Affichage des articles dont le libellé est animation. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est animation. Afficher tous les articles

BATMAN : THE KILLING JOKE (2016)

 

Titre français : Batman - The Killing Joke
Titre original : Batman - The Killing Joke
Réalisateur : Sam Liu
Scénariste : Brian Azzarello
Musique : Kristopher Carter, Michael McCuistion, Lolita Ritmanis
Année : 2016
Pays : Usa
Genre : Super-héros, animation
Interdiction : /
Avec /


L'HISTOIRE : Batman et Bat Girl doivent arrêter le neveu d'un parrain de la mafia qui en pince pour cette dernière et se montre prêt à tout pour attirer l'attention de la belle justicière masquée. Peu de temps après la fin de cette affaire, Batman découvre que le Joker s'est échappé de l'asile d'Arkham. Le clown au sourire terrifiant veut prouver qu'une simple mauvaise journée peut rendre quelqu'un complètement fou. Il se remémore sa triste vie et le jour où tout a basculé pour lui...


MON AVISBatman The Killing Joke est considéré, à juste titre, comme étant l'un des meilleurs comics au monde sur le Chevalier Noir, que l'on doit au duo Alan Moore et Brian Bolland. Cette adaptation au format animé d'une durée de 73 minutes sera l'occasion de se replonger avec délice dans le sombre passé du Joker et de pouvoir admirer toute la folie du personnage, ainsi que la noirceur de Batman. Le scénariste Brian Azzarello a eu la bonne idée d'inclure au récit original une introduction d'environ 25 minutes se focalisant sur la relation de Batman et de Bat Girl et ce, afin de nous faire prendre en empathie cette dernière avant qu'elle ne subisse la folie du Joker. Sur une histoire assez classique dans laquelle le neveu d'un mafieux tente de se faire sa place dans le grand banditisme, le scénariste appuie sur l'amour non déclaré que Batman porte à Bat Girl et vice-versa.

En effet, le malfrat en pince pour Bat Girl, ce qui rend jaloux Batman qui va tout faire pour écarter sa justicière de collègue de l'affaire. Mais têtue comme une femme, celle-ci ne se laissera pas dicter sa loi par son mentor et prendra quelques risques mal calculées qui mettront les nerfs du Chevalier Noir à rude épreuve. Courageux, le scénariste et le réalisateur Sam Liu laisseront les sentiments des deux héros masqués prendre le dessus lors d'une scène qui ne jouera pas cette fois sur la suggestion. Le spectateur est donc en parfaite connaissance de cause en ce qui concerne la relation des deux protagonistes principaux et l'histoire peut donc bifurquer sur la pièce majeure de ce dessin-animé, à savoir la reproduction en image et avec une fidélité à toute épreuve du monument que représente The Killing Joke. Ou comment une mauvaise journée peut vous rendre fou pour toute votre vie.

La jeunesse du Joker est représenté en noir et blanc quand l'histoire actuelle est en couleur, comme dans le comic culte. Le dessin et l'animation sont corrects, sans être géniaux. En version originale, les voix sont excellentes : Mark Hamill est le Joker, Kevin Conroy est Batman, Tara Strong est Bat Girl et Ray Wise (Twin Peaks) est le commissaire Gordon. Ce dernier va vivre un véritable cauchemar, une journée en Enfer. Kidnappé par le Joker après que celui-ci est tiré à bout portant sur sa fille Barbara (alias Bat Girl), Gordon va est mis à nu, au propre comme au figuré, et entraîné dans une vieille fête foraine, devenu le repaire du Joker, plus cinglé que jamais. 

Très noir, très sombre, très cruel, le récit ne s'adresse pas vraiment au jeune public fan du Chevalier Noir. Le côté psychotique de Batman est également bien présent et l'intrigue est très intéressante. La fidélité par rapport au comic est total, on a même l'excellente blague final qui fait hurler deux rires les deux ennemis pour la vie.

Tragique, sadique, d'une noirceur totale, The Killing Joke est un récit adulte, mature, doté d'une vraie tension dramatique et psychologique et sa version animé ne décevra pas les fans du récit d'Alan Moore. Bien sûr, l'effet de surprise ne joue pas si vous connaissez le comic sur le bout des doigts. Pour les néophytes, c'est une adaptation hautement recommandée, qui vous fera très certainement courir acheter le comic pour l'avoir dans votre collection. On rêve toujours d'une version live de ce roman graphique saisissant et qui, plus qu'une histoire de Batman, est véritablement un récit centré sur le Joker.




