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BLACK CHRISTMAS (2006)

 


L'HISTOIRE : Il neige à gros flocons dehors, les cadeaux croulent sous le sapin, des milliers de lumières émanent des maisons : pas de doute, c'est Noël. Dans la fraternité de Miss MacHenry, le réveillon vire au cauchemar : à peine la jolie Clair a t-elle fini d'écrire une carte pour sa sœur, qu'une main inconnue vient l'abattre sauvagement. Quelques couloirs plus loin, dans le salon, l'on parle du fait divers sordide ayant eu lieu dans la même maison...


MON AVISLancé par la série X-Files, le tandem James Wong & Glen Morgan aura trouvé définitivement une place dans le cœur des fantasticophiles avec la saga Destination Finale dont le potentiel sadique n'est plus à prouver. Dommage que malgré leur talent, les deux lascars se laissent aller à une certaine facilité : d'un côté, il leur suffit d'imaginer les morts les plus atroces pour agrandir leur saga chérie et de l'autre, voilà qu'ils s'intéressent de très près à des remakes de petits classiques 70's. Et là évidemment, ça ne peut pas plaire à tout le monde, quoi qu'on y fasse...

Après un Willard réussi (enfin un film exploitant pleinement la folie d'un Crispin Glover bouillonnant), voilà qu'un remake du fabuleux Black Christmas de 1974 est mis en chantier... non sans quelques heurts. L'idée n'est pas des plus affriolantes et le film connaîtra un développement chaotique, affecté alors par de nombreux re-shooting. Pire encore, son mauvais score aux USA ne permettra qu'une sortie DTV chez nous. Sort mérité ? Pas sûr, tant le résultat final fait sans doute partie de ce que le slasher a produit de meilleur durant ses dix dernières années. Eh oui...

La trame générale n'a pas réellement changé (un tueur se glissant dans une sororité d'étudiantes durant les fêtes de noël) mais les temps ont changé : les portables pullulent (dont l'utilisation est judicieusement exploité), les étudiantes sont devenues de véritables bombes (dire que le spectateur hétéro y trouvera son compte est un euphémisme), et le film se refuse à donner une seule part de mystère, sacrifiant la figure du tueur sur l'autel de la rationalité, ainsi que la violence suggérée de l'original. Bref, c'est dans l'air du temps.

Les créateurs de Destination Finale sont à la barre et ça se voit : les morts sont inventives et cruelles, et ne font jamais dans la dentelle, offrant avec délectation ce que des amateurs de sensations fortes sont en droit de réclamer. Ce que Bob Clark commençait en 1974 (des objets a priori inoffensifs devenant des armes mortelles), Morgan le termine : stylo-plume, sac poubelle, patin à glace, stalactite... jusqu'à la fameuse licorne de verre qui reprend sa fonction meurtrière ! Par ailleurs, toujours au rayon clins d'oeil, c'est Andrea Martin, anciennement Phillis dans le film original, qui incarne la propriétaire des lieux. Margot Kidder aurait effleuré, elle aussi, le rôle...

Toutes les zones d'ombre du premier film sont balayées violemment ici : de la même manière que Rob Zombie revoyait le mythe Myers ou que Jeff Libiesman expliquait le pourquoi du comment de la naissance de Leatherface, Morgan et son compère nous offrent complaisamment la genèse tortueuse, passionnante et scabreuse de Billy, devenu ici un croisement entre Norman Bates et le Yellow Bastard (ce n'est pas une blague !). A ce titre, les rétrospectives, très réussies, sont d'une cruauté sans pareil ; cannibalisme et inceste faisant alors bon ménage, plaçant Billy en véritable victime du destin.

S'il mise avant tout sur ses débordements graphiques, Black Christmas version 2006 est sans temps morts (l'action est resserrée en une nuit et non en deux), bénéficie d'un visuel particulièrement léché (oui, Morgan sait tenir une caméra) et sait surprendre (reprise d'éléments à Douce nuit, sanglante nuit ou à Halloween 2) jusque dans sa dernière partie (dont la version UK propose un déroulement assez différent). Du slasher racé et hargneux (les énucléations, cradingues, sont courantes) et tant pis s'il n'est pas le bijoux de terreur qu'était son prédécesseur, tout cela à 100 000 lieux d'un imbuvable Prom Night qui, lui, a raflé un succès proprement incompréhensible ! Les voies du box-office sont impénétrables comme dirait l'autre...


Titre français : Black Christmas
Titre original : Black Christmas
Réalisateur : Glen Morgan
Scénariste Glen Morgan, Roy Moore
Musique Shirley Walker
Année : 2006 / Pays : Usa, Canada
Genre : Slasher / Interdiction : -12 ans
Avec Katie Cassidy, Michelle Trachtenberg, Mary Elizabeth Winstead, Kristen Cloke...





Jérémie MARCHETTI

BEYOND THE BLACK RAINBOW (2010)

 

Titre français : Beyond the Black Rainbow
Titre original : Beyond the Black Rainbow
Réalisateur : Panos Cosmatos
Scénariste : Panos Cosmatos
Musique : Sinoia Caves
Année : 2010
Pays : Canada
Genre : Science-fiction
Interdiction : -12 ans
Avec Evan Allan, Michael Rogers, Scott Hylands, Rondel Reynoldson...


L'HISTOIRE : Au début des années 80, la tentation d'évasion désespérée d'une jeune femme séquestrée derrière une vitre dans un laboratoire expérimental, et surveillée par le mystérieux docteur Barry Nyle...


