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BLACKARIA (2010)


L'HISTOIRE : Angela, une élégante jeune femme, passe ses nuits à fantasmer sur sa sensuelle voisine Anna Maria, une diseuse de bonne aventure au charme envoûtant. Un soir, Angela retrouve son cadavre sauvagement mutilé. Sous le choc, elle brise accidentellement la boule de cristal de cette dernière. Un cristal qui a la réelle faculté de lire l’avenir. Mais saura-t-elle utiliser son nouveau don pour échapper à la mort violente qui lui est promise?


MON AVIS : Le giallo serait-il de retour dans nos contrées ? Alors qu'Amer sort bientôt sur les écrans de cinéma, voilà un film indépendant s'inscrivant lui aussi dans le genre giallesque et tourné par deux jeunes réalisateurs de Montpellier (là où les filles sont belles comme la mer dans le soleil couchant). 

Non, le cinéma de genre made in France ne se résume pas à reprendre les bonnes vieilles recettes issues de la culture horrifique américaine et qui n'arrivent que rarement à la cheville des œuvres auxquelles elles rendent plus ou moins hommages. D'autres se tournent vers d'autres cieux. En l'occurrence ceux tourmentés et érotiques du giallo italien des années 70. Là où les femmes sont belles à se damner, les meurtres graphiquement soignés, les fantasmes récurrents et l'érotisme classieux. Blackaria est donc un giallo fantasmé et fétichiste, qui convoque autant les grands classiques du genre que l'horreur graphiquement plus intense d'un Lucio Fulci.

Si la volonté des auteurs de Blackaria est clairement de s'approprier les codes narratifs du giallo, de parsemer leur film de références à quelques scènes clefs et archétypes de ce genre (on y reviendra) , ils réussissent brillamment à éviter le piège de l'hommage servile et vain. Blackaria emprunte, mais ne copie pas, ou plutôt il se sert à foison de sa connaissance du giallo pour mieux la mettre au service de son atmosphère et de son intrigue. C'est un hommage certes, mais un hommage qui a sa vie propre.

Comme dans tout bon giallo qui se respecte, l'intrigue en elle-même n'a finalement que peu d'importance, elle n'est qu'un fil rouge destiné à relier entre elles la substantifique moelle du métrage, l'érotisme, l'onirisme et l'horreur. Blackaria pervertit donc le schéma habituel du whodunit, en ne se concentrant pas sur l'identité de l'assassin, mais sur la ritualisation des actes du meurtrier. Un spectacle qui donne toute latitude au voyeurisme du spectateur.

La fétichisation du corps de la femme, les rêves d'Anna qui s'entrechoquent avec la réalité, les nombreuses scènes de raffinement dans la cruauté, tout cela interpelle et ravit l'amateur de giallo. L'impression de retrouver une symbolique, un style que l'on a plus vus sur pellicule depuis des âges immémoriaux ou presque.

Bien entendu, les acteurs ne sont pas professionnels, certains s'en tirent mieux que d'autres, les dialogues sont un peu sur-écrits, l'enquête policière manque d'attrait également, c'est probablement le prix à payer de l'indépendance et d'un budget réduit à la portion congrue. Mais la sincérité de l'ensemble des participants ne saurait être mise en cause.

De manière consciente, les deux réalisateurs parsèment donc leur métrage de références évidentes à quelques grandes œuvres de la culture giallesque. On peut citer (de manière non exhaustive) Six Femmes pour l'Assassin, Torso, La Dame Rouge tua 7 fois, Ténèbres, et surtout une visible fascination pour l'oeuvre de Lucio Fulci La Longue Nuit de l'Exorcisme, Le Venin de la Peur mais aussi et bien que cela sorte du cadre strict du giallo La Guerre des Gangs ou encore L'au-delà. Imprégnés de ces films, les deux comparse les réinterprètent et les mettent au service de leurs propres lectures du genre.

Blackaria distille une atmosphère onirique qui renvoie expressément au grand Mario Bava et plus tard à Dario Argento. Pour pallier une certaine absence de moyens, la directrice de la photo Anna Naigeon (qui interprète également le rôle d'Anna Maria, la voisine libérée) joue la carte d'un certain vintage qui sied à merveille à l'ensemble. Photographie que l'on croirait tout droit sortie des années 70, recours substantiels à des éclairages colorés jaunes, bleus ou rouges, et travail exigeant sur la composition des cadres.

Les décors recèlent de nombreux détails sur lesquels la caméra s'arrête parfois, comme pour mieux arrêter le temps avant la mise à mort d'un protagoniste. Les miroirs et ce qui s'y passe de l'autre côté sont également utilisés de manière judicieuse, renforçant le caractère légèrement fantasmé de Blackaria. Du travail qui n'a bien souvent pas grand-chose à envier à celui d'une grosse équipe professionnelle.

David Scherer est un excellent maquilleur et il le prouve une fois de plus ici. Les nombreuses scènes de meurtres violents frappent là où ça fait mal : énucléation, rivière de larmes sanglantes, coups de couteaux, de rasoirs, tout cela culmine dans deux magnifiques séquences, l'une dans un ascenseur (utilisation du miroir, meurtrier masqué, rasoir et érotisme) et l'autre dans un sauvage moment où l'utilisation d'une grosse chaîne sur une pauvre malheureuse est excessivement douloureuse à regarder et rappellera aux aficionados une des célèbres scènes de "La Longue Nuit de l'Exorcisme, le giallo rural de maître Fulci.

