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BALADA TRISTE (2010)

 

Titre français : Balada Triste
Titre original : Balada Triste de Trompeta
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénariste : Alex de la Iglesia
Musique Roque Baños
Année : 2010
Pays : Espagne, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Santiago Segura, Antonio de la Torre, Javier Botet, Fernando Guillén Cuervo...


L'HISTOIRE : Javier, orphelin depuis que son père fut tué pendant la Guerre d'Espagne, intègre un cirque pour devenir le clown triste de la troupe, comme le veut la tradition familiale. Il fait la connaissance d'un panel de personnages atypiques, dont la belle Natalia, femme de Sergio, le clown auguste, alcoolique et violent. Mais en tombant sous le charme de la jeune femme, Javier ne se doute pas des ennuis que cette dernière va lui attirer...


MON AVISAprès un Crime à Oxford d'excellente facture (si tous les thrillers venus des USA étaient de cette qualité...), mais bien loin de son univers, Alex de la Iglesia revient en quelque sorte à ses amours avec un film que l'on peut considérer comme un film somme de son oeuvre. Un de ces long-métrages qui nous réconcilient avec un certain type de cinéma , celui de l'outrance, de l'originalité, de l'intelligence, de la démesure et de l'humour noir comme un morceau de charbon.

Le pitch est insensé, la manière de le mettre en images est excessif, déraisonnable, extravagant. Le mélange des genres y culmine à un niveau rarement atteint, drame, humour acide, horreur, une touche de fantastique, un arrière-plan historique. Tout cela se brassant avec la gouleyante virtuosité des meilleurs assemblages de cépages vinicoles.

Par son parti pris même, Balada Triste aurait pu être un foutoir dénué de sens, une cacophonie inaudible ; c'est sans compter sur la fougue, quasiment frénétique, de De La Iglesia pour faire accroire à son extravagante histoire. Quel rythme ! Quelle jubilation !

Balada Triste c'est un indubitable amour des petites gens, des moches, des sans-grade, des freaks, de ceux dont la vie semble écrite pour être, de bout en bout, un long chemin de croix. Un terrible besoin de reconnaissance, d'amour, un besoin inexorablement anéanti par la bêtise, l'absence d'empathie des autres. Le réalisateur déroulant son pessimisme habituel en le cachant derrière un cynisme et un humour noir jubilatoire tout aussi habituels dans sa filmographie, mais portés à un échelon supérieur.

Si les références abondent, elles sont passées à la moulinette de la vision du réalisateur. On pense au Freaks de Tod Browning, au Labyrinthe de Pan par son arrière plan Franquiste, schisme de l'histoire et de la population espagnole dont il semble bien que ce soit encore un passé qui ne passe toujours pas. On pense aussi fortement à un autre frappé du bulbe cinématographique, le dénommé Alejandro Jodorowsky et notamment Santa Sangre, film se passant aussi dans l'univers du cirque. On pense enfin et surtout que De la Iglesia tutoie une certaine forme de maestria dans son art avec cet oeuvre à nulle autre pareille.

Cependant, à n'en pas douter, Balada Triste trouvera ses contradicteurs. Ceux que le style, la pagaille organisée du réalisateur ont déjà dérangés dans ses précédents opus. Ceux là feront certainement grise mine, ils se trouveront confortés dans leur opinion. Trop de tout, de choses survolées, peu de synthétisation de l'action, de l'intrigue et des ellipses plus grosses que des sumotoris atteints d'hypertrophie glandulaire. Les autres seront, a priori, aux anges et suivront avec délices les pérégrinations des personnages, comme l'on suit l'enterrement d'un vieil ennemi occis par un virus purulent : avec jouissance.

Quand un film parvient à nous tenir en haleine, à nous faire passer par des émotions aussi contradictoires que la joie et la peine, le rire et les pleurs, que la réalisation est maîtrisée, que les acteurs sont excellents, que l'on ne voit pas passer le temps, qu'une fois sortis de la projection on garde des images dans son esprit et son cœur pendant un bon moment. Quand il y a tout cela, c'est que l'on est en présence d'une de ces œuvres singulières qui marque le cinéphage assoiffé de différences, que l'on est devant un grand film.

M.De la Iglesia, vite un autre !

