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BLACKARIA (2010)


L'HISTOIRE : Angela, une élégante jeune femme, passe ses nuits à fantasmer sur sa sensuelle voisine Anna Maria, une diseuse de bonne aventure au charme envoûtant. Un soir, Angela retrouve son cadavre sauvagement mutilé. Sous le choc, elle brise accidentellement la boule de cristal de cette dernière. Un cristal qui a la réelle faculté de lire l’avenir. Mais saura-t-elle utiliser son nouveau don pour échapper à la mort violente qui lui est promise?


MON AVIS : Le giallo serait-il de retour dans nos contrées ? Alors qu'Amer sort bientôt sur les écrans de cinéma, voilà un film indépendant s'inscrivant lui aussi dans le genre giallesque et tourné par deux jeunes réalisateurs de Montpellier (là où les filles sont belles comme la mer dans le soleil couchant). 

Non, le cinéma de genre made in France ne se résume pas à reprendre les bonnes vieilles recettes issues de la culture horrifique américaine et qui n'arrivent que rarement à la cheville des œuvres auxquelles elles rendent plus ou moins hommages. D'autres se tournent vers d'autres cieux. En l'occurrence ceux tourmentés et érotiques du giallo italien des années 70. Là où les femmes sont belles à se damner, les meurtres graphiquement soignés, les fantasmes récurrents et l'érotisme classieux. Blackaria est donc un giallo fantasmé et fétichiste, qui convoque autant les grands classiques du genre que l'horreur graphiquement plus intense d'un Lucio Fulci.

Si la volonté des auteurs de Blackaria est clairement de s'approprier les codes narratifs du giallo, de parsemer leur film de références à quelques scènes clefs et archétypes de ce genre (on y reviendra) , ils réussissent brillamment à éviter le piège de l'hommage servile et vain. Blackaria emprunte, mais ne copie pas, ou plutôt il se sert à foison de sa connaissance du giallo pour mieux la mettre au service de son atmosphère et de son intrigue. C'est un hommage certes, mais un hommage qui a sa vie propre.

Comme dans tout bon giallo qui se respecte, l'intrigue en elle-même n'a finalement que peu d'importance, elle n'est qu'un fil rouge destiné à relier entre elles la substantifique moelle du métrage, l'érotisme, l'onirisme et l'horreur. Blackaria pervertit donc le schéma habituel du whodunit, en ne se concentrant pas sur l'identité de l'assassin, mais sur la ritualisation des actes du meurtrier. Un spectacle qui donne toute latitude au voyeurisme du spectateur.

La fétichisation du corps de la femme, les rêves d'Anna qui s'entrechoquent avec la réalité, les nombreuses scènes de raffinement dans la cruauté, tout cela interpelle et ravit l'amateur de giallo. L'impression de retrouver une symbolique, un style que l'on a plus vus sur pellicule depuis des âges immémoriaux ou presque.

Bien entendu, les acteurs ne sont pas professionnels, certains s'en tirent mieux que d'autres, les dialogues sont un peu sur-écrits, l'enquête policière manque d'attrait également, c'est probablement le prix à payer de l'indépendance et d'un budget réduit à la portion congrue. Mais la sincérité de l'ensemble des participants ne saurait être mise en cause.

De manière consciente, les deux réalisateurs parsèment donc leur métrage de références évidentes à quelques grandes œuvres de la culture giallesque. On peut citer (de manière non exhaustive) Six Femmes pour l'Assassin, Torso, La Dame Rouge tua 7 fois, Ténèbres, et surtout une visible fascination pour l'oeuvre de Lucio Fulci La Longue Nuit de l'Exorcisme, Le Venin de la Peur mais aussi et bien que cela sorte du cadre strict du giallo La Guerre des Gangs ou encore L'au-delà. Imprégnés de ces films, les deux comparse les réinterprètent et les mettent au service de leurs propres lectures du genre.

Blackaria distille une atmosphère onirique qui renvoie expressément au grand Mario Bava et plus tard à Dario Argento. Pour pallier une certaine absence de moyens, la directrice de la photo Anna Naigeon (qui interprète également le rôle d'Anna Maria, la voisine libérée) joue la carte d'un certain vintage qui sied à merveille à l'ensemble. Photographie que l'on croirait tout droit sortie des années 70, recours substantiels à des éclairages colorés jaunes, bleus ou rouges, et travail exigeant sur la composition des cadres.

Les décors recèlent de nombreux détails sur lesquels la caméra s'arrête parfois, comme pour mieux arrêter le temps avant la mise à mort d'un protagoniste. Les miroirs et ce qui s'y passe de l'autre côté sont également utilisés de manière judicieuse, renforçant le caractère légèrement fantasmé de Blackaria. Du travail qui n'a bien souvent pas grand-chose à envier à celui d'une grosse équipe professionnelle.

David Scherer est un excellent maquilleur et il le prouve une fois de plus ici. Les nombreuses scènes de meurtres violents frappent là où ça fait mal : énucléation, rivière de larmes sanglantes, coups de couteaux, de rasoirs, tout cela culmine dans deux magnifiques séquences, l'une dans un ascenseur (utilisation du miroir, meurtrier masqué, rasoir et érotisme) et l'autre dans un sauvage moment où l'utilisation d'une grosse chaîne sur une pauvre malheureuse est excessivement douloureuse à regarder et rappellera aux aficionados une des célèbres scènes de "La Longue Nuit de l'Exorcisme, le giallo rural de maître Fulci.

Les auteurs ont également retenu l'autre versant des thrillers italiens des années 60-70, l'érotisme suggestif. Dans Blackaria, les femmes sont toutes plus belles les unes que les autres, elles sont fétichisés, voluptueuses, ne daignent pas non dévoiler quelques parties de leurs ravissantes anatomies. Bas noirs, habits sexys, objets meurtriers phalliques, nudités sulfureuses, poses affriolantes, jeux de transparence. Un érotisme qui sans jamais sombrer dans le graveleux et le vulgaire, parvient in fine à refléter les fantasmes plus ou moins refoulés du personnage féminin principal.

