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BLADE 2 (2002)


L'HISTOIRE : République Tchèque. Un SDF appelé Nomak se rend dans une banque du sang, laquelle semble peu regardante sur la façon de s'approvisionner en donneurs. Toutefois, son phénotype semblant curieux, c'est à une véritable séance de torture que les laborantins vampires le destinent. Et là, une méchante surprise les attend. Pendant ce temps, Blade met fin à deux longues années de quête pour arracher son coéquipier Whistler aux griffes des vampires qui l'ont fait muter. Mais à peine les choses semblent-elles revenues dans l'ordre que deux émissaires d'Eli Damaskinos, chef suprême des vampires, pénètrent son repaire afin de lui transmettre une demande de trêve. Créature mutante véhiculant le virus du Faucheur, Nomak est en effet devenue la menace numéro un, car lui et ses victimes contaminées se nourrissent aussi bien d'êtres humains que de vampires. Blade accepte alors de prendre la tête du Peloton Sanguin, entraîné au départ pour l'éliminer...


MON AVIS : Blade premier du nom ayant avantageusement posé les bases, le deuxième se devait forcément d'aller plus loin: meilleurs effets numériques, combats plus nombreux, esprit Comics encore plus affirmé... Mais ce n'est pas tout. Car avec Guillermo Del Toro aux commandes, c'est également sous le signe du mélange des genres, de la richesse picturale et de l'horreur que Blade II se place. Le réalisateur espagnol, d'ailleurs écarté par les producteurs dans un premier temps, n'aura en effet cessé de batailler tout au long du tournage afin d'imposer la touche d'effroi qui faisait défaut au premier volet (les efforts de conviction qu'il aura dû déployer envers les producteurs lui ont d'ailleurs inspiré une blague sarcastique, inscrite au bas du générique de fin: No real reapers were hurt during the making of this film).

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Guillermo Del Toro n'est pas homme avare en idées excitantes et heureuses. Autant le premier opus de Blade pouvait sembler monolithique dans sa façon de présenter les particularités d'une nouvelle histoire, autant ici le foisonnement semble être la règle, quitte à donner au bout du compte la sensation d'assister à un patchwork de style et de genre pas toujours abouti.

L'hybridation, après tout, s'imposait au vu de l'argument principal de Blade II, avec cette nouvelle race de sur-vampire aux gènes mutants (ou mutés) et l'obligation pour le héros de pactiser avec ses ennemis attitrés. Même au niveau de la bande originale, la quasi totalité des scores est composée de rencontres entre des groupes dont les styles n'auraient pas pu coïncider à première vue. Remarque identique pour les combats qui essaiment le film, variant les techniques selon la tonalité désirée grâce à trois chorégraphes différents (dont Wesley Snipes lui-même et Donnie Yen, qui joue l'un des membres du Peloton Sanguin). Arts martiaux avec ou sans arme, gunfights, combat de rue, boxe et même catch, tout l'art de la guerre défile sous nos yeux, avec tantôt avec un entrain joueur, tantôt une sombre sauvagerie, jusqu'au final d'une brutalité impressionnante, mixant couleur flamboyante et nervosité de la caméra portée.

Tout n'est pas parfait dans ces scènes d'action d'une durée et d'une inventivité pourtant bien supérieures à celle du film de Stephen Norrington. Les effets spéciaux ne sont pas en cause, même si certains sont encore visibles (à la fin du combat ninja, par exemple). Mais on a parfois l'impression que Del Toro n'est pas convaincu de leur pertinence et qu'à défaut d'y croire, il s'amuse à remplir la scène imposée de figures de styles brillantes et superficielles. Une impression qui disparaît complètement lors des affrontements entre Blade et Jared Nomak, chacun des deux combattants étant chargé d'un enjeu dramatique qui donne du corps, de l'émotion et du sens à chacun des coups qu'ils échangent.

Au niveau du graphisme et des ambiances, la bonne nouvelle est que nous sommes bel et bien sur la planète Guillermo Del Toro. Dès la première scène, on constate que la sophistication de Blade a aussi fait place à un univers plus sombre, moins propre, distillant angoisse et épouvante. Et il n'est que de voir la bataille orgiaque de la boîte de nuit des vampires masochistes, ou celle des égouts remplis d'ossements, pour constater que le high-tech côtoie cette fois le glauque et le macabre. L'innovation majeure reste bien sûr celle des Faucheurs: crânes chauves, déplacements simiesque, brutalité sans frein, leur floraison buccale est d'une hideur impressionnante. Le chef suprême des vampires, Damaskinos, avec sa fille Nyssa est une occasion pour Del Toro de développer, de façon malheureusement très brève, un graphisme somptueux (le bain de sang, le bureau rempli d’œuvres d'art, la colonne des bocaux...). Personnellement, je rêve déjà d'un space opera signé Del Toro...

Malgré les figures imposées (la pseudo-histoire sentimentale entre Blade et Nyssa) auxquelles il fallait s'attendre avec ce qui reste tout de même une commande, il est donc stupéfiant de constater à quel point le réalisateur a pu transporter avec lui tant d'éléments présents dans ses précédents films, et qui sont les marques de son univers. De près ou de loin, on saisit par exemple des lignes de filiation entre le dépliage organique des Faucheurs et ceux des insectes de Mimic, entre les expériences de Damaskinos et l'histoire de Cronos... 

On retrouve aussi le jeu des couleurs cobalt et ambrées, ou encore la présence de Ron Perlman, qui reviendra en force dans Hellboy. Inutile de préciser, d'ailleurs, l'argument de poids qu'a dû jouer Blade II pour décider les producteurs à financer le rêve de Guillermo Del Toro !

Voilà en somme un divertissement de haute volée, même si le héros principal n'y est toujours pas le plus intéressant ! Car si Wesley Snipes est bien sympathique, son charisme est tout de même bien pâle à côté de celui que dégage Luke Goss, d'une énergie et d'une conviction proprement stupéfiantes... Peut-être aurait-il mieux valu faire un Nomak II qu'un Blade III ?