MON AVISCeux qui souhaitent plonger dans un trip psychédélique dans le monde de la science-fiction à l'ancienne bourrée de références cinématographiques des années 70-80 seront servis ! Beyond the Black Rainbow est la petite série B passée inaperçue et qui pourtant suscite un intérêt particulier par son aspect expérimental et sensoriel.

Le Dr Arboria créé une fondation dirigée par le mystérieux docteur Barry Nyle, qui séquestre une jeune fille dont les capacités psychiques sont très développées. Ses entretiens quotidiens avec elle permettront un passage dans une succession de séquences démentielles à l'esthétisme parfait : couleurs surexposées, géométrie et jeu de symétrie et de reflets gérés au millimètre près, musique envoûtante à mi-chemin entre John Carpenter et Tangerine Dream, mouvements de caméra adoucis et ralentis et j'en passe. Juste de quoi nous plonger dans un univers surnaturel où chacun y verra son propre rapprochement aux classiques du genre, que ce soit Tron, L'âge de Cristal, La Forteresse Noire, Solaris, 2001: l'Odyssée de l'Espace, La Montagne Sacrée, THX 1138 et bien d'autres.

Panos Cosmatos réalise un premier film et brouille les pistes scénaristiques en ouvrant différentes portes de possibilités sans jamais les explorer. Le manque d'explications en agacera certains mais permettra à d'autres de s'évader complètement au milieu de ces images fabuleuses, ultra-stylisées et hypnotiques accompagnées de l'incroyable musique signée Sinoia Caves.

Un voyage au coeur de l'abstraction d'Arboria où décor, récit et personnages ne sont que des éléments hermétiques pour faciliter l'exploration d'un cadre somptueux à l'ambiance onirique. Le style de l'image varie souvent et rend la totalité du film indescriptible tant le détail de chaque tableau change la construction d'une quelconque interprétation.

La trame scénaristique se perd dans la démence de ce lieu intemporel et nous empêche d'apercevoir une éventuelle issue pour un dénouement et une conclusion logique à toutes ces scènes insolites d'une beauté inouïe.

Les éléments les plus mystérieux seront probablement le dévoilement du véritable aspect du docteur Barry Nyle et l'apparition du sentionaut, ce personnage mystique à allure classieuse dans une combinaison vintage élégante. La découverte de son visage est d'ailleurs aussi effrayante que captivante car le mystère de sa présence et de son aspect restera entier, et c'est surement ce qui fait la force de ce personnage emblématique.

S'étalant sur une durée de 1h50, la douceur de l'atmosphère sensorielle peut vite devenir soporifique tant les séquences étonnantes et apaisantes du film bercera votre esprit.

Cet exercice de style poussée à l'extrême dans son impact visuel et sonore est une découverte que chaque cinéphile amateur d'OFNI se doit de tenter. C'est comme si Kubrick, Lynch, Cronenberg et Michael Mann s'étaient regroupés pour former un cocktail d'images et d'effets sonores dans un film singulier déstabilisant.

Le charme atmosphérique jouera parfaitement son rôle jusqu'au dernier quart d'heure où tout se dissimulera pour terminer dans un monde plus rationnel où le genre du slasher basique pointera le bout de son nez sans que l'on sache quelle direction Cosmatos a voulu prendre en abordant cette thématique.

Une désorientation totale du spectateur apparemment volontaire de la part du réalisateur, difficilement compréhensible mais toutefois assez intrigante pour donner l'espoir de voir quelque chose de nouveau dans sa filmographie en lien avec cet essai hypnotique et fantasmagorique.




Nicolas BEAUDEUX

LE BATEAU DE LA MORT (1980)

 

Titre français : Le Bateau de la Mort
Titre original : Death Ship
Titre alternatif : Cauchemar Nazi
Réalisateur : Alvin Rakoff
Scénariste : John Robins
Musique : Ivor Slaney
Année : 1980
Pays : Angleterre, Canada
Genre : Fantômes et spectres
Interdiction : -12 ans
Avec George Kennedy, Richard Crenna, Nick Mancuso, Victoria Burgoyne...


L'HISTOIRE Le capitaine Ashland et son équipage effectue son dernier voyage aux commandes d'un paquebot de croisière, l'heure de la retraite ayant sonnée. Alors qu'il s'en va participer à contre-cœur à la fête des passagers, son second vient l'avertir qu'un navire fonce droit sur eux. Le capitaine ne peut éviter la collision et le paquebot sombre aux fond des eaux. Seul neuf passagers survivent au drame, dont la capitaine Ashland, l'officier Trevor Marshall, la femme et les deux enfants de ce dernier ainsi que Lori, Sylvia et deux membres de l'équipage. Ils parviennent à se hisser sur le navire qui les a percuté. Ils découvrent qu'il n'y a pas âme qui vive sur ce bateau d'apparence ancienne. Pourtant, ce dernier se met en marche et des incidents mortels commencent à avoir lieu. Les rescapés doivent se rendre à l'évidence : les histoires de vaisseau fantôme ne sont pas un simple mythe et ce bateau cache un terrible secret, hérité de la seconde guerre mondiale...


