritable cauchemar…


MON AVISL’histoire de Berberian Sound Studio débute de manière plutôt prometteuse et originale en nous montrant cet ingénieur du son / bruiteur qui se retrouve parachuté, pour des raisons professionnelles, de son Angleterre natale vers un studio italien spécialisé dans l’illustration sonore de films bis allant du Z bien gore aux bandes érotiques soft. Très vite, Gilderoy sera confronté à une certaine hostilité de la part des gens l’entourant. Les actrices grinçantes se succédant souvent semblent l’ignorer, les techniciens locaux aux méthodes archaïques le regardent bizarrement, le réalisateur et le producteur sont exigeants quant à leurs demandes et les bureaucrates sont très peu arrangeants puisqu’il doit courir par monts et par vaux afin de se faire rembourser son billet d’avion. Pris dans un milieu inamical, Gilderoy va dans un premier temps se réfugier dans son travail et dans la lecture des lettres adressées par sa mère lui parlant de son pays d’origine, mais très vite, il va devoir faire face à la peur suscitée par les films dont il assure la sonorisation et ses propres démons. 

Au vu de ce résumé alléchant, ce second long-métrage signé Peter Strickland (connu pour Katalin Varga) pouvait être un clin d’œil aux films de genre pullulant dans les années soixante-dix et quasi tous en provenance d’Italie. Mais Berberian Sound Studio est autre chose : un métrage étonnant à plus d’un titre et qui ne le doit pas qu’à son pitch attrayant. On s’attend à un film d’horreur classique et on se retrouve finalement face à une œuvre cinématographique singulière qui ne laissera pas le spectateur indifférent, enfin ça dépend lequel... Ce film est tout d’abord un grand hommage au son. 

Peter Strickland en est un grand admirateur, le mettant toujours à l’honneur. Il a ainsi voulu que le son supplante l'image, que la suggestion remplace la démonstration et faire de son long-métrage une sorte de trip sensoriel. Là, Gilderoy travaille sur un film dont on ne voit pas une seule image. Le tour de force ici, c’est que le spectateur apprend à se passer du film mixé, de ses images (mais on comprend facilement qu’il s’agit de scènes gore et violentes), celles-ci passant au second plan, derrière les scènes où apparaît Gilderoy en train de travailler sur des bruitages ou de faire des montages. C’était donc un pari osé de la part du réalisateur de faire du son l’élément essentiel de son métrage. On peut donc dire que c’est une gageure réussie puisque l’on comprend chaque scène enregistrée uniquement grâce à la force du son, ayant ici une importance capitale, comme dans Blow Out, petit bijou signé par un certain Brian de Palma. Notons d’ailleurs que la bande-son est un chef-d'œuvre concocté par la regrettée Trish Keenan et James Cargill, son acolyte de Broadcast, qui parviennent à installer une ambiance malsaine, anxiogène propre à ce genre de cinéma d'exploitation.

Berberian Sound Studio est également un hommage aux gialli des seventies et plus particulièrement à Dario Argento, le maître en la matière. En effet, les mouvements de caméra sont très stylisés, la bande-son angoissante au possible, les couleurs criardes, quasiment tout y est sauf les scènes excessivement gore. Strickland ayant, comme on l’a dit précédemment, voulu axer entièrement son film sur le son et donc aussi sur le spectacle visuel par une mise en scène très esthétique…mais sans le sang ! Les fans du réalisateur de Suspiria pourront alors y découvrir, avec un certain plaisir, la face cachée d’un film qui aurait presque pu être de lui (du moins au début) tout en profitant d’une atmosphère glauque de giallo à la différence près c’est qu’ici on entend tout mais on ne voit rien. Le physique peu commun de Tobey Jones et certains cadrages bien sentis participent également à donner un charme désuet à cet objet cinéphilique qui, de par son concept original, ne se limitera qu’à un public très limité.

D'une certaine façon, Berberian Sound Studio peut se voir comme un documentaire sur les coulisses du cinéma d'exploitation italien des années 70, en particulier dans le domaine des bandes-sons réalisées de façon artisanale, notamment avec son massacre de légumes tel qu’on n’en a jamais vu sur les écrans. De l'horreur, des cris de scream queens déchaînées et de la sauce tomate : cette reconstitution version baroque est une véritable preuve d’amour d’un cinéma qui a connu son heure de gloire il y a près de quarante ans désormais. Farce sonore au détriment d'une surenchère de gore et d’effusions sanguines disproportionnées, cet objet inclassable est une incontestable mise en abyme sur les dessous du cinéma dit bis, sur ce que l’on ne montre pas, loin des clichés des productions actuelles par trop standardisées et remakées à outrance.