Les auteurs ont également retenu l'autre versant des thrillers italiens des années 60-70, l'érotisme suggestif. Dans Blackaria, les femmes sont toutes plus belles les unes que les autres, elles sont fétichisés, voluptueuses, ne daignent pas non dévoiler quelques parties de leurs ravissantes anatomies. Bas noirs, habits sexys, objets meurtriers phalliques, nudités sulfureuses, poses affriolantes, jeux de transparence. Un érotisme qui sans jamais sombrer dans le graveleux et le vulgaire, parvient in fine à refléter les fantasmes plus ou moins refoulés du personnage féminin principal.

Enfin, que serait le giallo sans sa musique ? Quasi personnage en soi, elle est d'une nécessité vitale pour mettre en exergue le climat si particulier de ce genre. Une musique en inadéquation avec les images et c'est toute la structure du film qui est mise à mal. Heureusement dans Blackaria, la partition musicale et les sonorités rendent justice à l'ensemble. Composée par le groupe Double Dragon, elle est une sorte de compromis entre les partitions électros des Goblin, de Fabio Frizzi auxquelles aurait été ajoutée une touche de modernité bienvenue. Et s'il y a pire comme référence, cela n'en reste pas moins une belle réussite, surtout qu'elle s'adapte très souvent avec harmonie à ce que l'on peut voir à l'écran.

Original, indépendant, cohérent, respectueux des codes et fait avec beaucoup de sincérité et de talent, Blackaria fera à n'en pas douter le bonheur des fans de gialli et pourquoi pas des autres ? Que les dieux qui règnent dans les hautes sphères de l'édition et de la distribution de films daignent jeter un œil à Blackaria. Il le mérite bien plus que beaucoup de films de genre qui sortent dans les salles.


Titre français : Blackaria
Titre original : Blackaria
Réalisateur : François Gaillard, Christophe Robin
Scénariste : François Gaillard, Christophe Robin
Musique Double Dragon
Année : 2010 / Pays : France
Genre : Giallo / Interdiction : -16 ans
Avec : Clara Vallet, Anna Naigeon, Aurélie Godefroy, Julie Baron, Guillaume Beylard...




Lionel JACQUET

LA BÊTE (1975)

 

Titre français : La Bête
Titre original : La Bête
Réalisateur : Walerian Borowczyk
Scénariste : Walerian Borowczyk
Musique : Domenico Scarlatti
Année : 1975
Pays : France
Genre : Insolite
Interdiction : -16 ans
Avec Sirpa Lane, Lisbeth Hummel, Elizabeth Kaza, Pierre Benedetti, Guy Trejan...


L'HISTOIRE : Le marquis de l'Espérance décide de marier son fils Maturin avec la belle Lucy, riche héritière américaine. Peu après son arrivée au château, elle voit en rêve la rencontre entre une aïeule de Maturin et une créature avide de sang… et de sexe...


MON AVISSe lançant dans le cinéma en 1969, Walerian Borowczyk va très vite intégrer le rang des réalisateurs provocateurs comme Pasolini, Buñuel ou Ken Russell. Après quelques courts métrages dont certains d'animation, il signe une série de films érotiques très différents de ce qu'on pouvait découvrir à l'époque : un véritable scénario, des références artistiques et un style personnel qui va marquer bon nombre de critiques et spectateurs. Avec Contes immoraux, il abordait déjà l'histoire sanglante de Elizabeth Bathory, avec La Bête il revisite La Belle et la Bête à sa manière.

La jeune et riche Lucy doit être mariée de force avec le crétin Maturin, faisant partie d'une grande famille bourgeoise française. Lucy, en parcourant le château, découvre le portrait de la belle Romilda de l'Espérance qui la fascine. Elle entend également parler d'une légende autour d'une étrange créature qui aurait vécu dans la forêt environnant le domaine. Dès le début, Borowczyk cherche à choquer d'emblée en montrant l'accouplement sauvage et très explicite de deux chevaux. On peut être repoussé par cette scène symbolisant le mariage forcé de Maturin et de Lucy. Par la suite, La Bête prend l'aspect d'une comédie satirique et surréaliste, quelque peu ennuyeuse et rappelant beaucoup le style cher à Buñuel, en moins efficace. On apprend ainsi que Maturin est un véritable débile, que le prête invité est un pédophile et que le serviteur noir a une liaison avec l'une des jeunes femmes de la famille, ne pouvant jamais arriver à l'extase à cause du dérangement perpétuel.

La jeune Lucy va pourtant se mettre à fantasmer et à rêver sur le passé de la fameuse Romilda de l'Espérance, qui aurait rencontré un monstre libidineux. Surveillant un petit agneau, elle le perd dans les bois et se retrouve poursuivie par une horrible bête, qui n'a décidément pas envie de dévorer la jolie donzelle mais plutôt d'en abuser. Va s'ensuivre une poursuite où la jeune femme perd ses vêtements un à un avant de se retrouver piégée par le monstre. Autant vous dire qu'on est loin de l'érotisme raffiné de Contes Immoraux dans les scènes avec la bête : Borowczyk verse sans se gêner dans le hardcore, en montrant des ébats très poussés. La jeune femme réticente va finir par céder aux pulsions du monstre et à accepter ce viol. Une idée pareille aurait pu accoucher d'un stupide film porno ou un film érotique simplet, mais avec Borowczyk aux commandes, on se retrouve en face d'une œuvre quasiment artistique, très soignée. Le réalisateur s'attarde sur chaque geste, chaque détail, dégageant à l'occasion un symbolisme intéressant.