Stéphane ERBISTI

ALBATOR, CORSAIRE DE L'ESPACE (2013)

 

Titre français : Albator, Corsaire de l'Espace
Titre original : Space Pirate Captain Harlock
Réalisateur : Shinji Aramaki
Scénariste Harutoshi Fukui, Kiyoto Takeuchi
Musique : Tetsuya Takahashi
Année : 2013
Pays : Japon
Genre : Animation, science-fiction
Interdiction : /
Avec /


L'HISTOIRE : 2977, des milliards d'êtres humains exilés de la planète bleue ayant épuisé toutes les ressources du cosmos, ont la ferme intention de revenir un jour à la maison, la Terre, devenue la ressource la plus précieuse de l’univers. Une gigantesque bataille, la guerre du retour, fait alors rage à travers l’univers si bien que la Terre (Gaia) est proclamée sanctuaire éternel inviolable par la Coalition Gaia ayant gagné ce conflit universel. Après avoir été condamné à mort au cours de cette fameuse bataille du Homecoming, Albator, corsaire de l’espace, représente, avec son équipage du vaisseau Arcadia, le seul espoir de l'humanité de découvrir les secrets de Gaia et d’y retourner. C’est pourquoi la Coalition a demandé sa mort. Ainsi, Ezra, le nouveau chef de la flotte de Gaia, demande à son jeune frère Yama, d’infiltrer l'Arcadia puis d’assassiner Albator alors que ce dernier décide d’entrer en guerre contre la Coalition pour défendre sa planète d’origine. Le jeune Yama, éradiquerait donc à jamais le seul homme debout entre cette ligue autoritaire et leur contrôle complet de l'univers. Une fois à bord, mènera-t-il sa mission jusqu’au bout ?


MON AVISQuoi de mieux pour déclencher la liesse de toute une génération de spectateurs que de sortir au cinéma le reboot d’une série qui a tellement marqué leur jeunesse dans les années 80 ? Ainsi donc tous les trentenaires et quadragénaires de la fameuse génération Albator ne pouvaient que se ruer pour voir à quoi ressemblait cette version numérique des aventures de leur pirate de l’espace préféré. Aussi, mis à part cet esprit mercantile répréhensible devenu une véritable mode, qu’en est-il vraiment de cette adaptation cinématographique d’Harlock, euh pardon Albator, corsaire intersidéral balafré avec un bandeau sur l’œil droit ?

Notons en avant-propos que le long-métrage d’animation n'a que très peu de rapport avec le dessin animé originel : l'ambiance mélancolique à souhait, les personnages et leur background, l'approche des différents récits qui s’entrecroisent, beaucoup de choses ont disparu ou ont été grandement modifiées. Ce qui pourra être positif (pour les plus jeunes) ou négatif (pour les plus âgés), selon les goûts, les attentes et les âges de tous les publics concernés. La première des choses qui frappe cependant et ça, peu importe l’âge finalement, c’est la beauté des images. Elles sont proprement à couper le souffle, tout du moins en ce qui concerne les batailles dans l’espace, magnifiques aussi bien au niveau du graphisme que des mouvements, mais aussi du point de vue de certains combats en corps à corps lors des abordages entre vaisseaux ennemis. On sent bien que le réalisateur a voulu jouer là la carte du réalisme à fond, contrairement à certaines productions nippones récentes. Le design de l'Arcadia n’est pas non plus en reste. Ce splendide vaisseau noir quasi invulnérable apparaît en espèce de version mi-mécanique mi-être vivant muni d’une colonne vertébrale, et Albator a trop la classe entre ses poses de bad boy et sa cape qui s’envole au moindre quart de tour sur lui-même. De plus, certains effets spéciaux sont novateurs (comme la télétransportation des vaisseaux qui disparaissent en laissant derrière eux une espèce de traînée de flammes pour réapparaître beaucoup plus loin en un clin d’œil et l’Arcadia qui émet de la fumée noire en permanence). Toutefois, deux aspects sont dérangeants : les soldats en uniforme blanc de la Coalition Gaia font tout de suite penser aux Stormtroopers de Star Wars, et surtout, dès que l’image se rapproche trop près de la figure de certains des protagonistes, les graphismes perdent toute leur beauté pour nous faire découvrir des personnages aux visages aussi inexpressifs que ceux de mannequins. C’est bien simple, quand les personnages parlent, les mouvements de la bouche semblent tellement artificiels qu’on a l’impression de voir des robots articulés. Résultat, j'ai eu le sentiment de voir un copier/coller de Final Fantasy en moins bien car ça commence à dater ! Ainsi, sur certains aspects, les derniers Pixar et Disney peuvent s’enorgueillir d’offrir des personnages de synthèse bien plus attirants et beaucoup plus expressifs, même quand il s'agit d'animaux !