MON AVISAvec sa superbe affiche qui fît rêver bon nombre de personnes ayant vécu la période bénie des vidéoclubs, Le Bateau de la Mort possède une certaine aura parmi la communauté des aficionados du cinéma fantastique, surtout chez ceux qui ne l'ont pas vu d'ailleurs ! Réalisé en 1980 par Alvin Rakoff, metteur en scène spécialisé dans les épisodes de séries-télévisées et totalement novice dans le genre fantastique / horreur, Le Bateau de la Mort est un petit budget dont l'histoire a été imaginée par Jack Hill (scénariste de The Terror, Spider Baby, The Big Bird Cage, Coffy, Foxy Brown...) puis scénarisée par John Robins

Pour donner un cachet à son film, Alvin Rakoff fait appel à plusieurs acteurs dont la carrière ne brille plus vraiment, à l'image de George Kennedy, Richard Crenna (qui relancera sa carrière deux ans plus tard avec le personnage du colonel Trautman bien sûr), Nick Mancuso, Sally Ann Howes ou Kate Reid par exemple. Des têtes bien connues du public, qui se retrouvent donc prises au piège dans un bateau vivant ! Le début du film nous fait irrémédiablement penser à la série La Croisière s'amuse (si, si) avant de bifurquer vers l'épouvante une fois le bateau fantôme entrant en scène et envoyant par les fonds le paquebot de croisière. 

L'ambiance se fait plus pesante et le look du bateau fantôme, vieux et décrépi, fait son petit effet quand il apparaît juste derrière le canot de sauvetage contenant les rescapés. Une fois montés à bord de ce navire peu accueillant, ces derniers vont vite s'apercevoir que quelque chose cloche : personne à l'horizon, de la poussière et des toiles d'araignées à foison, l'eau des robinets à une couleur rouille, bref, ça sent le bateau abandonné et pourtant, il avance ! La salle des machines nous est montrée à l'écran à de nombreuses reprises, avec ces roulements et ces pistons qui fonctionnent à plein régime, sans aucune intervention humaine ! Bruits étranges, cliquetis, voix spectrales en allemand et incidents se mettent alors à avoir lieu, ce qui permet au réalisateur de distiller ses effets et d'instaurer une atmosphère lugubre assez réussie mais qui ne va malheureusement pas empêcher le film de tourner en rond. 

En effet, Le Bateau de la Mort devient un huis-clos mais aussi un film de couloir (bah oui, on est dans un navire en pleine mer hein), l'impression que l'histoire ne progresse pas énormément s'empare de nous, tout comme une certaine lassitude à voir et revoir ces plans de la salle des machines. De plus, les personnages sont à peine esquissés et on ne s'intéresse franchement pas à eux, si bien que lorsque la mort frappe, on s'en fout un peu. Toutefois, les acteurs semblent assez investit pour la plupart, surtout Richard Crenna, qui court partout pour trouver une échappatoire, et la jolie Victoria Burgoyne qui nous offrira la meilleure scène du film : voulant prendre une douche, elle se retrouve nue (un bon point pour le film !) et se voit arroser de la tête au pied avec du sang qui s'échappe du pommeau de douche. L'actrice gigote dans tous les sens et hurle tout ce qu'elle peut, la porte de la cabine de douche restant inlassablement fermée. Elle connaîtra juste après une fin peu enviable. 

Les autres manifestations mortelles, façon Destination Finale avec vingt ans d'avance, sont également assez sympathiques, voire même cruelles et sadiques comme ce pauvre homme attaché par les pieds à un cordage lui-même relié à un système de poulie et qui va être lentement plongé tête la première dans la mer ! Sympa comme torture non ? 

Plus le film avance, plus le capitaine interprété par George Kennedy semble sombrer dans la folie, le bateau voulant apparemment qu'il devienne le nouveau chef de bord. Une idée déjà vue mais avec le contexte nazi, ça marche pas trop mal, dommage que l'acteur se contente de faire une tête bizarre et ne se soit pas plus impliqué dans le rôle. Rassurez-vous, je ne vous dévoile en rien un pot-aux-roses, on le sait depuis belle lurette que le bateau est un ancien navire nazi qui écumait les mers dans les années 40. C'est d'ailleurs ce contexte qui fait tout le sel du film et lui donne son intérêt. 

La découverte d'une caméra projetant des images de défilés nazis, d'un poste radio diffusant de vieilles chansons militaires allemandes, d'une salle entièrement dédiée à la gloire d'Adolf Hitler, d'une chambre froide contenant les cadavres de prisonniers pendus au croc de boucher ou d'une cale dont le filet est rempli de squelettes, dont on imagine qu'ils ont été victimes des expériences morbides des officiers nazis, augmentent l'aspect malsain du film et rehaussent notre attention et notre attrait pour cette petite production au rythme peu enlevé et à la mise en scène assez passive. 

Très honnêtement, Le Bateau de la Mort n'est pas dénué d'intérêt mais son côté un peu cheap fait qu'à mon avis, il était déjà daté en 1980 ! De plus, il a un rendu très téléfilm et je pense qu'il aurait bien mieux fait d'en être un, on aurait pu le ranger à côté du classique Le Triangle du Diable de Sutton Roley, avec lequel il partage pas mal de point commun en terme de mise en scène et de rendu. A noter que Le Vaisseau de l'Angoisse est un pseudo-remake de ce film, en plus grand-guignolesque et spectaculaire.




Stéphane ERBISTI

LA BAZAAR DE L’ÉPOUVANTE (1993)

 

Titre français : Le Bazaar de l'épouvante
Titre original : Needful Things
Réalisateur : Fraser C. Heston
Scénariste : W.D. Richter
Musique Guy Blackwell, Otis Blackwell, Patrick Doyle, Rick Giles
Année : 1993
Pays : Etats-Unis, Canada
Genre : Diable et démons
Interdiction : -12 ans
Avec Max von Sydow, Ed Harris, Bonnie Bedelia, Amanda Plummer, J.T. Walsh...


