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ALERTE LA NUIT (1937)

 

Titre français : Alerte la Nuit
Titre original : Night Key
Réalisateur : Lloyd Corrigan
Scénariste Tristram Tupper, Jack Moffitt
Musique : /
Année : 1937
Pays : Usa
Genre : Science-fcition
Interdiction : /
Avec Boris Karloff, Warren Hull, Jean Rogers, Alan Baxter, Hobart Cavanaugh...


L'HISTOIRE : David Mallory est un vieil inventeur qui a créé un ingénieux système d'alarme en vu de lutter contre les cambriolages. Son invention est présente dans toutes les boutiques de la ville mais il n'en retire aucun bénéfice car il s'est fait voler son brevet par Stephen Ranger, qui a donné son nom à ce système d'alarme. Durant les quinze dernières années, Mallory a conçu un nouveau système rendant obsolète sa première création. Il décide, non sans appréhension, de la proposer à Ranger. Ce dernier lui fait à nouveau une entourloupe afin d'acquérir le nouveau brevet car changer tous les systèmes d'alarme déjà installés lui reviendrait trop cher. Dépité, victime d'une perte de la vision qui ne cesse de s'accentuer, et voulant assurer une vie meilleure à sa fille Joan, David Mallory va utiliser un instrument de son invention pour mettre à mal son propre système d'alarme afin d'affaiblir Ranger. Se faisant appeler Night Key, il ridiculise Ranger auprès de la population, avec l'aide d'un petit voyou local. Mais son invention intéresse le Kid, grand patron de la pègre...


MON AVIS Voulant se diversifier un peu après toute une période consacrée en grande partie au cinéma fantastique et d'épouvante, avec la réussite que l'on sait, la Universal dérive vers le film policier et prouve qu'elle est toute aussi à l'aise dans ce genre. Car oui, Alerte la Nuit est un film policier (avec une machine qui donne un peu dans la science-fiction) et d'un très bon cru qui plus est. Il a été réalisé par Lloyd Corrigan, un acteur disposant de 174 entrées dans cette catégorie, qui est aussi scénariste (28 entrées) et donc réalisateur, avec 13 films à son actif entre 1930 et 1937. Alerte la Nuit est son avant-dernier film.

Au casting, on trouve notre bon vieux Boris Karloff, qui interprète ici un très beau rôle, celui d'un savant en passe de devenir aveugle et qui a inventé un astucieux système d'alarme de protection dont il s'est fait déposséder du brevet par Stephen Ranger, un riche entrepreneur. Voulant mettre sa fille Joan (la charmante Jean Rogers, vue en tant qu'héroïne dans le sérial Flash Gordon entre autres) à l'abri de la pauvreté, il a passé quinze ans à concevoir un nouveau système encore plus performant et désire le proposer à nouveau à Ranger, mettant de côté sa rancune envers celui qui s'est enrichi sur son dos. La relation avec sa fille est filmée de manière très touchante et l'interprétation de Karloff, toute en émotion et en fragilité, participe grandement au plaisir ressenti durant la vision du film.

Le savant sera accompagné dans son périple par un petit escroc de bas étage, Louis, interprété par Hobart Cavanaugh. Un personnage qui apporte une petite touche d'humour au récit. Le voleur de brevet est joué par Samuel S. Hinds dont le visage ne nous est pas inconnu. Plus charismatique encore sera le Kid, chef du gang de la ville qui se montrera on ne peut plus intéressé par la boite désactivant les alarmes conçue par Karloff. C'est l'acteur Alan Baxter qui lui prête ses traits et il est vraiment parfois dans ce rôle, alliant charme et détermination. Parmi les autres protagonistes principaux, on trouve également Warren Hull, qui joue le chef du service sécurité de Ranger et qui va tomber sous le charme de Joan - on le comprend aisément tant cette jolie blondinette est ravissante - créant ainsi une jolie romance qui prend forme sous nos yeux durant toute la durée du film, avec 67 minutes seulement au compteur.

Reste que malgré cette durée plutôt courte - et très classique dans les 30's - Lloyd Corrigan déploie toute ses aptitudes de metteur en scène pour mettre en image une histoire créée par William A. Pierce et scénarisée par Tristram Tupper et Jack Moffitt, et ce, de manière efficace. On ne s'ennuie jamais, le rythme est assez alerte et l'intrigue rondement menée. L'invention du savant, et surtout ce fameux boitier permettant d'annihiler le fonctionnement des alarmes, donnent un petit côté science-fictionnel à l'ensemble, même si, encore une fois, on est dans une ambiance typiquement policière ou lorgnant vers le film noir. Avec son casting attachant, avec ce savant empathique qui agit toujours sans aucune intention de faire le mal, avec cette invention ingénieuse et avec ses gangsters bien décidés à se l'approprier, Alerte la Nuit est une petite série B classieuse qui se savoure avec un réel plaisir, ne serait-ce que pour voir Karloff dans un rôle attendrissant, mais ce n'est pas son seul atout. Vraiment sympa...




Stéphane ERBISTI

J'ACCUSE (1938)

 

Titre français : J'Accuse
Titre original : J'Accuse
Réalisateur : Abel Gance
Scénariste : Abel Gance, Steve Passeur
Musique : Henry Verdun
Année : 1938
Pays : France
Genre : Morts Vivants
Interdiction : /
Avec Victor Francen, Marie Lou, Line Noro, Marcel Delaître, Jean-Max...