Les clins d'œil à Cocteau et aux romans libertins (citation de Voltaire au début du film) sont nombreux, et on peut penser aux BD érotiques pour adultes (Manara et cie). Le monstre est tout simplement hilarant, avec sa tête de loup, son engin gigantesque et son hurlement foireux. Un monstre qu'on n'est pas près d'oublier, c'est sûr ! 

Outre les scènes avec le monstre, Borowczyk nous gratifie d'une très belle scène de masturbation féminine avec des roses, sans tomber dans la vulgarité à laquelle on peut être habitué dans la plupart des films érotiques. Il faut d'ailleurs savoir que le film était prévu comme étant le cinquième conte immoral du film Contes Immoraux mais rejeté à cause de la censure. Provoquant, ironique et surréaliste, La Bête est un hymne à l'amour physique délirant et à ne pas mettre devant tous les yeux.




Jérémie MARCHETTI

THE POD GENERATION (2023)

 

Titre français : The Pod Generation
Titre original : The Pod Generation
Réalisateur : Sophie Barthes
Scénariste : Sophie Barthes
Musique Evgueni Galperine, Sacha Galperine
Année : 2023
Pays : Usa, France, Angleterre
Genre : Anticipation, comédie
Interdiction : /
Avec Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Rosalie Craig, Vinette Robinson...


L'HISTOIRE : Dans un futur proche où l’intelligence artificielle prend le pas sur la nature, Rachel et Alvy, couple new-yorkais, décident d’avoir un enfant. Un géant de la technologie, vantant les mérites d’une maternité plus simple et plus paritaire, propose aux futurs parents de porter l’enfant dans un POD. Alvy a des doutes, mais Rachel, business-woman en pleine ascension, l’incite à accepter cette expérience…


MON AVISAh le retour de la charmante Emilia Clarke au cinéma ! Absente des écrans depuis 2019 et le joli conte de Noël Last Christmas, impactée par la crise du COVID-19 évidemment, l'actrice a été l'une des héroïnes de la série Secret Invasion en 2023 et on la retrouve donc cette même année dans une comédie d'anticipation réalisée par Sophie Barthes et intitulée The Pod Generation

Anticipation donc car l'histoire se déroule dans un futur proche, où la technologie et l'intelligence artificielle a pris le pas sur tout le reste. La vie des humains est entièrement conditionnée par l'informatique, les maisons sont connectées à l'extrême et vous ne pouvez pas faire un pas sans que la voix d'une IA ne viennent vous questionner sur vos envies du jour ! Idem si vous allez voir un psy, ce sera une IA qui prendra en charge vos séances, sous la forme très curieuse d'un gros œil coloré ! 

Voici donc la vie que mène Rachel, business-woman, et son mari Alvy, professeur-botaniste. Le choix des métiers de deux personnages principaux n'est bien sûr pas anodin : Rachel vit continuellement avec la technologie (c'est son métier d'innover) alors que son mari est resté fidèle à des valeurs plus terre-à-terre, comme le respect de la nature, valeurs qu'il tente de communiquer à des fidèles par forcément réceptifs à ces vieux principes datés. Dans The Pod Generation, la technologie a été poussé très loin puisque désormais, il est proposé aux femmes de mener leur grossesse à l'aide d'un Pod, une capsule recréant l'environnement d'un utérus et dans laquelle l'embryon pourra se développer. Fini les migraines, les nausées, la prise de poids, tout se passe dans le Pod interactif, et vous pouvez l'emmener partout avec vous, et même le mettre dans un système d'attache qui vous donnera l'apparence d'une femme enceinte. Autre intérêt, le partage des tâches puisque le mari peut lui aussi s'occuper du Pod ! Un concept qui intéresse fortement Rachel mais qui ne trouve guère de résonance auprès d'Alvy, qui souhaite évidemment que sa femme ait une grossesse normale.

Le film débute donc comme une comédie romantique avec une grosse pincée d'anticipation, les représentations des innovations technologiques bénéficiant d'effets spéciaux et visuels de qualité. Une fois le couple en possession d'un Pod, l'aspect comédie se renforce un peu plus puisque Alvy, réticent au départ, se prend de passion pour son futur bébé et donc pour cette drôle de capsule blanche dont il ne voulait pas entendre parler au départ. Le duo formé par Emilia Clarke et Chiwetel Ejiofor fonctionne parfaitement bien et les situations proposées font souvent sourires de part leur aspect étrange et inattendu. 

On a parfois l'impression de regarder un épisode de la série Black Mirror, car plus la grossesse avance dans le Pod et plus des restrictions se mettent en marche vis à vis de ce dernier, provenant de la société fondatrice de cette technologie, dont le but principal bien sûr est de faire de l'argent malgré un discours empathique au départ pour inciter les couples à franchir le pas et à utiliser leur invention. 