L'HISTOIRE : Les habitants de la petite ville côtière de Castle Rock vivent paisiblement et malgré quelques frictions entre riverains, le shérif Alan Pangborn n'a jamais l'occasion de faire usage de la force. L'annonce de l'ouverture d'une nouvelle boutique dans la ville est le centre de toutes les attentions. Le propriétaire, Leland Gaunt, nouvellement installé, va procurer aux habitants l'objet de leurs rêves les plus fous, en échange d'une somme modique et d'un petit service. Peu à peu, le shérif note que les frictions deviennent rivalités et que les habitants qu'il connaît bien semblent céder à la folie collective. La boutique du charmant Leland Gaunt aurait-elle quelque-chose à voir dans ce changement d'attitude ?


MON AVISDepuis le succès de Carrie au Bal du Diable en 1976 et de Shining en 1980, chaque roman de Stephen King, le maître de l'épouvante, se voit automatiquement adapter, soit pour le cinéma, soit pour la télévision, avec plus ou moins de réussite et de succès. Parmi les adaptations notables du célèbre romancier, on peut citer SimetierreStand by MeLa Ligne VerteMiseryLes évadés ou Christine entre autres. 

En 1991, Stephen King sort un nouveau roman, Bazaar. L'histoire d'une petite ville tranquille dont les habitants vont développer un comportement violent et irrationnel suite à l'ouverture d'une nouvelle boutique tenu par un certain Leland Gaunt. Se classant rapidement dans les trois meilleures ventes de livres, Bazaar intéresse bien sûr le monde du cinéma et un projet d'adaptation voit le jour. Un premier scénariste tente de condenser le pavé du King pour une durée cinéma, puis un second scénariste est engagé, W.D. Richter, qui parvient à garder l'essence du roman tout en effectuant pas mal de modifications, les écrits ne se prêtant pas toujours à une mise en image à l'identique. 

Un premier réalisateur est choisi, Peter Yates, le metteur en scène de Bullit ou de Krull. Il sera remplacé par Fraser C. Heston, le fils de Charlton Heston lui-même ! D'une durée de deux heures, le film sort au cinéma en 1993 et n'obtient pas un grand succès, malgré la présence de très bons acteurs, comme Ed Harris dans le rôle du shérif ou Max Von Sydow dans celui de Leland Gaunt par exemple. Mais le roman est trop long et la durée du film retenue ne lui permet pas de développer assez les personnages et les événements présentés, tout comme il oblige le monteur a faire des cuts assez radicaux, qui plombent le rythme du film au final. 

Dans sa version cinéma, Le Bazaar de l'épouvante reste divertissant bien sûr mais ne dégage pas non plus un enthousiasme très relevé. Fort heureusement, face aux maigres recettes que rapporte le film lors de sa distribution en salles, les producteurs ont l'idée de le proposer à la chaîne de télévision TBS sous un nouveau format : une mini-série de deux fois 90 minutes. Le film de 2H devient donc une mini-série de 3H ! Et forcément, on y gagne ! Les personnages et leurs interactions sont nettement plus développés, on passe plus de temps avec eux et les manigances de Leland Gaunt y gagnent également en intensité et machiavélisme. 

Une longue introduction est rajoutée également, nous montrant ce diabolique personnage au volant de sa voiture noire comme les ténèbres et pourchassé par le shérif. Une longue scène introductive, qui ne cache pas la dimension réelle de Leland Gaunt. Plusieurs personnages voient leur temps de présence à l'écran être accrue, et il faut bien avouer que cette version longue de 3H bonifie considérablement la version cinéma, qui devient quasiment obsolète face à la minisérie, bien plus ambitieuse et convaincante. 

Max Von Sydow est impeccable dans le rôle de ce personnage diaboliquement charismatique et dont le but inavouable est de créer le chaos parmi les habitants des villes dans lesquelles il vient s'installer. Car oui, Castle Rock n'est pas le premier lieu de ses méfaits, comme le stipule ce petit carnet où il note le nom des villes et des personnes qu'il a réussi à détourner du droit chemin. Le fantastique s'insinue lentement dans le récit, par petites doses, et vient contaminer la population dans manière insidieuse, sans grand déferlement d'effets-spéciaux ou de séquences spectaculaires. 

Quelques scènes chocs ponctuent le récit, comme cette violente bagarre entre deux femmes ou la vision d'un pauvre chien entièrement dépecé et pendu. L'humour, noir évidemment, est également aux abonnés présents et certaines répliques de Leland Gaunt nous feront bien sourire. Sur un thème un peu similaire à celui du roman Salem (un inconnu vient semer le désordre dans la ville où il vient de prendre place), Le Bazaar de l'épouvante intrigue et se suit sans ennui, le format mini-série étant vraiment ce qui lui convenait le mieux. 

L'aspect téléfilm n'est pas dérangeant, le jeu d'acteurs est plutôt bon et les changements apportés par le scénariste vis à vis du roman ne sont pas trop gênants pour ceux qui n'ont jamais lu ce dernier. Bref, n'hésitez pas à passer trois heures en compagnie de l'étrange Leland Gaunt, le marchand de vos rêves trop gentil pour être honnête...




Stéphane ERBISTI

LE BAL DE L'HORREUR (1980)

 

Titre français : Le Bal de l'Horreur
Titre original : Prom Night
Réalisateur : Paul Lynch
Scénariste : William Gray, Robert Guza Jr.
Musique Paul Zaza, Carl Zittrer
Année : 1980
Pays : Canada
Genre : Slasher
Interdiction : -12 ans
Avec : Jamie Lee Curtis, Leslie Nielsen, Casey Stevens, Antoinette Bower…


L'HISTOIRE : Dix ans après la mort de leur petite camarade de jeu, quatre personnes partageant le même secret sont rattrapées par leur passé. Ils reçoivent une série de coups de téléphone menaçants pendant que, dans le même temps, un innocent accusé du crime s'est évadé...