Enfin, que serait le giallo sans sa musique ? Quasi personnage en soi, elle est d'une nécessité vitale pour mettre en exergue le climat si particulier de ce genre. Une musique en inadéquation avec les images et c'est toute la structure du film qui est mise à mal. Heureusement dans Blackaria, la partition musicale et les sonorités rendent justice à l'ensemble. Composée par le groupe Double Dragon, elle est une sorte de compromis entre les partitions électros des Goblin, de Fabio Frizzi auxquelles aurait été ajoutée une touche de modernité bienvenue. Et s'il y a pire comme référence, cela n'en reste pas moins une belle réussite, surtout qu'elle s'adapte très souvent avec harmonie à ce que l'on peut voir à l'écran.

Original, indépendant, cohérent, respectueux des codes et fait avec beaucoup de sincérité et de talent, Blackaria fera à n'en pas douter le bonheur des fans de gialli et pourquoi pas des autres ? Que les dieux qui règnent dans les hautes sphères de l'édition et de la distribution de films daignent jeter un œil à Blackaria. Il le mérite bien plus que beaucoup de films de genre qui sortent dans les salles.


Titre français : Blackaria
Titre original : Blackaria
Réalisateur : François Gaillard, Christophe Robin
Scénariste : François Gaillard, Christophe Robin
Musique Double Dragon
Année : 2010 / Pays : France
Genre : Giallo / Interdiction : -16 ans
Avec : Clara Vallet, Anna Naigeon, Aurélie Godefroy, Julie Baron, Guillaume Beylard...




Lionel JACQUET

L'AFFAIRE DE LA FILLE AU PYJAMA JAUNE (1977)

 

Titre français : L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune
Titre original : La Ragazza dal Pigiama Giallo
Réalisateur : Flavio Mogherini
Scénariste : Flavio Mogherini, Rafael Sánchez Campoy
Musique : Riz Ortolani
Année : 1977
Pays : Italie, Espagne
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Mel Ferrer...


L'HISTOIRE : Le corps d'une femme atrocement mutilé au visage et calciné est retrouvé dans une épave de voiture sur la plage. Les deux inspecteurs chargés de l'enquête se voient assister par Thompson, un vieil inspecteur à la retraite. Dans le même temps, Glenda Blythe tente de gérer sa vie, tiraillée entre son fiancé Antonio et les autres hommes avec qui elle fait l'amour, dont Roy Conner et le professeur Henry Douglas...


MON AVISDans les années 30 en Australie, un sordide fait divers a retenu l'attention des habitants : le corps d'une femme au visage calciné a été retrouvé et afin de parvenir à l'identifier, l'inspecteur chargé de l'enquête a eu l'idée d'exposer le cadavre dans un container de verre afin de le montrer au public, espérant qu'un détail corporel soit identifié par un spectateur. 

Un procédé qui n'a pas porté ses fruits mais qui s'est montré suffisamment original pour que le réalisateur Flavio Mogherini et le scénariste Rafael Sánchez Campoy décide de s'en servir dans un film. C'est donc en 1977 que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune va utiliser ce drame, transposé dans les 70's. Le titre du film joue évidemment avec un genre qui connaît un énorme succès en Italie : le giallo. Pourtant, l'oeuvre de Flavio Mogherini n'en est pas vraiment un même s'il flirte avec les standards du genre. Mais les amateurs pensant avoir affaire à un mystérieux tueur vêtu de noir en seront pour leur frais, le film tirant beaucoup vers le film policier classique. 

Filmé en partie en Australie et bénéficiant d'un casting international, L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune juxtapose deux histoires, celle de l'enquête concernant le meurtre et la vie tumultueuse de la jolie Glenda (Dalila Di Lazzaro). On navigue sans cesse entre l'une et l'autre, se demandant qu'elle est le rapport entre les deux. C'est ce qui m'a séduit dans ce film dont je n'ai compris les rouages qu'au bout d'une heure, lors de la révélation faite par Ray Milland. Astucieux, cet entremelage de personnages et de genre (l'enquête policière est contrebalancée par la vie amoureuse compliquée de Glenda, qui fait dériver le film vers le mélo dramatique parfois) permet à L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune de se démarquer de la mouvance giallesque justement, en essayant de proposer quelque chose de différent et de ne pas se contenter de répéter les clichés d'un genre en fin de vie, la faute à une profusion de titres dupliquant une même recette. 

Ce procédé d'entrecroisement ralentit le rythme du film par contre mais cet aspect est compensé par un réel travail de mise en scène et de trouvailles intéressantes, dont la plus notable est la mise à disposition du public du cadavre de la défunte. Cette séquence est des plus troublantes et mérite à elle seule la vision du film. Tout comme la foule se déplaçant en masse pour voir, nous, spectateurs du film, sommes placés dans la même position de voyeur que le public, admirant les courbes dénudées parfaites de la victime oubliant au passage que l'on a affaire à un cadavre dont le visage est calciné. La séquence est diaboliquement mise en scène et touche cette fois totalement au genre giallo. 

J'ai également apprécié de voir à l'écran Ray Milland, le fameux Homme aux rayons X entre autre ! Si l'idée d'associer aux deux jeunes inspecteurs un vieux de la vieille à la retraite n'est pas nouvelle, le plaisir de voir l'acteur venir mettre à mal leurs méthodes contemporaines apprises à l'école est assez jouissive et permet également d'apporter un peu d'humour au drame. 

S'il est clair que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune décevra les fans purs et durs de giallo ultra-violent, il n'en reste que Flavio Mogherini a fait un travail méritoire pour se démarquer de la masse et son film policier reste tout à fait recommandable, avec son casting bien en place, ses quelques touches d'érotisme, ses fulgurances visuelles colorées et sa formidable séquence du cadavre offert aux yeux du public. En ayant à l'esprit ces éléments, n'hésitez pas à lui laisser sa chance et tenter vous aussi de dénouer l'affaire de la fille au pyjama jaune !




Stéphane ERBISTI

L'ASSASSIN A RÉSERVÉ NEUF FAUTEUILS (1974)

 

Titre français : L'Assassin a réservé Neuf Fauteuils
Titre original : L'Assassino ha riservato nove Poltrone
Réalisateur : Giuseppe Bennati
Scénariste : Giuseppe Bennati, Paolo Levi, Biagio Proietti
Musique : Carlo Savina
Année : 1974
Pays : Italie
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec : Rosanna Schiaffino, Chris Avram, Eva Czemerys, Paola Senatore, Janet Agren...


