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BEYOND THE OMEGA (2020)

 

Titre français : Beyond the Omega
Titre original : Il tuo Sepolcro... la Nostra Alcova
Réalisateur : Mattia De Pascali
Scénariste : Mattia De Pascali
Musique : /
Année : 2020
Pays : Italie
Genre : Necrophilie
Interdiction : -16 ans
Avec Lorenzo Lepori, Benedetta Rossi, Alex Lucchesi, Pio Bisanti...


L'HISTOIRE : Après qu'un maniaque ait assassiné Iris, sa fiancée, Aristodemo, un traducteur timide et introverti, s'isole dans une maison de campagne et se coupe du monde. Impuissant sexuellement face à des femmes de chair et d'os, les pulsions et les névroses d'Aris le conduisent à acheter sur le net une poupée sexuelle grandeur nature et à l'apparence cadavérique. Sombrant petit à petit dans une douce folie, Aris s'imagine que la poupée est vivante et qu'elle lui parle. Dans le même temps, le maniaque continue son horrible collection et semble se rapprocher de plus en plus du lieu de vie d'Aris...


MON AVISL'Italie prouve qu'elle est toujours le berceau du cinéma bis déviant et trash avec une nouvelle génération de réalisateurs qui font persévérer cet esprit bis, à l'image d'Ivan Zuccon ou Domiziano Christopharo par exemple. On peut également ajouter Mattia De Pascali qui, avec Beyond the Omega, entre par la grande porte et frappe un grand coup dans le domaine du cinéma extrême. Rien que le titre nous fait comprendre qu'il s'agit d'un hommage (revendiqué) au Buio Omega (Blue Holocaust) de Joe d'Amato mais pas seulement. J'y ai aussi vu des influences de Soupçons de Mort de Lucio Fulci et aussi de Love Object entre autres. 

Le film de Mattia De Pascali, dont il a également signé le scénario, nous entraîne à la suite d'Aristodemo, un traducteur qui devait se marier mais dont la fiancée a été assassiné par un maniaque. Depuis, l'homme se cloître dans sa maison, devenant esclave de ses pulsions sexuelles. On apprend d'ailleurs que sa fiancée était vierge et qu'elle se réservait pour sa nuit de noces, ce qui implique que Aristodemo est sûrement encore puceau, sans que ce soit dit explicitement. On le voit d'ailleurs se masturber souvent, ce qui confirmerait cette hypothèse, surtout qu'il rencontre bien des difficultés lorsqu'il est avec d'autres femmes. Plus le temps passe, plus l'isolement corrompt l'esprit fragile du héros, qui en est devenu impuissant sexuellement, tentant d'avoir des érections en allant dans des clubs privés mais sans succès.

Lorsqu'il commande une poupée de latex grandeur nature sur le net, sa santé mentale va vaciller encore plus, surtout qu'il a choisi une apparence cadavérique pour sa nouvelle amie. Une amie de plastique qui va devenir bien réelle pour notre héros, la poupée cédant sa place à l'actrice Benedetta Rossi qui va donc passer la majeure partie du film entièrement nue et maquillée comme un cadavre, se soumettant totalement aux désirs sexuels de son hôte. 
Le travail sur la séparation de la frontière du réel et du fantasme chez le héros, très bien interprété par l'acteur Lorenzo Lepori, est vraiment bien mis en avant et la mise en scène de De Pascali fait bien plus que le job, parvenant à créer une ambiance malsaine du plus bel effet. Eros et Thanatos se rencontre donc dans Beyond the Omega, d'abord de manière suggérée avec la poupée de plastique puis de manière plus explicite avec la vraie actrice, pour se conclure dans une séquence qui aurait sûrement emballé Jorg Buttgereit, réalisateur des deux Nekromantik.
Parallèlement aux agissements pervers du héros, qui s'enfonce dans une folie omniprésente et destructrice, on suit également les méfaits d'un tueur en série ultra-violent, qui viole, étrangle, découpe ou tronçonne ses victimes féminines sans la moindre hésitation. Les effets gores, à l'ancienne, sont efficaces et très bien conçus et feront la joie des fans. Quant à savoir qui est ce tueur mystérieux et sadique, et quel rapport peut-il y avoir entre lui et Aristodemo, c'est une interrogation que se posera continuellement le spectateur, un peu déboussolé il faut le reconnaître par l'enchaînement des situations. Une chose est sûr en tout cas, c'est que Beyond the Omega ne fait pas dans la demi-mesure et assume totalement son côté trash et révulsif.
Jamais de hors-champ, tout est montré au public de manière frontale, que ce soit les meurtres graveleux, les viols ou les déviances du héros. Le film n'en oublie pas de se montrer parfois poétique, une poésie macabre bien sûr, dérangeante, qui fera détourner le regard des spectateurs non avertis auquel ce film ne s'adresse pas. Réalisé avec classe, possédant une belle photographie et des éclairages travaillés, bénéficiant d'un casting qui a été au bout des demandes du réalisateur et du scénario, Beyond the Omega est un film horrifique qui cherche à choquer et qui y réussi admirablement bien. Les films traitant de la nécrophilie sont rares, celui-ci fait partie des meilleurs !



Stéphane ERBISTI

LES BÊTES FÉROCES ATTAQUENT (1984)


Titre français : Les Bêtes Féroces attaquent
Titre original : Belve Feroci
Réalisateur : Franco E. Prosperi
Scénariste : Franco E. Prosperi
Musique : Daniele Patucchi
Année : 1984
Pays : Italie
Genre : Attaques animales
Interdiction : -12 ans
Avec Tony DeLeo, Lorraine De Selle, Ugo Bologna, Louisa Lloyd, John Stacy...


L'HISTOIRE : Francfort. Laura Schwarz, journaliste locale, rejoint son compagnon, Rupert Berner, dresseur au zoo. Certains animaux semblent anormalement excités, mais personne ne s’inquiète véritablement. Dès la nuit tombée, les événements se précipitent : alors que des rats dévorent un couple flirtant dans une voiture, le système de sécurité des portes et des cages du zoo tombe en panne, libérant des dizaines de fauves, lions, tigres, guépards, ainsi que tous les autres animaux, dont des éléphants et un ours polaire. Devenues inexplicablement agressives et meurtrières, les bêtes sauvages envahissent la ville, semant un incroyable vent de panique et la mort autour d’elles...