L'HISTOIRE Guerre de 14-18 : Jean Diaz est plongé dans l'horreur des tranchées, tenant à ses côtés son ami et rival François Laurin ; celui-ci a en effet épousé la femme dont il était amoureux, Edith. Jean lui fait cependant la promesse qu'il ne profitera au grand jamais de sa mort pour tomber dans les bras d'Edith. Alors que la fin de la guerre approche, une escouade de 12 hommes, dont Jean et François, est envoyée à la mort au Ravin des Dames. Jean en sera l'unique survivant et, après avoir retrouvé une vie normale, il se consacre à la construction d'une armure en verre indestructible. Vingt ans plus tard, profondément pacifiste, il ne tarde pas à voir une nouvelle guerre pointer son nez…


MON AVISVisiblement attaché au genre historique, Abel Gance revient cependant au fantastique en 1931 avec son remarqué (mais inégal) La fin du monde. Puis il signe en 1938 un remake parlant de son J'accuse, datant de 1919 (mais perdu depuis de nombreuses années), changeant quelques éléments par ci par là, tout en gardant une trame quasi-identique : un drame naviguant entre guerre 14-18 et triangle amoureux, débouchant dans un dénouement dans le fantastique le plus pur. Si cette version originale sera réalisée près d'un an après la première guerre, ce remake, lui, est un cri pacifique à l'aube de la seconde guerre mondiale, à l'aube de la montée du fascisme.

Impressionnant (voire dégoûtant) le public de l'époque, J'accuse passera d'une durée de 2h40 à une durée d'1h40 voire parfois d'1h10 !! Il sera même interdit une année durant et reste, aujourd'hui, d'une grande rareté. Gance remodèle son casting, son histoire aussi, mais garde la plupart de ses personnages principaux. Toute une première partie du film se déroule dans l'horreur des tranchées ; les plans les plus spectaculaires viennent très souvent de stock-shots (leur utilisation est systématique mais inévitable…) et Gance glisse une ou deux images poétiques dans ce fracas de bous et d'explosions, comme cette colombe coulant dans une fontaine noircie par de l'eau empoisonnée, avant d'être enterrée par le héros himself.

Traumatisé par la guerre, le pacifique Jean Diaz retourne au bercail, refusant les avances d'une veuve suite à une promesse qu'il fit auparavant sur le chant de bataille. Les années passent et la fille de la veuve, Hélène, attire les convoitises… dont celle de Diaz.

Au fil des mois, Diaz semble perdre la boule, effrayé à l'idée qu'une nouvelle guerre débute. Il aurait pourtant le pouvoir d'arrêter cette guerre imminente après une promesse qu'il aurait fait… aux morts !

Si jusque-là Gance nous offre drame en bonne et due forme, il distille une note de folie baroque lors d'une mémorable scène d'orage plus proche des films fantastique expressionnistes ou d'un film d'horreur de la Universal, que d'un pan de la filmographie de Renoir.

La démence du personnage entre en jeu et une menace quasi-surnaturelle, voire spectrale, semble flotter sur les tombes du cimetière de Verdun. D'ailleurs, pour exprimer folie et hystérie, le grand Victor Francen (qui sera plus tard au générique de La bête aux cinq doigts) s'en sort comme un chef : sobre et dur pendant toute une partie de l'histoire, il éructe, délire et monologue dans toute la seconde. Une interprétation hallucinante et hallucinée.

Le J'accuse du titre n'entretient aucun rapport avec celui de Zola : c'est celui de Diaz, effondré dans un dernier acte de folie. Dans la version initiale, l'accusation visait le militarisme allemand ; ici c'est la nouvelle guerre mondiale qui révolte le personnage.

Nous arrivons enfin au moment de savoir le pourquoi du comment de la place d'un tel film ici : et si je vous disais que la première armée de morts-vivants de l'histoire du septième art était française ?!

Déjà présente dans la version muette, la dernière séquence (fantastique) retrouve une toute nouvelle force ici : après un appel désespéré lancé par Diaz, le temps se détraque, la terreur s'empare du peuple et les tombes du cimetière de Verdun disparaissent, laissant place à des milliers de spectres de soldats, immobilisant une Europe blanche comme un linge.

J'accuse devient un poème lyrique, apocalyptique et fantasmagorique, aboutissant à deux fins différentes : l'une optimiste et l'autre pessimiste. D'un coté, l'Europe proclame la paix suite à ce mouvement post-mortem - chose forcement incohérente puisque la seconde guerre mondiale éclatera peu de temps après -, de l'autre les morts continuent de marcher sur la terre et le pauvre Diaz est brûlé sur le bûcher (radical n'est-ce pas ?). Mise en abîme du film, voire du réalisateur ?

Dommage que pour cette fin, plus sombre et malheureusement plus proche de l'histoire, le réveil des morts soit sensiblement écourté… pour ne pas dire expédié. Quant aux revenants, si les cinéphiles curieux s'attendront à des maquillages primaires et dépassés, il faut savoir que 50 % des zombies visibles à l'écran sont de véritables monstres, c'est-à-dire des gueules cassées, ces vétérans des tranchées défigurés à vie. Et Gance ne se gêne pas pour asséner de nombreux gros plans sur ces visages de cauchemar écorchés, disloqués, boursouflés et livides.

Mégalo, profondément antimilitariste et tristement prophétique, un très grand film à réhabiliter.




Jérémie MARCHETTI