L'HISTOIRE : Pour les neuf membres et proches de la famille Davenant, rassemblés à l'occasion de l'anniversaire de Patrick, la soirée du 14 février 1974 s'achève entre les murs d'un vieux théâtre, propriété familiale fermée depuis près d'un siècle. Étrange idée, dans la mesure où Patrick semble redouter cet édifice aux fastes majestueux. A raison, puisque les portes se referment bientôt comme par magie, piégeant les convives dans l'édifice, tandis qu'un homme mystérieux, glissé parmi eux, semble tirer les ficelles d'une tragédie à venir et qu'un assassin rôde, faisant tomber les invités un par un...


MON AVISInédit en France, L'Assassin a réservé Neuf Fauteuils est un giallo datant de 1974 et réalisé par Giuseppe Bennati, metteur en scène peu prolifique puisque sa filmographie ne comporte que 9 films et six épisodes de la série-télévisée Marcovaldo. Pour son seul et unique giallo, ce réalisateur transalpin fait preuve d'un joli savoir-faire et a su mettre en image le scénario écrit à trois mains (Giuseppe Bennati, Paolo Levi et Biagio Proietti) qui a servi de support au film. Un scénario qui mêle plusieurs influences, facilement reconnaissables à la vision des images proposées : le giallo évidemment, avec son mystérieux assassin masqué, ganté et adepte du meurtre à l'arme blanche et ses jolies filles qui n'hésitent pas à dévoiler leurs charmes naturelles, nous y reviendrons. Le fait même de placer plusieurs personnes qui ne s'aiment pas dans un lieu clos rappelle au souvenir d'Agatha Christie et de ses Dix petits Nègres, le scénariste Biagio Proietti ne s'en cache d'ailleurs pas. Le cadre de l'action, un splendide théâtre médiéval situé à Fabriano, et l’accoutrement du tueur (masque et cape) nous fait irrémédiablement penser au Fantôme de l'Opéra bien sûr. Le théâtre est également à l'honneur avec de nombreuses références à Shakespeare, que ce soit la scène dans laquelle Janet Agren joue un passage de Roméo et Juliette devant les invités ou certains dialogues qui évoquent des œuvres du célèbre poète dramaturge anglais. Le fantastique est aussi de la partie, on peut même parler d'ambiance gothique dans le cas présent.

Antonio Margheriti aurait très bien pu être le réalisateur de L'Assassin a réservé Neuf Fauteuils, tant certaines séquences du film se rapprochent de son cinéma. L'habileté de Giuseppe Bennati est de nous questionner en permanence sur ce possible aspect fantastique dans son film. La légende du théâtre, vieille de plus de cent ans et portant sur le propriétaire qui a réunit neuf personnes pour les assassiner, est-elle en train de se répéter à cause d'une antique malédiction ou l'un des protagonistes s'en sert-il pour commettre ses méfaits dans un but purement intéressé ? 

Car l'actuel propriétaire des lieux est un homme très riche et l'obtention de son héritage pourrait pousser plusieurs personnes à verser dans le meurtre crapuleux. Il faut dire que les neuf personnages, issus de la famille du propriétaire du théâtre Patrick Davenant (sa fille Lynn et son compagnon Duncan, sa sœur Rebecca et sa petite amie Doris, Albert son meilleur ami, Vivian son ex-compagne, Kim sa future femme et Russell, l'amant de cette dernière) ne peuvent pas se sentir les uns les autres et la jalousie et la mesquinerie règnent en maître dans ce petit cercle familial. Chacun aurait une bonne raison d'éliminer Patrick Davenant, une raison d'ordre pécuniaire évidemment, un peu comme dans La Baie Sanglante réalisé trois ans plus tôt par Mario Bava.

Le mystère s'épaissit encore avec la découverte d'un vieux tableau qui illustre les différents meurtres qui viennent d'avoir lieu. Copycat ou présence spectrale revenue d'outre-tombe ? C'est vraiment l'un des points les plus intéressants du film, mis en exergue avec ce curieux personnage habillé en hindou et que personne ne semble connaître. Qui est-il ? Outre ce suspense savamment entretenu, qui dit giallo dit bien sûr violence et érotisme. La plupart des assassinats se révèlent assez soft dans l'ensemble (couteau dans le dos, pendaison, strangulation...) mais l'un d'eux est particulièrement sadique et misogyne, peut-être un clin d'oeil à l'excellent Mais qu'avez-vous fait à Solange ? réalisé en 1972 : l'assassin va en effet enfoncé son poignard, et ce, à plusieurs reprises, dans le vagin de sa victime avant de lui crucifier la main. Une séquence choc, qui ne montre pas l'acte de pénétration mais notre esprit n'a pas besoin de voir pour se l'imaginer et les expressions de visage de la malheureuse Eva Czemerys suffisent à nous faire comprendre la douleur ressentie. On appréciera d'ailleurs la mise en scène théâtrale de ce meurtre lorsque les survivants le découvre, l'assassin ayant quasiment créé une oeuvre d'art mortuaire, mise en avant sur la jaquette française du film, un peu à la manière du tueur à la tête de hibou à la fin de Bloody Bird. Est-ce que Michele Soavi a vu L'Assassin a réservé Neuf Fauteuils et s'en est inspiré pour son film ? Possible. Niveau érotisme, lui aussi assez soft, le spectateur sera comblé puisque le casting féminin est des plus savoureux et ces demoiselles n'hésitent jamais à dévoiler leurs belles poitrines.

Parmi les jolies créatures qui prennent part à ce giallo, on citera la ravissante Janet Agren (vue dans Atomic Cyborg, La Secte des Cannibales, Panic, Kalidor ou Frayeurs entre autres), la brune Rosanna Schiaffino, la rousse incendiaire Paola Senatore (quel corps sculptural !) ou encore la blonde Lucretia Love. Du beau monde donc, et ce n'est pas leur féminité qui viendra amoindrir les coups bas et autres mesquineries entre convives, bien au contraire.

L'Assassin a réservé Neuf Fauteuils est franchement une sympathique découverte en ce qui me concerne. Ce n'est pas le meilleur giallo que j'ai vu, ce n'est pas un maître-étalon du genre, mais il se dégage de ce film un petit quelque chose qui fait qu'avec le soin apporté aux images, à l'ambiance et à la mise en scène, j'ai été embarqué jusqu'à la fin. 