MON AVISTourné à une période où le cinéma ne s’était pas encore remis des fameux mondo, ces pseudo-documentaires controversés où des images réelles étaient souvent préparées, provoquées avant d’être filmées, Les Bêtes Féroces attaquent en conserve certains aspects. D’ailleurs, la présence à la réalisation de Franco E. Prosperi, auteur avec Gualtiero Jacopetti et Paolo Cavara du célèbre Mondo Cane en 1962, est loin d’y être étrangère. De plus, nous sommes encore sous l’influence sensationnaliste de la cannibalsploitation, instaurée par les films d’Umberto Lenzi et de Ruggero Deodato, dont Cannibal Holocaust demeure le point de non-retour. 

Avec ce Belve Feroci, l’intention est claire : en mettre plein la vue et faire le plus réaliste possible, quitte à y laisser des plumes. Car ce qui frappe directement à la vision du film, c’est son côté aussi réel que brutal, un aspect unique que ne pourront jamais posséder les œuvres actuelles. En effet, cet animal attack arrive lorsque le sous-genre est encore très à la mode - il périclitera vers la fin des années 80 avant de revenir en force peu avant les années 2000 - et, plutôt que de se noyer dans la masse des films du genre, il les balaie tous sur son passage.

Peu de films peuvent se targuer de frôler en permanence la mort et de montrer un danger aussi palpable au bout de leur objectif. Les Bêtes Féroces attaquent détient cette incroyable force, bestiale sans jeu de mots, qui lui permet d’accéder au statut d’œuvre folle parmi les plus dangereuses jamais tournées. Le seul film le dépassant jusqu’alors, c’est Roar (dont le tournage s’étalera de 1975 à 1981), un monument montrant le danger mortel à travers des images de folie furieuse où fauves et humains cohabitent d’une certaine manière. Mais, plus axé aventure et même empreint d’un certain humour au vu de ses situations particulièrement cocasses (plus pour le spectateur que pour les protagonistes), Roar évite le style horrible en éliminant, à de très rares exceptions, les effusions de sang. S’il reste imbattable sur le fait qu’il demeure le film le plus dangereux de tous les temps, avec ses nombreux accidents de tournage, il va être dépassé en terme de violence brute par Les Bêtes Féroces attaquent, même si le tournage de ce dernier semble avoir été plus chanceux. Le film de Prosperi constitue sans nul doute le dernier grand témoignage d’une période où le cinéma pouvait se permettre tous les excès possibles, apportant à l’écran un résultat furieux qu’il est impossible d’égaler ou même d’approcher aujourd’hui. Si l’on ne peut reprocher aux auteurs d’éviter le danger trop grand lors des tournages, l’utilisation quasi permanente des effets infographiques a détruit toute forme d’authenticité. Dommage...

Les Bêtes Féroces attaquent propose une intrigue assez simpliste, qui évoque brièvement, sans véritablement les développer, les thèmes de l’écologie et du danger de la drogue. En gros, l’homme fait n’importe quoi et détruit la nature, pollue, puis cette même nature se retourne contre lui. Les quelques plans au début du film sur ces seringues jetées par dizaines dans les lieux publics puis sur les eaux potables traitées en usine en dit long sur le malaise qui règne, un malaise toujours autant d’actualité de nos jours. Pas besoin de plus se justifier pour se lancer dans le spectacle que tout le monde désire : les attaques animales ! 

En cela, l’œuvre va si loin qu’elle élimine d’emblée toute chance de l’égaler. La caméra filme sans concession et avec brio de redoutables fauves et autres superbes animaux sauvages en pleine action violente, courant, sautant, mutilant et tuant, lors de séquences hallucinantes et énergiques où le spectateur se fait tout petit. Le travail des dresseurs, des cascadeurs et du reste de l’équipe est à souligner tellement il respire un danger inédit et un sentiment de réalisme imbattable. On y va aussi franco en termes de violence et de gore, les bêtes sauvages mordant et dévorant leurs victimes dans de gros bouillons sanglants. Et les quelques plages de calme au cours du récit ne sont que des leurres.

Un moment de soulagement dans une rame de métro ? En quelques instants, le courant saute et un tigre s’empresse de s’inviter dans un wagon. Une pause pépère avec un vieil aveugle jouant au piano dans son paisible appartement, sous les yeux bienveillants de son berger allemand ? En moins de deux secondes, l’animal devient fou furieux et égorge son maître sans la moindre hésitation (hommage appuyé au Suspiria de Dario Argento et à L’au-delà de Lucio Fulci). Les couples n’ont même pas le temps de flirter, ils se font agresser immédiatement par des meutes de rats voraces. On ne souffle jamais dans Les Bêtes Féroces attaquent, qui porte plus que bien son titre. Impossible d’oublier certaines séquences ahurissantes, comme cette course folle entre la pauvre jeune fille apeurée dans sa petite Volkswagen Coccinelle et un guépard qui la pourchasse sans relâche dans une artère du centre-ville (scène tournée à Johannesburg et non Francfort). On ne peut que saluer l’équipe qui filme cette spectaculaire cavalcade à 100/110 km/h, le guépard demeurant l’animal terrestre le plus rapide au monde, capable d’accélérations fulgurantes (de 0 à 70 km/h en deux secondes, de 0 à 90 km/h en trois secondes), pour une vitesse de pointe de 120 km/h. Des chiffres incroyables qui nous plongent dans une ivresse de danger qui a dû être communicative pour que l’on nous serve de si folles images.

Des éléphants qui traversent un aéroport (celui de Johannesburg aussi) et provoquent un affreux crash aérien, un ours polaire qui sème la panique dans un gymnase rempli de gosses, un troupeau de bovins qui court en déglinguant tout sur son passage, faisant voler vitrines, tables et chaises, provoquant une indescriptible panique, un tigre qui se promène dans le métro, voici quelques-uns des morceaux de bravoure dans un film qui ne manque pas de générosité à ce niveau. 

Le seul reproche que l’on peut faire, ce sont ces moments de cruauté animale, hélas récurrents dans le cinéma italien de l’époque. Bien que les auteurs s’en défendent, et sans vouloir mettre en cause leur bonne foi, on peut douter de la présence de rats mécaniques en jouets munis de moteurs lorsque les lance-flammes brûlent les rongeurs. De même pour le chat, brutalement attaqué et mordu par les mêmes bestioles, qui n’aurait terminé la scène que légèrement blessé. Passons. Cascades automobiles et explosions diverses complètent le programme déjà bien chargé d’une œuvre atypique et unique.

