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BLANCHE NEIGE : LE PLUS HORRIBLE DES CONTES (1997)

 


L'HISTOIRE : Des cheveux aussi noirs que l'ébène, une peau blanche comme de la neige, des lèvres aussi rouges que le sang…Vous connaissez la suite ! En tout cas plus ou moins. Enceinte de celle qu'elle avait hâte de surnommer blanche-neige, Lady Lilliana Hoffman meurt dans un accident de carrosse, ce qui ne l'empêchera pas d'accoucher d'une adorable enfant. Son mari s'occupe alors de sa fille, seul durant de longues années, jusqu'au jour ou il prend une nouvelle épouse, l'élégante et mystérieuse Lady Claudia. La petite subit alors ce remariage comme un affront et voit du mauvais œil sa marâtre, qui semble cacher de bien lourd secrets…


MON AVIS : Il est bon de rappeler que l'on se plaît à raconter les contes de Grimm à nos chères têtes blondes depuis des décennies alors que ceux-ci n'ont finalement rien de très innocents. Bien que le rythme souvent alerte, une certaine naïveté, et une grande part de féerie prédomine, les visions effroyables, elles, ne manquent pas. L'on sera surpris d'apprendre par exemple que le supplice du tonneau aperçu dans 2000 Maniacs faisait déjà ses premières armes dans l'un des innombrables contes des frères Grimm !

Dommage donc que ces récits merveilleux et cruels furent édulcorés au cinéma par l'Empire Disney, et que les occasions de leur donner leur sens premier n'attire pas les foules. Neil Jordan adoptera cependant cet audacieux concept le temps de son splendide La Compagnie des Loups, pervertissant le conte de Perrault avec grand talent, tout comme le fera plus tard Jan Kounen dans son malsain et kitch Le Dernier Petit Chaperon Rouge. Et Grimm, ça n'intéresse personne ? Gilliam oui, livrant alors un blockbuster assez impersonnel mettant en scène les deux frangins. Mouais…

Il faut alors jeter un coup d'œil dans certains rayons de vidéos clubs en 1997 pour dénicher un petit bijou du genre, se vantant d'être la véritable histoire de Blanche Neige ; ce qui n'est pas tout à fait exact à la vue du résultat final.

L'inconnu Michael Cohn s'évertue non pas à respecter le conte, mais à le corrompre au point de rajouter des éléments nouveaux, assez séduisants avouons-le. On est donc assez loin des frasques kitchs de La Caverne de la Rose d'or, voire des excursions onirico-psychanalistes de La Compagnie des Loups ; Cohn livre là un sacré bon film d'aventure horrifique, assez unique en son genre il est vrai.

Ce Blanche Neige - le plus Horrible des Contes veut jouer dans la cour des gros budgets sans y arriver vraiment, (un soin visuel évident, deux stars en tête d'affiche) et déçoit un peu par son rythme hésitant, mais réserve tout de même de bonnes surprises ! La meilleure d'entre elles ? Sans aucun doute la prestation de Sigourney Weaver, pour une fois moins sage qu'à l'habitude. Contrairement au dessin animé de Disney par exemple, plus focalisé sur les facéties des sept nabots, le film de Cohn semble entièrement reposer sur la reine noire, figure ici plus ambiguë que chez Tonton Mickey.

Si on ne connaît rien au départ des intentions de Lady Claudia (c'est la petite Liliana qui, ô surprise, déclare la guerre), la mort de son enfant sera le déclic de son penchant pour le mal, avec intervention du miroir maléfique, crise de jalousie envers blanche-neige et tout le tintouin.

Personnage tourmenté mais déterminé, Lady Claudia s'adonne à toutes sortes de rites magiques jusque là inédits dans le conte (la spectaculaire chute des arbres), et les tentatives de meurtre via le peigne empoisonné ou le corsage ne sont finalement pas retenues (le coup de la pomme empoisonnée, légendaire, est bien présent évidemment). Si cela aurait été le cas, on aurait trouvé alors la jeune Liliana bien sotte, à force de faire entrer des inconnues dans la chaumière malgré les avertissements des nains !

Les nains, parlons-en justement : ceux là ont été évincés, remplacés alors par un groupe de brigands pas attachants pour un sou (l'un des sept est un nain cependant… mais on s'en fout), bien que Liliana trouvera l'amour parmi eux ; drôle de Prince Charmant !

Ce clash princesse/sales brigands renvoie alors à La Chair et le Sang, mais en moins hardcore et en moins intéressant… hélas.

Sam Neill, dont la filmo est finalement assez portée sur le fantastique, s'en tire avec les honneurs, face à une Sigourney Weaver lui en faisant voir de toutes les couleurs, la jeune femme s'adonnant ainsi au meurtre, à la magie noire, au fratricide, à l'adultère voire même à l'inceste ! Tout l'érotisme et la monstruosité du personnage trouve grâce à travers le film de Cohn, au point que la charmante Monica Keena devient transparente, bouffée toute crue par le monstre Weaver. Eh ouais…



Titre français : Blanche Neige - le plus Horrible des Contes
Titre original : Snow White - a Tale of Terror
Réalisateur : Michael Cohn
Scénariste : Tom Szollosi, Deborah Serra
Musique : John Ottman
Année : 1997 / Pays : Usa
Genre : Sorcellerie, conte horrifique / Interdiction : -12 ans
Avec Sigourney Weaver, Sam Neill, Gil Bellows, Taryn Davis, Brian Glover, 
David Conrad, Monica Keena...




Jérémie MARCHETTI

BLAIR WITCH 2 - LE LIVRE DES OMBRES (2000)

 


L'HISTOIRE : Jeff Donovan, originaire de Burkittsville, est depuis toujours obsédé par la légende de la sorcière de Blair. A l'âge de 17 ans, il surprend ses amis et sa famille en kidnappant un enfant et en l'emmenant au plus profond de la forêt des Collines noires. Capturé, il refuse d'expliquer ses actions, affirmant simplement que des voix l'ont contraint à le faire. Il passe les quatre années suivantes dans un hôpital psychiatrique avant d'être apte à être réinséré dans la société. En juin 2000, il conduit un groupe de touristes dans les Collines noires...