Titre français : Blade 2
Titre original : Blade 2
Réalisateur : Guillermo del Toro
Scénariste : David Goyer
Musique Marco Beltrami
Année : 2002 / Pays : Usa, Allemagne
Genre : Vampires, super-héros / Interdiction : -12 ans
Avec : Wesley Snipes, Luke Goss, Ron Perlman, Kris Kristofferson, Leonor Varela, 
Norman Reedus...




Stéphane JOLIVET

BLACK DEATH (2010)

 


L'HISTOIRE : 1348 : la peste noire frappe l'Europe toute entière, dévaste les villes et les campagnes, laissant derrière elle des montagnes de corps endoloris et putréfiés. Un jeune moine, Osmund, soupçonné d'être malade, profite du chaos pour aider sa bien-aimée à fuir le village. Pour la rejoindre, il intègre une escouade de guerriers au service de Dieu, qu'il est chargé de conduire dans un village perdu dans les marécages. Celui-ci, curieusement épargné par la peste, serait ainsi le lieu de cérémonies macabres et de pratiques magiques, organisées par de mystérieux nécromanciens...


MON AVIS A présent chef de file (avec Neil Marshall et Michael J.Basset) d'un cinéma anglais aussi enragé qu'un punk de la belle époque, Christopher Smith se voit aligner les séries B toutes plus malignes les unes que les autres, jamais esclave d'un quelconque sous-genre. Il faudra malheureusement souligner la distribution désastreuse de son Triangle, trip maritime digne d'un épisode de La Quatrième Dimension, après les passages remarqués de Creep (finalement bien meilleur que son comparse Midnight Meat Train) et de Severance.

Avec Black Death, il ne fait que souligner davantage le réveil d'une dark-fantasy jusque là assoupie : voilà que ce succède des titres plus ou moins encourageants tels que 300, Solomon Kane, La Légende de Beowulf, Wolfhound, sans parler de la tournure adoptée par des sagas tels que Harry Potter ou Underworld. On abandonne volontiers le merveilleux pour des relectures plus guerrières et adultes des mondes féeriques d'autrefois : on ne rit plus ; les veines se gonflent, les regards s'assombrissent, les épées se salissent, on transpire, on saigne, on meurt. La barbarie a fait son grand retour dans la grande toile du septième art. Et ce n'est pas la tendance actuelle qui prétendra le contraire...

Cependant, si Black Death impressionne malgré tout, c'est plus dans son fond que dans sa forme : on ne pourra hélas pas beaucoup s'extasier sur le triste visuel du film, radical mais cheap, dû à une absence d'ampleur dans les décors et une caméra à l'épaule envahissante. Un petit budget prégnant, hélas...

Si l'assaut de ce village de nécromanciens aurait pu donner un grand film épique, il n'en est rien. Dans une logique déceptive, Christopher Smith macule son écran de boue et de chair sanguinolente tout en détournant son film de l'éventuelle image qu'on pouvait se figurer dès lors : pas de grandes batailles (mais les quelques prises de gueules sont tout de même salement gores), pas de sorcières ultra-sexy ou de sorciers infernaux, encore moins d'armée de morts-vivants en putréfaction. On aura vite fait de tirer la tronche sauf que le virage adopté n'a pas dit son dernier mot.

Il faut déjà saluer la toile de fond désespérée (déjà vu certes) choisie par Smith, à savoir une Europe sans dessus-dessous enchylosée par la grande peste et la terreur sourde qu'elle fait régner : ce ne serait ni plus ni moins que le châtiment de Dieu à entendre les badauds, les moines et les soldats parcourant ces charniers interminables, lointain reflet des paysages déjà bien marqués de La chair et le Sang et de Le Nom de la Rose. Plus que la déconfiture, c'est la décomposition généralisée, la mortification redoutable des êtres et des terres. Des âmes aussi.

Au même titre que la réaction des guerriers menés par le solide et rocailleux Sean Bean quand ceux-ci découvrent le village redouté, le spectateur se voit proposer un spectacle bien moins tapageur que prévu. La préoccupation de Smith n'était pas de tourner un film de zombies dans un contexte moyen-âgeux (vous n'en verrez pas de toute façon), mais plutôt une fable torturée et ultra-violente sur la religion et ses conséquences néfastes. La rencontre entre les soldats de Dieu (tous meurtris et meurtriers) et les païens (dirigés par la superbe Carice Van Houten, faussement diaphane et charismatique à souhait) fera donc plus d'une étincelle...

Le comic-book dégénéré désiré se mue en tragédie à la noirceur vertigineuse, portant durement sur ses épaules toutes les ténèbres qui imprègnent le décor de la première à la dernière image : sur le chemin, tout n'est que pêchés mal digérés, paysanne promise au bûcher, procession morbide et croyances démentes. 

Le tableau ne semble offrir aucun repentir, aucun espoir possible ; les hommes sont trompés par leurs blessures, et la religion se fait alors vecteur de maux sans noms ; parole assassine et toute puissante justifiant à tour de bras le mal qu'elle engendre, trouvant enfin le salut en éradiquant les hérétiques, hélas trop vite jugés. Un propos que Smith éludera dans un dernier acte ébouriffant de pessimisme (hallucinant Eddie Redmayne, déjà fort inquiétant en adolescent incestueux dans Savage Grace), faisant ainsi fi de tout manichéisme (les notions de bien et de mal voltigent au fil des tueries). Puissant, intelligent, et forcement moins bourrin que les carnages à l'écran le laissent penser. Et donc tout à fait surprenant.


Titre français : Black Death
Titre original : Black Death
Réalisateur : Christopher Smith
Scénariste Dario Poloni
Musique Christian Henson
Année : 2010 / Pays : Allemagne, Angleterre
Genre : sorcellerie / Interdiction : -12 ans
Avec Sean Bean, Carice van Houten, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon...





Jérémie MARCHETTI

BERLIN UNDEAD (2010)

 

Titre français : Berlin Undead
Titre original : Rammbock
Réalisateur : Marvin Kren
Scénariste : Benjamin Hessler
Musique : Marco Dreckkôtter, Stefan Will
Année : 2010
Pays : Allemagne
Genre : Infection
Interdiction : -12 ans
Avec Michael Fuith, Theo Trebs, Anka Graczyk, Emily Cox, Steffen Münster...