Belve Feroci n’est bien évidemment pas un film qui s’adresse aux âmes trop sensibles, la brutalité et l’indépassable fureur de ses images lui donnant une place de choix parmi les animal attack les plus efficaces de tous les temps. D’autant plus que les dix dernières minutes nous proposent un rebondissement plutôt marquant. Mais je n’en dis pas plus pour ceux qui n’ont pas encore vu le film...




Cédric PICHARD

LA BÊTE TUE DE SANG FROID (1975)

 

Titre français : La Bête tue de Sang Froid
Titre original : L'Ultimo Treno della Notte
Titre alternatif : Le Dernier Train de la Nuit, Le Train de l'Enfer
Réalisateur : Aldo Lado
Scénariste : Roberto Infascelli, Renato Izzo
Musique : Ennio Morricone
Année : 1975
Pays : Italie
Genre : Rape & Revenge
Interdiction : -16 ans
Avec Flavio Bucci, Macha Meril, Marina Berti, Franco Fabrizi...


L'HISTOIRE : Lisa Stradi et sa cousine Margaret Hoffenbach, âgées de seize ans, s'apprêtent à passer les fêtes de Noël à Vérone chez les parents de Lisa. Dans le train parti de Munich, elles croisent deux voyous en cavale et une bourgeoise nymphomane qui sèment le désordre. Lorsque le train est immobilisé de nuit dans une petite gare autrichienne, suite à une alerte à la bombe, les deux jeunes filles décident de changer de train et de fuir les importuns. Hélas, le trio maléfique croise à nouveau leur route. Isolées dans un wagon, Lisa et Margaret vont subir un véritable calvaire...


MON AVISAprès avoir fait ses armes en tant qu'assistant-réalisateur sur divers films de 1967 à 1971, l'Italien Aldo Lado décide de mettre lui-même en scène les films qu'il a envie de tourner. Sa carrière de réalisateur débute donc dès cette année 1971, avec Je Suis Vivant puis Qui l'a vue Mourir ? en 1972, deux gialli très intéressant et apprécié des fans du genre. De l'aveu même d'Aldo Lado, il n'a jamais vu La Source de Ingmar Bergman ni La Dernière Maison sur la Gauche de Wes Craven lorsqu'il réalise La Bête tue de Sang-Froid en 1975. On pourra évidemment trouver cela assez étonnant tant ce dernier a de nombreux points communs avec le film choc de Craven datant de 1972, lui-même inspiré du classique de Bergman datant de 1960. 

Le scénario de La Bête tue de Sang-Froid, écrit par Aldo Lado avec l'aide de Renato Izzo et de Roberto Infascelli, semble être en effet un clone de La Dernière Maison sur la Gauche, la principale différence étant le lieu où vont se dérouler les abominations subies par les deux victimes, à savoir les wagons d'un train de nuit. Mais hormis cette unité de lieu, qui apporte au film une touche anxiogène et claustrophobique qui sied très bien au drame présenté, tout est quasiment identique : dans ces deux Rape & Revenge, on a deux victimes féminines assez jeunes, un trio d'agresseurs composé de deux hommes et d'une femme, des sévices sexuelles non consenties, une ambiance malsaine et sordide, des meurtres graveleux qui choquent le spectateur, l'arrivée impromptue des agresseurs chez les parents de leurs victimes, un détail qui fait comprendre à ces derniers qui sont réellement leurs invités (un pendentif chez Craven, une cravate bleue chez Lado) et pour conclure la vengeance desdits parents, qui deviennent par la même occasion aussi monstrueux que les voyous qui ont tué leur progéniture. Ça fait quand même beaucoup d'éléments semblables pour être une simple coïncidence, surtout qu'on connaît bien l'amour des Italiens a surfer sur le succès des productions américaines qui ont rapporté de l'argent en tournant à la volée des copies quasi conformes.

Bref, même si on accorde à Aldo Lado le bénéfice du doute, impossible de nier que son film passe son temps à subir, et en sa défaveur en ce qui me concerne, la comparaison avec le classique de Wes Craven. Divisé en trois parties, La Bête tue de Sang-Froid peine à trouver un rythme de croisière qui accroche réellement le public, qui se surprend parfois à regarder sa montre ou le compteur du lecteur vidéo pour voir où on en est sur les 92 minutes que dure le film. 

La première partie nous présente évidemment les principaux protagonistes du futur drame, à savoir Lisa (Laura D'Angelo) et Margaret (Irene Miracle), les deux jeunes filles qui vont avoir le malheur de prendre un train de nuit pour aller passer les fêtes de Noël chez les parents de Lisa et qui vont croiser le chemin de Blackie (Flavio Bucci) et Curly (Gianfranco De Grassi), deux paumés, deux drogués, qui passent leur journée ennuyeuse à commettre de menus larcins et à effrayer les gens dans la rue. Il faut les voir agresser un pauvre type déguisé en Père-Noël pour lui voler quelques centimes pour comprendre que ces deux-là ne sont que de petites frappes sans grand intérêt, des laissés pour compte, des rebuts de la société. Voyageant sans billet, ils vont croiser une étrange femme dans l'un des wagons (la troublante Macha Meril, qui interprète ici une véritable incarnation du Mal), cette dernière incarnant une certaine classe de la bourgeoisie. C'est bien cette rencontre qui va mener au drame, Aldo Lado dressant alors un constat âpre et dur sur la société italienne de l'époque, qui sous-entend que la violence est engendré par les riches qui laisse crever les pauvres et ne leur apporte aucune aide, aucune solution pour s'en sortir. Sous ses airs de femme distinguée, cette jolie blonde cache en fait une personnalité sadique, calculatrice, manipulatrice, qui va réussir, en usant de ses charmes, à mener les deux voyous par le bout du nez et à en faire ses sous-fifres sans que ceux-ci ne s'en rendent réellement compte.