MON AVIS C'est sur une trame scénaristique marchant sur les traces du mètre-étalon du genre Halloween, la Nuit des Masques qu'est conçu ce projet en pleine période de ce que l'on peut appeler l'âge d'or du slasher canadien. En effet, pour des raisons de coûts budgétaires, beaucoup de slashers de cette époque y sont tournés (Le Monstre du Train, Happy Birthday, Meurtres à la St Valentin). Tournés à la chaîne, ils finissent par devenir interchangeables mais si certains d'entre eux font des efforts en matière de terreur et de gore, on ne peut pas dire que ce Prom Night de facture très télévisuelle sorte du lot. Il aurait même tendance à être dans le fond du panier. 

Confié au débutant Paul Lynch (qui réalisera Humongous en 1982 puis préférera aller réaliser des épisodes de série télé comme Star Trek, La Belle et la Bête ou encore Poltergeist, les aventuriers du surnaturel), ce dernier manque singulièrement de talent pour créer de la tension, là où un John Carpenter, avec trois fois rien et une composition musicale adéquate, arrivait à nous faire attendre les attaques du tueur. Paul Lynch rend ce Bal de l'Horreur amorphe, malgré un début classique, avec un accident fatal qui amène des enfants à garder un secret, comme quoi Souviens-toi...l'été dernier n'a rien inventé mais gageons qu'en bon cinéphile Kevin Williamson y a pioché quelques idées.

Pour attirer les investisseurs, il est fait appel à la scream-queen de l'époque en tête d'affiche, j'ai nommée Jamie Lee Curtis bien sûr. Engluée dans le monde des slashers, la pauvre Jamie Lee aura bien du mal à s'en défaire, de même que de l'usage de certaines substances illicites. Il suffit de bien observer certaines scènes où elle a les pupilles dilatées pour s'apercevoir que la jeune comédienne n'est pas dans son état normal. Amorphe, elle se promène dans le film en paraissant égarée. Mieux vaut pour elle d'ailleurs car en plus d'être mou du genou, Le Bal de l'Horreur est d'un kitsch total. 

En plein boom disco, l'équipe du film s'est dit qu'il fallait utiliser cette musique. Quelle bonne idée ! Ce qui nous vaut des scènes de bal sur le dance-floor à pleurer de rire. Accoutrés dans des tenues d'époque, les acteurs n'en ressortent pas à leur avantage. Comme quoi, tout le monde n'a pas le talent d'un De Palma qui, avec Carrie au Bal du Diable, a réussi un classique indémodable. Le Bal de l'Horreur en est loin et avant d'arriver à l'équarrissage en douceur du casting, il faut se farcir une heure de néant, durant laquelle le réalisateur se croit obligé de faire des zooms sur les téléphones en train de sonner, ceux-ci étant devenus des objets de menace, mais ce recours technique tombe à plat. Tant pis, on se dit qu'on va se rattraper avec les suspects (naïfs que nous sommes). Pour faire bonne mesure, ceux-ci sont multipliés à loisir, jusqu'à avoir recours au grand absent, le soi disant suspect qui s'est évadé de l'asile, encore une référence à Halloween.

Parmi les potentiels coupables, se trouve un acteur bien connu du grand public mais pour ses rôles de comique, à savoir Leslie Nielsen (1926-2010), qui a connu son heure de gloire dans la série des Y a-t-il un Pilote dans l'avion ?, Un Flic pour sauver le Président / la Reine ? mais aussi dans toute une série de pastiches dont L'exorciste en folie, Scary Movie 3, Scary Movie 4 etc. Mais ça serait oublier à quel point ce grand monsieur à œuvrer aussi dans des films nettement plus sérieux (Planète interdite, L'aventure du Poséidon, Creepshow). Si son interprétation peut donner le sourire aux lèvres aux jeunes générations, il hérite pourtant ici, dans la peau du proviseur, d'un rôle qui ne prête pas à rire. Et dans ce maelström de médiocrité, il tire même son épingle du jeu. On n'en dira pas autant des jeunes comédiens qui doivent se coltiner des scènes dites de terreur toutes plus cocasses les unes que les autres. A commencer par une attaque dans un van et l'apparition du tueur visiblement en manque d'inspiration et qui était plutôt accoutré pour aller braquer une banque dans sa tenue de camouflage !

Avec des meurtres édulcorés (ici pas besoin de censure) et son manque de surprise, voyons ce que l'on peut sauver. Deux choses au moins me viennent à l'esprit : une course-poursuite dans les couloirs d'un bahut désert et une magnifique décapitation sur la scène de danse. Pour le reste, rien de spécial à retenir car Le Bal de l'Horreur va même jusqu'à foirer le whodunit, vous savez, le moment de la révélation du tueur et de la raison de ses agissements. Un final médiocre aux allures de chant du cygne pour sa comédienne principale qui bientôt tournera la page de l'horreur et restera longtemps fâchée avec le genre. Personne ne saurait l'en blâmer à la vision de ce Bal de l'Horreur qui héritera de fausses suites dont le très réussi Hello Mary Lou: Prom Night II qui fera basculer la série dans la vengeance fantastique.

Réputé culte, le film de Paul Lynch est pourtant l'un des pires rejetons de son époque (on lui préférera Carnage, Meurtres à la St-Valentin, Rosemary's Killer entre autres). Sa réputation, il ne le doit qu'à la présence de Jamie Lee Curtis. Guère étonnant que l'odieux remake de 2008 destiné aux moins de 12 ans soit une sombre purge quand le matériau de base se révèle aussi médiocre. Très mauvais slasher, Le Bal de l'Horreur n'est destiné qu'à une poignée de fans nostalgiques comme l'auteur de ces lignes, mais sinon il ne vaut pas la peine d'être vu.




