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BEATRICE CENCI - LIENS D'AMOUR ET DE SANG (1969)

 

Titre français : Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang
Titre original : Beatrice Cenci
Réalisateur : Lucio Fulci
Scénariste : Lucio Fulci, Roberto Gianviti
Musique Angelo Francesco Lavagnino, Silvano Spadaccino
Année : 1969
Pays : Italie
Genre : Sorcellerie, Inquisition
Interdiction : -16 ans
Avec Tomas Milian, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie, Antonio Casagrande...


L'HISTOIRE  À Rome en 1599, la jeune Béatrice attend dans une cellule le moment de son exécution. Son crime est d’avoir commandité l’assassinat de son père, Francesco Cenci, noble tyrannique et incestueux. La sentence provoque l’ire du peuple qui voit en la « Belle parricide » la martyre d’une société arrogante et hypocrite. Mais derrière l’icône se cache un personnage complexe qui a su manipuler les sentiments du serviteur Olimpio pour arriver à ses fins...


MON AVIS : Quand on évoque le nom de Lucio Fulci, on pense en premier lieu à ses nombreuses œuvres horrifiques, de L'Enfer des Zombies à Frayeurs, de L'Au-Delà à La Maison près du Cimetière entre autres, pour ne citer que les quatre plus célèbres. Les amateurs du réalisateur transalpin savent pourtant qu'il a touché à bien d'autre genre, tel la comédie, le western, le polar, l'heroic fantasy ou le film d'aventure par exemple. 

En 1969, il s'attaque même au drame historique, pour ce qui sera d'ailleurs son unique incursion dans ce genre, et réalise Beatrice Cenci, film à costumes qui mêle vérité et liberté historique, drame sordide, machination, amour destructeur et scènes de torture. A l'arrivée, un seul mot nous vient à l'esprit après visionnage du film : grandiose ! Sans contestation possible, on tient là le plus beau film de Lucio Fulci, avec La Maison près du Cimetière.

Connu en France sous le titre de Liens d'Amour et de SangBeatrice Cenci est une oeuvre maîtrisée, visuellement magnifique, et qui n’hésite pas à égratigner de façon frontale la religion et le Pape lui-même, ce qui valut d’ailleurs au film quelques petits soucis avec le Vatican lors de sa sortie. L’insuccès du film déprima profondément Lucio Fulci qui s’était investi à fond dans le projet, disant même que c'est le film qui lui tient le plus à cœur de toute sa filmographie. 

Relatant un fait divers ayant eu lieu au XVIème siècle et qui demeure toujours présent dans les esprits en Italie, le personnage de Beatrice étant devenu l'icône du féminisme suite à sa décapitation pour parricide, le film de Fulci est une oeuvre forte, chargée d’émotion et de scènes choc, puissantes. Le personnage de Francesco Cenci, interprété avec conviction par le français Georges Wilson (célèbre acteur, père de Lambert Wilson et réalisateur d'un unique film, La Vouivre en 1989) nous apparaît d’une cruauté sans égale, cupide, violent, se réjouissant de la mort de deux de ses fils car cela lui permet de ne plus dépenser d’argent pour eux, ou n’hésitant pas, sous l’emprise de l’alcool, de tenter d’avoir une relation sexuelle avec sa propre fille Béatrice. On comprend alors le désir morbide de cette jeune fille, qui se destine au couvent, à vouloir la mort de son paternel. Mais l’Inquisition, dans toute sa mauvaise foi, ne verra dans ce drame familial qu’un prétexte pour torturer et mettre à mort les membres de la famille Cenci, permettant alors à l’Église de récupérer toute la fortune et les biens amassés par Francesco Cenci. 

On comprend que le Vatican n’ait pas apprécié cette lourde charge de Lucio Fulci à son encontre, ce dernier étant pourtant croyant. Il n’hésite d’ailleurs pas à filmer de manière crue les tortures subies par le serviteur de Béatrice, personnage très bien interprété par Tomas Milian. Des séquences d’une rare intensité et superbement mises en scène, avec un souci de réalisme qui fait froid dans le dos. On n’est pas loin du terrible La Marque du Diable qui sortira l’année suivante. Mais plus que les attaques envers la religion et la soif d’argent et de pouvoir, Beatrice Cenci est avant tout un hymne à la condition féminine, une ode à la liberté des femmes, une attaque contre la patriarcat. Béatrice devient alors une sorte de martyr, ayant juste voulu s’échapper d’une vie qu’on a décidé pour elle, d'une vie placée sous le signe de la peur et de la violence, deux facteurs représentés par la figure du père. 