Alors que leur train est retenu sur les quais à cause d'une alerte à la bombe, Lisa et Margaret n'ont d'autres choix que de changer de train si elles veulent être arrivées à temps pour fêter Noël. Le triste hasard fait que c'est ce même train de nuit que les deux voyous et leur nouvelle amie ont choisi également. Bloquées à l'intérieur d'un wagon avec le trio diabolique, Lisa et Margaret, dans la seconde partie du film, vont alors subir moult outrages et humiliations de la part de Blacky et Curly, tous deux excités par la femme qui prend un plaisir évident à les voir malmener les deux pauvres amies. Comble de la perversion, un voyeur assiste aux exactions et se fait inviter par la femme à en profiter. Il n’hésitera pas à violer Margaret et à s'enfuir aussitôt, sans donner l'alerte aux contrôleurs. La lâcheté dans toute sa splendeur. 

Le sort le moins enviable sera réservé à Lisa, qui, encore vierge, se verra dépuceler à l'aide d'un couteau à cran d'arrêt. Filmées dans la pénombre du wagon, ces quelques séquences mettent mal à l'aise évidemment mais personnellement, elles ont eu sur moi un impact moins choquant que les humiliations subies par les victimes de La Dernière Maison sur la Gauche. Par contre, quand les voyous jettent le cadavre de Lisa par la fenêtre du train, on ressent un réel sentiment de malaise, cette image est très efficace et hisse le niveau de sordide un cran au-dessus du reste du film. Ne reste plus qu'à assister à la troisième partie et cette dernière ne sera guère mouvementée, et bien moins percutante que la partie vengeance du film de Wes Craven.

Même si La Bête tue de Sang-Froid fait partie des classiques du genre Rape & Revenge, il ne fait pas partie de mes préférés pour autant, son aspect copié-collé, qu'on appellerait presque plagiat, de La Dernière Maison sur la Gauche l'empêchant de se montrer réellement original. Reste que la mise en scène d'Aldo Lado est bonne, que certaines trouvailles visuelles sont à mettre en avant, que les éclairages et la photographie sont travaillés comme il faut, que la bande originale est composée par Ennio Morricone, avec même une chanson de Demis Roussos, et qu'en filigrane, le réalisateur nous propose sa vision très nihiliste du genre humain. Des qualités certes, mais qui ne peuvent sauver totalement le film de sa dimension déjà vu et en mieux chez un autre ! Le film a bénéficié en France et en Belgique de plusieurs titres d'exploitations, comme Le Dernier Train de la Nuit, La Chienne du Train de Nuit, Dernier Arrêt du Train de Nuit, Le Train de l'Enfer, Le Train de la Mort, Train de Nuit pour un Tueur et j'en passe...




Stéphane ERBISTI

BEATRICE CENCI - LIENS D'AMOUR ET DE SANG (1969)

 

Titre français : Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang
Titre original : Beatrice Cenci
Réalisateur : Lucio Fulci
Scénariste : Lucio Fulci, Roberto Gianviti
Musique Angelo Francesco Lavagnino, Silvano Spadaccino
Année : 1969
Pays : Italie
Genre : Sorcellerie, Inquisition
Interdiction : -16 ans
Avec Tomas Milian, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie, Antonio Casagrande...


L'HISTOIRE  À Rome en 1599, la jeune Béatrice attend dans une cellule le moment de son exécution. Son crime est d’avoir commandité l’assassinat de son père, Francesco Cenci, noble tyrannique et incestueux. La sentence provoque l’ire du peuple qui voit en la « Belle parricide » la martyre d’une société arrogante et hypocrite. Mais derrière l’icône se cache un personnage complexe qui a su manipuler les sentiments du serviteur Olimpio pour arriver à ses fins...


MON AVIS : Quand on évoque le nom de Lucio Fulci, on pense en premier lieu à ses nombreuses œuvres horrifiques, de L'Enfer des Zombies à Frayeurs, de L'Au-Delà à La Maison près du Cimetière entre autres, pour ne citer que les quatre plus célèbres. Les amateurs du réalisateur transalpin savent pourtant qu'il a touché à bien d'autre genre, tel la comédie, le western, le polar, l'heroic fantasy ou le film d'aventure par exemple. 

En 1969, il s'attaque même au drame historique, pour ce qui sera d'ailleurs son unique incursion dans ce genre, et réalise Beatrice Cenci, film à costumes qui mêle vérité et liberté historique, drame sordide, machination, amour destructeur et scènes de torture. A l'arrivée, un seul mot nous vient à l'esprit après visionnage du film : grandiose ! Sans contestation possible, on tient là le plus beau film de Lucio Fulci, avec La Maison près du Cimetière.

Connu en France sous le titre de Liens d'Amour et de SangBeatrice Cenci est une oeuvre maîtrisée, visuellement magnifique, et qui n’hésite pas à égratigner de façon frontale la religion et le Pape lui-même, ce qui valut d’ailleurs au film quelques petits soucis avec le Vatican lors de sa sortie. L’insuccès du film déprima profondément Lucio Fulci qui s’était investi à fond dans le projet, disant même que c'est le film qui lui tient le plus à cœur de toute sa filmographie. 

Relatant un fait divers ayant eu lieu au XVIème siècle et qui demeure toujours présent dans les esprits en Italie, le personnage de Beatrice étant devenu l'icône du féminisme suite à sa décapitation pour parricide, le film de Fulci est une oeuvre forte, chargée d’émotion et de scènes choc, puissantes. Le personnage de Francesco Cenci, interprété avec conviction par le français Georges Wilson (célèbre acteur, père de Lambert Wilson et réalisateur d'un unique film, La Vouivre en 1989) nous apparaît d’une cruauté sans égale, cupide, violent, se réjouissant de la mort de deux de ses fils car cela lui permet de ne plus dépenser d’argent pour eux, ou n’hésitant pas, sous l’emprise de l’alcool, de tenter d’avoir une relation sexuelle avec sa propre fille Béatrice. On comprend alors le désir morbide de cette jeune fille, qui se destine au couvent, à vouloir la mort de son paternel. Mais l’Inquisition, dans toute sa mauvaise foi, ne verra dans ce drame familial qu’un prétexte pour torturer et mettre à mort les membres de la famille Cenci, permettant alors à l’Église de récupérer toute la fortune et les biens amassés par Francesco Cenci. 