On notera que le fait que le futur papa devienne gaga et se met à s'occuper plus du Pod que de sa femme se veut une petite critique cinglante de la réalité mais après, est-ce notre faute si nous n'avons pas d'utérus ? Ces petits pics vis à vis de la société sont amusants à défaut de soulever un vrai débat de fond mais ils donnent tout de même à réfléchir. Trop de technologie, trop de dérive informatique représente-t-il un danger pour la société, pour la vie naturelle elle-même ? Le film de Sophie Barthes se veut également une réflexion sur ce sujet ô combien actuel et l'évolution des personnages ainsi que la fin du film mettent en exergue cette réflexion. 

Certains auraient sûrement aimé que le film prenne une direction différente, encore plus anxiogène en montrant les dangers d'une grossesse par Pod interposé, avec un embryon devenant un Alien ou un monstre par exemple, le design du Pod faisant clairement allusion à aux Ovomorphs  du film de Ridley Scott et ses suites. Mais il n'en sera rien, on reste dans la comédie romantique futuriste qui ne s'éloigne jamais de cette ligne directrice. 

The Pod Generation est un joli film sur un avenir pas très réjouissant qui met de côté le principal, à savoir la nature, les relations humaines, au profit d'une technologie de plus en plus envahissante. Ça se laisse gentiment regarder, Emilia Clarke est rayonnante comme à son habitude et elle semble avoir repris quelques kilos, ce qui lui va beaucoup mieux. L'actrice a d'ailleurs reçu le 3 septembre 2023 le Prix Nouvel Hollywood au festival de Deauville !




Stéphane ERBISTI

BARBAQUE (2021)

 

Titre français : Barbaque
Titre original : Barbaque
Réalisateur : Fabrice Eboué
Scénariste : Fabrice Eboué, Vincent Solignac
Musique : Guillaume Roussel
Année : 2021
Pays : France
Genre : Cannibale
Interdiction : /
Avec : Fabrice Eboué, Marina Foïs, Jean-François Cayrey, Virginie Hocq...


L'HISTOIRE : Un couple de bouchers voit leur commerce péricliter, tout comme leur vie intime qui commence à se ternir. Un jour, une bande de militants vegans s’en prennent à leur boutique mais Vincent ne va pas se laisser faire et va tuer accidentellement l’un d’eux devant sa femme Sophie. Afin de cacher le corps, notre meurtrier va le transformer en jambon que sa compagne va vendre par erreur. Et c’est un véritable succès : tout le quartier réclame cette viande extraordinaire ! En cette période financièrement compliquée, ce phénomène semble tomber à pic…


MON AVISQuatrième film de Fabrice Eboué,  Barbaque est clairement celui qui nous intéresse le plus à Horreur.com dans la filmographie de l’humoriste-acteur-réalisateur et pour cause, ce dernier traite du cannibalisme, met en scène un couple de tueurs en série et rappelle d’ailleurs un certain Les Bouchers Verts, film danois d’Anders Thomas Jensen sorti en 2003, soit presque 20 ans après le film français dont il est question ici. Impossible en effet de ne pas penser à cette comédie noire dont Fabrice Eboué s’est très probablement inspiré.

Les films de cannibales, cela nous connait à Horreur.com mais pas de jungle et d’indigènes ici : nous sommes en plein milieu urbain, avec un peu de rural quand-même pour les chasses à l’homme, histoire de moins se faire repérer, et surtout dans une comédie noire. Exit les Cannibal Holocaust, Cannibal Ferox et autres bisseries transalpines et place à une comédie française ayant pas mal fait parler d’elle.

En effet, le film de Fabrice Eboué a été très médiatisé, grâce notamment au nom de son réalisateur et à son pitch qui avait de quoi émoustiller le grand public. Peut-être un peu moins les fantasticophiles que nous sommes pour la plupart mais nous laissions toutefois traîner nos oreilles derrière les premiers échos. Hé oui, le cannibalisme dégoûte mais intrigue / fascine / attire également, en témoigne un certain Grave de Julia Ducournau qui, après une énorme tournée en festivals, a su se faire connaître de bon nombre de cinéphiles et notamment certains n’approchant que très rarement le cinéma de genre.

Et même si nous ne rions pas non plus aux éclats devant Barbaque, force est de constater que cette histoire, assez simple sur le papier, fonctionne plutôt bien et nous amuse assez souvent. Nous prenons en effet beaucoup de plaisir à suivre ce couple passé de simples bouchers de quartier à des serial-killers faisant fructifier le capital de leur établissement en laissant derrière eux de nombreux cadavres transformés en jambons, travers, sautés et autres saucisses pour leurs fidèles clients venus en masse déguster cette viande sans équivalent sur le marché.

Et même si nous pourrons reprocher au scénario de rapidement tourner en rond et de devenir un brin répétitif (les meurtres se succèdent et les bouchers font et refont des découpes pour leur clientèle), les quelques péripéties bienvenues, plus ou moins prévisibles toutefois, sauront nous maintenir en haleine jusqu’au final quelque peu soudain il faut le reconnaître également. Bref, une histoire qui ne casse pas trois pattes à un canard mais qui fait le job et nous fait passer un agréable moment grâce à cet humour noir omniprésent et c’est si rare dans les comédies françaises d’aujourd’hui dont les très bonnes surprises se comptent sur les doigts d’une seule main chaque année.