On peut trouver  hautaine et ingrate l'attitude de Beatrice face à son serviteur qui vient de se faire torturer et qui l'a aidé à mener à bien son parricide par amour, la jeune femme ne lui jetant jamais un seul regard quand elle quitte la salle d'audience. Une attitude qui montre que Beatrice a plusieurs facettes et que derrière son visage angélique peut se cacher un être froid et déterminé, voire même cruel, qui n'hésite pas à se montrer manipulatrice pour parvenir à ses fins. Impossible de ne pas mentionner son extraordinaire interprète, Adrienne Larussa, assurément l'une des plus belles actrices jamais vues sur un écran. 

Si l'entente entre l'actrice et son réalisateur n'était pas au beau fixe durant le tournage, Adrienne Larussa ayant tendance à se prendre pour une diva selon quelques autres acteurs (dont Mavie Bardanzellu qui joue la mère de Beatrice dans le film), impossible de rester insensible face à ce visage parfait, qui incarne tour à tour la détermination, l'abnégation, la peur, la haine, la souffrance. La jeune actrice américaine, qui n'a pas eu une grande carrière (on l'a vu dans Psychout for Murder en 69 ou dans L'Homme qui venait d'ailleurs en 76 par exemple, ainsi que dans des épisodes de séries-télévisées) s'en sort vraiment bien et irradie l'écran à chacune de ses apparitions. La musique de Angelo Francesco Lavagnino et Silvano Spadaccino accompagne merveilleusement bien les images et donne une touche poétique à des scènes pourtant bien cruelles. 

Sombre, âpre, très nihiliste et jusqu’au-boutiste, Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang est vraiment un film phare dans la filmographie de Fulci et il mérite réellement d'être reconnu en tant que tel.




Stéphane ERBISTI

L'AU-DELÀ (1981)

 

Titre français : L'Au-Delà
Titre original : E tu vivrai nel terrore! L'Aldilà
Réalisateur : Lucio Fulci
Scénariste : Dardano Sacchetti, Giorgio Mariuzzo, Lucio Fulci
Musique : Fabio Frizzi
Année : 1981
Pays : Italie
Genre : morts vivants
Interdiction : -16 ans
Avec : David Warbeck, Sarah Keller, Catriona MacColl, Veronica Lazar, Al Cliver...


L'HISTOIRE : Liza Merril hérite d'un vieil hôtel abandonné à la Nouvelle-Orléans. Elle décide de le faire rénover mais très vite, d'étranges incidents et accidents se produisent. Elle fait la rencontre d'Emily, une jeune fille aveugle qui la met en garde contre les dangers inhérents au passé de l'hôtel, et du docteur John McCabe, qui va tenter de l'aider à résoudre le mystère entourant cette vieille bâtisse et la chambre 36. Liza et John vont découvrir l'existence du livre d'Eibon, un ouvrage de sorcellerie qui prétend que sept portes menant aux Enfers seraient disséminées sur Terre. L'hôtel dont a hérité Liza serait l'une d'entre-elles...


MON AVISAprès une carrière prolifique dans la comédie, le western, le film d'aventure ou le giallo, Lucio Fulci accède au stade supérieur de la popularité en 1979 avec L'Enfer des Zombies. Face au succès mondial de cet excellent film d'horreur, le réalisateur transalpin poursuit dans ce registre dès l'année suivante avec Frayeurs, puis en 1981 avec Le Chat Noir, L'Au-Delà et La Maison près du Cimetière. Pour beaucoup de fans du maestro italien, L'Au-Delà est son chef-d'oeuvre absolu. Un avis que je ne partage pas, lui préférant largement Frayeurs (qui est à mes yeux SON chef-d'oeuvre) et peut-être même La Maison près du Cimetière. Toutefois, impossible de nier pour votre serviteur les qualités évidentes de L'Au-Delà, qui n'en reste pas moins un pur classique du genre.