On comprend que le Vatican n’ait pas apprécié cette lourde charge de Lucio Fulci à son encontre, ce dernier étant pourtant croyant. Il n’hésite d’ailleurs pas à filmer de manière crue les tortures subies par le serviteur de Béatrice, personnage très bien interprété par Tomas Milian. Des séquences d’une rare intensité et superbement mises en scène, avec un souci de réalisme qui fait froid dans le dos. On n’est pas loin du terrible La Marque du Diable qui sortira l’année suivante. Mais plus que les attaques envers la religion et la soif d’argent et de pouvoir, Beatrice Cenci est avant tout un hymne à la condition féminine, une ode à la liberté des femmes, une attaque contre la patriarcat. Béatrice devient alors une sorte de martyr, ayant juste voulu s’échapper d’une vie qu’on a décidé pour elle, d'une vie placée sous le signe de la peur et de la violence, deux facteurs représentés par la figure du père. 

On peut trouver  hautaine et ingrate l'attitude de Beatrice face à son serviteur qui vient de se faire torturer et qui l'a aidé à mener à bien son parricide par amour, la jeune femme ne lui jetant jamais un seul regard quand elle quitte la salle d'audience. Une attitude qui montre que Beatrice a plusieurs facettes et que derrière son visage angélique peut se cacher un être froid et déterminé, voire même cruel, qui n'hésite pas à se montrer manipulatrice pour parvenir à ses fins. Impossible de ne pas mentionner son extraordinaire interprète, Adrienne Larussa, assurément l'une des plus belles actrices jamais vues sur un écran. 

Si l'entente entre l'actrice et son réalisateur n'était pas au beau fixe durant le tournage, Adrienne Larussa ayant tendance à se prendre pour une diva selon quelques autres acteurs (dont Mavie Bardanzellu qui joue la mère de Beatrice dans le film), impossible de rester insensible face à ce visage parfait, qui incarne tour à tour la détermination, l'abnégation, la peur, la haine, la souffrance. La jeune actrice américaine, qui n'a pas eu une grande carrière (on l'a vu dans Psychout for Murder en 69 ou dans L'Homme qui venait d'ailleurs en 76 par exemple, ainsi que dans des épisodes de séries-télévisées) s'en sort vraiment bien et irradie l'écran à chacune de ses apparitions. La musique de Angelo Francesco Lavagnino et Silvano Spadaccino accompagne merveilleusement bien les images et donne une touche poétique à des scènes pourtant bien cruelles. 

Sombre, âpre, très nihiliste et jusqu’au-boutiste, Beatrice Cenci - Liens d'Amour et de Sang est vraiment un film phare dans la filmographie de Fulci et il mérite réellement d'être reconnu en tant que tel.




Stéphane ERBISTI

FORMULE POUR UN MEURTRE (1985)



Titre français : Formule pour un Meurtre
Titre original : 7, Hyden Park : La Casa Maledetta
Réalisateur : Alberto de Martino
Scénariste : Alberto De Martino, Vincenzo Mannino
Musique : Francesco De Masi
Année : 1985
Pays : Italie
Genre : Film de machination
Interdiction : -12 ans
Avec : Christina Nagy, David Warbeck, Carroll Blumenberg, Rossano Brazzi...


L'HISTOIRE : Boston, 1985. Ayant chuté, enfant, dans un escalier pour échapper à l'agression d'un homme habillé en prêtre, trauma qu'elle a effacé de sa mémoire, Joanna se retrouve clouée dans un fauteuil. Ayant hérité de la fortune de ses parents, ses journées se partagent entre sa villa et le centre sportif pour handicapés qu'elle a contribué à monter. Son amie Ruth gère son quotidien, tandis que Craig fait d'elle une sportive handisport accomplie. Alors qu'approche la date de signature d'une forte dotation à sa paroisse, les prêtres chargés de cette tâche disparaissent. Craig, l'entraîneur de Joanna, la pousse à l'épouser. Elle finit par lui céder, pour le meilleur et pour le pire...


MON AVISAprès avoir débuté dans le péplum, comme bon nombre de ses compatriotes, avec des films très sympathiques comme Le Gladiateur Invincible (1961), Persée l'Invincible (1963) ou La Révolte de Sparte (1964), Alberto de Martino bifurque ensuite dans le film d'épouvante (Le Manoir de la Terreur - 1963), le western (100,000 dollars pour Ringo - 1965), le film d'espionnage (Mission spéciale Lady Chaplin - 1966), le polar (Rome contre Chicago - 1968), le giallo (L'Uomo dagli Occhi di Ghiaccio - 1971) et bien sûr, le film fantastique et horrifique, avec deux beaux représentants du genre, à savoir L'Antéchrist en 1974 et Holocaust 2000 en 1977. C'est également à ce réalisateur qu'on doit L'incroyable Homme Puma en 1980. 

Dans les années 80, alors que les beaux jours du giallo ont depuis quelques années touchées à leur fin, il persévère et réalise Blood Link en 1982 et ce Formule pour un Meurtre en 1985, sous le pseudonyme de Martin Herbert. Un giallo tardif, qui est d'ailleurs plus à considérer comme un film de machination même si on a de nombreux éléments typique du giallo à se mettre sous la dent. Dès la scène introductive, on a un des grands classiques du genre, à savoir le trauma enfantin qui va venir poursuivre l'héroïne à l'âge adulte. Ici, une petite fille est approché par un prêtre qui va lui prendre sa poupée et la poursuivre dans des escaliers. La scène sera non aboutie mais à la place, on verra cette fameuse poupée dévaler les escaliers, nous faisant comprendre le triste sort réservé à la petite fille. Une petite fille prénommée Joanna et qu'on retrouve des années plus tard, interprétée par Christina Nagy

Son trauma psychologique, nous explique-t-on, elle l'a enfouie dans sa mémoire mais il ne faudrait pas grand chose pour qu'il resurgisse. Par contre, ses séquelles physiques, elle ne peut les enfouir puisqu'elle est paraplégique et ne se déplace qu'en fauteuil roulant. On apprend donc à connaître Joanna, on fait connaissance avec Ruth (Carroll Blumenberg), sa meilleure amie qui veille sur elle et qui ne voit pas d'un bon œil la relation amoureuse qu'entretient Joanna avec Craig, son éducateur, interprété par le bien connu David Warbeck, star de L'Au-delà de Lucio Fulci. Ce dernier souhaite l'épouser et il se montre plutôt insistant à ce sujet, semblant vouloir précipiter les choses. Est-il un amoureux transit ou y'a-t-il anguille sous roche ? Et pourquoi un prêtre s'est-il fait brutalement assassiné ?