Stéphane ERBISTI

AMER (2009)

 

Titre français : Amer
Titre original : Amer
Réalisateur : Hélène Cattet, Bruno Forzani
Scénariste : Hélène Cattet, Bruno Forzani
Musique Divers
Année : 2009
Pays : France, Belgique
Genre : Giallo
Interdiction : -16 ans
Avec Marie Bos, Delphine Brual, Harry Cleven, Cassandra Forêt...


L'HISTOIRE Trois actes, trois âges, une personne : Ana. Petite, elle évolue dans un climat morbide et sulfureux qui bouleversera à jamais sa vie. Adolescente, le monde extérieur et ses désirs s'offrent à elle. Adulte, elle revient dans sa maison natale. Mais un tueur rôde...


MON AVISDans la course au cinéma référentiel, Amer est sans aucun doute le spécimen le plus excitant jamais porté sur un écran français. Mieux encore, ce ne sont plus les références habituelles dont on nous abreuve (le survival avant toute chose) dont il est question, mais un regard passionné sur un sous-genre purement européen : le giallo. De la fraîcheur, des soupirs... et des vertiges.

Voilà des années que le duo Cattet / Forzani rend hommage aux pervers gantés de noir et adeptes du coupe-chou à travers de nombreux courts-métrages expérimentaux aux titres évocateurs : Chambre Jaune, Santos Palace, La fin de notre amour ou encore L'étrange portrait de la femme en jaune. Expérimental... le mot est lâché ! Car si certains pensaient trouver en Amer un simple thriller nostalgique émaillé de meurtres sanglants, beaucoup vont déchanter... Il vaut mieux se tourner davantage vers des délires cinématographiques plus abstraits, piochant du côté de réalisateurs comme Buñuel, Franco ou Argento pour mieux capter toute la singularité de l'objet. Les détracteurs de ce courant et les spectateurs lambda (c'est à dire, pas mal de monde) auront vite fait de lâcher prise.

Car il faudra bel et bien souligner le problème majeur de l'œuvre : en se faisant plaisir, Cattet & Forzani se mettent à dos une partie importante du public, plus assoiffée de sang neuf que de déambulation tordue. La réception au festival de Gérardmer fut alors fidèle au titre du film : amère... Par bonheur, ceux qui se laisseront prendre par la main franchiront une porte vers un monde interdit, baroque et d'une sensualité exacerbée.

Amer se découpe alors en trois courts distincts, plus semblables dans leurs thèmes que dans leurs situations : les dialogues sont réduits à leur strict minimum (le film aurait même pu rester muet) et le scénario fait profil bas pour laisser une place conséquente à l'image et au son, envahissants aussi bien l'un que l'autre.

Dès le générique martelé d'une musique empruntée à Bruno Nicolaï (comme tout le reste du score, comprenant du Morricone et du Cipriani entre autre) et morcelé en tant de points de vue différents, on frôle l'extase. Car ce que certains qualifieront de clippesque (= déblayer le contenu pour se focaliser sur la forme) reste tout de même d'une maestria jamais vue dans l'Hexagone : grain d'époque, importance des couleurs, gros plans obsédants, images fulgurantes...

De simples gestes raisonnent comme des menaces, des actes se retrouvent amplifiés jusqu'au tournis et l'on perd pied sans prévenir. Ces mosaïques de la terreur poussent à leur paroxysme la liberté formelle d'un Inferno, plus préoccupé par ses tableaux horrifiques et ses meurtres filmés comme tant de rituels barbares et nécessaires que par son histoire plutôt vaine, jusqu'à se heurter à une certaine incohérence. Le principe ici, est le même.

La demeure traversant Amer fait office de personnage à part entière, véritable antre des ombres qu'on croirait arrachée aux Frissons de l'angoisse. Dans le premier segment, la petite Ana y croisera, le temps d'une nuit, les silhouettes d'Eros et Thanatos dans un fracas d'épouvante évoquant le Bava des Trois visages de la peur, avec son spectre flétri et cette bonne sournoise filmée comme une des trois mères. Le cinéma gothique s'élance à la gorge d'un cinéma plus fou encore, avec une séquence digne du Clouzot des sixties (remember les trips de L'enfer ou de La Prisonnière). Saisissant.

Délaissant l'horreur, le second segment fait clairement office de pause, renvoi (involontaire ?) à un cinéma italien plus léger, mais tout aussi sulfureux. Une manière d'érotiser une bonne fois pour toute l'héroïne (incarnée par le sosie de Béatrice Dalle jeune !) et d'ancrer le métrage dans une atmosphère profondément méditerranéenne, à la fois solaire et inquiétante, révélatrice de désirs et de pulsions.

Le clou final dérive définitivement avec délice vers l'imagerie dont il s'abreuve, dans un portrait de femme prête à se noyer dans ses propres fantasmes (au sens propre comme au figuré), où le spectateur se retrouve à nouveau à ne plus distinguer réalité et fantasmagorie. Tout comme dans Chambre Jaune, le meurtre giallesque se réclame à la fois du fantasme du fétichisme et de l'inconnu, et de l'extase mortelle, laissant le temps de faire couler le sang et les larmes dans une séquence de mise à mort hallucinante, entre la crudité gore de L'éventreur de New-York et la grâce sauvage de Suspiria.

Empruntant la voie d'un cinéma sensitif inauguré par Gaspar Noé et sa compagne Lucile Hadzihalilovic, Bruno Forzani et Hélène Cattet risquent de faire tourner les têtes dans leur sillage. On peut en être fier...




Jérémie MARCHETTI

A LA RECHERCHE DU PLAISIR (1972)

 

Titre français : A La Recherche du Plaisir
Titre original : Alla Ricerca del Piacere
Titre alternatif : Amuck
Réalisateur : Silvio Amadio
Scénariste : Silvio Amadio
Musique : Teo Usuelli
Année : 1972
Pays : Italie
Genre : Giallo, Film de machination
Interdiction : -12 ans
Avec : Farley Granger, Barbara Bouchet, Rosalba Neri, Nino Segurini, Dino Mele...