MON AVIS : Blair Witch 2 se présente dès le début comme un documentaire sur les terribles événements qui se seraient réellement déroulés à Maryland. Le message, clairement affiché dès l'ouverture du film, explique que les images qui vont suivre sont tirées d'un documentaire fait par la télévision locale et que certains noms ont été changés pour protéger leur anonymat. De même, on a droit à des interviews et à une sorte de journal télévisé où les personnages argumentent en défaveur du film Le Projet Blair Witch, expliquant que les événements montrés ne se sont jamais déroulés. Tout est mis en œuvre pour que le spectateur pense que cette histoire de sorcière n'est que pure fiction et que ce qui va suivre n'est que la stricte réalité. Hélas, la sauce ne prend plus.

Le film s'ouvre sur la musique Disposable Teens de Marilyn Manson avec un plan aérien montrant la forêt de Blair avec quelques images rapides de meurtres. Le ton est donné : Blair Witch 2 sera beaucoup plus vivant que son prédécesseur. Le film ne se déroule plus via la caméra d'un des protagonistes mais intègre quelques moments où on les suit par ce moyen. Tout se déroule très rapidement : le décor est planté, l'histoire est explicitée, il ne reste plus qu'à suivre les personnages à la recherche de la fameuse sorcière et on assiste très vite à la première scène qui sème le doute. Après une bonne nuit de sommeil, installés dans la forêt, les personnages drôlement bien équipés (caméra infrarouge et autres attirails sophistiqués) retrouvent leur matériel cassé. Il en est de même pour leurs travaux qu'ils avaient rédigés et qu'ils découvrent en morceaux. La tension monte, les accusations fusent mais la médium du groupe, une gothique, visualise l'endroit où se trouvent les enregistrements. Ils n'ont plus qu'à les chercher et découvrir ce qu'il s'est déroulé durant cette nuit…

Autant le dire : les détracteurs du Projet Blair Witch préféreront sûrement cette suite qui ne joue que par moments sur le côté amateur. Blair Witch 2 est largement plus sanglant (pendaison, éventration), beaucoup plus rythmé et met en scène des personnages confrontés à des hallucinations (ou est-ce la réalité ?). Ce choix marque la différence qui sépare les deux films bien qu'ils soient inextricablement liés. Et même si certaines scènes sont très prévisibles, elles restent tout de même formidablement efficaces et vous vous surprendrez même à sursauter en sachant pertinemment ce qu'il va se passer. Tout n'est pas montré (mis à part les apparitions assez terrifiantes qui font penser à Regan pour ses mouvements saccadés dans L'Exorciste) et le film laisse quand même une place à l'imagination.

Mais cette suite a tout de même quelques points négatifs. Par exemple, les allusions incessantes à Projet Blair Witch deviennent pénibles et ennuyeuses. Les réalisateurs voulant à tout prix nous montrer que cette fois-ci le film est bien réel, nous avons le droit à des dialogues, objets ou blagues tournant autour du premier volet. Ces insinuations cherchent avant tout à mettre en valeur le Projet Blair Witch pour le placer au même rang que Scream et des meurtres perpétrés à la suite de son visionnage. De même, de la publicité pour le site eBay et pour quelques produits américains sont faites.

Blair Witch 2 est donc une bonne surprise, bien qu'il soit assez prévisible sur certains points. Cette suite est totalement différente du premier opus ce qui ravira, ou au contraire, déplaira.


Titre français : Blair Witch 2 - Le Livre des Ombres
Titre original : Blair Witch 2 - Book of Shadows
Réalisateur : Joe Berlinger
Scénariste : Dick Beebe, Joe Berlinger
Musique : Carter Burwell
Année : 2000 / Pays : Usa
Genre : Sorcellerie / Interdiction : -12 ans
Avec Kim Director, Jeffrey Donovan, Erica Leerhsen, Tristine Skyler, Stephen Barker...




Yann Le Biez

BLACK DEATH (2010)

 


L'HISTOIRE : 1348 : la peste noire frappe l'Europe toute entière, dévaste les villes et les campagnes, laissant derrière elle des montagnes de corps endoloris et putréfiés. Un jeune moine, Osmund, soupçonné d'être malade, profite du chaos pour aider sa bien-aimée à fuir le village. Pour la rejoindre, il intègre une escouade de guerriers au service de Dieu, qu'il est chargé de conduire dans un village perdu dans les marécages. Celui-ci, curieusement épargné par la peste, serait ainsi le lieu de cérémonies macabres et de pratiques magiques, organisées par de mystérieux nécromanciens...


MON AVIS A présent chef de file (avec Neil Marshall et Michael J.Basset) d'un cinéma anglais aussi enragé qu'un punk de la belle époque, Christopher Smith se voit aligner les séries B toutes plus malignes les unes que les autres, jamais esclave d'un quelconque sous-genre. Il faudra malheureusement souligner la distribution désastreuse de son Triangle, trip maritime digne d'un épisode de La Quatrième Dimension, après les passages remarqués de Creep (finalement bien meilleur que son comparse Midnight Meat Train) et de Severance.

Avec Black Death, il ne fait que souligner davantage le réveil d'une dark-fantasy jusque là assoupie : voilà que ce succède des titres plus ou moins encourageants tels que 300, Solomon Kane, La Légende de Beowulf, Wolfhound, sans parler de la tournure adoptée par des sagas tels que Harry Potter ou Underworld. On abandonne volontiers le merveilleux pour des relectures plus guerrières et adultes des mondes féeriques d'autrefois : on ne rit plus ; les veines se gonflent, les regards s'assombrissent, les épées se salissent, on transpire, on saigne, on meurt. La barbarie a fait son grand retour dans la grande toile du septième art. Et ce n'est pas la tendance actuelle qui prétendra le contraire...