Dès la scène d'introduction, Fulci frappe fort. Il surprend d'entrée de jeu le spectateur en réalisant cette séquence introductive dans un très beau noir et blanc / sépia, où un jeune peintre va subir les foudres des villageois qui l'accusent d'être un sorcier au vu des peintures qu'il réalise. D'abord fouetté par des chaînes qui lacèrent ses chairs, le peintre sera ensuite crucifié sur un mur avant d'avoir le visage recouvert de chaux brûlante. Une mise à mort éprouvante pour une première séquence, qui nous fait penser qu'on va avoir droit à un vrai film d'horreur sans concession par la suite. Ce qui sera effectivement le cas, les scènes gores de L'Au-Delà étant certainement ce qui se faisaient de plus horribles à l'époque de sa sortie. La suite du récit se situe au même endroit où le peintre a été lynché (un hôtel en Louisiane) mais des années plus tard. L'immeuble abandonné a une nouvelle propriétaire, Liza (ravissante Catriona MacColl), qui veut le rénover. Une équipe se charge des travaux. Des événements étranges vont alors se produire. Un des ouvriers découvre une entrée dans un mur et se fait tuer par une main aux doigts griffus. C'est le début d'une série de morts horribles et surnaturelles. Ayant été marqué par le Inferno de Dario Argento sorti l'année précédente et par la structure non-sensique de ce dernier, Fulci va faire de même dans L'Au-Delà : le film enchaîne en effet les séquences abominables sans véritable lien entre-elles.

Les effets spéciaux et les maquillages sont dus aux talentueux Gianetto de Rossi et Maurizio Trani, qui se sont surpassés dans le domaine de l'horrible. Laissant libre court à leur imagination, les deux artistes nous révulsent avec deux énucléations, un visage totalement liquéfié par de l'acide liquide, une boîte crânienne qui explose, une gorge déchiquetée par un chien, une impressionnante attaque d'araignées dont les mandibules iront jusqu'à dévorer une langue (et ce, malgré le fait qu'on devine sans peine les deux araignées mécaniques dissimulées parmi quelques vraies tarentules) et un final cauchemardesque avec des zombies (figures imposées par le producteur), avec moult explosions de têtes et impacts de balles. Le rouge est donc à l'honneur dans L'au-Delà et les amateurs de gore seront aux anges. Comme dit précédemment, la structure narrative du film de Fulci est assez confuse et ne respecte pas un schéma classique. L'histoire est elle-même n'a pas de réelle logique et pourra apparaître comme fouillis ou décousue par les spectateurs n'ayant jamais vu le film. Une histoire qui emprunte de nombreuses références à une multitude de films (Shining, Inferno, Suspiria, La sentinelle des Maudits, Les Diaboliques et surtout Carnival of Souls) ainsi qu'au célèbre écrivain Lovecraft avec le livre d'Eibon qui apparaît dans quatre nouvelles du maître de Providence.

Quelques défauts sont à signaler, comme le héros qui a compris qu'il fallait tirer dans la tête des zombies pour les tuer mais qui continue néanmoins à mettre quelques balles dans leur ventre. Un détail qui peut même faire sourire lors de la sublime séquence finale. Mais qu'importe, le spectacle horrifique est bien là et on assiste à une œuvre baroque, où tout respire la pourriture et la mort. La mise en scène est classieuse, la photographie somptueuse. Certaines scènes sont surprenantes, comme l'apparition brutale de la jeune aveugle Emily au milieu d'un pont qui surplombe l'océan, le cadavre du peintre qui remonte à la surface de l'eau dans une baignoire et bien sûr la représentation live de la mer des ténèbres, d'une beauté picturale indécente. Le tout magnifié une nouvelle fois par la musique de Fabio Frizzi. Reste que, en ce qui me concerne, l'absence de linéarité dans le scénario, ce côté décousu dans l'enchaînement des séquences, des transitions, le fait qu'on ne comprenne pas toujours pourquoi tel ou tel acte a lieu et pourquoi il a lieu, m'empêche de d'apprécier L'Au-Delà à 100%.

Certes, ce manque de repère permet au film d'affirmer pleinement un côté onirique et fantastique dans lequel la rationalité n'a pas lieu d'être. Mais j'ai parfois l'impression de regarder un catalogue de séquences gores sans qu'une vraie ambiance palpable s'en dégage. L'Au-Delà ne fait jamais peur, à contrario de Frayeurs qui dégage une puissance morbide à nul autre pareil, que la partition tétanisante de Frizzi vient augmenter. Allez, je suis un peu tatillon car j'aime évidemment beaucoup L'Au-Delà, que je revois régulièrement. Mais ce n'est pas le chef-d'oeuvre de Fulci.




Stéphane ERBISTI