Gérald GIACOMINI

ADALINE (2015)

 

Titre français : Adaline
Titre original : The Age of Adaline
Réalisateur : Lee Toland Krieger
Scénariste : J. Mills Goodloe, Salvador Paskowitz
Musique : Rob Simonsen
Année : 2015
Pays : Usa, Canada
Genre : Conte fantastique
Interdiction : /
Avec Blake Lively, Michiel Huisman, Harrison Ford, Ellen Burstyn, Kathy Baker...


L'HISTOIRE : Après un accident qui aurait dû lui être fatal, la belle Adaline cesse de vieillir. Aujourd'hui, bien qu'ayant vécu près de huit décennies, elle est toujours âgée de 29 ans. Après avoir mené une existence solitaire afin de ne jamais révéler son secret, une rencontre fortuite avec le philanthrope et charismatique Ellis Jones, va raviver sa passion de la vie et de l'amour...


MON AVISRéalisé en 2015 par Lee Toland Krieger, Adaline est un joli film mêlant romance, passion et fantastique. Ce dernier élément trouve son essence même dans le personnage principal, celui d'Adaline Bowman, une charmante jeune fille de 29 ans, née au début du 20ème siècle, et qui, après avoir été victime d'un grave accident de voiture dont elle réchappe suite à une série d'événements, voit son processus de vieillissement être stoppé. La vie éternelle s'offre à elle. 

Ce qui pourrait nous sembler être une bénédiction va pourtant se révéler être une malédiction pour Adaline, superbement interprétée par la toujours charismatique Blake Lively, qui prouve à nouveau qu'en plus d'être extrêmement belle, elle est une bonne actrice. Devenue star grâce à la série Gossip Girl, vue dans Green Lantern, Savages, Je ne vois que toi ou le très sympa Instinct de Survie, Blake Lively trouve avec Adaline son plus beau rôle, se montrant touchante, émouvante même, notamment lors de la dernière partie du film la mettant en face à face avec Harrison Ford. Un peu à la manière de Forrest Gump, Adaline Bowman va donc traverser les époques durant plus d'une décennie, atteignant pour la partie contemporaine du film l'âge de 107 ans, tout en conservant son physique et sa jeunesse de 29 ans. 

De nombreux flashbacks de sa vie passée nous sont présentées, et on découvre qu'elle n'a pas eu une vie de tout repos, devant sans cesse changer d'identité, poursuivie par le F.B.I. suite à un contrôle de police qui a déclenché la découverte de son anomalie. Une anomalie qui l'a obligée à vivre loin de sa fille, Flemming, et qui l'a surtout empêchée de vivre de belles histoires d'amour, ne voulant pas devenir une bête de foire ou n'ayant pas la force de révéler son secret à ses prétendants. 

Comme elle le dit à un moment du film, la vie éternelle l'a privée du véritable amour, celui qu'on passe toute sa vie avec une personne avec qui on vieillit ensemble. Ce contraste est d'ailleurs fort bien résumé lorsque Adaline rend visite à sa fille, qui, elle, est devenue vieille. C'est vraiment très étrange de voir une mamie appeler une belle jeune femme maman et l'effet fonctionne très bien dans le film. Bien sûr, Adaline va rencontrer un charmant jeune homme, en la personne d'Ellis Jones. ce dernier est interprété par Michiel Huisman, et le moins que l'on puisse dire, c'est que cet acteur n'est pas à plaindre, puisque, après avoir mis Emilia Clarke dans son lit dans la série Game of Thrones, il récidive avec Blake Lively ! On peut trouver pire comme CV ! 

La romance qui se développe entre les deux personnages est toute mimi, mais pas si évidente que ça pour Ellis, qui doit se battre pour convaincre Adaline de le laisser prendre son cœur. Les diverses rencontres font dans la comédie romantique classique mais si vous avez un cœur de midinette, ça passe plutôt bien. Quand Ellis propose à Adaline de l'emmener chez ses parents, on se doute inconsciemment de ce qui va se passer et bingo, on avait raison ! Pas de spoiler ici, c'est tellement téléphoné que n'importe quel spectateur l'aura deviné avant que ça n'arrive à l'écran. Et oui, le papa d'Ellis, interprété par Harrison Ford, a bien sûr connu Adaline quand il était jeune et c'est un véritable choc que de la revoir tel qu'elle était quand il en était amoureux. 

Tout en étant touchante, cette partie du film est aussi amusante, avec des quiproquos, tout en mettant mal à l'aise, surtout si on se met à la place de la mère d'Ellis, qui voit son mari, totalement déboussolé, se remémorer sa vie passée et parler d'Adaline comme si elle était son grand amour perdu, ce qu'elle est effectivement. Harrison Ford est très à l'aise dans ce rôle et il se montre particulièrement convaincant et sensible. Je ne vous raconte pas le final, vous le devinerez aussi. 

Si vous aimez les jolies bluettes romantiques, Adaline remplira aisément sa fonction, évitant de se montrer trop mièvre, trop larmoyant. Ce n'est pas la comédie fantastique romantique du siècle mais c'est vraiment mignon tout plein, et le charisme des divers interprètes y joue pour beaucoup...




Stéphane ERBISTI

ATM (2012)

 

Titre français : ATM
Titre original : ATM
Réalisateur : David Brooks
Scénariste : Chris Sparling
Musique : David Buckley
Année : 2012
Pays : Usa, Canada
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Alice Eve, Josh Peck, Brian Geraghty, Robert Huculak, Ernesto Griffith...