Cependant, si Black Death impressionne malgré tout, c'est plus dans son fond que dans sa forme : on ne pourra hélas pas beaucoup s'extasier sur le triste visuel du film, radical mais cheap, dû à une absence d'ampleur dans les décors et une caméra à l'épaule envahissante. Un petit budget prégnant, hélas...

Si l'assaut de ce village de nécromanciens aurait pu donner un grand film épique, il n'en est rien. Dans une logique déceptive, Christopher Smith macule son écran de boue et de chair sanguinolente tout en détournant son film de l'éventuelle image qu'on pouvait se figurer dès lors : pas de grandes batailles (mais les quelques prises de gueules sont tout de même salement gores), pas de sorcières ultra-sexy ou de sorciers infernaux, encore moins d'armée de morts-vivants en putréfaction. On aura vite fait de tirer la tronche sauf que le virage adopté n'a pas dit son dernier mot.

Il faut déjà saluer la toile de fond désespérée (déjà vu certes) choisie par Smith, à savoir une Europe sans dessus-dessous enchylosée par la grande peste et la terreur sourde qu'elle fait régner : ce ne serait ni plus ni moins que le châtiment de Dieu à entendre les badauds, les moines et les soldats parcourant ces charniers interminables, lointain reflet des paysages déjà bien marqués de La chair et le Sang et de Le Nom de la Rose. Plus que la déconfiture, c'est la décomposition généralisée, la mortification redoutable des êtres et des terres. Des âmes aussi.

Au même titre que la réaction des guerriers menés par le solide et rocailleux Sean Bean quand ceux-ci découvrent le village redouté, le spectateur se voit proposer un spectacle bien moins tapageur que prévu. La préoccupation de Smith n'était pas de tourner un film de zombies dans un contexte moyen-âgeux (vous n'en verrez pas de toute façon), mais plutôt une fable torturée et ultra-violente sur la religion et ses conséquences néfastes. La rencontre entre les soldats de Dieu (tous meurtris et meurtriers) et les païens (dirigés par la superbe Carice Van Houten, faussement diaphane et charismatique à souhait) fera donc plus d'une étincelle...

Le comic-book dégénéré désiré se mue en tragédie à la noirceur vertigineuse, portant durement sur ses épaules toutes les ténèbres qui imprègnent le décor de la première à la dernière image : sur le chemin, tout n'est que pêchés mal digérés, paysanne promise au bûcher, procession morbide et croyances démentes. 

Le tableau ne semble offrir aucun repentir, aucun espoir possible ; les hommes sont trompés par leurs blessures, et la religion se fait alors vecteur de maux sans noms ; parole assassine et toute puissante justifiant à tour de bras le mal qu'elle engendre, trouvant enfin le salut en éradiquant les hérétiques, hélas trop vite jugés. Un propos que Smith éludera dans un dernier acte ébouriffant de pessimisme (hallucinant Eddie Redmayne, déjà fort inquiétant en adolescent incestueux dans Savage Grace), faisant ainsi fi de tout manichéisme (les notions de bien et de mal voltigent au fil des tueries). Puissant, intelligent, et forcement moins bourrin que les carnages à l'écran le laissent penser. Et donc tout à fait surprenant.


Titre français : Black Death
Titre original : Black Death
Réalisateur : Christopher Smith
Scénariste Dario Poloni
Musique Christian Henson
Année : 2010 / Pays : Allemagne, Angleterre
Genre : sorcellerie / Interdiction : -12 ans
Avec Sean Bean, Carice van Houten, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon...





Jérémie MARCHETTI

BEATRICE CENCI - LIENS D'AMOUR ET DE SANG (1969)

 

Titre français : Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang
Titre original : Beatrice Cenci
Réalisateur : Lucio Fulci
Scénariste : Lucio Fulci, Roberto Gianviti
Musique Angelo Francesco Lavagnino, Silvano Spadaccino
Année : 1969
Pays : Italie
Genre : Sorcellerie, Inquisition
Interdiction : -16 ans
Avec Tomas Milian, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie, Antonio Casagrande...


L'HISTOIRE  À Rome en 1599, la jeune Béatrice attend dans une cellule le moment de son exécution. Son crime est d’avoir commandité l’assassinat de son père, Francesco Cenci, noble tyrannique et incestueux. La sentence provoque l’ire du peuple qui voit en la « Belle parricide » la martyre d’une société arrogante et hypocrite. Mais derrière l’icône se cache un personnage complexe qui a su manipuler les sentiments du serviteur Olimpio pour arriver à ses fins...


MON AVIS : Quand on évoque le nom de Lucio Fulci, on pense en premier lieu à ses nombreuses œuvres horrifiques, de L'Enfer des Zombies à Frayeurs, de L'Au-Delà à La Maison près du Cimetière entre autres, pour ne citer que les quatre plus célèbres. Les amateurs du réalisateur transalpin savent pourtant qu'il a touché à bien d'autre genre, tel la comédie, le western, le polar, l'heroic fantasy ou le film d'aventure par exemple. 

En 1969, il s'attaque même au drame historique, pour ce qui sera d'ailleurs son unique incursion dans ce genre, et réalise Beatrice Cenci, film à costumes qui mêle vérité et liberté historique, drame sordide, machination, amour destructeur et scènes de torture. A l'arrivée, un seul mot nous vient à l'esprit après visionnage du film : grandiose ! Sans contestation possible, on tient là le plus beau film de Lucio Fulci, avec La Maison près du Cimetière.