De fait, peu d’empathie se dégage de ce casting aussi bien chez les persos principaux que chez les secondaires avec en vrac : le jeune Yama ersatz d’Albator hyper indécis qui change 15 fois d’avis avant de se décider, Ezra, le méchant au charisme d’huître (mais est-il vraiment méchant, suspense !?), Yattaran le bigleux de service complètement modifié par rapport à l’original mais irritant au possible. Seules les femmes (Mimay/Mime et Kei/Nausicaä) semblent sortir leur épingle du jeu niveau casting, exception faite de Nami, la belle-sœur de Yama et épouse d’Ezra, complètement transparente. Mais bon on nous les montre avec des formes affriolantes dont on aurait peut-être pu se passer car certaines scènes cassent le rythme du film et nuisent à sa cohérence, déjà que... Que vient faire en effet la scène de la douche ? Celle-ci semble complètement inutile, elle permet sans doute de montrer une femme nue certes, mais sans poil ni téton…

Et Albator dans tout ça ? ! Son personnage est malheureusement une évocation bien terne de celui que nous connaissons, nous les vieux. A part deux trois actions rondement menées et quelques assertions philosophiques de circonstance, il n’apparaît que très peu et surtout semble en arrière-plan alors que c’est censé quand même être le personnage principal, non !? Ainsi, Albator n'est absolument pas central dans ce film, et rien que ça, c'est surprenant. Le métrage ne se concentre pas sur notre corsaire préféré mais plutôt sur le personnage de Yama ainsi que sur le vaisseau, on saura pourquoi par la suite… D’ailleurs, ils auraient peut-être dû appeler le film « Yama » et ne pas toucher à l’icône de notre enfance !

Et puis c’est quoi ce scénario enfin !? Même si le sort de Yama est prévisible dès le début, tout cela est long à venir et l’on s’ennuie quand même pas mal tout au long du film, heureusement qu’il y a certains combats spatiaux colossaux ! Du coup, le visuel sauve l'histoire, car celle-ci est alambiquée au possible sur fond de morale pseudo-écolo trop présente à mon sens à l’écran, elle se perd dans sa volonté de cumuler d'incroyables rebondissements avec des dialogues insipides ou peu crédibles. Et subséquemment, c'est une catastrophe : les réactions des personnages sont ridicules voire incohérentes. Certains jouent un double jeu, d’autres veulent faire une chose, puis changent d’avis et finalement reviennent sur leur décision initiale. Mais ce n’est pas tout puisque ceux qu’on croyait gentils deviennent méchants...mais sont en fait gentils...à moins que...bref, on n’y comprend plus grand-chose à force de tant d’atermoiements ! Sans compter qu’il y a trop de sentimentalisme sur fond de mélo entre les personnages. Je ne m'attendais vraiment pas à ça en allant au cinéma voir le plus grand corsaire de l'espace qui, au final, reste au second plan à observer ce qui se passe au lieu d’agir véritablement. Quel gâchis !

Pour résumer : ce reboot est un gros ratage qui se veut mature avec son message écolo qui ressemble en fait à de la propagande pour la protection de l'environnement tout en étant destiné à un public jeune, amateur de jeux vidéo. On peut être plus que surpris que Leiji Matsumoto ait cautionné ce film, à mille lieues de son travail séminal. Il s’agit ni plus ni moins que d’un moyen de drainer l’argent des 30/40 ans dont le pouvoir d’achat est très important en titillant leur fibre nostalgique, ce qui est navrant avouons-le. Visuellement pourtant, il y a très peu de choses à redire (sauf peut-être pour les personnages dans les plans rapprochés). Mais on aurait pu faire tellement mieux d'un point de vue scénaristique en creusant davantage le profil des personnages afin d'en faire un spectacle digne du dessin animé d'origine ! Bref, une déception. Je me suis fait avoir et j'ai bien évidemment été déçu. Bien fait pour moi. Mais bon sang, ils n’ont même pas mis le générique culte ! 