L'HISTOIRE : Trois collègues de bureau s’arrêtent au distributeur bancaire sur le parking désert d’un centre commercial afin de retirer de l’argent avant d’aller au restaurant. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir du local qui abrite le distributeur, un inconnu les fixe depuis l’extérieur. Son visage est dissimulé par la capuche de son anorak qui le protège du froid. C’est un psychopathe et il vient d’assassiner sous leurs yeux une personne qui s’approchait. Terrifiés, sans moyen de communication, les trois jeunes gens se barricadent pour échapper au tueur mais le chauffage est coupé et la température avoisine -15°C...


MON AVISPour son premier long métrage, David Brooks s’est associé au scénariste Chris Sparling, célèbre pour être l’auteur de l’histoire de l’excellent Buried de Rodrigo Cortès. Il semble que Chris Sparling aime vraiment les huis clos puisqu’après avoir placé le personnage principal de Buried sous terre dans un cercueil, il enferme les trois protagonistes de ATM dans un local à distributeurs automatiques de billets de banque. Il corse un peu la chose en ajoutant deux éléments perturbateurs : le froid glacial et un tueur monolithique…

Avec cette idée de départ plutôt simple, il fallait bien meubler l’histoire pour obtenir une durée de film correcte. On assiste donc durant les vingt premières minutes à la présentation des trois personnages qui vont devenir les proies du mystérieux tueur : trois personnes qui travaillent dans la même société, des courtiers en bourse qui jouent avec de grosses sommes d’argent. Si David nous apparaît vite comme sympathique et humain, regrettant d’avoir fait perdre de l’argent à un vieux monsieur et faisant le grand timide face à Emily, jeune et jolie femme dont c’est le dernier jour de travail pour qui il craque secrètement, il en va tout autrement pour le troisième larron, Corey Thompson, véritable tête à claques qu’on a envie de baffer tellement il est énervant et imbu de sa personne. Soyons honnête, cette première partie du long métrage, avant que ne démarre véritablement l’intrigue une fois les personnages bloqués dans le local à distributeurs, n’est pas franchement intéressante et s’avère même ennuyeuse. On n’accroche pas vraiment à ce qui se passe sur l’écran et on a juste hâte de voir le tueur leur mener la vie dure.

Une fois bloqués, les personnages vont vivre un vrai calvaire puisqu’en plus du tueur dont on ne connaîtra finalement jamais les motivations (défi personnel de ne pas se faire arrêter par la police ? On le voit tracer des plans et des emplacements en fonction des caméras dispersées dans l’ATM afin de ne pas être filmé lui-même. Un mystère total dont au aurait aimé avoir plus d’indices ou de précisions…), le froid vient s’inviter dans la macabre partie de jeu du chat et de la souris. Malheureusement, si la réalisation est bonne, rien ne vient vraiment nous tenir en éveil ou nous apporter notre dose de suspense. Quelques situations semblent on ne peut plus clichées, les réactions des protagonistes ne sont pas des plus crédibles et on a, au final, l’impression de regarder un simple téléfilm qui ne tient en fait pas toutes les promesses de son affiche avec cette tagline Nerveux. Suffocant. Impitoyable.

Déception pour ATM qui aurait mieux fait de bifurquer réellement vers le néo-slasher movie à la rigueur, ce qui aurait permis de nous en donner pour notre argent. Au lieu de ça, on a un banal thriller claustrophobique qui ne transcende jamais son sujet et se laisse voir d’un œil distrait. Un DTV de plus qui ne laissera pas de trace indélébile dans ma cinéphilie…




Stéphane ERBISTI

ASSASSINATION NATION (2018)

 

Titre français : Assassination Nation
Titre original : Assassination Nation
Réalisateur : Sam Levinson
Scénariste : Sam Levinson
Musique : Ian Hultquist
Année : 2018
Pays : Usa, Canada
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec : Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef, Abra, Bella Thorne, Bill Skarsgard...


L'HISTOIRE : Lily, Sarah, Bex et Em sont quatre amies qui vivent à Salem, une ville de 17 000 habitants aux Etats-Unis. Connectées H24 sur les réseaux sociaux, le nez toujours collé sur leurs téléphones portables à discuter de tout et de n’importe quoi, les quatre copines passent leur temps à faire la fête, draguer et se moquer des personnes qui les entourent. Mais un événement inattendu va perturber ce qui semble être leur équilibre sociétal : un mystérieux hackeur va pirater les millions de données informatiques confidentielles de l’ensemble des habitants de Salem, rendant alors publiques toutes les conversations et vidéos des gens. L’hystérie s’installe rapidement dans la ville et très vite, Lily et sa bande sont la cible d’une chasse à l’homme organisée par des citoyens révoltés, persuadés que les quatre lycéennes sont à l’origine de ce piratage généralisé...


MON AVISFils de Barry Levinson (Rain man, Sleepers, The Bay), Sam Levinson rencontre un premier succès critique avec son film Assassination Nation sorti en 2018. Un thriller pas comme les autres que nous livre là un réalisateur encore bien jeune dans le métier mais capable déjà de nous surprendre par l’originalité d’un scénario porté à l’écran de manière très punchy, le chef opérateur Marcell Rév, déjà à l’œuvre sur White dog et La lune de Jupiter, étant de la partie ici pour dynamiter et faire péter à la rétine le récit de Sam Levinson.

Dès le début, Assassination Nation se démarque de part une réalisation propre et peu commune. Avec ses faux airs de teen movie assez stylé (des split-screens joliment réalisés sous fond de musique djeun’s entraînante, des plans séquences maîtrisés...), le film montre rapidement les crocs avec notamment cette sorte de mise en garde sous forme de défilement épileptique de photos issues du récit qui va suivre? avec comme légendes des mots chocs  - tels violence, pédophilie, meurtre - qui se succèdent à un rythme saccadé, histoire de vous prévenir que nous serons loin ici de l’image d’une Amérique puritaine que certain(e)s pourraient peut-être encore avoir en tête.