Connu en France sous le titre de Liens d'Amour et de SangBeatrice Cenci est une oeuvre maîtrisée, visuellement magnifique, et qui n’hésite pas à égratigner de façon frontale la religion et le Pape lui-même, ce qui valut d’ailleurs au film quelques petits soucis avec le Vatican lors de sa sortie. L’insuccès du film déprima profondément Lucio Fulci qui s’était investi à fond dans le projet, disant même que c'est le film qui lui tient le plus à cœur de toute sa filmographie. 

Relatant un fait divers ayant eu lieu au XVIème siècle et qui demeure toujours présent dans les esprits en Italie, le personnage de Beatrice étant devenu l'icône du féminisme suite à sa décapitation pour parricide, le film de Fulci est une oeuvre forte, chargée d’émotion et de scènes choc, puissantes. Le personnage de Francesco Cenci, interprété avec conviction par le français Georges Wilson (célèbre acteur, père de Lambert Wilson et réalisateur d'un unique film, La Vouivre en 1989) nous apparaît d’une cruauté sans égale, cupide, violent, se réjouissant de la mort de deux de ses fils car cela lui permet de ne plus dépenser d’argent pour eux, ou n’hésitant pas, sous l’emprise de l’alcool, de tenter d’avoir une relation sexuelle avec sa propre fille Béatrice. On comprend alors le désir morbide de cette jeune fille, qui se destine au couvent, à vouloir la mort de son paternel. Mais l’Inquisition, dans toute sa mauvaise foi, ne verra dans ce drame familial qu’un prétexte pour torturer et mettre à mort les membres de la famille Cenci, permettant alors à l’Église de récupérer toute la fortune et les biens amassés par Francesco Cenci. 

On comprend que le Vatican n’ait pas apprécié cette lourde charge de Lucio Fulci à son encontre, ce dernier étant pourtant croyant. Il n’hésite d’ailleurs pas à filmer de manière crue les tortures subies par le serviteur de Béatrice, personnage très bien interprété par Tomas Milian. Des séquences d’une rare intensité et superbement mises en scène, avec un souci de réalisme qui fait froid dans le dos. On n’est pas loin du terrible La Marque du Diable qui sortira l’année suivante. Mais plus que les attaques envers la religion et la soif d’argent et de pouvoir, Beatrice Cenci est avant tout un hymne à la condition féminine, une ode à la liberté des femmes, une attaque contre la patriarcat. Béatrice devient alors une sorte de martyr, ayant juste voulu s’échapper d’une vie qu’on a décidé pour elle, d'une vie placée sous le signe de la peur et de la violence, deux facteurs représentés par la figure du père. 

On peut trouver  hautaine et ingrate l'attitude de Beatrice face à son serviteur qui vient de se faire torturer et qui l'a aidé à mener à bien son parricide par amour, la jeune femme ne lui jetant jamais un seul regard quand elle quitte la salle d'audience. Une attitude qui montre que Beatrice a plusieurs facettes et que derrière son visage angélique peut se cacher un être froid et déterminé, voire même cruel, qui n'hésite pas à se montrer manipulatrice pour parvenir à ses fins. Impossible de ne pas mentionner son extraordinaire interprète, Adrienne Larussa, assurément l'une des plus belles actrices jamais vues sur un écran. 

Si l'entente entre l'actrice et son réalisateur n'était pas au beau fixe durant le tournage, Adrienne Larussa ayant tendance à se prendre pour une diva selon quelques autres acteurs (dont Mavie Bardanzellu qui joue la mère de Beatrice dans le film), impossible de rester insensible face à ce visage parfait, qui incarne tour à tour la détermination, l'abnégation, la peur, la haine, la souffrance. La jeune actrice américaine, qui n'a pas eu une grande carrière (on l'a vu dans Psychout for Murder en 69 ou dans L'Homme qui venait d'ailleurs en 76 par exemple, ainsi que dans des épisodes de séries-télévisées) s'en sort vraiment bien et irradie l'écran à chacune de ses apparitions. La musique de Angelo Francesco Lavagnino et Silvano Spadaccino accompagne merveilleusement bien les images et donne une touche poétique à des scènes pourtant bien cruelles. 

Sombre, âpre, très nihiliste et jusqu’au-boutiste, Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang est vraiment un film phare dans la filmographie de Fulci et il mérite réellement d'être reconnu en tant que tel.




Stéphane ERBISTI

AUX PORTES DE L'ENFER (1989)

 

Titre français : Aux Portes de l'Enfer
Titre original : The Ungodly
Réalisateur : Raphaël Nussbaum
Scénariste : Robert Earl Craft, Raphael Nussbaum
Musique : Gil Bottcher
Année : 1989
Pays : Usa
Genre : Sorcellerie
Interdiction : -12 ans
Avec Thomas McGowan, Jean Carol, Bernice Tamara Goor, Walter Kay...


L'HISTOIRE : Le révérend Jonah Johnson et sa femme Isabelle sont des prêcheurs évangélistes escrocs qui profitent de la naïveté de pauvres gens pour leur soutirer leur argent. Repérés par la police, ils sont interpellés en pleine réunion, mais parviennent à s’enfuir dans leur voiture. Ils quittent la Louisiane où ils étaient installés et se rendent à Los Angeles. Là, ils découvrent un vieux manoir abandonné très intriguant, au numéro 666 de la treizième rue. Mais les finances sont hélas trop maigres pour y habiter. Ils font la rencontre d’une vieille femme très riche, Lady Calagari, laquelle accepte de rénover la bâtisse en échange d’un marché : ils devront ériger un culte à la gloire de Satan. Le couple d’évangélistes se met au travail, préparant des cérémonies dans la cave où les curieux affluent. Dès lors, des événements surnaturels font leur apparition et des meurtres inexpliqués s’enchaînent. Le Diable semblerait bien avoir entendu l’appel…


MON AVISDistribué tardivement en vidéo, en 1991, ce qui explique que cette année soit souvent attribuée au film alors qu’il fut bien réalisé en 1989, Aux Portes de l’Enfer demeure une curiosité totale, doublée d’un nanar de choix. Dès le pré-générique, le spectateur ahuri se doute qu’il se trouve devant quelque chose de particulier. Le ton semble hésiter en permanence entre sérieux et humoristique (volontaire ou involontaire ?) et, lorsque le générique apparaît à l’écran, au bout de plus de vingt minutes, nous ignorons encore dans quoi nous allons plonger. Nous ne serons pas déçus !

