Affichage des articles dont le libellé est Christopher Smith. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Christopher Smith. Afficher tous les articles

BLACK DEATH (2010)

 


L'HISTOIRE : 1348 : la peste noire frappe l'Europe toute entière, dévaste les villes et les campagnes, laissant derrière elle des montagnes de corps endoloris et putréfiés. Un jeune moine, Osmund, soupçonné d'être malade, profite du chaos pour aider sa bien-aimée à fuir le village. Pour la rejoindre, il intègre une escouade de guerriers au service de Dieu, qu'il est chargé de conduire dans un village perdu dans les marécages. Celui-ci, curieusement épargné par la peste, serait ainsi le lieu de cérémonies macabres et de pratiques magiques, organisées par de mystérieux nécromanciens...


MON AVIS A présent chef de file (avec Neil Marshall et Michael J.Basset) d'un cinéma anglais aussi enragé qu'un punk de la belle époque, Christopher Smith se voit aligner les séries B toutes plus malignes les unes que les autres, jamais esclave d'un quelconque sous-genre. Il faudra malheureusement souligner la distribution désastreuse de son Triangle, trip maritime digne d'un épisode de La Quatrième Dimension, après les passages remarqués de Creep (finalement bien meilleur que son comparse Midnight Meat Train) et de Severance.

Avec Black Death, il ne fait que souligner davantage le réveil d'une dark-fantasy jusque là assoupie : voilà que ce succède des titres plus ou moins encourageants tels que 300, Solomon Kane, La Légende de Beowulf, Wolfhound, sans parler de la tournure adoptée par des sagas tels que Harry Potter ou Underworld. On abandonne volontiers le merveilleux pour des relectures plus guerrières et adultes des mondes féeriques d'autrefois : on ne rit plus ; les veines se gonflent, les regards s'assombrissent, les épées se salissent, on transpire, on saigne, on meurt. La barbarie a fait son grand retour dans la grande toile du septième art. Et ce n'est pas la tendance actuelle qui prétendra le contraire...

Cependant, si Black Death impressionne malgré tout, c'est plus dans son fond que dans sa forme : on ne pourra hélas pas beaucoup s'extasier sur le triste visuel du film, radical mais cheap, dû à une absence d'ampleur dans les décors et une caméra à l'épaule envahissante. Un petit budget prégnant, hélas...

Si l'assaut de ce village de nécromanciens aurait pu donner un grand film épique, il n'en est rien. Dans une logique déceptive, Christopher Smith macule son écran de boue et de chair sanguinolente tout en détournant son film de l'éventuelle image qu'on pouvait se figurer dès lors : pas de grandes batailles (mais les quelques prises de gueules sont tout de même salement gores), pas de sorcières ultra-sexy ou de sorciers infernaux, encore moins d'armée de morts-vivants en putréfaction. On aura vite fait de tirer la tronche sauf que le virage adopté n'a pas dit son dernier mot.

Il faut déjà saluer la toile de fond désespérée (déjà vu certes) choisie par Smith, à savoir une Europe sans dessus-dessous enchylosée par la grande peste et la terreur sourde qu'elle fait régner : ce ne serait ni plus ni moins que le châtiment de Dieu à entendre les badauds, les moines et les soldats parcourant ces charniers interminables, lointain reflet des paysages déjà bien marqués de La chair et le Sang et de Le Nom de la Rose. Plus que la déconfiture, c'est la décomposition généralisée, la mortification redoutable des êtres et des terres. Des âmes aussi.

Au même titre que la réaction des guerriers menés par le solide et rocailleux Sean Bean quand ceux-ci découvrent le village redouté, le spectateur se voit proposer un spectacle bien moins tapageur que prévu. La préoccupation de Smith n'était pas de tourner un film de zombies dans un contexte moyen-âgeux (vous n'en verrez pas de toute façon), mais plutôt une fable torturée et ultra-violente sur la religion et ses conséquences néfastes. La rencontre entre les soldats de Dieu (tous meurtris et meurtriers) et les païens (dirigés par la superbe Carice Van Houten, faussement diaphane et charismatique à souhait) fera donc plus d'une étincelle...

Le comic-book dégénéré désiré se mue en tragédie à la noirceur vertigineuse, portant durement sur ses épaules toutes les ténèbres qui imprègnent le décor de la première à la dernière image : sur le chemin, tout n'est que pêchés mal digérés, paysanne promise au bûcher, procession morbide et croyances démentes. 