Vincent DUMENIL

AKIRA (1988)


Titre français : Akira
Titre original : Akira
Réalisateur : Katsuhiro Otomo
Scénariste Katsuhiro Otomo, Izo Hashimoto
Musique : Shoji Yamashiro
Année : 1988
Pays : Japon
Genre : Animation, science-fiction
Interdiction : /
Avec /


L'HISTOIRE : 2020. NéoTokyo, reconstruite après un cataclysme nucléaire, brille de tous ses feux, mais est aussi la proie de la pauvreté, de l'insurrection sociale, du terrorisme et de la délinquance. Une bande de motards adolescents, fédérés autour de Kaneda, passe le plus clair de son temps en affrontements ultra violents avec les Clowns, une autre bande rivale. Une nuit, cependant, leurs règlements de compte motorisés vont déraper plus que de coutume. La moto de Tetsuo, membre sous-estimé de la bande de Kaneda, explose au moment où elle s'apprêtait à percuter un enfant au visage étrangement vieilli. Les hélicoptères de l'armée débarquent, et Tetsuo est emmené pour subir des tests. Lorsque ses amis le retrouveront, il ne sera plus le même…


MON AVISPour les amateurs d'animation japonaise, le printemps 1991 marque une date dans l'histoire du cinéma. Habitués comme nous l'étions aux nombreux petits épisodes télévisés, d'une qualité plus ou moins médiocre, qui monopolisaient les programmes réservés à la jeunesse, ce n'était pas sans étonnement que l'on s'entendait annoncer la sortie, sur grand écran cette fois, d'un dessin animé nippon doté d'une durée de deux heures. Si la méfiance et les a priori peuvent expliquer le relatif insuccès du film en salles, le bouche à oreille fonctionna pourtant par la suite ; aujourd'hui encore, beaucoup de ceux qui ont vu Akira le considèrent comme un film culte.

Le long métrage d'animation de Katsuhiro Otomo, adapté de son propre manga (dont les six volumes furent publiés de 1982 à 1995), semble en effet révolutionnaire, tant par la qualité de son graphisme que par l'imagination qu'il déploie et la volonté de sérieux de son sujet. Univers cyberpunk, violence, réflexion : Akira ouvrait la voie à un dessin animé ne s'adressant plus vraiment aux enfants. Reste à savoir si, avec le recul, cet enthousiasme n'a pas trouvé matière à modération.

Pas de doute, Akira a encore de quoi impressionner. Doté d'un budget inédit pour ce genre de projet, de quelques 2200 prises de vues et d'une gamme de couleurs inaccoutumée (une cinquantaine d'entre elles ont été conçues spécialement pour le film), la première chose qui frappe est le rendu réaliste de l'univers représenté par Otomo et son équipe. Un atout indéniable lorsqu'il s'agit de rendre crédible un monde futuriste.

Cette qualité ne réside pas tant dans les plans d'ensemble de la ville, curieusement assez peu élaborés, ni dans les scènes de dialogues, dont l'animation reste relativement plate et conventionnelle, que dans la cinématique des scènes d'action, pourvues d'un découpage et d'un cadrage véritablement cinématographiques (travelling, point de vue subjectif, variation des cadrages, etc.). Courses poursuites et affrontements ne culminent plus dans des arrêts sur image où le volume de la musique se charge de signifier l'intensité d'un événement, comme on l'a trop vu dans nombre de dessins animés japonais. Le déroulé des mouvements corporels et machiniques obtient ici une fluidité comparable à celle qu'on peut trouver dans un film, et même une définition supérieure, le dessin conservant la netteté des traits. Si on y ajoute le maniérisme des lumières rémanentes ou des volutes de fumée à la plastique lourde et onctueuse, des vapeurs s'échappant des lèvres dans une atmosphère réfrigérée ou des reflets courant sur des tubes d'acier ou des morceaux de verre, l'œil du spectateur subit une sorte d'hallucination constante, où il voit davantage que d'ordinaire.