Utilisant sans surprise le vieux cliché de la maison hantée par des esprits frappeurs et des démons surgis de l’au-delà, notre The Ungodly se démarque par sa compétence unique à faire n’importe quoi. Des ouvriers sont engagés pour nettoyer la cave : l’un d’eux utilise un râteau au lieu d’un balai ! Les faux évangélistes changent de cap et passent aux messes noires, lesquelles vont définitivement ancrer le métrage dans la folie furieuse. Un affreux Diable se montre devant nos yeux médusés (enfin, un bonhomme dans un costume miteux) et fait pipi avant de sauter par une fenêtre. Rassurez-vous, il reviendra, d’ailleurs, il orne fièrement la jaquette du film. Une petite fille fantôme au maquillage grossier, dont on voit clairement les limites au niveau du front, ainsi que diverses créatures faites de bric-à-brac vont alors se succéder à l’image, comme dans un train fantôme boiteux inutilisé depuis des décennies. Le spectacle, cocasse, ne peut laisser de marbre. Soit vous serez conquis par tant de délire ringard, soit vous serez tout simplement consternés par tant de bêtise. Les personnages sont caricaturaux au maximum, l’intrigue inexistante et sans le moindre enjeu ou rebondissement, sans parler des effets spéciaux consternants.

Et pourtant, il se dégage de ce petit nanar ultra Z un charme non négligeable, tant cet O.F.N.I. diffère de la production fantastique habituelle. Timidement gore, volontiers débile (la demoiselle qui voit son vœu exaucé, celui d’avoir des gros seins), parsemé de personnages azimutés (le gosse obèse complètement gaga qui se déguise toujours en super-héros), Aux portes de l’Enfer parvient sans mal à se hisser parmi les œuvres uniques et indispensables pour tout amateur de gros nanar qui sent bon. Certes, le rythme est parfois un poil trop lent, mais l’ensemble se suit avec plaisir, à condition de savoir à quoi l’on s’attend.

Inutile de chercher ici un quelconque talent ou même une quelconque démarche : la mise en scène semble nager en eaux troubles, ce qui ajoute à cet aspect particulier du film. L’humour est certes présent, mais le réalisateur semble vouloir malgré tout proposer des moments d’horreur au premier degré. Si les gags tombent souvent à plat, le spectateur riant plus volontiers de la dégaine des personnages, les passages impliquant les éléments surnaturels, certes peu aidés par des effets spéciaux lamentables, nous sont présentés sans réel recul humoristique. Le décalage est encore plus grand, plongeant le film dans une nouvelle dimension encore inexplorée.

Avec des moyens que l’on devine minuscules et sa propension à sublimer (Sans le vouloir) le n’importe quoi, cette pépite mérite une place de choix dans la vidéothèque des cinéphiles les plus déviants. Sorti en France en VHS chez Fox vidéo (ben oui, quand même, c’est le luxe) puis chez un autre éditeur pas trop identifié (avec une jaquette similaire), notre bon nanar est ressorti en DVD chez Cactus films (normal, ce film ne manque pas de piquant), avec un disque de bac à soldes qui ne propose même pas de menu. Il ne reste donc que le film en VF (monumentale), ce qui reste bien là l’essentiel...




Cédric PICHARD

L'ANTRE - LE FILM LE PLUS MEURTRIER JAMAIS RÉALISÉ (2018)

 

Titre français : L'Antre - le Film le plus Meurtrier jamais Réalisé
Titre original : Antrum - The Deadliest Film Ever Made
Réalisateur : David Amito, Michael Laicini
Scénariste : David Amito
Musique : Alicia Fricker
Année : 2018
Pays : Canada
Genre : Sorcellerie
Interdiction : /
Avec : Nicole Tompkins, Rowan Smyth, Dan Istrate, Circus-Szalewski...


L'HISTOIRE : Le film Antrum, réalisé en 1979, a provoqué des incidents lors de ses rares projections en public et même des décès de personnes qui ont osé le visionner. Réputé maudit et disparu depuis 20 ans, une copie a été retrouvé. Le film raconte l'histoire de Nathan, un jeune garçon perturbé par la mort de sa chienne Maxine, qu'il croit en Enfer. Pour mettre fin à ses cauchemars, sa grande sœur Oralee invente un subterfuge, lui faisant croire qu'ils vont tous les deux aller creuser à un endroit précis dans une forêt, afin d'ouvrir la porte de l'Enfer et sauver l'âme de Maxine. Mais peut-on jouer avec le Diable ?


MON AVISAh les Mockumentary ! Ces films ne nécessitant qu'un faible budget, tourné soit en mode found-footage ou de façon normale, et censé nous faire croire à des événements s'étant réellement déroulés, grâce à une mise en scène faisant très documentaire. On pense au Forgotten Silver de Peter Jackson pour l'un des plus célèbres exemples mais aussi à Cannibal Holocaust, La Rage du Démon et bien sûr à Le Projet Blair Witch entre autres, la liste étant bien trop longue pour tous les énumérer ici. En 2018, David Amito et Michael Laicini décident d'en réaliser un et leur mission sera de nous faire croire à l'existence d'un film réputé maudit, Antrum. Les premières minutes du film possèdent tous les ingrédients nécessaires à cette mission : images d'archives, interviews de personnes ayant eu connaissance de l'existence de ce film disparu et dont on a retrouvé une unique copie et j'en passe, le tout avec une voix-off nous présentant les diverses tragédies ayant suivi les très rares projections du film à l'époque, tel un cinéma de Budapest l'ayant diffusé et qui a totalement brûlé durant la projection ou des personnes ayant vu le film et qui sont décédés peu de temps après. S'ensuivent des recommandations pour nous, spectateurs qui allons donc regarder ce fameux Antrum resurgi après 20 années de disparition !