Le tableau ne semble offrir aucun repentir, aucun espoir possible ; les hommes sont trompés par leurs blessures, et la religion se fait alors vecteur de maux sans noms ; parole assassine et toute puissante justifiant à tour de bras le mal qu'elle engendre, trouvant enfin le salut en éradiquant les hérétiques, hélas trop vite jugés. Un propos que Smith éludera dans un dernier acte ébouriffant de pessimisme (hallucinant Eddie Redmayne, déjà fort inquiétant en adolescent incestueux dans Savage Grace), faisant ainsi fi de tout manichéisme (les notions de bien et de mal voltigent au fil des tueries). Puissant, intelligent, et forcement moins bourrin que les carnages à l'écran le laissent penser. Et donc tout à fait surprenant.


Titre français : Black Death
Titre original : Black Death
Réalisateur : Christopher Smith
Scénariste Dario Poloni
Musique Christian Henson
Année : 2010 / Pays : Allemagne, Angleterre
Genre : sorcellerie / Interdiction : -12 ans
Avec Sean Bean, Carice van Houten, Eddie Redmayne, Kimberley Nixon...





Jérémie MARCHETTI

BANISHING - LA DEMEURE DU MAL (2020)

 

Titre français : Banishing - La Demeure du Mal
Titre original : The Banishing
Réalisateur : Christopher Smith
Scénariste : David Beton, Ray Bogdanovich, Dean Lines
Musique Toydrum
Année : 2020
Pays : Angleterre
Genre : Maison hantée
Interdiction : -12 ans
Avec : Jessica Brown Findlay, John Heffernan, Sean Harris, Anya McKenna-Bruce...


L'HISTOIRE : Angleterre, dans les années 1930. Le révérend Linus, accompagné de sa femme Marianne Forster et de la jeune fille de cette dernière, Adélaïde, prend possession de sa nouvelle résidence, un imposant manoir bâti sur les ruines d'une ancienne chapelle de moines Menassiens qui se servaient de la torture pour rendre gloire à Dieu. Il a pour mission de redonner la foi aux fidèles, de moins en moins nombreux à fréquenter l'Eglise. Ce que le couple ignore, c'est que le précédent révérend ainsi que son épouse ont été retrouvé morts dans la demeure qui est réputée hantée. Peu de temps après leur installation, Marianne entend des bruits étranges dans la maison, ainsi que des voix. Elle est bientôt victime de visions, tout comme sa fille d'ailleurs. Ne recevant aucun soutien de la part de son mari, Marianne s'enfonce de plus en plus dans un monde de ténèbres. Seul un para-psychologue semble prendre la situation au sérieux. Quel secret cache réellement la demeure ?


MON AVISLe réalisateur anglais Christopher Smith a connu un début de carrière assez retentissant, enchaînant quatre films des plus intéressants et aux qualités certaines, à savoir le stressant Creep (2004), la comédie horrifique Severance (2006), le labyrinthique Triangle (2009) et le moyenâgeux Black Death (2010). Ses deux films suivants, Get Santa et Detour, n'ont pas eu une grande renommée et il s'est alors tourné vers l'univers de la série-télévisée, avant de faire son retour en 2020 avec ce Banishing - La Demeure du Mal. Un réalisateur très prometteur qui s'est vu freiné dans sa montée en puissance pour quasiment être oublié des fans en fin de compte, ce qui est fort dommage. Est-ce que ce Banishing va lui faire retrouver de sa superbe ? 

Avec ce film de maison hantée, il tente de renouer avec la grande tradition de l'épouvante gothique d'antan, façon Les Innocents, et dont les plus récentes réussites dans le genre se nomment Les Autres ou L'Orphelinat. Une sacrée concurrence, que Christopher Smith ne réussit malheureusement pas à surpasser, ni à égaler, malgré le fait que son film possède de réelles qualités sans toutefois parvenir à procurer le moindre frisson.