C'est par le biais de cette fascination visuelle qu'Otomo nous immerge dans une cité aux contrastes exacerbés. Ville de lumière, de luxe et de technologie, NéoTokyo stagne pourtant avec une sorte de froide torpeur dans la perte de toute valeur, et se laisse gangrener par une sombre périphérie que les autorités peinent à réprimer. Manifestants, résistants, religieux, politiques, militaires et scientifiques, autant de forces aux abois qui s'affrontent et se côtoient dans un statu quo aussi rigide qu'explosif, chacune d'entre elles cherchant la voie d'un renouveau. Éloignés de ces considérations, les adolescents de Akira apparaissent tous en rupture de ban, orphelins laissés à eux-mêmes, oisifs, violents ; leurs rapports sont faits d'agressivité, de rivalité et de haine, quand ils ne se révèlent pas tout simplement stupides et immatures… Et pourtant, c'est bien par l'un d'entre eux que la situation de NéoTokyo va se dénouer.

On entre là dans la spécificité du film de Katsuhiro Otomo. Un personnage apparemment insignifiant, qualifié de morveux par ses camarades, va tout à coup représenter tous les espoirs et toutes les craintes de NéoTokyo. A défaut d'être quelqu'un, il va être quelque chose, l'hôte d'une puissance démesurée qui va entraîner le film vers une issue grandiose et apocalyptique. De bout en bout, Tetsuo souffre. Abandonné enfant, sous-estimé en permanence par la suite, puis, au moment où il pourrait enfin s'affirmer, découvrant qu'il n'a été qu'un cobaye, et que la puissance qui l'anime, plus grande que lui, risque de l'anéantir, les autres aussi cherchant désormais à le neutraliser. Tour à tout suppliant et rageur, et ce dans des proportions de plus en plus folles, cette figure christique inédite a cependant du mal à nous toucher.

Car malheureusement, Akira a aussi de quoi décevoir, et même agacer. Le propos dit philosophique du film, par exemple, s'il décoiffe par son illustration, n'est pas nouveau en soi, ni si compliqué que cela à comprendre. C'est plutôt la façon dont il est amené, par des énigmes et des interrogations qui nous amènent à reconstituer progressivement le sens des choses, à la façon d'un puzzle, qui donne cette impression de complexité, en vérité plus scénaristique qu'intellectuelle. On tente de domestiquer une puissance d'origine cosmique (ou cosmogonique, comme on voudra) qui s'avère ingouvernable et entraîne destruction et renouveau. Inutile pour autant de considérer Akira comme un film profond, car ce n'est pas de ce côté-là qu'il invente la poudre. Et si Otomo en avait été conscient, peut-être aurait-il apporté davantage de soin à ce qui en manque cruellement.

Ainsi la représentation des autorités militaires, scientifiques et politiques s'en tient à une caricature on ne peut plus commune (raison d'Etat, irresponsabilité, lâcheté et corruption) et qui ne prend guère d'envergure, que ce soit dans le cadre d'un univers cyberpunk ou non. On eût aimé des personnages un peu plus singuliers, histoire d'éviter d'avoir affaire à de simples marionnettes creuses, et d'assister à des scènes qu'on aurait trouvé imbuvables de convention dans n'importe quel film. On ne rattrape rien avec les personnages féminins, Key et Kaori, dont le rôle s'avère quasi figuratif et enlève toute portée émotionnelle à des événements qui auraient du en receler. Et ne parlons pas de la niaiserie qui parsème le film ici et là, avec Kaneda et consorts, procédé pour le coup typique du dessin animé en général, asiatique ou non, et probablement destiné à soulager le spectateur d'une tension trop forte… Des impairs qu'on aurait pu pardonner, si seulement ils n'avaient pas pris tant de place dans la durée du film.

Au bout du compte, le visionnage de Akira laisse sur un constat un peu mitigé ; on se sent à la fois impressionné et déçu. Peut-être le projet était-il trop ambitieux, Otomo ayant du concentrer les six volumes de son manga pour le faire tenir sur une durée de deux heures, finalement trop courtes. Mettant la priorité à la réussite graphique et au sens de son œuvre, ce qu'on ne peut guère lui reprocher, il se contente pour une grande part de personnages prototypes qui prennent peu de consistance, tant et si bien qu'on frise, si on y réfléchit bien, la pure illustration de thèse. C'est dommage.




Stéphane JOLIVET