Des mises en garde plus précisément, concernant le potentiel pouvoir létal du film. Eh ben ! Ça promet non ? C'est donc partit pour la vision d'Antrum, qui possède un générique qu'on pense être en russe et qui daterait de 1979 selon le copyright. Pas de found-footage donc mais une réalisation normale, si ce n'est un grain de l'image plus prononcé pour faire croire qu'il s'agit bien d'une pellicule datant des années 70. L'histoire nous présente donc le jeune Nathan (Rowan Smyth), petit garçon qui ne trouve plus le sommeil suite au décès de sa chienne Maxine et au fait que sa mère lui ait dit qu'elle n'était pas au Paradis mais en Enfer car c'était une méchante chienne. Quelle conne celle-là ! Heureusement, sa grande sœur Oralee (Nicole Tompkins) comprend la détresse de son petit frère et va tenter de l'aider en lui faisant croire que la porte de l'Enfer se trouve dans la forêt avoisinante et qu'il faut ouvrir cette porte pour libérer l'âme de Maxine et l'envoyer au paradis. Oralee a tout prévu pour que Nathan y croit dur comme fer : recueil sataniste, pentagramme, statuettes ou idoles issues de diverses religions, incantation, rituel magique, tout l'attirail y passe, la force de la suggestion faisant le reste sur l'esprit du jeune garçon.

Les fans du Projet Blair Witch seront aux anges car on retrouve tous les éléments qui ont fait le succès de ce classique : forêt inquiétante, ombre furtive, présence d'inconnus possible, bruits divers renforçant le stress, scène de nuit éclairée à la lampe torche et événements curieux vont venir rythmer la mise en scène d'Oralee, qui se retrouve, elle aussi, prise à son propre jeu et sent monter la tension. Peut-on jouer impunément avec les forces occultes ? Comme dans Blair Witch, le rythme est très contemplatif, il ne se passe en fait pas grand chose, tout est basé sur l'ambiance et l'atmosphère. Pour dynamiser un peu le récit, les réalisateurs font intervenir deux rednecks qui possèdent un barbecue assez original puisqu'il est à la forme de Baphomet ! Des rednecks qui, si vous avez été attentif, ressemblent comme deux gouttes d'eau à un des dessins crées par Oralee, dessins qui montraient deux démons s'habiller avec une enveloppe humaine afin de tromper leur monde, enveloppe humaine qui correspond donc au deux rednecks précités ! Des rednecks satanistes qui plus est, dont l'un aime faire l'amour aux animaux morts (!), et qui sont adeptes de la cuisson d'humains dans leur barbecue ! Sympa !

Le périple de Nathan et d'Oralee prend donc une tournure inattendue et dangereuse pour le duo frère / sœur et on se demande comment tout ça va finir. Histoire d'en rajouter dans l'étrangeté des situations, les deux réalisateurs ont intégré dans Antrum des images subliminales ainsi que le sigil du démon Astaroth, qui apparaît sous forme de flash ultra-rapide plus de 170 fois au cours du film ! Bon, mais au final, est-ce qu'on a eu peur en regardant L'Antre : le film le plus meurtrier jamais réalisé ? Et surtout, est-ce qu'on a eu peur de la soit-disant malédiction ? Bah non. Ça reste bien foutu, légèrement stressant parfois, comme lorsqu'on passe la nuit en forêt en fait. C'est vraiment un clone de Blair Witch et si ce film n'est pas votre tasse de thé, alors L'Antre vous fera le même effet. Personnellement, je n'ai pas trouvé ça désagréable à regarder mais je ne m'en remettrai pas une seconde couche. C'est bien fait dans ce style précis en tout cas.




Stéphane ERBISTI

ALL CHEERLEADERS DIE (2015)

 

Titre français : All Cheerleaders Die
Titre original : All Cheerleaders Die
Réalisateur : Lucky McKee, Chris Sivertson
Scénariste Lucky McKee, Chris Sivertson
Musique : Mads Heldberg
Année : 2015
Pays : Usa
Genre : Sorcellerie
Interdiction : -12 ans
Avec Caitlin Stasey, Sianoa Smit-McPhee, Leigh Parker, Reanin Johannink...


L'HISTOIRE : Suite au décès tragique d’une des cheerleaders vedette, le lycée est sous le choc. Quelques temps après, Maddy, la jeune geekette du bahut, décide, au grand étonnement de tous, de rejoindre l’équipe des Pom Pom Girls. Après une intégration réussie, les choses commencent à tourner mal suite à un conflit entre les cheerleaders et les joueurs de football...


MON AVISAprès May et The Woman, Lucky McKee est de retour et semble avoir pris un virage vers le teen movie horrifique et léger après deux films matures et corsés. A l’aide de son acolyte de toujours, Chris Sivertson, ils ont décidé de relancer un de leur projet d’adolescents au travers de cette histoire de cheerleaders revenues de l’au-delà pour se venger des mâles goujats. Même si le ton est plus léger, McKee reste fidèle à sa passion pour les femmes fortes. Ici, les filles sont moins marginales ou sauvages que dans les précédents efforts du réalisateur mais elles sont toutes aussi déterminées et hargneuses. Sous couvert de féminisme non dissimulée, le duo de réalisateur nous livre une bande efficace et fun bien que souvent trop sage. Autant dans la réalisation que dans le scénario, le film ne transcende jamais le spectateur, cela ne veut pas dire que le tout manque d’originalité, loin de là. Plutôt qu’un slasher adolescent basique, ce que l’on nous propose aussi est un mélange de série pour ados, de comédie, de sorcellerie, de créatures de l’au-delà, de cannibalisme et de meurtres. Les retournements et les surprises fusent donc tout du long porté par un casting imparfait mais efficace tant du côté féminin que masculin. S’il est noté côté, c’est parcequ’à l’instar d’un match de foot, le film va diviser le spectateur en deux équipes. D’un côté, les cheerleaders et de l’autre les footballeurs. Même si McKee et Sivertson imposent leur parti pris et leur camp sans nous laisser de choix, ils n’oublient pas de peaufiner les rôles masculins pour autant. A ce titre, Tom Williamson est très bon en capitaine macho.