Balada triste de trompeta
por un pasado que murio
y que llora
y que gime
como llooooooraaaaa




Lionel JACQUET

ACTION MUTANTE (1993)


Titre français : Action Mutante
Titre original : Accion Mutante
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénariste : Alex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarria
Musique : Juan Carlos Cuello
Année : 1993
Pays : Espagne
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec Felipe Garcia Vélez, Antonio Resines, Alex Angulo, Frédérique Feder, Juan Viadas...


L'HISTOIRE Dans le futur, la Société ne s’intéresse qu’aux personnes favorisées et marginalise les handicapés, les étrangers. Un groupe de personnes handicapées nommé Action Mutante commet des attentats et autres actes terroristes pour faire valoir les droits des personnes handicapées. Mais voilà, depuis que leur leader Ramon est incarcéré, ce groupuscule rate chacun des projets qu’il entreprend. Cinq ans plus tard, Ramon est libéré de prison et compte bien remettre son collectif sur les bons rails, en commençant notamment par un gros coup : perpétrer une tuerie lors du mariage de la fille d’un riche industriel et ensuite la kidnapper pour demander une importante rançon...


MON AVISAction mutante, Le Jour de la Bête, Mes Chers Voisins, Le Crime Farpait, Crimes à Oxford, Balada Triste, Les Sorcières de Zugarramurdi, 800 balles, El Bar... Qui n’a jamais entendu parler d’Alex de la Iglesia ? Ce réalisateur phare des années 90 et 2000 dans le cinéma espagnol, qu’il soit fantastique ou non.

Le natif de Bilbao a débuté dans les long-métrages avec un film intitulé Action Mutante (Accion mutante en Espagne), une oeuvre phare de sa filmographie, financée par un Pedro Almodovar alors agréablement surpris par son premier et unique court-métrage intitulé Mirindas Asesinas. Un film qui ira chercher notamment 6 nominations aux Goya (l’équivalent des César français), deux ans avant Le Jour de la Bête qui enfoncera le clou avec notamment le Goya du Meilleur Réalisateur et le Grand Prix du Festival de Gérardmer en 1996 (festival qui lui rendra d’ailleurs un hommage lors de sa 25ème édition).

Une chose est sûre et le constat se fait dès les premières minutes du film : Action Mutante montre déjà l’une des grandes marques de fabrique de son réalisateur, l’humour noire. Difficile en effet de rester de marbre face à ce petit monument de la comédie fantastique tellement Alex de la Iglesia saupoudre son scénario de situations rocambolesques, balance des dialogues crétins à tout va et nous présente des personnages tous plus tarés les uns que les autres. Le tout baignant dans un humour noir dévastateur où tout le monde y passe (les handicapés bien entendu, mais également les juifs, les homosexuels, les pauvres mineurs et même un enfant vivant sous le toit de parfaits obsédés...). Satyrique et anticonformiste à souhait, Action Mutante ne fait pas dans la dentelle et nous propose un véritable défilé de bêtises en tout genre !

La galerie des personnages confirme déjà à elle-seule la débilité addictive de ce qui va suivre ! Avec son groupuscule Action Mutante formé de frères siamois jamais d’accord, un cul-de-jatte volant dans les airs et dont la poitrine est reliée à 5kg d’explosifs, un mécanicien niais aux allures de grand dadais, un sourd et muet de naissance possédant l’un des QI les plus bas du Monde mais une force herculéenne et un bossu juif franc-maçon communiste et homosexuel (si si !), on imagine bien que ce pauvre Ramon (chef de cette troupe de bras cassés) va avoir des tuiles tout au long du film !

Mais ceci est sans compter les autres personnages que nous découvrons au fur et à mesure que nous avancions dans le film ! Vous y croiserez en effet un riche industriel fier et prêt à tout pour venger sa fille avec son crétin de gendre, une famille de rednecks du futur à la libido gonflée à bloc, un journaliste culotté et un brin suicidaire, une jeune femme délirante et atteinte du syndrome de Stockholm après avoir été la victime d’une explosion, et même une vilaine bestiole sanguinaire servant d’animal de compagnie à nos handicapés révolutionnaires!

Un gros bordel donc dans cette galerie de personnages hauts en couleurs qui vont pour certains apprendre à cohabiter, pour d’autres s'entre-tuer, mais une chose est sûre tout ce beau monde (si on exempte ceux morts entre-temps) se retrouvera dans un final pétaradant dans lequel chacun viendra exposer ses motivations à coups de revolvers, fusils et autres armes futuristes !