Bon, il faut bien dire aussi que l’une des thématiques abordées, le veganisme, qui est au cœur du métrage au même titre que le cannibalisme, est d’actualité et cela est à prendre en compte dans le petit succès du film sur le territoire. Enfin, le duo d’acteurs principaux n’est pas en reste et participe grandement à la petite réussite du film.

Car outre un Fabrice Eboué himself dans le rôle de Vincent le boucher, nous avons à ses côtés une Marina Foïs en grande forme. A eux deux, ils forment un duo amusant, maladroit mais déterminé et prêt à tout pour sauver leur commerce et leur couple. Et même si l’idée, dont le point de départ est un meurtre accidentel, vient de Vincent, c’est bel et bien sa femme Sophie qui tire les ficelles et pousse son mari à faire empirer la situation et à se transformer en l’un de ces serial-killers dont elle écoute les méfaits dans son émission télé préférée axée sur ces barbares sanguinaires. On retrouve d’ailleurs Christophe Hondelatte dans une version parodique de Faites entrer l’accusé. Un rapport de force qui semble parfois vouloir s’inverser mais non : on en revient presque toujours à une Sophie forte et véritable tête pensante décisionnaire dans notre binôme de tueurs en série tandis que Vincent joue plus le rôle du bon soldat, celui qui se tape la sale besogne (meurtre, découpage et transformation du corps) même si ses sauts d’humeur font bien souvent mouche auprès d’un public friand de gags, d’humour noir et de situations prêtant à sourire.

Et nos serial-killers en herbe ne font pas dans la dentelle et ont un protocole bien huilé : la cible idéale est l’homme vegan, bien grassouillet pour donner une viande persillée plus savoureuse forcément, et surtout en pleine forme ! Ne surtout pas stresser la proie ou choisir une personne anxieuse risque de donner de la viande dure et moins appréciable ! Nous suivons donc notre duo de tueurs dans le milieu des militants vegan, se joignant à leurs manifestations / rassemblements ou cherchant à les rallier en faisant de la propagande en faveur du veganisme dans la rue. La suite est toujours la même : suivre la proie choisie, l’exécuter loin des regards et ramener le corps à la boucherie familiale. On s’amusera notamment devant un passage où l’on compare Vincent à de nombreux prédateurs terrestres/aquatiques animaux, mimant ces derniers au moment d’attaquer ses malheureuses proies.

Et que dire de nos vegan, cibles privilégiées de nos deux bouchers tueurs ? Des personnages parfois hauts en couleurs, dont le vegan transgenre, qualifié de Graal par notre duo de tueurs, et qui vaut son pesant de cacahuètes ! La course-poursuite avec ce dernier demeurera l’un des meilleurs moments du film, tout comme la mise à mort de l’homosexuel pratiquant du yoga en plein air ! Des personnages sacrément perchés pour certains et on retiendra le savoureux moment où le gendre de Vincent et Sophie les remballe à tours de bras lors de chaque plat d’un repas de famille qui tourne au cauchemar éveillé pour les hôtes.

Alors oui, encore une fois on dira que le film devient répétitif dans sa seconde période mais on continue malgré tout à prendre un malin plaisir à voir notre duo Eboué Foïs s’attaquer sans répit à la population vegan de leur ville, sans que cela ne semble perturber l’un des gendarmes de la ville mis sur l’enquête mais qui semble bien plus intéressé par la viande de vegan de Vincent et Sophie que par ce mystère qui entoure la disparition de toutes ces personnes. Encore un personnage amusant qui ne manquera pas de vous faire sourire de par son manque indéniable de professionnalisme et son désintérêt vis-à-vis de l’enquête.

Et l’humour noir et trash n’en finit plus au fil des nouvelles proies de notre duo de tueurs : du vegan toujours bien évidemment mais on s’en prend à des gros, des noirs, des homosexuels, des transgenres et on en vient même à parler de juif et de petit enfant. Et les pieds, mains ou encore pénis coupés volent dans les seaux quand ce n’est pas dans la bouche du clébard ! Et que tu sois pro-vegan ou au contraire amateur de viandes et ami des bouchers, tu y trouveras ton compte car Fabrice Eboué tape aussi bien sur l’un que sur l’autre comme il prend partie aussi bien pour l’un que pour l’autre, au moins il ne se mettra personne à dos, malin le gaillard.

Fabrice Eboué aime la comédie et les serial-killers, il est d’ailleurs un très grand fan du film C’est Arrivé près de chez Vous. Son film Barbaque est donc un projet qui lui tenait à cœur et ce dernier est dans l’ensemble plutôt réussi. Drôle et moqueur sur bien des courants de pensées, son film est un vrai condensé d’humour noir qui vous fera passer un agréable moment. De l’humour noir de ce type, j’en redemande et encore plus quand c’est français comme ici tiens !




David MAURICE

BALADA TRISTE (2010)

 

Titre français : Balada Triste
Titre original : Balada Triste de Trompeta
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénariste : Alex de la Iglesia
Musique Roque Baños
Année : 2010
Pays : Espagne, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Santiago Segura, Antonio de la Torre, Javier Botet, Fernando Guillén Cuervo...