Même si la scène d’introduction, sous forme de reportage, peut paraître agaçante pour certains (qui a dit les anciens ?) avec tout ce langage djeunz et cette pimbêche débile irritante, sujet de la vidéo, le film capte l’attention plus intensément dès la fin brutale de ce préambule. A partir de là, le métrage va faire monter la tension entre les deux camps jusqu’à l’accident qui va tout changer. Il est d’ailleurs plutôt jubilatoire de voir revenir les filles sous le regard hagard des mecs du bahut après la nuit tragique de la vieille. Si vous ne comprenez pas tout, c’est normal, pas envie de trop vous spoiler mais sachez juste le film apporte son lot de tension et de scènes réjouissantes. Toutefois, comme dit plus haut, dans le genre, le film ne va pas aussi loin qu’il aurait pu le faire et, dans le genre, le Détention de Joseph Kahn est beaucoup plus jusqu’auboutiste et kiffant (ouais, moi aussi, je peux parler jeune) que le film de McKee et Sivertson.

All Cheeleaders Die a, par contre, le mérite de ne pas être juste un gros délire débile mais permet au spectateur de percevoir le film sous deux aspects selon sa sensibilité (ou son degré d’alcool). Le film peut être apprécié comme un pop corn movie basique, fun et divertissant mais aussi comme un pavé dans la marre contre la loi du paraître, contre la superficialité et contre un certain american way of life version teen (ouhlà, ça fait un peu trop d’anglais pour rien là). En plus, quand le tout est fait avec du sang et des filles en petite tenue, forcément on savoure.

A l’aise du côté sombre de l’horreur, le duo McKee / Sivertson prouve qu’il peut aussi être efficace dans un registre plus fun. Toutefois, leurs effets et la réalisation n’est pas aussi efficace pour ce genre de moment plus légers qu’elle ne l’est pour faire monter l’angoisse et installer une ambiance dérangeante. En jonglant avec les deux, All Cheerleaders Die se retrouvent souvent bancal et imparfait mais surtout fun et attachant. Quoiqu’il arrive, la passion de ces deux là pour le genre transpire tellement à l’écran qu’elle en devient forcément contagieuse.




Sylvain GIB

ABUELA (2021)

 

Titre français : Abuela
Titre original : La Abuela
Réalisateur : Paco Plaza
Scénariste : Carlos Vermut
Musique : Diana Sagrista
Année : 2021
Pays : Espagne
Genre : Sorcellerie
Interdiction : -12 ans
Avec Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova, Pierre-François Garel...


L'HISTOIRE Mannequin espagnol sur Paris, Susana vit une période faste dans le milieu de la mode dans la capitale française. Mais cette percée triomphante dans ce milieu si dur est soudainement interrompue par une annonce qui va l’obliger à rentrer au pays : sa grand-mère, qui représente son unique famille, a été victime d’un accident cérébral. Presque paralysée et laissée muette, Pilar peut compter sur sa petite fille qui va bien s’occuper d’elle tout en prévoyant prochainement son retour sur Paris, elle qui a un avenir prometteur dans la capitale de la mode. Alors qu’elle séjourne dans le vieil appartement de sa grand-mère où elle a grandi, Susana va voir resurgir du passé d’anciens souvenirs et va être témoin de phénomènes étranges alors qu’en parallèle, Pilar montre un comportement de plus en plus inquiétant…


MON AVISPaco Plaza, un nom qui forcément vous dit quelque chose. Souvenez-vous : son premier long métrage, Les Enfants d’Abraham, avait reçu le Grand Prix au Festival de Sitges en 2002, mais c’est surtout avec la saga Rec qu’il devint l’un des cinéastes espagnols dans le milieu du fantastique les plus acclamés. Le premier opus de cette tétralogie remporta un succès international et fut récompensé de trois Prix au Festival de Gérardmer en 2008 : le Prix du Jury, le Prix du Jury Jeune et surtout le Prix du Public. Son film suivant, Veronica, reçut quant à lui sept nominations aux Goyas (l’équivalent des César en Espagne) en 2017.

C’est le Vendredi 28 Janvier 2022, jour de sa sortie officielle au cinéma en Espagne, que le film Abuela est projeté pour la première fois en France à l’occasion du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer (il passera également une vingtaine de jours plus tard au festival réunionnais Même Pas Peur), en présence de son réalisateur très attendu par les festivaliers. Certes la filmographie de Paco Plaza n’est peut-être pas dense mais le bonhomme a su s’attirer la sympathie du public qui ne parlait que de lui et de son nouveau film dans les files d’attente lors des trois premiers jours du festival vosgien.

Ce n’est pas sans surprise que Abuela remporta le Prix du Jury ex-aequo avec Samhain. Surprenant peut-être que le film de Paco Plaza ne remporte pas un autre Prix, notamment celui-ci du public vu le tonnerre d’applaudissements que nous avons vécu dès que le générique de fin a pointé le bout de son nez. 

Une chose est sûre et il n’y a aucun doute là-dessus : Paco Plaza sait instaurer une ambiance anxiogène, foutre la pétoche comme on dit plus vulgairement. Cela faisait pas mal de temps (la dernière fois doit remonter à Conjuring : les dossiers Warren) que je n’avais pas senti mes poils se dresser devant un film fantastique.