L'HISTOIRE Michael revient à Berlin afin de recoller les morceaux avec son ancienne petite amie Gabi. Mais, alors qu’il franchit la porte de son appartement, il tombe nez-à-nez avec un plombier devenu comme fou enragé qui va soudainement se jeter sur lui. Après l’avoir jeté dans la cage d’escaliers, Michael va se barricader avec un apprenti plombier dans l’appartement. Très vite, ils vont tous deux apprendre qu’un virus s’est répandu dans toute la ville et transforme les gens en bêtes enragées avides de chair fraîche. Un terrible virus qui a déjà semé le trouble dans une grande partie de l’immeuble : Michael et le jeune Harper vont devoir faire preuve de courage et d’astuces pour échapper à leurs assaillants…


MON AVISDepuis leurs études en Allemagne, Marvin Kren et Benjamin Hessler sont devenus deux complices qui travaillent pour des chaînes publiques nationales en réalisant de petits films. L’un est réalisateur (Marvin Kren) et l’autre est scénariste (Benjamin Hessler) : c’est comme ça qu’ils fonctionnent nos deux germaniques et, après avoir vu leur Rammbock, devenu Berlin Undead en France et aux Etats-Unis, force est de constater que ce duo devrait faire parler de lui par la suite.

Né d’une demande de la chaîne publique allemande ZDF, le moyen-métrage (59min) Berlin Undead a été réalisé avec un budget très mince mais avec indéniablement beaucoup de talents et de bonnes idées. Loin des films de zombies contemporains, dont il ne fait d’ailleurs pas partie étant donné que nous sommes face ici à des gens contaminés par un virus les rendant fous enragés, à la manière de 28 jours plus tard, le film du tandem Kren / Hessler préfère offrir à son public un huis-clos horrifique au réalisme parfois saisissant plutôt que de miser sur les gerbes de sang et les scènes d’action en veux-tu en voilà. Retour sur ce petit film à ne pas louper !

Intelligent, poignant et original, Berlin Undead l’est et le prouve sans perdre de temps. Dès les premières minutes, nous sommes en effet plongés dans une chasse à l’homme où les quelques résidents d’un immeuble, pris pour cibles par une meute d’infectés sanguinaires, vont se barricader dans de petits appartements qui rendraient dingues plus d’un claustrophobe. S’ensuivent alors des allers et venues de contaminés dans les cages d’escaliers (qui rappelleront un certain [Rec]) et des percées de ces derniers dans certains appartements, poussant alors les résidents encore sains à se réfugier dans de petites salles, réduisant alors leur espaces vitaux et renforçant une fois de plus cette claustrophobie instaurée depuis les premières minutes du film. Une claustrophobie donc de plus en plus intense, permise par ce huis-clos qui se rétrécit au fur et à mesure que nous avançons dans l’histoire (les contaminés occupant de plus en plus de place, poussant les personnes saines à s’entasser dans des espaces de plus en plus restreints pour leur échapper), qui atteindra son summum quand notre héros n’aura plus le choix que de s’enfermer dans un débarras au fond d’une cuisine tandis que son compère sera recroquevillé en l’air à quelques centimètres du plafond.

Un rythme fort soutenu car nos deux héros n’auront que peu de temps pour reprendre haleine, ces derniers ne pouvant résider trop longtemps au même endroit car les contaminés parviennent à pénétrer tôt ou tard dans la pièce où ils se trouvent. Pas de remplissage sans intérêt ni de dialogues longs et inutiles, Marvin Kren et Benjamin Hessler veulent rapidement parvenir à leurs fins : mettre l’être humain face à une catastrophe et tenter de montrer comment ce dernier pourrait réagir devant pareille situation. Et ce qui marque justement dans ce film, c’est que le réalisme est parfois saisissant : on ne pourra s’empêcher, à divers moments, de se dire moi aussi j’aurais fait ça à sa place !, les personnages ayant des réactions non tirées par les cheveux, chaque décision semblant mûrement réfléchie, et ne cherchant pas à jouer les héros.

Une ambiance oppressante, des décors sombres et tristes (en référence entre autres à cette superbe vue d’un Berlin miné par ce terrible virus quand Michael se retrouve sur le toit de l’immeuble) ainsi qu’une musique à mi-chemin entre le poétique et le mélancolique, qui n’empêche pas pour autant au film de jouer la carte du tragi-comique. En effet, Marvin Kren et Benjamin Hessler ont beau nous offrir un cadre des plus désolants et stressants avec quelques passages quelques peu émouvants, ils arrivent également à nous sortir par moments un sourire par le biais du personnage central, Michael, et son insatiable amour pour son ex-petite amie. Sa chère Gabi pour qui il se ferait dévorer dans les escaliers juste pour répondre à son appel, pour qui il refuserait de se servir de ses fourchettes pour se défendre par peur de lui abîmer et par conséquent de la fâcher, pour qui il refuse d’uriner dans son évier alors que les WC sont inaccessibles. Michael Fuith, l’acteur incarnant notre drôle de héros, est vraiment très bon dans ce rôle d’amoureux à côté de la plaque, dépassé par les événements mais ne manquant pourtant pas de bonnes idées quand celui-ci se décide à penser à autre chose qu’à sa Gabi. Encore une fois, pour profiter pleinement de Berlin Undead, la vision en VOST est indispensable, car la VF est déplorable, ne serait-ce que pour la voix et les intonations de Michael justement.

Au final, Berlin Undead est une très bonne surprise. Ce moyen-métrage de 59min mêle habilement horreur, oppression, tragédie et humour, le tout à un rythme effréné bienvenu. Encore la preuve qu’un surplus de scènes d’action, une quantité importante d’hémoglobine versée et une longueur formatée d’1h30 / 1h45 ne sont pas indispensables pour constituer un vrai bon divertissement.




David MAURICE

BERBERIAN SOUND STUDIO (2012)

 

Titre français : Berberian Sound Studio
Titre original : Berberian Sound Studio
Réalisateur : Peter Strickland
Scénariste : Peter Strickland
Musique Broadcast
Année : 2012
Pays : Angleterre, Allemagne, Australie
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec Toby Jones, Antonio Mancino, Guido Adorni, Susanna Cappellaro...