Malheureusement, le scénario ne suit aucune intrigue précise, ou bien celle-ci n'est pas assez creusée, alors qu’aucun rebondissement notable n'apporte un quelconque rythme au film. De plus, la redondance de scènes quasi identiques pourra également paraître gênante et donner l’impression que tout ça tourne très vite en rond. Pis, non content d’un script sans consistance, le scénariste (aussi réalisateur pour le coup) nous fabrique un retournement à la David Lynch pour le moins déroutant, voire ridicule pour certains. Il est totalement insignifiant et laisse surtout à penser que Strickland et son équipe ne savaient pas comment conclure ! Quel dommage car tout était en place pour que le mystère évolue vers quelque chose de grandiose, mais après une première moitié plutôt sympathique, le métrage semble se répéter et surtout la fin vire au surréalisme le plus incompréhensible qui soit, transformant l'ensemble en un film biscornu et énigmatique. On sent alors un grand vide dans le scénario nous donnant le sentiment que le réalisateur n'a pas su choisir entre un long-métrage expérimental pur et un giallo modernisé. Bref, du beau ratage, ce qui est d’autant plus rageant au vu du matériau d’origine et de ses qualités énumérées préalablement !

Film en dehors des conventions cinématographiques habituelles nous montrant l'histoire de la postproduction sonore d'un métrage, Berberian Sound Studio (devant son nom à une certaine Cathy Berberian mariée à Luciano Berio, un des grands pionniers de la musique électro-acoustique) nous offre un long-métrage visuellement maîtrisé doublé d’une bande-son aussi surprenante que pénétrante. Mais voilà, les scènes ont tendance à se répéter dès la moitié du métrage et surtout, un basculement final ridicule dans les dernières minutes vient plomber ce film hommage en lui ôtant tout semblant de logique. 

Au final, Berberian Sound Studio ne remplit pas toutes ses promesses initiales, malgré la présence de Toby Jones, acteur atypique et convaincant en personnage anxieux, peu sûr de lui et rongé par le doute. Le projet ambitieux de faire peur uniquement par le son ne réussit ainsi pas complètement et ce qui se voulait représenter un exercice de style jubilatoire sur le monde du cinéma s’avère n’être, au final, qu’un pétard mouillé pseudo intello. Mieux vaut alors voir ou revoir Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, dans lequel l'hommage aux gialli d’antan est bien rendu et ce, sans effet de style superflu.




Vincent DUMENIL

BENNY T'AIME TRÈS FORT (2019)

 

Titre français : Benny t'aime très fort
Titre original : Benny loves You
Réalisateur : Karl Holt
Scénariste : Karl Holt
Musique Karl Holt
Année : 2019
Pays : Angleterre
Genre : Jouet meurtrier
Interdiction : -12 ans
Avec Claire Cartwright, George Collie, Darren Benedict, Anthony Styles...


L'HISTOIRE Alors qu’il vivait jusque là avec ses parents, Jack se retrouve soudain seul suite à leurs décès et décide enfin de tourner la page, quitter cette vie d’éternel adolescent dans laquelle il s’était enfermé. A 36 ans, il est en effet temps de se séparer de ses vieux jouets et surtout de ses vieux doudous d’enfance, dont un certain Benny que sa mère lui avait offert étant jeune pour le protéger de ses cauchemars nocturnes. Mais, contre toute attente, ce fameux Benny va prendre vie et continuer d’aider son ami : armé d’un couteau, il va s’en prendre à tous ceux qui n’apprécient pas son grand copain Jack…


MON AVIS Après avoir réalisé en 2006 un court-métrage intitulé Eddie loves you qui mettait en scène un jouet tueur, Karl Holt décide de se lancer sept ans plus dans le long-métrage avec Benny loves you, renommé chez nous Benny t’aime très fort.

Un long-métrage qui est passé par quelques sympathiques festivals tels que Sitges, Frightfest mais également notre cher Festival de l’Alpe d’Huez en 2021. Car peut-être ne le savez-vous pas pour ce dernier mais chaque année les festivaliers sont invités à découvrir une comédie d’horreur durant ce qui est appelé la séance de minuit et cette année c’était Karl Holt qui était choisi pour amuser et faire frissonner le public. Et ce que l’on peut dire c’est que notre homme porte le film sur ses épaules : à la fois producteur, scénariste, monteur et réalisateur, ce dernier y joue également le rôle principal (Jack) et signe les effets spéciaux et la musique du film. Et quand nous voyons le résultat final, nous pouvons dire qu’il s’agit là d’un beau défi relevé. Sans être exceptionnel et dépourvu de défauts, ce dernier s’avère très plaisant à visionner comme nous allons le voir dans ces quelques paragraphes qui suivent.

Impossible de ne pas penser à des films tels que Ted, Chucky ou autres Dolls et Puppet Master quand nous regardons Benny t’aime très fort, même si nous relevons de très nombreux autres clins d’œil : Les Griffes de la Nuit, Matrix, Evil Dead, Gremlins ou encore Toy Story 3 et Maman j’ai raté l’avion. La catégorie que nous appelons chez horreur.com jouet meurtrier comporte en effet son petit lot de bonnes surprises et le film de Karl Holt ne déroge pas à la règle. Amusements et frissons au programme, voici ce que réserve ce Benny t'aime très fort. Avec ses personnages un brin décalés pour la plupart, son personnage principal qui se donne enfin une vie d’adulte à 36 ans et bien évidemment notre cher Benny, nous n’avons pas le temps de nous ennuyer devant ce petit film au rythme de bonne facture et à l’humour bien présent et faisant très souvent mouche.