Ces mystères n'intéressent pas du tout Alberto de Martino puisqu'au bout d'une demi-heure, le réalisateur de Formule pour un Meurtre nous donne déjà la solution. Point de suspense à couper au couteau donc, tout est dévoilé au spectateur de manière transparente et, comme dans La Baie Sanglante, c'est encore une affaire d'héritage qui motive les agissement du / des meurtrier(s) qui ont savamment préparé leur plan pour arriver à leur fin. 

Là où Alberto de Martino a plutôt réussi son film, c'est qu'en nous privant de tout suspense, il parvient tout de même à nous intéresser à la suite des événements et à ce qu'il va advenir de Joanna. Durant les cinquante dernière minutes, Formule pour un Meurtre rejoint la catégorie de thrillers mettant en scène une personne en situation de handicap, à l'image de Hurler de Peur de Seth Holt (1961), Seule dans la Nuit de Terence Young (1967) et bien sûr le Terreur Aveugle de Richard Fleischer (1971) entre autres. Agression, tentative de meurtre, course-poursuite vont se succéder dans la demeure de Joanna et la malheureuse paralytique devra avoir bien du courage et du sang froid pour rester en vie face à la menace bien tangible qui l'assaille, le tout sur un rythme nerveux et qui n'ennuie jamais. 

Pourtant, ce n'était pas gagné d'avance puisque, à l'image du Simetierre de Mary Lambert, ce Formule pour un Meurtre est d'une linéarité à toute épreuve et ne réserve aucune surprise dans son déroulement. Une fois le pot-aux-roses dévoilé, tout s'enchaîne avec une prévisibilité totale, sans que rien ne vienne contrarier la progression de l'histoire. On s'attend à tout ce qui va arriver et qui arrive donc, dans le bon ordre ! Et pourtant, comme avec le film précité, ça fonctionne. Même si on n'échappe pas à certains stéréotypes qui peuvent faire un peu sourire (la réutilisation de la fameuse poupée, le méchant increvable...), Formule pour un Meurtre se regarde sans déplaisir et nous fait passer un bon moment devant notre écran. 


Stéphane ERBISTI



* Disponible en BR chez LE CHAT QUI FUME
Comme toujours, rien à dire sur cette édition classieuse, copie impeccable, boitier trois volets et fourreau adéquat, bonus intéressant. Toujours du bel ouvrage.



BAISER MACABRE (1980)

 

Titre français : Baiser Macabre
Titre original : Macabro
Réalisateur : Lamberto Bava
Scénariste : Antonio Avati, Pupi Avati, Lamberto Bava, Roberto Gandus
Musique Ubaldo Continiello
Année : 1980
Pays : Italie
Genre : Nécrophilie
Interdiction : -16 ans
Avec : Bernice Stegers, Stanko Molnar, Veronica Zinny, Roberto Posse…


L'HISTOIRE Mariée et mère de deux enfants, Jane Baker a un amant, Fred Kellerman, chez qui elle se rend dès que son mari a le dos tourné. A sa fille Lucy, elle prétexte à chaque fois qu'elle doit se rendre à son travail, mais la fillette sait parfaitement à quoi s'en tenir. Pour se venger, elle noie le petit frère qu'elle a sous sa garde. Catastrophée par ce qu'elle croit être un drame domestique, Jane se fait raccompagner en voiture par Fred, et c'est l'accident : Fred est tué sur le coup. Un an plus tard, Jane Baker sort de l'hôpital psychiatrique, mais c'est chez son amant défunt qu'elle s'installe directement. Entretenant des rapports ambigus avec Robert, le jeune concierge aveugle qui occupe son temps à réparer des instruments de musique, elle commence à entretenir d'une façon morbide la mémoire de Fred… Mais c'est sans compter sur sa fille Lucy, qui n'a pas dit son dernier mot…


MON AVISMacabro sortit sur les écrans italiens dix jours avant la mort de Mario Bava. Avec ce premier film sensé avoir terrorisé Dario Argento lui-même (il y a des chances que ce soit un mythe, mais pourquoi pas ?), on peut dire que le relais avait été passé avec succès à son fils, dont la carrière prit ensuite la tournure que l'on sait. Doté d'un scénario écrit en collaboration avec Pupi Avati, réalisateur de La Maison aux Fenêtre qui Rient trois ans plus tôt, Baiser Macabre s'inscrit dans la tradition du cinéma d'horreur à l'italienne, tout en recelant déjà les excès et les bizarreries propres à Lamberto Bava.

Macabre, le film ne pouvait pas mériter de titre plus juste, et il est dommage que les traductions française et américaine en aient réduit la portée. Le film est saturé d'une nostalgie morbide qui fait froid dans le dos, celle de Jane Baker (Bernice Stegers) pour son amant défunt. Une nostalgie qui s'exprime de manière obsédante à travers la musique de Ubaldo Continiello, dont les choix instrumentaux surprennent et mettent mal à l'aise : un harmonica plaintif, des trompettes chaleureuses et nonchalantes. On retrouve ce mélange bizarre de torpeur bourgeoise et de hérissement nerveux dans les décors, à la fois luxueux et crasseux, et Lamberto Bava multiplie à l'envie ces différences de tons reflétant l'accointance perverse de l'amour et de la mort.

Ne serait-ce que par le bouche à oreille, on sait déjà ce que cache Jane Baker dans le compartiment à glace de son réfrigérateur, et avec quoi elle fait l'amour. Lamberto Bava ne vise pas l'effet de surprise, mais il retarde la révélation graphique en faisant passer sa découverte à travers les autres personnages : Robert l'aveugle va comprendre auditivement et tactilement de quoi il retourne, et la démoniaque Lucy, sans doute le personnage de petite fille le plus détestable qu'on ait jamais vu, ne manifestera pas d'étonnement considérable en ouvrant le compartiment, toute obsédée qu'elle est par l'idée de faire le plus de mal possible à sa mère.

C'est dire s'il ne faut pas attribuer à Lamberto Bava des intentions qui ne sont pas les siennes. Son but n'est pas de soulever le cœur comme l'a fait Joe d'Amato l'année précédente avec Blue Holocaust ou comme le fera plus tard le moyen Jörg Buttgereït avec Nekromantik. Ce qu'il veut, c'est épouvanter, faire couler un frisson glacé sur notre échine. Oui, nous avons tout deviné avant les personnages eux-mêmes. Seulement, nous ne voulons pas le croire, c'est impossible. Pas ça… Et pourtant si. Tout réside dans ce suspens trouble et malade, qui charge la fin d'une intensité bien plus puissante qu'avec un simple filmage frontal de bout en bout.