L'HISTOIRE : Nous sommes dans les années 70 et le cinéma de genre transalpin bat alors son plein. Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus minables d’Italie. Là, arrive Gilderoy, un ingénieur du son naïf et timide tout droit débarqué d'Angleterre. Il est alors chargé d'orchestrer la bande-son du dernier film de Santini, un maître de l'horreur local. Laissant derrière lui les documentaires britanniques et leur ambiance paisible, Gilderoy se retrouve petit à petit plongé dans l'univers inconnu des films d'exploitation italiens. A mesure que les actrices se succèdent pour enregistrer des cris tous aussi stridents les uns que les autres, ses relations avec les membres de l’équipe et certains bureaucrates peu conciliants commencent à décliner. Très vite alors, son nouveau cadre de travail va se transformer, à l’image des films dont il mixe la bande sonore, en véritable cauchemar…


MON AVISL’histoire de Berberian Sound Studio débute de manière plutôt prometteuse et originale en nous montrant cet ingénieur du son / bruiteur qui se retrouve parachuté, pour des raisons professionnelles, de son Angleterre natale vers un studio italien spécialisé dans l’illustration sonore de films bis allant du Z bien gore aux bandes érotiques soft. Très vite, Gilderoy sera confronté à une certaine hostilité de la part des gens l’entourant. Les actrices grinçantes se succédant souvent semblent l’ignorer, les techniciens locaux aux méthodes archaïques le regardent bizarrement, le réalisateur et le producteur sont exigeants quant à leurs demandes et les bureaucrates sont très peu arrangeants puisqu’il doit courir par monts et par vaux afin de se faire rembourser son billet d’avion. Pris dans un milieu inamical, Gilderoy va dans un premier temps se réfugier dans son travail et dans la lecture des lettres adressées par sa mère lui parlant de son pays d’origine, mais très vite, il va devoir faire face à la peur suscitée par les films dont il assure la sonorisation et ses propres démons. 

Au vu de ce résumé alléchant, ce second long-métrage signé Peter Strickland (connu pour Katalin Varga) pouvait être un clin d’œil aux films de genre pullulant dans les années soixante-dix et quasi tous en provenance d’Italie. Mais Berberian Sound Studio est autre chose : un métrage étonnant à plus d’un titre et qui ne le doit pas qu’à son pitch attrayant. On s’attend à un film d’horreur classique et on se retrouve finalement face à une œuvre cinématographique singulière qui ne laissera pas le spectateur indifférent, enfin ça dépend lequel... Ce film est tout d’abord un grand hommage au son. 

Peter Strickland en est un grand admirateur, le mettant toujours à l’honneur. Il a ainsi voulu que le son supplante l'image, que la suggestion remplace la démonstration et faire de son long-métrage une sorte de trip sensoriel. Là, Gilderoy travaille sur un film dont on ne voit pas une seule image. Le tour de force ici, c’est que le spectateur apprend à se passer du film mixé, de ses images (mais on comprend facilement qu’il s’agit de scènes gore et violentes), celles-ci passant au second plan, derrière les scènes où apparaît Gilderoy en train de travailler sur des bruitages ou de faire des montages. C’était donc un pari osé de la part du réalisateur de faire du son l’élément essentiel de son métrage. On peut donc dire que c’est une gageure réussie puisque l’on comprend chaque scène enregistrée uniquement grâce à la force du son, ayant ici une importance capitale, comme dans Blow Out, petit bijou signé par un certain Brian de Palma. Notons d’ailleurs que la bande-son est un chef-d'œuvre concocté par la regrettée Trish Keenan et James Cargill, son acolyte de Broadcast, qui parviennent à installer une ambiance malsaine, anxiogène propre à ce genre de cinéma d'exploitation.

Berberian Sound Studio est également un hommage aux gialli des seventies et plus particulièrement à Dario Argento, le maître en la matière. En effet, les mouvements de caméra sont très stylisés, la bande-son angoissante au possible, les couleurs criardes, quasiment tout y est sauf les scènes excessivement gore. Strickland ayant, comme on l’a dit précédemment, voulu axer entièrement son film sur le son et donc aussi sur le spectacle visuel par une mise en scène très esthétique…mais sans le sang ! Les fans du réalisateur de Suspiria pourront alors y découvrir, avec un certain plaisir, la face cachée d’un film qui aurait presque pu être de lui (du moins au début) tout en profitant d’une atmosphère glauque de giallo à la différence près c’est qu’ici on entend tout mais on ne voit rien. Le physique peu commun de Tobey Jones et certains cadrages bien sentis participent également à donner un charme désuet à cet objet cinéphilique qui, de par son concept original, ne se limitera qu’à un public très limité.

D'une certaine façon, Berberian Sound Studio peut se voir comme un documentaire sur les coulisses du cinéma d'exploitation italien des années 70, en particulier dans le domaine des bandes-sons réalisées de façon artisanale, notamment avec son massacre de légumes tel qu’on n’en a jamais vu sur les écrans. De l'horreur, des cris de scream queens déchaînées et de la sauce tomate : cette reconstitution version baroque est une véritable preuve d’amour d’un cinéma qui a connu son heure de gloire il y a près de quarante ans désormais. Farce sonore au détriment d'une surenchère de gore et d’effusions sanguines disproportionnées, cet objet inclassable est une incontestable mise en abyme sur les dessous du cinéma dit bis, sur ce que l’on ne montre pas, loin des clichés des productions actuelles par trop standardisées et remakées à outrance.

Malheureusement, le scénario ne suit aucune intrigue précise, ou bien celle-ci n'est pas assez creusée, alors qu’aucun rebondissement notable n'apporte un quelconque rythme au film. De plus, la redondance de scènes quasi identiques pourra également paraître gênante et donner l’impression que tout ça tourne très vite en rond. Pis, non content d’un script sans consistance, le scénariste (aussi réalisateur pour le coup) nous fabrique un retournement à la David Lynch pour le moins déroutant, voire ridicule pour certains. Il est totalement insignifiant et laisse surtout à penser que Strickland et son équipe ne savaient pas comment conclure ! Quel dommage car tout était en place pour que le mystère évolue vers quelque chose de grandiose, mais après une première moitié plutôt sympathique, le métrage semble se répéter et surtout la fin vire au surréalisme le plus incompréhensible qui soit, transformant l'ensemble en un film biscornu et énigmatique. On sent alors un grand vide dans le scénario nous donnant le sentiment que le réalisateur n'a pas su choisir entre un long-métrage expérimental pur et un giallo modernisé. Bref, du beau ratage, ce qui est d’autant plus rageant au vu du matériau d’origine et de ses qualités énumérées préalablement !