L'HISTOIRE : Greta Franklin est embauchée pour être la secrétaire d'un célèbre écrivain, Richard Stuart. Ce dernier habite une somptueuse villa en compagnie de sa femme, Eleonora Stuart. Ce que le couple Stuart ignore, c'est que Greta a une raison bien à elle de s'être mise à leur service : elle cherche des indices concernant la disparition de la précédente secrétaire de Richard Stuart, Sally Reece, qui était sa meilleure amie. Peu à peu, Greta découvre les vices cachés du couple Stuart. Malheureusement pour elle, lors d'une soirée privée, et alors qu'elle est sous l'emprise de l'alcool, elle clame le nom de Sally, ce qui intrigue Richard, qui ne tarde pas à comprendre les motivations de Greta. La jeune femme ne sait plus trop ce qu'elle doit faire, sentant que sa vie est désormais menacée...


MON AVISIl en a de la chance le réalisateur italien Silvio Amadio ! Pourquoi une telle affirmation de ma part vous demandez-vous ? Si je vous dis qu'il a eu le privilège de diriger sous l’œil de sa caméra les actrices Rosalba Neri, Barbara Bouchet, Gloria Guida ou Dagmar Lassander, vous me comprenez mieux ? Qui plus est, de les diriger certaines fois dans leurs plus simples appareils (toutes nues quoi, essayez de suivre), ce qui, personne ne me contredira, n'est pas vraiment une sinécure. Il a sévit dans de nombreux genres, tels la comédie, le drame, le polar ou le péplum par exemple. En 1972, il réuni donc la brune Rosalba Neri (vue dans Lady Frankenstein, Top Sensation, Les insatisfaites poupées érotiques du docteur Hitchcock...) et la blonde Barbara Bouchet (La Longue Nuit de l'Exorcisme, La Tarentule au Ventre Noir, Milan Calibre 9, La Dame Rouge tua Sept Fois et j'en passe) dans A la Recherche du Plaisir, film qui eu plusieurs titres, comme Amuck, Maniac Mansion, Leather and Whips ou Hot Bed of Sex ! Tout un programme !

Généralement considéré comme étant un giallo, A la recherche du Plaisir n'en est finalement pas vraiment un, du moins en ce qui me concerne. Pas de tueur ganté vêtu de noir, pas de meurtres stylisés (voire même pas de meurtre du tout hormis un à la fin et un autre lors d'un flashback), on se trouve plutôt dans l'univers du thriller psychologique, du film de machination, un peu à la manière du Perversion Story de Lucio Fulci par exemple. Et de machination, on en tient une belle ici, dont je ne vous dirai rien des rouages bien sûr, histoire de ne pas gâcher votre plaisir. Visuellement superbe, filmé à Venise, qui brillait de mille feux à cette époque, le film de Silvio Amadio installe par petit à coup son ambiance et son suspense, et met sa belle héroïne Barbara Bouchet au sein d'une intrigue érotico-mystérieuse qui nous fait nous poser, à nous spectateurs, des tas de questions. On apprend assez rapidement les véritables intentions du personnage joué par Barbara vis à vis de son employeur et on se pose donc les mêmes questions qu'elle.

Qu'est devenue l'ancienne secrétaire ? Est-elle morte comme le pense Greta Franklin ? Si c'est le cas, qui est le meurtrier et pourquoi l'avoir tué ? Serait-ce l'écrivain Richard Stuart, interprété par le pas très charismatique Farley Granger ? Sa femme Eleonora, qui a des penchants pour l'amour lesbien (ce qui nous vaudra une bien jolie scène entre Rosalba et Barbara, très sensuelle et filmée au ralenti) ? L'inquiétant domestique, joué par Umberto Raho ? Ou bien le pêcheur solitaire qui habite une vieille cabane au fond d'un marais ? Ou l'un des invités de la famille Stuart lorsqu'elle organise une soirée privée ? Plus le film avance, plus on se rend compte que personne n'est clair et que tout le monde semble cacher un secret. Surtout que le vice semble être l'un des composants principaux de la villa des Stuart. Quel secret inavouable se cache-t-il donc dans cette vaste demeure ?

Doté d'un rythme assez nonchalant, A la Recherche du Plaisir se focalise donc sur ses protagonistes et sur leurs différentes facettes. Très peu violent, le film propose des scènes intéressantes et bien mises en scène, à l'image de celles dans lesquelles Barbara Bouchet, qui est juste absolument magnifique dans ce film, explore une vaste cave sans le consentement du propriétaire ou se retrouve prise au piège de sables mouvants. Sans être une oeuvre majeure du genre, A la Recherche du plaisir nous en donne pourtant, du plaisir, ne serait-ce qu'en sacrifiant les meurtres graphiques et la violence à la beauté de son interprète principale. Véritable ode à la beauté de Barbara Bouchet, ce thriller se laisse voir sans déplaisir aucun et même s'il ne convaincra peut-être pas l'amateur de giallo pur et dur, il serait dommage de passer à côté car il a d'autres arguments à proposer. Mention spéciale pour la réplique finale de l'inspecteur de police qui relance une part du mystère !




Stéphane ERBISTI

6 FEMMES POUR L'ASSASSIN (1964)

 

Titre français : 6 Femmes pour l'Assassin
Titre original : 6 Donne per l'Assassino
Réalisateur : Mario Bava
Scénariste : Giuseppe Barilla, Mario Bava et Marcello Fondato
Musique : Carlo Rustichelli
Année : 1964
Pays : Italie, France, Allemagne
Genre : Giallo
Interdiction : -16 ans
Avec : Cameron Mitchell, Eva Bartok, Thomas Reiner, Ariana Gorini, Mary Arden...


L'HISTOIRE : Un mystérieux assassin commet des meurtres sauvages sur les mannequins d’une célèbre agence de haute couture. La police mène l’enquête...


MON AVIS1960. Mario Bava révolutionne le monde de l’épouvante gothique à l’italienne avec Le masque du Démon, mettant en vedette la splendide Barbara Steele.

1963. Mario Bava réalise La fille qui en savait trop, un thriller italien qui commence à poser les fondements de ce qu’on appellera par la suite le giallo. La même année, outre Le Corps et le Fouet, il tourne Les Trois Visages de la Peur, dont le premier sketch intitulé Le Téléphone joue également avec ce qui deviendra les codes du genre du giallo.