Banishing - La Demeure du Mal est pourtant bel et bien un film qui mise tout sur son ambiance, qui se veut angoissante, déprimante, et qui n'a recours qu'à très peu de jumpscares, là où les films récents en abusent. Le souci provient du scénario du film lui-même, qui part un peu trop dans diverses directions, et finit par nous perdre dans ses méandres. Dommage car Christopher Smith a choisi comme lieu de l'action de son film le célèbre presbytère de Borley, considéré par le chasseur de fantômes Harry Price comme étant la demeure la plus hantée d'Angleterre, rien que ça ! La série française des années 60, Le Tribunal de l'Impossible y a même consacré un épisode, intitulé Qui hantait le presbytère de Borley ? Bref, on avait une bonne base de départ. 

Niveau casting, rien à dire non plus et on n'hésitera pas à vanter la prestation de l'actrice Jessica Brown Findlay, absolument parfaite dans le rôle de Marianne Forster, et que j'avais découverte dans le Victor Frankenstein de 2015 avec Daniel Radcliffe. Jessica donne corps et âme à un beau personnage de femme qui n'a pas eu une vie facile et que sa situation actuelle ne va pas réussir à combler non plus, l'entraînant dans une sorte de dépression mentale qui sert au réalisateur pour créer le mystère et nous faire nous questionner sur ce qu'on voit. Marié à un prêtre qui fait passer sa foi en Dieu avant sa femme, Marianne Forster est frustrée sexuellement et le manque d'amour charnelle la fait basculer dans un univers peuplé de visions étranges. Ce n'est évidemment pas le premier film à nous faire douter de la réalité des visions ou hallucinations dont est témoin le personnage principal.

Les bruits étranges, les voix chuchotantes, les visions angoissantes dont est victime Marianne sont-elles réelles ou résultent-elles de son imagination, de ses angoisses, de sa frustration, de sa dépression, de sa honte même en ce qui concerne sa fille Adélaïde ? La maison possède-t-elle réellement un pouvoir occulte, comme semble le suggérer un para-psychologue joué par un exubérant Sean Harris ? Ou tout ne se produit-il que dans la tête de Marianne, qui s'enfonce dans une folie relative à son passé et à sa solitude ? Le mystère est assez bien entretenu par Christopher Smith, qui utilise à bon escient son imposant décor, et place au sein de l'histoire des personnages ambigus, à l'image du supérieur ecclésiastique du mari de Marianne (l'inquiétant John Lynch), qui tient absolument à ce que la petite famille reste dans la maison, alors qu'il a connaissance du drame qui a endeuillé la demeure avant leur arrivée. 

La découverte d'un sous-sol labyrinthique, vestige d'un ancien presbytère ayant accueilli des moins pas très religieux, la présence de poupées inquiétantes dans la chambre d'Adelaïde, le comportement de cette dernière, qui s'éloigne de plus en plus de sa mère, tout concoure à instaurer une atmosphère lugubre, à laquelle s'ajoute quelques bonnes idées, comme ce jeu des doubles et la présence d'un miroir qui semble être un portail menant vers un lieu obscur et dangereux. Certaines apparitions et effets visuels sont efficaces (les trois moines qui apparaissent dans la chambre d'Adelaïde, la traversée du miroir...) et jouent habilement avec les codes des films de maisons hantées.

En filigrane, l'histoire prend aussi une direction inattendue, avec cette critique de l'inaction de l'Eglise face à la montée du nazisme, voire même à l'interaction volontaire entre ces deux entités, critique qui trouvera tout son sens lors d'un final glaçant. Fantôme revanchard, passé sordide qui réapparaît, caméra qui longe des couloirs inquiétants, bruits divers, sous-sol mystérieux, tous les éléments répondent à l'appel du cahier des charges de Christopher Smith et pourtant, le résultat final n'est pas aussi bon qu'attendu. La trop grande dispersion du scénario, le manque d'événements et de réels surprises en son sein, font que la mayonnaise prend mollement et qu'on s'attendait à plus de rythme, plus d'énergie, et surtout plus de frissons de la part du réalisateur. Si la mise en scène, classique, fait le job, si le casting répond présent à l'appel, si Jessica Brown Findlay est épatante, il manque néanmoins un petit quelque chose pour que Banishing - La Demeure du Mal emporte totalement l'adhésion et nous fasse vivre de grandes émotions. Le retour de Christopher Smith au genre fantastique n'a donc pas l'éclat espéré, ne tient pas toutes ses promesses mais fait tout de même plaisir à voir. En attendant le prochain...




Stéphane ERBISTI