Lamberto Bava n'a pas un sens de la mise en scène aussi poussé que celui de son père, c'est un fait. Les cadrages et le montage s'avèrent conventionnels, et quand un type de couleur général est trouvé, c'est en gros la même pour tout le film : un brun glauque qui accable tout le reste de la gamme chromatique. Au niveau des lumières, c'est à peu près la même chose : ténèbres épaisses, éclairages livides... Le spectre est mince, mais parfaitement adéquat au sujet, alors pourquoi chercher plus loin ? L'accent est plutôt mis sur le jeu d'acteurs et sur les événements, qui sont sans doute les éléments les moins coûteux du film. Et ça tombe bien.

Les comédiens ne sont pas des bêtes de scènes, mais les personnages qu'ils incarnent, savant dosage de banalité et d'originalité, font déjà la moitié du travail. Bernice Stegers, en bourgeoise adultère aux yeux cerclés de noir, nous glace avec sa fragilité de désaxée et son érotisme mortifère, errant dans une solitude quasi absolue à travers les tourments de sa passion secrète. Stanko Molnar, en grand dadet sensible, bon et aveugle, nous émeut et nous met mal à l'aise, son regard n'étant pas sans rappeler un certain Christopher Walken. Et quant à Veronica Zinny, le petit singe faussement innocent, malfaisant et vicieux dont elle joue le rôle donnera aux âmes les plus tolérantes une furieuse envie de châtier…

C'est par cette saturation de notes décalées et oppressantes que Lamberto Bava est le plus fidèle à l'esprit de son père, l'image finale annonçant cependant des délires plus personnels. Quand bien même il ne possède pas une maîtrise comparable, il sait comment raconter une histoire, créer une atmosphère, réunir ensemble plusieurs faisceaux susceptibles de provoquer une terreur grandissante et force est de constater qu'il y parvient très bien ! Les perles ne sont pas nombreuses dans son œuvre cinématographique, mais Baiser Macabre, indéniablement, en fait partie.




Stéphane JOLIVET

LA BAIE SANGLANTE (1971)

 

Titre français : La Baie Sanglante
Titre original : Reazione a Catena
Réalisateur : Mario Bava
Scénariste : Mario Bava, Filippo Ottoni, Giuseppe Zacchariello
Musique Stelvio Cipriano
Année : 1971
Pays : Italie
Genre : Slasher
Interdiction : -16 ans
Avec : Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rossati, Léopoldo Trieste…


L'HISTOIRE : Une vieille comtesse est pendue par son mari qui déguise le meurtre en suicide. Il est à son tour assassiné par un tueur mystérieux qui fait disparaître le corps. Peu de temps après, quatre jeunes gens s'arrêtent dans la demeure abandonnée pour y passer un peu de bon temps. Ils vont rapidement connaître des fins sanglantes, tandis que le mystère s'épaissit. Quelqu'un cherche à se débarrasser de toute personne ayant une relation de près ou de loin avec la demeure de la comtesse située dans une baie idyllique...


MON AVISLe film démarre fort avec ces deux meurtres successifs filmés de façon magistrale par un Mario Bava ayant posé les jalons du genre giallo en 1964 avec La Fille qui en savait Trop et en 1966 avec Six Femmes pour l'Assassin et qui pose ici, avec La Baie Sanglante, les bases du genre slasher ! Il est fort ce Mario Bava Le spectateur a droit à toute la souffrance de la victime en gros plan, tandis que le meurtrier n'est révélé que par quelques détails corporels, comme ses chaussures polies ou ses mains gantées de noir. Et juste au moment où nous voyons son visage, il se fait lui-même larder de coups de couteaux brillants. Une introduction des plus efficaces, servie par une mise en scène impeccable dans un décor baroque aux couleurs riches et profondes, donnant un aspect velouté aux images (tiens, voilà Dario Argento venu jeter un petit coup d'œil).

Avec ce film datant de 1971, il ne fait aucun doute que Bava a inspiré plus d'un réalisateur, tant pour la mise en scène que pour l'histoire et l'inventivité des meurtres. Ici, nous avons droit à un couple transpercé par une lance en pleins ébats, à une décapitation à la hache ou une machette en pleine figure – de plus, dans un décor situé au bord d'un lac (tiens, bonjour Sean Cunningham) – ou encore à un égorgement en pleine course, donnant lieu à l'une des images les plus sublimes du film.

L'une des jeunes filles se baigne dans un lac et croise un cadavre. Elle panique et s'enfuit en enfilant maladroitement sa petite robe vert bouteille. Tout en courant, le tueur lui coupe la gorge et elle s'effondre sur un gazon vert brillant sur lequel contraste merveilleusement sa délicate peau pâle et le rouge du sang qui coule de sa plaie béante. C'est de la vraie poésie macabre et cette séquence est juste incroyable de virtuosité.

L'histoire du film est d'une banalité presque affligeante, devenue une base fixe pour la plupart des slashers ayant suivi. Mais ici, point de longueurs ni d'effet déjà-vu grâce à tout le savoir-faire de Mario Bava, qui introduit des personnages mystérieux à intervalles réguliers, ayant chacun un mobile pour ces meurtres incessants.

En effet, les quatre jeunes vont disparaître l'un après l'autre dans la première demi-heure, si bien que l'on se demande ce qui nous attend pour la suite. Et là, le film prend une tournure un peu inhabituelle dans ce genre de film aujourd'hui, étant donné qu'il commence à raconter une vraie histoire qui ne s'éclaircira qu'à la fin. On n'a pas l'impression d'assister à quelque chose de gratuit et malgré son âge certain, ce film a beaucoup mieux vieilli que Vendredi 13, qui s'en inspire jusqu'à en devenir un calque, par moments.

Les acteurs composant le groupe de jeunes n'ont rien de particulier. Ils sont juste là pour servir aux funestes desseins du tueur donc leur développement se limite à quelques chamailleries amicales. On devine que l'un des garçons est amoureux des deux filles qui ne le lui rendent pas et qu'il est toujours tenu un peu à l'écart du groupe mais c'est tout. Et ce n'est pas grave.