Car oui, Action Mutante, c’est aussi un défilé de scènes d’action qui viennent donner du punch à cette oeuvre totalement barrée ! Un rythme effréné qui ravira sans peine le public friand de tueries, attaques sauvages et fusillades (sous fond de musiques entraînantes) car le film d’Alex de la Iglesia en est truffé !

Ajoutez à cela des péripéties en veux-tu en voilà dans lesquelles notre pauvre Ramon (oui c’est le grand méchant du film dirons-nous mais, sans pour autant éprouver de compassion pour cet homme machiavélique, il faut bien avouer qu’il lui arrive quand-même pas mal de malheurs) semble sauter à pieds joints. Un chef de file qui va s’enfoncer tous les jours un peu plus (être aux commandes d’une tuerie et d’un kidnapping qui ont failli tourner au vinaigre avec la mort de deux compères / être contraint de tuer un par un les membres de son groupuscule car il a compris que ces derniers le soupçonnent de garder la quasi totalité de la rançon du kidnapping / se retrouver piégé chez une famille de tarés / finir dans un bar miteux dans la montagne avec des malades de la gâchette...), pour le plus grand plaisir d’un public désireux de voir ce véritable enfoiré se faire rattraper par une Justice ayant plusieurs cordes à son arc.

Péripéties invraisemblables et situations grand-guignolesques s’enchaînent à une vitesse folle, donnant au film d’Alex de la Iglesia ce dynamisme fort appréciable qui évite les temps morts et autres séquences narratives trop blablateusesSe dessinent au fur et à mesure que nous avançons dans l’histoire des interactions multiples entre les personnages et ce puzzle narratif présentant jusque-là des pièces éparpillées un peu partout finit par se dessiner et prendre forme dans un dernier acte sous forme de pétarades et de bagarres de bar où tout le monde se met sur la gueule ! Je n’en dirai pas plus.

Les dialogues parfois débiles, les phrases rentre-dedans (On se fout de nous alors on va botter des culs !, On était des rebuts de l’hosto !) et les réactions disproportionnées de certains personnages (le gendre du riche industriel qui fait le beau devant les caméras de journalistes curieux, imperturbables et culottés filmant la scène du paiement de la rançon sans se soucier de la gravité et de la dangerosité de la situation / le père de famille prêt à tout pour se taper la belle captive...) rendent le métrage encore plus déjanté et encore plus addictif pour celles et ceux qui comme moi raffolent de cinéma décalé.

Les environnements divers et variés (les bas-fonds d’une ville sombre et lugubre faisant penser à Gotham City ou le New York dans lequel atterrissait l’ami Jason dans un certain 8ème volet de la saga des Vendredi 13 / une salle des fêtes pleine à craquer / un vaisseau spatial avec ses sas et ses appareillages / des paysages désertiques vallonnés sur une autre planète / un bar miteux où grouillent des dizaines de mineurs...) apportent également un sympathique petit plus à ce projet ambitieux, et ce malgré la faiblesse du budget pour mettre à l’époque sous pellicule cette aventure assurément pas comme les autres !

Même si nous pourrons regretter deux-trois effets spéciaux risibles (ce qui donne toutefois du charme à cette série B décapante), quelques incohérences scénaristiques (le riche industriel qui fait exploser le vaisseau du groupuscule Action Mutante au risque de tuer sa fille kidnappée / la facilité pour Ramon et sa captive d’échapper aux griffes de la famille de rednecks dégénérés alors que tout semblait mal barré...) ou encore le fait que certains membres de Action Mutante ne soient pas suffisamment exploités, la faute à leurs décès prématurés dans le film (le grand naïf à la force surhumaine ou le juif bossu homosexuel et communiste notamment), il est difficile, pour qui aime ce genre de cinéma barré, décomplexé et assumé, de trouver de grands défauts à cette petite pépite mêlant fantastique et humour noir avec brio.

Totalement décalé, anticonformiste à souhait, Action Mutante séduira les amateurs de comédies fantastiques. Alex de la Iglesia avait réussi son entrée dans le cinéma fantastique et confirmera deux ans plus tard avec son étonnant Le Jour de la BêteUn film à voir et à revoir sans modération !

 



David MAURICE