En parfait adepte de films de couloirs, le cinéaste espagnol nous plonge ici dans une vieille bâtisse à la décoration datée et présentant en guise d’axe principal un couloir sombre que nous arpenterons à plusieurs reprises, de nuit de préférence, dans le film. Un appartement qui fait office de personnage à part entière tellement ce dernier suscite de l’anxiété chez le spectateur et semble être l’une des pièces importantes du scénario, au même titre que la fameuse abuela (qui signifie « grand-mère » pour les moins hispaniques d’entre nous) dont nous parlerons un peu plus bas.

Comme je le disais juste avant, le fait de nous faire vivre dans cet appartement une fois que le soleil a cédé sa place à la lune va renforcer le climat anxiogène instauré. De grands silences nocturnes, des jeux d’ombres et des couleurs tantôt sombres (beaucoup de scènes de nuit dans l'appartement nous tiennent en haleine) tantôt chaudes (les vieilles lampes, seule façon de se diriger correctement la nuit dans appartement) viennent effectivement contribuer à cette atmosphère des plus angoissantes, au même titre que cette grand-mère intrigante qui saura vous hérisser le poil un tant soit peu que vous vous laissiez emporter par cette histoire.

Là où The Vigil il y a deux ans à Gérardmer avait su nous angoisser, Abuela parvient à nous stresser également mais ne rate pas son final à l'inverse du film de Keith Thomas (même constat pour des Get Out ou It Follows soit dit en passant : une ambiance dingue jusqu’à ce dernier chapitre raté…).

Car oui Paco Plaza n'a pas seulement fait un film de flippe car ce dernier a quelque chose à nous raconter : même si certains déploreront une sorte de spoiler en tout début de film lors de la scène d’ouverture (pour ma part, j’avais rapidement oublié cette scène au fil de l’histoire contée, pensant alors sur le coup à un effet de style, rien d’autre, pour annoncer le titre du film), le dénouement final saura surprendre son public (je n’en dis pas plus) et viendra donner une toute autre orientation à ce film maîtrisé de bout en bout, que ce soit dans son scénario ou dans la maîtrise de son atmosphère des plus intrigantes et angoissantes.

Une anxiété que ressent d’ailleurs de plus en plus notre héroïne qui malheureusement est comme prise au piège dans cet appartement, elle qui veut retourner sur Paris au plus vite pour poursuivre cette percée dans le monde de la mode, avant qu’un autre mannequin ne lui pique la vedette (ce qui est en train justement de se passer...). Car c'est d'autant plus tragique et cruel que Susana ne semble pas pouvoir s'échapper de cet appartement lugubre où réside sa grand-mère, cette dernière étant comme prisonnière étant donné qu'aucune solution ne semble vouloir se présenter à elle pour faire garder cette vieille dame pour qu'elle puisse repartir sur Paris où elle réside la majeure partie de l’année.

Une intéressante relation qui lie ces deux femmes qui ne semblent pas pouvoir se passer l’une de l’autre. L’une est dépendante de sa petite fille des suites de son accident cérébral tandis que la seconde n’a plus que sa grand-mère comme famille, elle qui l’a vue grandir comme une mère. Mais voilà, cette vieille dame, jadis une grand-mère aimante et complice, est aujourd’hui une toute autre personne. Une personne qui fait froid dans le dos et qui semble au cœur de tous ces événements étranges pour ne pas dire surnaturels (la mort inexpliquée d’une mamiesitter, les apparitions/disparitions dans l’appartement…) qui surviennent.

Car cette vieille dame de 85 ans incarnée par une surprenante et très juste Vera Valdez (ancienne muse de Coco Chanel) ne manquera pas de vous faire dresser les poils à plusieurs reprises. Angoissante quand elle semble vous fixer avec ce regard vide (la dame a subi un traumatisme crânien et se retrouve en état végétatif), terrifiante quand, pour on ne sait quelle raison, elle se met à ricaner, et intrigante quand elle semble être à la source de phénomènes inexplicables...

Nous le remarquons bien dans le cinéma fantastique : les enfants (Quien puede matar a un nino, The Omen...) et les anciens (Sainte Maud, Jusqu'en enfer...) sont de très bons vecteurs d'angoisse (ces êtres que l'on pense inoffensifs nous horrifient et nous questionnent quand des choses étranges semblent provenir d'eux) et Abuela vient encore nous le prouver. Cette vieille dame, vue plusieurs fois dans son plus simple appareil, fait d'ailleurs frissonner de par ses formes squelettiques (notre cinéaste joue beaucoup de cela) qui rappellent un certain film de Paco Plaza ayant eu trois suites (comment cela vous ne voyez pas de quoi je veux parler… ?)

Un gouffre sépare les quotidiens de ces deux femmes. Alors que l’une vit dans le Monde de la mode où la beauté, qui ne dure qu’un temps, tient une place des plus importantes, l’autre au contraire vit à l’ombre des projecteurs et des caméras et subit de plein fouet les affres de la vieillesse (des articulations qui se raidissent, un corps qui s’amincit, une peau qui plisse… Sans oublier l’aspect mental qui se détériore petit à petit, cet accident cérébral n’arrangeant pas la situation). Cette idée de transformation de l’enveloppe corporelle est d’ailleurs au cœur du récit mais chut je n’en dévoile pas plus et vous invite à visionner ce très bon film mêlant drame, surnaturel et sorcellerie

Une fois de plus, Paco Plaza prouve que l’on peut compter sur lui et que le cinéma fantastique ibérique est loin d’être mort. Véritable artisan de l’angoisse, notre cinéaste vient de montrer comment, avec 3-4 acteurs et un appartement, on peut procurer de sacrés frissons à toute une salle de festivaliers à la Perle des Vosges en cette fin de Janvier 2022.




David MAURICE