L'HISTOIRE : Javier, orphelin depuis que son père fut tué pendant la Guerre d'Espagne, intègre un cirque pour devenir le clown triste de la troupe, comme le veut la tradition familiale. Il fait la connaissance d'un panel de personnages atypiques, dont la belle Natalia, femme de Sergio, le clown auguste, alcoolique et violent. Mais en tombant sous le charme de la jeune femme, Javier ne se doute pas des ennuis que cette dernière va lui attirer...


MON AVISAprès un Crime à Oxford d'excellente facture (si tous les thrillers venus des USA étaient de cette qualité...), mais bien loin de son univers, Alex de la Iglesia revient en quelque sorte à ses amours avec un film que l'on peut considérer comme un film somme de son oeuvre. Un de ces long-métrages qui nous réconcilient avec un certain type de cinéma , celui de l'outrance, de l'originalité, de l'intelligence, de la démesure et de l'humour noir comme un morceau de charbon.

Le pitch est insensé, la manière de le mettre en images est excessif, déraisonnable, extravagant. Le mélange des genres y culmine à un niveau rarement atteint, drame, humour acide, horreur, une touche de fantastique, un arrière-plan historique. Tout cela se brassant avec la gouleyante virtuosité des meilleurs assemblages de cépages vinicoles.

Par son parti pris même, Balada Triste aurait pu être un foutoir dénué de sens, une cacophonie inaudible ; c'est sans compter sur la fougue, quasiment frénétique, de De La Iglesia pour faire accroire à son extravagante histoire. Quel rythme ! Quelle jubilation !

Balada Triste c'est un indubitable amour des petites gens, des moches, des sans-grade, des freaks, de ceux dont la vie semble écrite pour être, de bout en bout, un long chemin de croix. Un terrible besoin de reconnaissance, d'amour, un besoin inexorablement anéanti par la bêtise, l'absence d'empathie des autres. Le réalisateur déroulant son pessimisme habituel en le cachant derrière un cynisme et un humour noir jubilatoire tout aussi habituels dans sa filmographie, mais portés à un échelon supérieur.

Si les références abondent, elles sont passées à la moulinette de la vision du réalisateur. On pense au Freaks de Tod Browning, au Labyrinthe de Pan par son arrière plan Franquiste, schisme de l'histoire et de la population espagnole dont il semble bien que ce soit encore un passé qui ne passe toujours pas. On pense aussi fortement à un autre frappé du bulbe cinématographique, le dénommé Alejandro Jodorowsky et notamment Santa Sangre, film se passant aussi dans l'univers du cirque. On pense enfin et surtout que De la Iglesia tutoie une certaine forme de maestria dans son art avec cet oeuvre à nulle autre pareille.

Cependant, à n'en pas douter, Balada Triste trouvera ses contradicteurs. Ceux que le style, la pagaille organisée du réalisateur ont déjà dérangés dans ses précédents opus. Ceux là feront certainement grise mine, ils se trouveront confortés dans leur opinion. Trop de tout, de choses survolées, peu de synthétisation de l'action, de l'intrigue et des ellipses plus grosses que des sumotoris atteints d'hypertrophie glandulaire. Les autres seront, a priori, aux anges et suivront avec délices les pérégrinations des personnages, comme l'on suit l'enterrement d'un vieil ennemi occis par un virus purulent : avec jouissance.

Quand un film parvient à nous tenir en haleine, à nous faire passer par des émotions aussi contradictoires que la joie et la peine, le rire et les pleurs, que la réalisation est maîtrisée, que les acteurs sont excellents, que l'on ne voit pas passer le temps, qu'une fois sortis de la projection on garde des images dans son esprit et son cœur pendant un bon moment. Quand il y a tout cela, c'est que l'on est en présence d'une de ces œuvres singulières qui marque le cinéphage assoiffé de différences, que l'on est devant un grand film.

M.De la Iglesia, vite un autre !

Balada triste de trompeta
por un pasado que murio
y que llora
y que gime
como llooooooraaaaa




Lionel JACQUET

AND SOON THE DARKNESS (2010)

 

Titre français : And Soon the Darkness
Titre original : And Soon the Darkness
Réalisateur : Marcos Efron
Scénariste : Jennifer Derwingson, Marcos Efron
Musique : Tomandandy
Année : 2010
Pays : Usa, Argentine, France
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Amber Heard, Odette Annable, Karl Urban, Adriana Barraza...


L'HISTOIRE Stéphanie et sa copine Ellie parcourent une partie reculée de l'Argentine à vélo, durant leurs vacances. Après une petite dispute au bord d'un lac, les deux amies se séparent. Prise de remord, Stéphanie retourne chercher Ellie mais celle-ci reste introuvable. Comme les cas de disparitions semblent monnaie courante dans le pays, elle alerte la police et va tout faire pour la retrouver...


MON AVIS Avec son titre plutôt accrocheur, And Soon the Darkness semblait de prime abord être un bon thriller jouant avec les codes du survival, la présence de la sublime Amber Heard n'étant pas non plus étrangère à mon intérêt soudain pour ce long métrage que j'ai déniché pour pas cher dans le NOZ de ma région. 