Film en dehors des conventions cinématographiques habituelles nous montrant l'histoire de la postproduction sonore d'un métrage, Berberian Sound Studio (devant son nom à une certaine Cathy Berberian mariée à Luciano Berio, un des grands pionniers de la musique électro-acoustique) nous offre un long-métrage visuellement maîtrisé doublé d’une bande-son aussi surprenante que pénétrante. Mais voilà, les scènes ont tendance à se répéter dès la moitié du métrage et surtout, un basculement final ridicule dans les dernières minutes vient plomber ce film hommage en lui ôtant tout semblant de logique. 

Au final, Berberian Sound Studio ne remplit pas toutes ses promesses initiales, malgré la présence de Toby Jones, acteur atypique et convaincant en personnage anxieux, peu sûr de lui et rongé par le doute. Le projet ambitieux de faire peur uniquement par le son ne réussit ainsi pas complètement et ce qui se voulait représenter un exercice de style jubilatoire sur le monde du cinéma s’avère n’être, au final, qu’un pétard mouillé pseudo intello. Mieux vaut alors voir ou revoir Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, dans lequel l'hommage aux gialli d’antan est bien rendu et ce, sans effet de style superflu.




Vincent DUMENIL

BASIC INSTINCT 2 (2006)

 

Titre français : Basic Instinct 2
Titre original : Basic Instinct 2
Réalisateur : Michael Caton-Jones
Scénariste :  Leora Barish, Henry Bean
Musique : John Murphy
Année : 2006
Pays : Usa, Angleterre, Allemagne, Espagne
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Sharon Stone, David Morrissey, David Thewlis, Charlotte Rampling...


L'HISTOIRE : La voiture dans laquelle se trouve Catherine Tramell et son compagnon, le footballeur Kevin Franks, fait une embardée et plonge dans la Tamise. Suspectant la romancière d'être directement responsable de la mort de son passager, le commissaire Roy Washburn, demande une évaluation psychiatrique au docteur Michael Glass. Celui-ci se rend compte que Catherine est accroc aux risques. Néanmoins, elle est acquittée. Peu de temps après, elle se rend au cabinet du docteur Glass, lui disant avoir pris conscience de son comportement dangereux. Entre eux d'eux commence un jeu de séduction...


MON AVIS Faire une suite au thriller sulfureux et violent de Paul Verhoeven était une gageure. Le premier film était tellement chargé en sexualité (d'après le scénario du spécialiste du genre, l'obsédé Joe Eszterhas qui signa Sliver, ShowgirlsJade) que forcément la comparaison est de prime abord peu flatteuse pour ce Basic Instinct 2

Sur le plan formel, la réalisation de Michael Caton-Jones se contente du minimum syndical et est très en deçà de la hargne du réalisateur hollandais. Fort heureusement, le scénario et les dialogues sont plus alambiqués qu'à l'accoutumée et viennent à la rescousse d'un film que la plupart des critiques se sont empressés d'incendier. On n'est guère surpris que le réalisateur canadien, David Cronenberg se soit intéressé à ce projet, tant le film est rempli de symboles chers à ce grand artiste.

Dès la scène d'introduction, on retrouve le thème de l'acte sexuel commis dans une voiture qui roule à grande vitesse (n'étant pas sans rappeler le thème de Crash). Par la suite, la toujours sexy Sharon Stone s'amuse à manipuler un psy sous le charme d'une personnalité aussi forte et envahissante. Malgré les mises en garde de sa collègue, la psy Milena Gardosh (Charlotte Rampling, impériale dans un second rôle), le Docteur Michael Glass [note : remarquez le jeu de nom faisant référence au partenaire de Sharon dans le premier opus, Michael Douglas] va progressivement lâcher prise et se laisser aller dans un univers plus trouble et sombre.

Chaque apparition de Catherine Tramell fait monter la pression d'un cran. Elle apparaît omniprésente. L'interprétation de David Morrisey est plus que satisfaisante, correspondant bien à ce que sont les psy. Sa froideur apparente est donc logique, et il n'est à aucun moment envisagé de copier le personnage volcanique de Michael Douglas. Cette suite se démarque donc par une ambiance moins hitchcockienne et par la découverte d'un milieu interlope (partouzes, scènes SM, vendeur de drogue) et aussi une influence post Seven lors de la découverte des meurtres.

Excessivement pervers et manipulateur, le scénario est largement plus évolué que celui du premier volet, mais comme Hannibal l'a été pour Le Silence des Agneaux, il aurait certainement été de l'intérêt des producteurs de lui trouver un autre titre : Risk Addiction par exemple. Car le spectateur lambda s'attend logiquement à retrouver du cul et de la violence, avec même de la surenchère comme l'exige les suites habituelles. Sur ces deux points, il s'avérera déçu : une seule scène véritablement graphique, et des scènes de fesses éparpillées dans le film et qui ne s'éternisent pas. L'échec du film au box-office n'est donc pas une énorme surprise, vu la promotion faites à base de scènes coupées (visionnables aisément sur Internet) .Pourquoi avoir aussi coupé la scène de triolisme incluant la française Anne Caillon ? Autant d'erreurs commises dans la promotion du film, sans oublier la frilosité des producteurs dans une époque marquée sous le sceau du puritanisme.