Une voix off qui nous entraîne alors dans cet univers 2.0 pourrions-nous dire avec tous ces nouveaux mots que nos aînés ne maîtrisent pas et n’ont pour la plupart pas envie de connaître : les selfies, les sextos, les snapchats et autres réseaux sociaux en pagaille sont en effet le quotidien de notre joyeux quatuor, bien plus intéressé par ce qui se passe chez leurs amis qu’au sein même de leur foyer.

Car Assassination Nation, c’est avant tout une critique de notre société actuelle et de la jeunesse des années 2000-2010 notamment. Par ce scénario fort original, on nous met face à cette menace qui pèse sur cet univers virtuel qui s’est créé en même pas deux décennies et qui a pris aujourd’hui une ampleur démesurée. Le film vire rapidement dans une spirale infernale. Le côté teen movie façon Gaspar Noé du début, qui ne s’intéressait qu’à la sphère lycéenne, va rapidement se transformer en cauchemar pour toute une population.

Un hacker va en effet révéler des millions d’informations confidentielles provenant des téléphones et ordinateurs portables des milliers d’habitants que compte la ville de Salem. Il n’y a plus de secret, tout se sait : les bulles de confidentialité que représentaient les salons de chat privé et autres conversations à deux par SMS sont étalées sur la place publique.

Tout commence par le maire de la ville dont sont dévoilées sur les réseaux des photos choquantes sur lesquelles ce dernier, habillé en femme, se masturbe. La douleur est trop grande, le politicien se tire une balle en pleine tête devant ses concitoyens déchaînés. Puis c’est au tour du proviseur de voir ses photos intimes déballées au grand jour dont certaines laissent planer des soupçons de pédophilie. Un piratage qui s’intensifie progressivement, touchant d’abord des personnalités bien connues de la population de Salem. Nous nous rendons compte rapidement que le phénomène va se généraliser et que la menace qui pèse sur cette ville de 17 000 habitants n’est pas négligeable et pourrait avoir de lourdes répercussions.

Une angoisse bien retranscrite qui va crescendo (Lily va tomber sur le hackeur, les insultes vont fuser et à partir de cet instant la peur de voir ses infos dévoilées est bien palpable) jusqu’à ce moment où la totalité des informations confidentielles de toutes et tous est balancée sur la toile. L’hystérie atteint alors des sommets au sein d’une population qui va vouloir connaître coûte que coûte le coupable de ce hackage généralisé tout en punissant celles et ceux qui ont bousculé les mœurs par leurs comportements décriés dans la Bible ou tout simplement contraire à l’opinion commune. Trahisons, adultères, affaires de pédophilie, ou simples moqueries et cachotteries vont être révélées au grand jour et provoquer la colère des habitants de Salem, la haine voire même la vengeance de certain(e)s alors informé(e)s par notre hackeur.

Assassination Nation va alors tomber dans le survival pur et dur : nos quatre jeunes lycéennes vont rapidement être prises pour cibles (nous assistons alors à un home invasion en règle), la population étant persuadée qu’elles sont les responsables de cette piraterie informatique à grande échelle. Une chasse aux sorcières (le nom de la ville imaginaire où se déroule l’action n’est pas étranger à cela...) se met en place et cette dernière est sanglante et violente à souhait, impossible de ne pas penser par moments à la saga American Nightmare d’ailleurs.

Aucun doute qu’avec son second film, Sam Levinson jette un bon gros pavé dans la mare et s’attaque à cette Amérique patriarcale et joue quelque peu les conservateurs (Je déteste ce putain d’Internet lancera une personnalité de Salem) en dénonçant le progressisme et cette omniprésence d’Internet et des réseaux sociaux dans notre vie de tous les jours. Des outils virtuels qui ne font qu’attiser et vulgariser la violence ou encore populariser l’hypersexualité chez les jeunes, loin des valeurs traditionnelles que prône le conservatisme notamment.

Mais le pire est que ce phénomène des réseaux sociaux qui a touché d’abord les jeunes s’est aujourd’hui généralisé chez les adultes. Des adultes qui se laissent prendre au jeu et, comme les jeunes, vivent logiquement mal l’exposition de leur vie privée au grand public, au point d’en oublier leurs mœurs traditionnelles et leur côté puritain quand la menace est mise à exécution. Rien à faire de la Justice : la douleur est trop grande et il est impensable de faire autrement que de se faire justice soi-même ! La ville sombre alors dans le chaos, à l’image de policiers eux-mêmes qui participent à cette chasse à l’homme organisée pour punir les coupables de cette trahison à grande échelle.

Et face à ces hackeurs de plus en plus expérimentés, Sam Levinson tente de montrer la dangerosité des réseaux sociaux et la sphère d’influence qui se créée tout autour, la fragilité même de cette sphère virtuelle dans laquelle nous sommes enfermé(e)s pour beaucoup d’entre nous pendant une partie de notre journée ou encore l’inquiétant rapidité à laquelle l’information circule, parfois fausse par ailleurs avec un petit clin d’œil dans cette chasse à l’homme à la dangerosité des fake news dont l’on nous abreuve régulièrement.

Assassination Nation : un thriller politico-social qui se termine en véritable survival sous fond de critique de la société actuelle. Une réalisation très soignée, un scénario original et des acteurs convaincants, que demander de plus ? Peut-être une dernière partie plus hargneuse encore ? Allez, on chipote...




David MAURICE