And Soon the Darkness est en fait le remake d'un film anglais de Robert Fuest, datant de 1970, avec Pamela Franklin et Michele Dotrice dans le rôle des deux copines à vélo. Dans le film original, l'action se déroulait en France mais hormis cela, le scénario était rigoureusement le même, dans les grandes lignes. En 2010, pour faire plus exotique et surtout pour bénéficier de conditions climatiques propices à filmer les deux actrices en maillot de bain, on a déplacé le cadre de l'action en Argentine. Ce n'est pas une mauvaise idée, puisque le soleil est effectivement au rendez-vous et que les paysages sont juste sublimes, parfaitement mis en valeur lors des randonnées à vélo de nos deux touristes de charme :  Amber Heard donc, qu'on ne présente plus, joue la blonde un peu réservée et qui a la tête sur les épaules. Odette Annable, vue dans Cloverfield, The Unborn ou diverses séries télévisées, interprète la brune décomplexée, un peu fofolle, qui aime s'amuser et veut profiter un maximum de ses vacances, quitte à passer la nuit avec un ténébreux garçon argentin plutôt qu'avec sa copine trop timide. 

Le film pourrait apparaître comme un peu vieux jeu puisque c'est la brune qui va être kidnappée ! Comme quoi, être prude peut vous sauver la vie mais ça, on le savait déjà depuis 1980 et le premier Vendredi 13

Après une introduction choc qui nous fait comprendre que des jeunes filles se font régulièrement enlevées et torturées dans cette partie du pays, on assiste donc aux péripéties touristiques de nos deux héroïnes : décor de rêve et séance de bronzage au bord d'un lac sont les principales attractions, nous permettant de profiter de la plastique impeccable d'Amber et d'Odette. Et il faut malheureusement avouer que c'est bel et bien le seul réel intérêt de And Soon the Darkness

Bien que correctement mis en scène et joliment photographié, le film de Marcos Efron, dont c'est le premier long métrage, ne cherche jamais à se montrer original ou à éviter les clichés vus et revus, éculés au plus haut point. Pire que tout, le film ne joue jamais avec la notion de suspense et quand il tente de le faire (la libération d'Ellie par Stéphanie), c'est avec une platitude désespérante, platitude qui ne provoque aucun remous chez le spectateur, qui se contente de suivre avec torpeur le déroulement linéaire et prévisible des événements. 

Hostel est déjà passé par là depuis belle lurette, Territoires, Live Animals aussi, et tous les films dans lesquels des jeunes touristes sont kidnappés pour être revendus ou autres joyeusetés nous sont connus. And Soon the Darkness n'apporte absolument rien de neuf à ce thème ultra rabâché et se montre même plus paresseux que ces modèles, que ce soit au niveau de la violence (ultra soft ici) ou de l'originalité des situations proposées. Pour exemple, on se doute dès le départ que le seul flic du coin est de mèche et joue un rôle actif dans les enlèvements, ce n'est pas à nous qu'on va la faire ! Seul le personnage joué Karl Urban nous titille un peu, ne sachant pas de quel côté il est. 

Bref, si And Soon the Darkness se laisse malgré tout regarder paisiblement, si les courbes et le visage angélique d'Amber Heard mérite évidemment une vision, voir un achat du DVD (mais pas plus de 3 euros hein !), surtout qu'elle s'en sort plutôt bien en tant qu'actrice et qu'elle semble prendre un réel plaisir à jouer dans des séries B de genre, ce qui est tout à son honneur, le film lui-même n'a rien d'exceptionnel et ne satisfera que les néophytes n'ayant vu aucun long métrage de ce style. Les autres le trouveront superflu, voir totalement inutile.




Stéphane ERBISTI

THE BACKWOODS (2006)

 

Titre français : The Backwoods
Titre original : Bosque de Sombras
Réalisateur : Koldo Serra
Scénariste : Jon Sagalá, Koldo Serra
Musique Fernando Velázquez
Année : 2006
Pays : Espagne, France, Angleterre
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Gary Oldman, Paddy Considine, Aitana Sánchez-Gijón, Virginie Ledoyen...


L'HISTOIRE Fin des années 70 : en pleine crise conjugale, Norman et Lucy accompagnent un autre couple, Isabel et Paul, au fin fond de l'Espagne. De passage au village, Lucy s'attire la convoitise - malgré elle - des péquenots du coin. Lors d'une partie de chasse, les deux hommes découvrent dans une cabane abandonnée : à l'intérieur, une porte cadenassée, et derrière, une chose terrible qui transformera leur séjour en cauchemar...


MON AVISTout comme l'Angleterre, l'Espagne a su nous offrir de bien belles surprises durant ces dix dernières années, et des nouveaux talents dont on n'a à présent bien du mal à se passer (Alex De La Iglesia, Alejandro Amenabar, Nacho Cerda, Jaume Balaguero…). Les déceptions, ça existe aussi, comme en témoigne par exemple le récent Kilometro 31, présenté au dernier festival de Gérardmer, ou Death Cargo, entre autres…

Après son court multi primé, Le Train Fantôme, Koldo Serra va voir du côté de Filmax pour tourner son premier long-métrage, coproduction franco-anglo-espagnole : ce n'est ainsi pas pour rien qu'on retrouve au casting Gary Oldman, Virginie Ledoyen (qui retrouve le chemin de notre genre de prédilection deux ans après Saint-Ange) et Paddy Considine, jeune acteur anglais en vogue. C'est d'ailleurs ce casting en béton qui constitue l'un des points forts du film : même en dehors du trio pré-cité, tous s'en sortent particulièrement bien. Une bien belle galerie de personnages névrosés, instables, violents et blessés…car oui, Serra a ici tendance au pessimisme et à la noirceur. On ne demande pas mieux pour un film de ce genre.