Les dialogues se révèlent volontairement drôles où fortement chargés d'humour noir [Ex : le psy qui dit à Catherine : Ce n'est pas moi qui vais être inculpé pour meurtres.La réponse de Catherine est ambiguë : Pas encore.] Placée au début du film, cette réplique trouve une réponse dans la conclusion finale qui peut être aboutir à deux conclusions différentes. Plein de clins d'œil sont faits au premier Basic Instinct :on trouve des jeux de miroirs avec le film de Verhoeven : la scène de l'interrogatoire, le pic à glace…

L'idée de mélanger la fiction du dernier roman de la romancière dans la dernière partie de Basic Instinct 2 avec des événements réels provoque pas mal d'interrogations, jouant sur la manipulation du spectateur comme prisonnier d'un labyrinthe : Quels sont les faits réels ? Ceux racontés par Catherine Tramell dans son livre ? Ou ce que suppose le docteur Glass ? Ce dernier est peu aidé par un entourage aux comportements peu recommandables : un flic qui manipule les indices, un journaliste prêt à tout pour dénicher un scoop, une ex femme trop bavarde…

Si le jeu de Sharon Stone oscille entre la caricature et d'autres passages où son jeu se fait plus animal, Basic Instinct 2 vaut d'abord pour un scénario incroyablement bien écrit. Ainsi qu'à des décors choisis pour refléter la personnalité de leurs propriétaires: un cabinet lumineux pour le Docteur Glass aux antipodes de l'antre de Catherine Tramell plus sombre et torturé.

Placer l'action de cette séquelle dans l'univers de la jet-set londonienne et de la psychanalyse (le bâtiment phallique du docteur Glass !) était une bonne idée. Pas forcément exploité de manière satisfaisante, la faute à un manque de rythme évident, mais qui contentera les amateurs de manipulation mentale. Ceux qui s'attendent à un nouveau thriller érotique devront par contre passer leur chemin ou attendre l'inévitable version non censurée lors de la sortie du DVD.




Gérald GIACOMINI

BARRICADE (2007)

 

Titre français : Barricade
Titre original : Barricade
Réalisateur : Timo Rose
Scénariste : Timo Rose, Ted Geoghegan
Musique : Timo Rose
Année : 2007
Pays : Usa, Allemagne
Genre : Gore
Interdiction : -16 ans
Avec : Raine Brown, Joe Zaso, André Reissig, Manoush, Timo Rose...


L'HISTOIRE : Trois amis, Michael, David et Nina, décident de partir faire une petite randonnée dans la campagne allemande. La journée qui s’annonce calme et romantique, notamment pour Michael qui à la joie d’être en compagnie de Nina, dont il est secrètement amoureux depuis plusieurs années, va rapidement devenir un véritable cauchemar quand le petit groupe se fait agresser par une famille de dégénérés cannibales, déjà à l’origine de nombreux carnages dans la région…


MON AVISTimo Rose n’est pas un débutant dans le domaine du film gore. On peut même dire que ce réalisateur allemand serait à ranger aux côtés de ses compatriotes que sont Andréas Bethmann, Olaf Ittenbach, Jörg Buttgereit ou Andréas Schnaas pour ne citer qu’eux. Pourtant le nom de Timo Rose est bien moins connu que ceux mentionnés précédemment. Il a pourtant à son actif une petite filmographie de plus de 15 long-métrages qui ont tous trait à l’horreur, le fantastique, la science-fiction ou aux trois en même temps. Et tout comme les autres réalisateurs teutons qu’on vient d’évoquer, ses films sont des productions indépendantes à faible budget, qui respirent la passion et l’envie de faire de son mieux pour satisfaire les spectateurs et les fans malgré les contraintes.

Timo Rose possède également plusieurs cordes à son arc : en plus d’être réalisateur, il est aussi acteur, producteur, scénariste, compositeur, et s’occupe même des effets-spéciaux ! Un touche-à-tout débrouillard donc, et dont la notoriété va enfin franchir les limites de son pays grâce au film dont on va parler : Barricade, dont la réputation d’œuvre extrême a traversé les frontières et a même conquit l’éditeur français Uncut Movies qui nous donne la possibilité de voir le film avec des sous-titres français et de nombreux bonus.

La lecture de l’histoire nous annonce clairement que le film ne fera pas dans l’originalité. Un groupe d’amis, un endroit perdu en pleine forêt, et une famille de rednecks cannibales. Des références nous viennent immédiatement à l’esprit, de Massacre à la Tronçonneuse à Détour Mortel en passant par La Colline a des Yeux par exemple. Des spécimens typiques de survival bien violents qui ont marqué les esprits. Evidemment, Barricade souffrira de la comparaison avec ses illustres aînés, que ce soit en termes de réalisation, de rendu d’images, de suspense, d’ambiance. Attention, le film de Timo Rose n’est pas mauvais, bien au contraire, mais il ne peut prétendre rivaliser avec les titres évoqués précédemment. Maintenant, oublions les références et prenons le film pour ce qu’il est : un survival méchamment gore à faible budget.

Méchamment gore, Barricade l’est effectivement, sans toutefois atteindre les sommets promis par sa réputation. Des films comme Black Past ou The Burning Moon restant d’un niveau encore supérieur en termes d’horreur visuelle. Mais on en aura quand même pour notre argent, rassurez-vous ! Acide versé dans les yeux qui vient ronger un visage, viscères sortis du ventre et dégustés à pleine bouche, explosion de tête au fusil, découpage d’un téton et même un plan où vous vous retrouverez à l’intérieur d’un ventre pour mieux voir la main saisir les entrailles de la victime ! Le film vous réserve bien d’autres délires sanglants, et les effets spéciaux sont franchement réussis. L’amateur de barbaque sortira content et repu de la vision du film. La famille de dégénérés est également assez démonstrative et réjouira les fans de personnages exubérants et disgracieux, en particulier la mère de famille, incarnée par l’étrange actrice Manoush, qui n’est pas très rassurante, même lors d’une interview hors film…

Bien sûr, on pourrait comparer Barricade à un simple étalage de scènes gores entrecoupées de séquences de dialogues. Pourtant, on sent que Timo Rose aime ses personnages et ne les a pas mis de côté pour se consacrer uniquement à l’horreur et aux effets spéciaux. La petite romance qu’il installe entre Michael et Nina est très fleur bleue mais s’avère assez touchante, surtout lorsqu’on voit le gabarit de bodybuilder de Joe Zaso, qui joue les grands timides face à une excellente Raine Brown, totalement investie dans son rôle. Raine est, tout comme dans 100 Tears, la révélation de Barricade. Son jeu naturel, sa jovialité, son visage d’ange la rendent parfaitement crédible, passant du statut de jeune femme meurtrie par la vie (divorce et perte de la garde de son enfant) à celui de victime pour enfin prendre son destin en main et retourner la situation à son avantage.