1964. Mario Bava reprend les recettes de ses deux films de 1963, les actualise, les modernise, se lâche dans des décors baroques, joue avec les couleurs et pose véritablement les bases du giallo, mettant en scène dans une banale enquête policière un assassin entièrement vêtu de noir, ganté, portant un masque et commettant ses crimes de différentes manières. Violence, sadisme, jolies filles, meurtres et whodunit se combinent avec une alchimie parfaite dans son  6 Femmes pour l’Assassin, œuvre phare, référence absolue pour qui aime le giallo. Pourtant, le film, coproduction Italo-franco-allemande dont le tournage dura six semaines (sic !), ne connut guère un grand succès à l’époque de sa sortie et le genre qu’il fit naître ne décolla vraiment qu’avec la sortie de L’Oiseau au Plumage de Cristal de Dario Argento en 1970. 6 Femmes pour l’Assassin est pourtant une pièce maîtresse du genre, nouvelle preuve du génie de Mario Bava dont la filmographie ne cessera d’influencer les futures générations de réalisateurs.

Dès le générique, Bava surprend son monde par son inventivité. Le nom des acteurs et des actrices vient se superposer sur une image les présentant immobiles, tels des statues, comme autant de photographies avec mise en scène. Le début de l’œuvre ne sera pas non plus sans nous rappeler un certain Suspiria, qui ne débarquera qu’en 77 et qui, pourtant, entretient un étroit rapport pictural avec le film de Bava, tant au niveau des décors que du jeu de lumière fortement coloré, qui plongent chaque séquence de ces deux films dans une ambiance fantasmagorique. Par une nuit orageuse, un jeune mannequin regagne l’immense demeure de la Comtesse Christina Como, devenue une luxueuse maison de haute couture. Alors que la jeune femme tente de gagner rapidement la porte malgré un vent assez violent, la voilà qui se fait agresser par un mystérieux personnage, vêtu d’un imperméable noir, ganté, portant un chapeau et une sorte de masque sur le visage, le rendant méconnaissable. La figure récurrente du giallo dans toute sa splendeur vient d’apparaître pour la première fois sur un écran de cinéma. Un look qui fera date et qui se fera même parodier dans le moindre détail dans la série de films érotico-gore des Fantom Kiler. Mario Bava laisse libre court à son imagination, ne se refuse rien, ne se censure pas, et fait baigner son film dans une atmosphère assez érotique, puisque chaque meurtre nous détaillera les soutiens-gorge ou bas de jarretelles que portent ces demoiselles.

Des meurtres au nombre de six bien sûr, qui se révéleront tous originaux, la mise à mort étant à chaque fois différente. Un procédé que nous retrouverons également dans les futurs slashers movies, dont Mario Bava sera encore une fois l’un des précurseurs avec son fameux La Baie Sanglante en 71. Mais revenons à 6 Femmes pour l’Assassin et à notre tueur. Le second meurtre, toujours baigné dans une atmosphère morbide et fantasmatique, avec des lumières rouges, vertes, violettes, nous dévoilera un curieux instrument, une sorte de gant d’acier pourvu de trois crochets, et qui restera la marque de fabrique du film, l’arme dont tous les spectateurs se rappellent malgré le fait qu’elle n’apparaisse qu’une seule fois dans le film. Notre tueur, froid et déterminé, nous gratifiera par la suite d’autres joyeusetés, comme un visage brûlé, une noyade dans une baignoire ou un étouffement à l’aide d’un coussin par exemple. Des meurtres savamment orchestrés, presque artistiques parfois, et on ne cherchera plus la source d’inspiration de Dario Argento, qui a magnifié ce que Bava avait instauré avec ses films.

Notons que 6 Femmes pour l’Assassin a connu deux montages. Une version censurée et une version intégrale donc. La violence montrée dans le film fera bien sûr sourire à notre époque et on se demandera quel était l’intérêt de couper certaines images tant elles apparaissent soft pour le spectateur contemporain. Car en plus de priver le spectateur des images les plus sanglantes (toute proportion gardée bien sûr), certaines coupures se révéleront carrément handicapantes car privant le spectateur de la logique suivie par le tueur. Le meurtre de la cinquième victime se verra, par exemple, privé d’une scène capitale, celle où le tueur sectionne les veines de sa victime au rasoir, afin de faire croire que cette dernière s’est suicidée. Sans cette séquence, l’histoire perd de sa logique. La coupe la plus marquante restant, quant à elle, la disparition pure et simple de la scène où le tueur sort de sa poche son gant d’acier griffu. Hop, aux oubliettes l’arme culte. Inutile de dire que ce montage cut est totalement à oublier et que seul le montage intégral rend justice au travail de Bava et de son équipe.

Outre ses meurtres diaboliquement stylisés, l’autre force du film est bien sûr la réalisation même de Bava. Mélangeant gothique et modernisme, jouant avec habileté sur le suspense, la terreur, la peur, chaque décor, chaque pièce devient ici un potentiel lieu de mort, d’où le tueur peut surgir à chaque instant. Escaliers, corridors, espaces labyrinthiques, miroirs, Bava joue avec l’espace, avec les perspectives, avec les objets présents dans les différents lieux pour faire naître une angoisse palpable qui terrorisera les futures victimes. Sa caméra se place toujours là ou il faut, faisant se hisser à un très haut niveau un film dont le scénario n’a rien d’extraordinaire.

En effet, d’un point de vue scénaristique, 6 Femmes pour l’Assassin reste d’une facture assez classique. L’enquête policière est sobre, conventionnelle mais grâce au talent de Bava, elle prend une tournure bien plus intéressante qu’elle ne l’est et permet aux spectateurs de ne jamais décrocher et de rester attentif à tous les détails qui pourraient permettre d’en savoir plus sur le tueur et ses motivations.

Habile, le réalisateur s’amuse également à brouiller les pistes et fait de tous les hommes présents dans la maison de haute couture des tueurs potentiels. Chacun d’entre eux semble en effet avoir quelque chose en commun avec Isabella, la première fille assassinée et la découverte surprise de son journal intime semble bien les inquiéter. Tous comme certaines demoiselles également, qui semblent bien décidées à découvrir ce qui peut bien être écrit sur les pages de ce recueil. Ce journal intime, mis dans un sac à main, nous donnera l’une des meilleures séquences du film, séquence où ce sac devient l’objet de toutes les attentions et où la caméra de Bava devient presque le sac à main lui-même. Et donc, les yeux des spectateurs. C’est techniquement et artistiquement admirable.