Du côté des personnages, comment ne pas s’amuser devant ce duo de policiers totalement barré qui semblent bien plus intéressés par les petits gâteaux crémeux au fond du meuble mural de la cuisine de Jack que par ce qui motive chacune de leurs visites. Des représentants des forces de l’ordre aux dialogues bêtes au possible mais tellement savoureux que nous ne pouvons nous empêcher de sourire à la moindre de leur apparition, certains que nous allons de nouveau avoir droit à de petits moments de débilité bienvenus. Mais ce n’est pas tout bien évidemment, à ces deux personnages décalés vous pourrez rajouter un banquier aussi tordu que profiteur, un collègue totalement perché et fan incontesté de Prince qui saura également bien vous faire marrer avec ses mimiques, ou encore un patron peu sympathique mais amoureux fou de son chien (forcément il va lui arriver quelque chose, on le devine aisément, à la manière d’un Mary à tout prix mais à la sauce gore) et quelque peu gaga quand il se retrouve avec ses filles.

Face à tous ces personnages hauts en couleur, nous retrouvons ce cher Jack, en proie à toutes ces personnes qui lui mènent la vie dure. Un banquier qui le ruine, un patron qui le rétrograde et un collègue qui s’avère être un concurrent déloyal : il en faut peu pour Benny qui s’est donné pour mission d’aider son ami et donc de se débarrasser de toutes ces menaces. Et même si cela facilitait la vie de Jack au départ, cette accumulation de cadavres va commencer à être un sacré problème pour notre malheureux éternel ado en pleine reconversion qui va devoir à présent affronter des policiers qui lui tournent de plus en plus autour tout en cachant la cruelle vérité à cette belle femme qui lui fait de l’œil depuis quelques temps. Le problème est qu’outre le fait d’aider son ami en dézinguant ses ennemis, Benny veut également retrouver sa place de numéro 1 dans le cœur de Jack, lui qui avait été jeté à la poubelle en début de long-métrage. Et le voilà donc, comme nous pouvions nous y attendre alors, en compétition avec cette belle collègue de travail qui tourne autour de son meilleur ami…

Comment parler de Benny t’aime très fort sans dire un mot de notre star du film ? Avec ses gros yeux ronds donnant un air d’ahuri, Benny a tout de la peluche sympathique et rigolote à la fois. Sa façon de déambuler (des effets spéciaux quelque peu loupés mais cela donne un ton comique bienvenu), ses tadaaaam après chaque meurtre perpétré ou encore ses sauts à répétition façon ninja amusent beaucoup la galerie quand ce dernier ne décide pas de faire gicler l’hémoglobine sur la caméra. Car oui, derrière cette image juvénile et sympathique que dégage Benny se cache un véritable tueur sans pitié ! Coups de couteau en pagaille, éviscérations, décapitation, empalement avec le piquet du panneau Maison à vendre, égorgements, veines tailladées… Notre ami-peluche ne fait pas dans la dentelle, massacre humains comme animaux et nous offrira même une tuerie de masse assez jubilatoire il faut l’avouer. Dans les meilleurs moments du film, je retiens notamment cette scène dans laquelle Jack découvre toutes ses peluches tuées, Benny les ayant décapitées ou simplement abîmées tout en les aspergeant de spaghettis à la bolognaise pour donner l’impression de viscères et autres abats extirpés ! Sans oublier un de ses jouets préférés qui finit dans l’eau bouillante…

Alors oui, nous pourrions reprocher pas mal de petites chose à Benny t’aime très fort, à commencer par quelques effets spéciaux fort moyens, budget oblige. Certains effets numériques sont moins bons que d’autres, comme lors de cette bagarre entre Benny et un robot qui s’avère un brin trop longue. D’ailleurs le final vire un peu trop au grand n’importe quoi alors que l’humour était mieux distillé jusque là.  Le petit côté Maman j’ai raté l’avion,,avec confection des pièges contre Benny est un peu le truc de trop également qui pourra déplaire à certains. Mais n’allons pas bouder notre plaisir, les défauts sont toutefois mineurs et ne gênent en rien la bonne lecture du film et surtout le plaisir procuré quand nous le visionnons.

Alors oui, Benny t’aime très fort sera probablement oublié dans quelques mois / années mais nous avons vu là un film au capital sympathie indéniable. Drôle, gore et dynamique, le film de Karl Holt est une belle prouesse pour cet homme qui a presque tout fait sur son long-métrage. Un film que je recommande sans grande hésitation. Ah oui, restez jusqu’au bout du générique de fin pour découvrir ce qu’est devenu un personnage dont nous avions perdu la trace pendant le film...




David MAURICE