Le reste du casting n’est pas toujours à la hauteur et l’aspect amateur se ressent parfois mais dans l’ensemble, et pour qui sait à quoi s’en tenir lors de l’insertion du film dans le lecteur DVD, ça passe néanmoins assez bien et reste dans la bonne moyenne des films de ce type.
Quant à la réalisation de Timo Rose, elle ne restera pas dans les annales, c’est sur mais il sait tenir une caméra, s’essaie à quelques mouvements sympas, s ‘amuse à mettre des effets sur l’image de types griffures ou stries, donnant une impression de vieille pellicule usée et abîmée, renforçant le côté malsain et sale de l’œuvre. Aucune originalité dans ces procédés certes, mais on sent vraiment une réelle passion pour le genre derrière tout ça, qu’un manque de budget ne parvient pas à transcender. Mais si on ne peut pas enlever quelque chose à Barricade, c’est bien sa sincérité.

Pour qui aime les films à petits budgets qui semblent tournés entre potes mais de manière consciencieuse, pour qui aime voir une belle héroïne crier, hurler, être recouverte de sang et de boue, pour qui aime les excès gores et la tripaille bien étalée au premier plan, le film de Timo Rose vous conviendra parfaitement. Généreux, distrayant, barbare quand il le faut et bénéficiant de la présence radieuse de Raine Brown, Barricade tient la plupart de ses promesses et saura marquer les esprits des plus goreux d’entre vous !




Stéphane ERBISTI

BABYCALL (2011)

 

Titre français : Babycall
Titre original : Babycall
Réalisateur : Pal Sletaune
Scénariste Pal Sletaune
Musique Fernando Velázquez
Année : 2011
Pays : Norvège, Allemagne, Suède
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Vetle Qvenild Werring, Stig R. Amdam...


L'HISTOIRE : En Norvège, après avoir fui un mari et père brutal, Anna et son jeune fils Anders emménagent à une adresse tenue secrète, un appartement situé dans une barre d’immeubles lugubre comme il en existe tant dans ce pays glacial. Là, pétrifiée à l’idée que son ex-mari puisse les retrouver elle et son rejeton, Anna limite tous leurs déplacements et évite même de mettre son fils à l’école. Pourtant, elle se ravise et scolarise sa progéniture sur les exhortations insistantes des personnes des services sociaux, venant régulièrement la contrôler. Elle en profite également pour acheter un baby phone afin d’être sûre qu’Anders est en sécurité pendant son sommeil et se lie d’amitié avec Helge, un vendeur en électroménager. Mais d’étranges bruits comme des plaintes et des cris viennent parasiter le baby-phone. Est-ce le fruit de l’imagination d’Anna ou bien il y a-t-il véritablement quelqu’un en souffrance dans l’immeuble ?


MON AVISThriller norvégien signé Pal Sletaune, le réalisateur du déjà très sordide Next Door, Babycall se distingue par l’atmosphère sombre qu’il dégage, donnant, à l’instar de Morse pour la Suède, une image bien peu reluisante de la Norvège. Ainsi, sur fond d’histoire de violence domestique, on suit Anna et son fils, au cœur d’une cité dortoir froide où les personnages tristes à en mourir, s’y déplacent comme des spectres incapables d’évoluer dans le monde réel. 

Pal Sletaune nous dépeint alors de manière très réaliste le quotidien de cette jeune mère terrorisée par son ex-mari et qui surprotège son fils. Il réussit grâce à une réalisation adroite à nous entraîner dans une spirale de folie paranoïaque anxiogène. On en vient alors à douter de l’état mental de cette maman armée pourtant de bonnes intentions. Anna entend des cris étranges sur le baby phone qu’elle a acheté pour surveiller son fils. D’où viennent-ils ? Sont-ils réels ou proviennent-ils de son imagination ? Est-elle mentalement dérangée ou au contraire a-t-elle réellement des raisons de s’inquiéter ? 

Le film joue sur cette ambivalence et c’est là son point fort. Tout comme dans les huis clos schizophréniques que sont Le locataire, Rosemary’s Baby ou encore Sueurs Froides, références ultimes en la matière, Babycall dissémine tout le long de l’histoire des indices pour faire perdre, aussi bien aux personnages qu’aux spectateurs, le sens des réalités et ainsi nous faire douter en permanence. On voit en effet des événements à travers les yeux d’Anna et on finit par se dire que ce n'est pas forcément la réalité, mais plus tard on voit d’autres scènes à travers les yeux de Helge (l’ami que s'est fait Anna et qui travaille dans un magasin d’électroménager) étant a priori plus sain d’esprit, et on doute tout aussi bien quant à la véracité des actes se déroulant à l’écran ! On tergiverse donc constamment dans ce film, ce qui est tout de même inquiétant avouons-le, mais pour notre plus grand plaisir. Même si on ne comprend pas tout à fait ce qui se passe…

Au cœur de décors aseptisés et d’une ambiance glauque au possible, évolue cette mère protectrice et torturée, la formidable Noomi Rapace (la trilogie séminale de Millenium, Prometheus, Seven Sisters) qui réussit là encore un tour de force remarquable dans son rôle ambigu de maman trop aimante, trop angoissée, trop inadaptée socialement, trop dépressive, trop tout quoi ! Il y a de quoi cela dit, quand on a été une victime d’un mari trop abusif, enfin…

A côté d’elle, coexistent son fils et son copain d’école bien étrange avec lequel Anders s’enferme des heures dans sa chambre, les personnes des services sociaux dont un des membres s’avère très entreprenant et le très touchant Helge (interprété par Kristoffer Joner vu dans Next door et Skjult), un vendeur en électroménager dont la mère est à l’article de la mort et à travers lequel Anna cherche un brin de réconfort.

C’est avec tout ce petit monde que Pal Sletaune nous plonge dans un univers norvégien morne et dépressif à la fois en nous faisant naviguer entre le drame social (la fuite d’un ex-mari violent, la cohabitation avec un enfant dont la relation quasi fusionnelle paraît sur le point d’exploser à tout moment) et le thriller fantastique (un baby-phone qui capte les cris d'un voisin que seul Anna paraît percevoir). 