Niveau casting, les personnages principaux sont campés avec prestance par un excellent trio, Cameron Mitchell, Eva Bartok, Thomas Reiner, trio auquel vient s’ajouter les nombreuses actrices et acteurs interprétant les mannequins et les hommes travaillant dans la maison de haute couture, qui livrent tous une prestation de bonne qualité, parachevant de faire de 6 Femmes pour l’Assassin une œuvre formelle et importante, qu’il faut redécouvrir toute affaire cessante.

Véritable tour de force stylistique juxtaposant chorégraphie meurtrière, jeu de lumière vertigineux et sadisme prononcé, 6 Femmes pour l’Assassin, malgré le poids des années, reste une œuvre phare et magistrale de son réalisateur. Mario Bava prouve une fois de plus qu’il était en avance sur son temps et son talent et son énergie à tenter des choses nouvelles, à expérimenter, donne une fois de plus une œuvre intense, raffinée, qu’on ne se lasse pas de voir et de revoir. Un film phare du cinéma italien.




Stéphane ERBISTI

4 MOUCHES DE VELOURS GRIS (1971)

 

Titre français : 4 Mouches de Velours Gris
Titre original : 4 Mosche di Velluto Grigio
Réalisateur : Dario Argento
Scénariste : Dario Argento, Luigi Cozzi, Mario Foglietti
Musique : Ennio Morricone
Année : 1971
Pays : Italie
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec : Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Bud Spencer...


L'HISTOIRE Roberto, un jeune musicien qui joue de la batterie dans un groupe de rock, se retrouve au centre, bien malgré lui, d'une histoire criminelle. Les coups de fils mystérieux qu'il reçoit ne font que lui rendre encore plus angoissant l'homme qui le suit depuis plusieurs jours.
N'en pouvant plus, il décide de prendre les devants et de parler à ce personnage. Malheureusement, dans la confusion qui s'ensuit, Roberto le poignarde accidentellement. Il s'enfuit rapidement, mais un inconnu le prend en photo l'arme à main. Le chantage qui s'ensuit va dès lors commencer à empoisonner la vie privée de Roberto...


MON AVISTroisième réalisation de Dario Argento et dernier opus de ce que l'on nommera la trilogie animale (en rapport aux titres qui contiennent tous un nom d'animal). Après l'oiseau et le chat, voici venu le temps des mouches. Mouche qui ouvre le film dans une séquence inaugurale ambitieuse, habile et expérimentale d'un strict point de vue de la mise en scène. Travellings fascinants, positionnements de la caméra, montage saisissant.

Ce sera d'ailleurs le fil rouge de cette œuvre, où le réalisateur semble plus intéressé par le côté technique que par l'intrigue en elle-même. Manière de faire et de voir le cinéma qu'il poussera à l'extrême dans ses futurs Suspiria et plus encore Inferno.

En 1971, le giallo est devenu grand, il est une mode à lui tout seul. Argento n'y est, certes, pas pour rien, mais il tente de sortir des traditionnelles obligations du genre (whodunit, érotisme, violence graphique des mises à mort, manipulations du spectateur) par un surplus d'esthétisme et une recherche qui semble permanente du plan qui tue, de l'utilisation de la technologie (cf l'utilisation d'une caméra particulière pour l'accident filmé au ralenti), bref d'un style bien à lui et immédiatement reconnaissable.

Par bien des aspects, "4 mouches de velours gris" semble être une esquisse du définitif "Les frissons de l'angoisse". Une esquisse qui souffre parfois de quelques longueurs dans la gestion de l'intrigue et dans une révélation finale un tantinet tirée par les mandibules, mais qui n'enlève pas grand chose à la qualité de l'ensemble

Si le rythme global reste finalement assez tranquille, avec beaucoup plus de scènes comiques que dans les autres œuvres du réalisateur, celui-ci est souvent dynamité par des séquences coup-de-poing visuellement frappantes et préfigurant ? le futur des personnage principaux. Rêve récurrent d'un homme décapité sur une grande place en Arabie Saoudite, séquence de Roberto au volant de sa voiture, du même Roberto traversant des rideaux rouges, l'accident de voiture au ralenti, la mort du détective, pour n'en citer que quelques-unes.

Une autre des singularités de ce giallo, c'est la constance, assez rare dans ce type de productions, de l'aspect purement comique. De nombreuses scènes visent à amuser le public, de manière parfois réussie, parfois beaucoup moins, mais cela dénotait d'une volonté de rendre le film différent de la pléthore de gialli de l'époque. Du détective folle, aux scènes avec le facteur, en passant par un des protagonistes se faisant appelant carrément Dieu et un perroquet nommé Jerk-off (qui signifie connard ou ,dans sa forme verbale, se taper une branlette), Argento semble s'être amusé comme un petit fou.

La musique originale est signé de l'inusable Ennio Morricone, celle-ci oscillant entre le jazzy et un thème récurrent rappelant le western italien. 4 Mouches de Velours Gris propose aussi une belle brochette d'acteurs internationaux : la délicieuse Mimsy Farmer, le beau Michael Brandon (qui fut marié un temps avec Lindsay Wagner Aka Super Jamie), mais aussi de manière plus surprenante le carré Bud Spencer (dans le rôle de Dieu) et le grand Jean-Pierre Marielle (dans celui du détective privé homo).

Sans être le meilleur film, ni même le meilleur giallo du réalisateur italien, il n'en demeure pas moins que cette réalisation s'élève sans problème au-dessus du tout venant et clôt avec talent la trilogie animale de son auteur.




Lionel JACQUET

13 NOTES EN ROUGE (2022)

 

Titre français : 13 Notes en Rouge
Titre original : 13 Notes en Rouge
Réalisateur : François Gaillard
Scénariste : Guilhem Sendras, François Gaillard
Musique : Double Dragon, Eroina, Two Sparks, Camille Griot, NicolasVerdoux
Année : 2022
Pays : France
Genre : Giallo, horreur
Interdiction : -16 ans
Avec : Jeanne Dessart, Marine Bohin, Stanyslawa Ciesielska, Julien Quaglierini...