Par contre, le couple qui arrive, dont la femme est la belle-fille de la comtesse décédée, comporte un peu plus de substance, notamment grâce à la beauté fragile de Claudine Auger. Elle va se révéler bien plus ferme et rusée qu'elle n'en donne l'impression et une sombre histoire de propriété et d'avidité va se dessiner autour du couple, les détails devenant de plus en plus évidents en même temps que les cadavres s'amoncellent.

Si vous n'avez pas encore vu La Baie Sanglante, il est grand temps de le découvrir, ne serait-ce que pour voir le début du slasher. Je n'ai qu'un seul problème avec ce métrage dont je vais parler dans le paragraphe suivant. Il comporte cependant un monstrueux spoiler concernant la fin, alors ne le lisez que si vous avez déjà vu le film.

La fin est en soi très brutale, voire choquante ("Maman ? Papa ?" - BAM !!) et aurait parfaitement fonctionné en clôturant un film aux propos autrement plus cyniques. Ici, elle laisse un méchant goût d'arrière-pensée foireuse, comme si Bava s'était dit Oh mince, tout le monde est mort. Alors comment faire pour tuer les parents ? Et là, il s'est souvenu de leurs enfants que le spectateur avait oublié tant ils sont inexistants dans ce qui précède. Il n'existe aucune véritable raison pour qu'ils tuent leurs parents, même si cet acte est présenté comme un jeu pour eux (T'as vu comme ils font bien semblant d'être morts ?). Selon moi, l'ironie aurait mieux fonctionné si les parents avaient péri dans un accident provoqué par eux-mêmes et en rapport avec cette baie qu'ils convoitaient tant. Alors qu'ici, le spectateur se sent brutalement mis de côté et plongé dans une réflexion qui nuit en quelque sorte à son appréciation pour le reste du film.

Reste une oeuvre fondatrice que tout amateur du genre se doit d'avoir vu.




Marija NIELSEN

L'AFFAIRE DE LA FILLE AU PYJAMA JAUNE (1977)

 

Titre français : L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune
Titre original : La Ragazza dal Pigiama Giallo
Réalisateur : Flavio Mogherini
Scénariste : Flavio Mogherini, Rafael Sánchez Campoy
Musique : Riz Ortolani
Année : 1977
Pays : Italie, Espagne
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Mel Ferrer...


L'HISTOIRE : Le corps d'une femme atrocement mutilé au visage et calciné est retrouvé dans une épave de voiture sur la plage. Les deux inspecteurs chargés de l'enquête se voient assister par Thompson, un vieil inspecteur à la retraite. Dans le même temps, Glenda Blythe tente de gérer sa vie, tiraillée entre son fiancé Antonio et les autres hommes avec qui elle fait l'amour, dont Roy Conner et le professeur Henry Douglas...


MON AVISDans les années 30 en Australie, un sordide fait divers a retenu l'attention des habitants : le corps d'une femme au visage calciné a été retrouvé et afin de parvenir à l'identifier, l'inspecteur chargé de l'enquête a eu l'idée d'exposer le cadavre dans un container de verre afin de le montrer au public, espérant qu'un détail corporel soit identifié par un spectateur. 

Un procédé qui n'a pas porté ses fruits mais qui s'est montré suffisamment original pour que le réalisateur Flavio Mogherini et le scénariste Rafael Sánchez Campoy décide de s'en servir dans un film. C'est donc en 1977 que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune va utiliser ce drame, transposé dans les 70's. Le titre du film joue évidemment avec un genre qui connaît un énorme succès en Italie : le giallo. Pourtant, l'oeuvre de Flavio Mogherini n'en est pas vraiment un même s'il flirte avec les standards du genre. Mais les amateurs pensant avoir affaire à un mystérieux tueur vêtu de noir en seront pour leur frais, le film tirant beaucoup vers le film policier classique. 

Filmé en partie en Australie et bénéficiant d'un casting international, L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune juxtapose deux histoires, celle de l'enquête concernant le meurtre et la vie tumultueuse de la jolie Glenda (Dalila Di Lazzaro). On navigue sans cesse entre l'une et l'autre, se demandant qu'elle est le rapport entre les deux. C'est ce qui m'a séduit dans ce film dont je n'ai compris les rouages qu'au bout d'une heure, lors de la révélation faite par Ray Milland. Astucieux, cet entremelage de personnages et de genre (l'enquête policière est contrebalancée par la vie amoureuse compliquée de Glenda, qui fait dériver le film vers le mélo dramatique parfois) permet à L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune de se démarquer de la mouvance giallesque justement, en essayant de proposer quelque chose de différent et de ne pas se contenter de répéter les clichés d'un genre en fin de vie, la faute à une profusion de titres dupliquant une même recette. 

Ce procédé d'entrecroisement ralentit le rythme du film par contre mais cet aspect est compensé par un réel travail de mise en scène et de trouvailles intéressantes, dont la plus notable est la mise à disposition du public du cadavre de la défunte. Cette séquence est des plus troublantes et mérite à elle seule la vision du film. Tout comme la foule se déplaçant en masse pour voir, nous, spectateurs du film, sommes placés dans la même position de voyeur que le public, admirant les courbes dénudées parfaites de la victime oubliant au passage que l'on a affaire à un cadavre dont le visage est calciné. La séquence est diaboliquement mise en scène et touche cette fois totalement au genre giallo. 

J'ai également apprécié de voir à l'écran Ray Milland, le fameux Homme aux rayons X entre autre ! Si l'idée d'associer aux deux jeunes inspecteurs un vieux de la vieille à la retraite n'est pas nouvelle, le plaisir de voir l'acteur venir mettre à mal leurs méthodes contemporaines apprises à l'école est assez jouissive et permet également d'apporter un peu d'humour au drame. 

S'il est clair que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune décevra les fans purs et durs de giallo ultra-violent, il n'en reste que Flavio Mogherini a fait un travail méritoire pour se démarquer de la masse et son film policier reste tout à fait recommandable, avec son casting bien en place, ses quelques touches d'érotisme, ses fulgurances visuelles colorées et sa formidable séquence du cadavre offert aux yeux du public. En ayant à l'esprit ces éléments, n'hésitez pas à lui laisser sa chance et tenter vous aussi de dénouer l'affaire de la fille au pyjama jaune !




Stéphane ERBISTI