Le film semble être parfaitement en place et plus on avance plus on se dit qu’il y a une explication logique à tout cela. Seulement voilà, Babycall, comme certains films de genre récents, souffre de l’absence de dénouement véritable ou bien donne l'impression qu'on nous a leurré pour finalement nous rouler dans la farine et n'avoir aucune explication plausible à nous fournir sur ce que l'on vient de voir. Ou plutôt, en nous laissant seuls conclure par rapport a ce qui a été vu, ressenti et ça, c’est encore pire, car ça sent le réalisateur/scénariste (c’est le cas ici pour Sletaune endossant cette double casquette) en mal d’inspiration qui ne savait pas comment parachever son oeuvre et nous sort un twist final de derrière les fagots maintes fois utilisé au cinéma. Et ce, après pourtant nous avoir fait miroiter des choses intéressantes. 

Un sentiment d'inachevé et de frustration prédomine donc au final à la fin du visionnage qu’irrémédiablement, on ne trouve plus du tout original, dommage ! On a le sentiment que Sletaune nous refait le même coup qu’avec le surcoté Next Door avec son côté huis clos en appartement et un aboutissement quasi similaire si on est un habitué des films de genre et un fin observateur et ce, dès les premières minutes du métrage…

Grand prix au festival de Gérardmer de 2012, Babycall s’annonce, tout du moins au début, comme un thriller horrifique de bonne facture, avec la réalisation froide mais maîtrisée de Sletaune et surtout l’interprétation habitée de son actrice principale (Noomi Rapace est parfaite). Toutefois, le scénario qui essaie de se la jouer Cluedo avec ses pistes multiples, ne répond pas totalement au mystère originel et la fin devient alors le gros point faible de ce long-métrage. Elle se veut en effet trop énigmatique (alors que si on est attentif au début du film, on la sent venir de loin…) et arrive comme un cheveu sur la soupe, tout en étant saupoudrée d’effets grand-guignolesques mal venus car n’allant pas de pair avec l’ambiance du métrage. 

En définitive, ce film alternant des idées de mise en scène intéressantes et des pistes éculées pour certaines ou qui restent peu explorées pour les autres, est une déception à cause de sa fin, ce dont la rétine se rappellera le plus longtemps. Tant pis !




Vincent DUMENIL

L’ASSOCIÉ DU DIABLE (1997)

 

Titre français : L'Associé du Diable
Titre original : The Devil's Advocate
Réalisateur : Taylor Hackford
Scénariste : Brandon Boyce
Musique : James Newton Howard
Année : 1997
Pays : Usa, Allemagne
Genre : Thriller, Diable et démons
Interdiction : -12 ans
Avec : Keanu Reeves, Al Pacino, Charlize Theron, Jeffrey Jones, Judith Ivey...


L'HISTOIRE : Kevin Lomacks est le jeune et brillant avocat d'un patelin de Floride. Perspicace, retors, passionné, mais aussi vaniteux, il sacrifie son humanité au profit d'une énième performance au barreau judiciaire, obtenant l'acquittement d'un pédophile notoire. C'est d'ailleurs quand il fête sa victoire qu'il reçoit une proposition d'embauche alléchante de la part d'un cabinet d'avocats new-yorkais, la Milton Chadwick Waters. Salaire mirobolant, hébergement dans un hôtel cinq étoiles, voiture gracieusement offert et bien sûr, il devra défendre des accusés indéfendables. Malgré les réticences de sa mère, très religieuse, qui compare New York à la Babylone de l'Apocalypse, Kevin accepte l'offre et déménage avec sa femme, Marie-Anne. L'accueil de John Milton, patron du cabinet d'avocat, est impressionnant et royal, et l'avenir semble ouvrir ses bras au jeune couple qui songe à faire un enfant. Mais sans le savoir, Kevin vient de faire un pacte avec le Diable… 


MON AVISIncarner le Diable en personne au cinéma n'est pas une affaire facile. L'imagerie qui tourne autour du Tentateur est si vaste qu'on prend le risque de s'y casser les dents à tous les coups. Parker avait déjà fait une belle tentative avec Robert de Niro dans Angel Heart, mais une tentative assez discutable. Là, comme par hasard, c'est l'autre monstre sacré du cinéma américain qui s'y colle, Al Pacino. Et force est de constater que dans ce petit duel, c'est ce dernier qui gagne.

Adapté du livre d'Andrew Neiderman, le scénario bénéficie déjà d'une excellente idée, celle de situer le mal dans l'univers qui est censé le combattre : la loi. Et bien entendu, à travers les personnages de Kevin Lomacks et de John Milton, c'est l'occasion pour le film de dénoncer la perversion de la justice à une époque de plus en plus procédurière. L'image d'une justice droite, humaine et au service de tous est balayée : ici ne règne que l'argent, la malice, le cynisme et la vanité. Un discours qui ne manque pas de sentir son petit puritain - surtout avec le personnage de la mère de Kevin - mais dont on pourrait difficilement récuser le bien-fondé de nos jours…

L'interprétation d'Al Pacino est magistrale, épatante de classe, de ruse, de prestance soyeuse et d'humour noir. A la limite, le rôle du Diable était presque trop étroit pour lui, et on sent qu'il aurait voulu faire encore plus, encore mieux. Keanu Reeves parvient à nous convaincre dans son rôle d'avocat aux dents longues, pris dans son désir de réussite et le regrettant amèrement par la suite. Charlize Theron est un peu effacée et figée mais nous émeut tout de même, et le reste des acteurs compose une galerie de personnages standard de bonne tenue.

Là où le film pèche, c'est par ses longueurs inutiles. Des scènes comme celles de la réception mondaine ne sont pas indispensables, et certes on ne s'y ennuie pas, mais le rythme en est appesanti. La réalisation et la photographie n'ont rien d'extraordinaire, les effets spéciaux sont un peu limites. Le plaisir est néanmoins au rendez-vous grâce à l'histoire bien ficelée, pleine de perversité et de cruauté sensuelle, et à la performance d'Al Pacino. A voir.




Stéphane JOLIVET