L'HISTOIRE Charlotte se réveille dans une chambre remplie de poupées en porcelaine. Fatiguée, elle se prélasse dans son lit tout en écoutant sa colocataire Chloé avoir un ébat sexuel. Jusqu'au moment où les gémissements de plaisir deviennent de cris de peur et de douleur. Impuissante, Charlotte ne peut rien faire pour sauver son amie qui est massacrée dans la pièce avoisinante par un homme au corps musclé et habillé en tenue SM. Une fois son oeuvre accomplie, ce dernier demande à Charlotte de lui rendre ce qu'elle lui a pris. Ne comprenant rien à ce qui est en train de se passer, la jeune fille tente de se remémorer sa journée en compagnie de Chloé, quand elles se sont rendues à une soirée de luxe... 


MON AVIS : C'est toujours un réel plaisir que de découvrir un nouveau film indépendant mis en scène par un réalisateur passionné. Le Montpelliérain François Gaillard fait donc son retour après nous avoir régalé avec BlackariaLast Caress ou le court-métrage Die, Die my Darling, trois gialli dont les titres ont été pioché dans la discographie de Glenn Danzig. Le giallo est le genre de prédilection de François Gaillard, et il en connaît les différents codes sur le bout des doigts. Ses connaissances de ce genre très prisé des amateurs de cinéma de genre, ils s'en sert à merveille dans les films qu'il réalise, faisant preuve d'un sens de l'esthétisme assez hallucinant pour ce type de production à faible budget. 

L'annonce du tournage de 13 Notes en Rouge avait donc de quoi attirer l'attention, surtout que, pour une fois, le titre choisi ne fait pas référence à une chanson de Danzig ! Sacrilège !? Le réalisateur aurait-il vendu son âme au Diable ? On lui pardonnera rapidement cette petite infidélité puisque, cette fois, c'est à Lucio Fulci qu'il rend hommage, le titre faisant référence au Sette Notte in Nero, soit L'Emmurée Vivante, que réalisa le maestro italien en 1977. 

Sur un scénario assez tarabiscoté, dû à Guilhem Sendras et François Gaillard, 13 Notes en Rouge démontre à nouveau tout le talent de son réalisateur, son efficacité dans la mise en scène de séquences fantasmagoriques et sa virtuosité à composer des plans d'une réelle beauté picturale. On ressent tout l'amour du cinéma de Dario Argento et consorts ici, avec des plans stylisés à l'extrême (la lame qui surgit du trou de la serrure, à deux doigt de pénétrer dans l’œil de l'héroïne, incroyable !) dans lesquels le soin apporté à l'éclairage et aux couleurs n'a pas été fait à l'aveuglette et fait preuve d'une minutie de tous les instants. 13 Notes en Rouge est visuellement sublime, même un aveugle s'en rendrait compte. 

Rien n'a été laissé au hasard dans le choix des costumes, dans la disposition des divers éléments de décors et on reste vraiment frappé par l'esthétisme magnifique qui se dégage des images proposées. Pour ceux qui ont vu les précédents films de François, on sait tous que les dialogues ne sont pas ce qui l'intéresse le plus et c'est également valable pour ce nouveau film, un point qu'on mettra dans les petites faiblesses de 13 Notes en Rouge mais le reste rattrape largement ce petit malus. 

L'histoire, comme déjà dit plus haut, est assez labyrinthique et nous perd souvent dans ses dédales, on ne sait pas si l'héroïne vit vraiment ce qu'elle subit, si elle est plongée dans un rêve érotico-gore ou même si, à l'image du Haute Tension d'Alexandre Aja, elle ne serait pas en réalité le tueur sadique du film, perdu dans les délires de sa psyché. Un mystère typiquement giallesque, que je ne vous dévoilerai évidemment pas ici. Charlotte, l"héroïne du film donc, est interprétée par la charmante Jeanne Dessart et ses magnifiques cheveux rouges quand son amie Chloé est jouée par la non moins charmante Marine Bohin. Les deux actrices assurent le job et on imagine bien que le tournage n'a pas du être de tout repos pour elles, vu ce que leur fait subir ce sadique de réalisateur ! 

Le récit intègre des flashback nous révélant leur journée et quel est donc l'élément que veut absolument récupérer le tueur, que les filles ont apparemment volé lors d'une soirée festive dans un appartement luxueux. Un vol qui entraîne un déferlement de violence parfaitement orchestré par l'un des virtuoses français des effets-spéciaux et de maquillage, le sympathique David Scherer bien sûr. Amateurs de tripailles et de geyser de sang frais, 13 Notes en Rouge devrait largement vous satisfaire, le film étant des plus généreux à ce niveau, avec par exemple une scène horrible avec un chalumeau cramant le visage d'une pauvre fille, le tout exposé en plein écran, avec la peau qui rougit, qui se met à fondre et j'en passe et des meilleurs ! On comprend aisément la présence du terme rouge dans le titre et on est pas volé sur la marchandise, c'est le moins que l'on puisse dire ! On a même un peu d'érotisme, avec quelques seins dévoilés et même un nu intégral, autant féminin que masculin, pas de jaloux comme ça ! 

La présence d'animaux peu sympathiques (araignées, scorpions, python) parcourant des corps féminins m'a bien fait grincer des dents, bravo aux actrices qui ont enduré cette torture de tous les instants ! Avec des tas de clins d'oeil à ses films préférés, 13 Notes en Rouge tire son épingle du jeu et prouve qu'avec de la passion, une réelle technique derrière la caméra, du système-D et une vraie vision du genre, la France peut faire de bons films de genre, même dans le domaine du cinéma indépendant et sans gros moyens financiers. On aimerait que des producteurs soutiennent ce type de réalisateurs et leur offrent un vrai budget pour concrétiser encore plus leurs délires et leurs idées folles. 

Quoiqu'il en soit, sans être un film parfait (j'ai moins accroché à la scène de l'agression avec les filles en roller par exemple), 13 Notes en Rouge s'avère très réussi, bénéficie d'une bande sonore de grande qualité qui colle parfaitement aux images et à l'ambiance et j'espère qu'il pourra bénéficier d'une sortie sur support physique pour être découvert par le plus grand nombre. Bravo m'sieur Gaillard 

 


Stéphane ERBISTI