C'est le sauvetage d'une petite fille aux mains difformes, séquestrée dans une ferme paumée dans la forêt ibérique, qui provoquera, ici, l'arrivée de chasseurs patibulaires, fraîchement débarqués d'un village où les femmes brillent sans doute par leur rareté et où les liens consanguins sont monnaie courante.

Viol (la Virginie y passe, eh oui !), cadre rural, ultra violence, villageois hargneux : faites le lien ; car The Backwoods est un hommage à peine déguisé du Peckinpah Les Chiens de Paille, à tel point qu'on frôle le remake inavoué (voire le pompage ?). On pense également beaucoup à La Traque, lui aussi survival campagnard et nihiliste. 

70's oblige, le spectre de l'Espagne Franquiste plane au dessus de ces paysans dégénérés (la difformité de la petite fille perçue comme un affront à Dieu) : une période douloureuse que la série télévisée Pelliculas Para Dormir cite elle aussi abondamment dans les épisodes Spectre et La faute.

Entre deux chansons de Leonard Cohen (pour le reste, on nous sert une musique tribale assez hors sujet), Serra distille une atmosphère lourde, fait grimper méchamment la tension de temps à autre (l'arrivée des deux abrutis dans la maisonnette), soigne ses images (temps maussade, forêt mystérieuse…). Bref, ça marche, c'est efficace mais pas de quoi se lever la nuit hélas.

Serra ne cherche jamais à faire aussi fort que son modèle, remplaçant le siège de la maison par une virée dans la forêt aux allures de survival. Oldman a beau se débattre comme un beau diable, les autres personnages ne s'autorisent qu'une simple randonnée (bien qu'assez stressante) excepté lors d'un duel sous la pluie aux relents de Western. Le scénario de Serra est finalement d'une grande banalité, au contraire par exemple d'un Calvaire, qui dynamisait un script plus ou moins déjà vu par l'apparition de personnages bien déviants.

Décevant mais pas mauvais pour autant donc : on attendra patiemment ce que Koldo Serra nous réserve pour la suite…




Jérémie MARCHETTI

BABYPHONE (2023)

 

Titre français : Babyphone
Titre original : Babyphone
Réalisateur : Ana Girardot
Scénariste Ana Girardot, Mahault Mollaret
Musique /
Année : 2023
Pays : France
Genre : Thriller, insolite
Interdiction : -12 ans
Avec Ana Girardot, Félix Moati, Lyna Khoudri, Niseema Theillaud, Hippolyte Girardot...


L'HISTOIRE : Fraîchement installée dans une maison à la campagne avec son mari Noah et leur fils Sol, âgé de six mois, Agathe fait la découverte, derrière une cloison, d'une chambre d'enfant jusque-là condamnée mais dont l’intérieur est intact, comme si rien ne semblait avoir bougé depuis des années. Là, elle y trouve un vieux babyphone abandonné dans un tiroir et toujours en état de marche. Réticente au début mais portée par l'enthousiasme de son mari, la jeune maman accepte d'installer leur fils dans la pièce jusque-là close, l’oreille collée à l'appareil, à l'affût du moindre bruit. Toutefois, quand d’étranges sons et autres sensations viendront semer le doute et la confusion dans l’esprit d’Agathe, cette dernière devra faire la part des choses entre un nouvel environnement qu’elle connait encore mal, sa fatigue légitime et ses angoisses de nouvelle maman...


MON AVISMalgré un scénario un peu convenu pour qui a déjà vu pas mal de films de genre (on pense en effet à Evil Dead et Rosemary’s Baby pour ne citer que deux des plus connus), c'est la présentation et le format de ce métrage qui en font un objet à part ! En effet, en moins d'une heure environ, on n'aura que du son à se mettre sous la dent ou plutôt dans les oreilles avec seulement quelques plans fixes nous indiquant dans quelle pièce de la maison on se trouve et avec qui ! Babyphone est effectivement une fiction audio enregistrée grâce à une drôle de tête binaurale, un dispositif encore relativement rare (sorte de casque porté sur la tête), qui restitue tous les dialogues et bruits à 360 degrés, ce qui nous plonge totalement dans la peau des personnages. Et ce sentiment d’immersion est également renforcé par le fait que Babyphone a été capté dans des décors naturels – maison qui grince et arbres de la forêt avoisinante qui craquent – et non en studio comme la plupart des projets de ce genre. Celui-ci en tout cas est l’œuvre de l’actrice Ana Girardot (vue récemment dans Ogre) devenue mère récemment et qui ici, dans ce thriller mâtiné de jumpscares, partage avec nous une réflexion sur les difficultés de la maternité actuellement, inspirée de sa propre expérience.

Ainsi, pendant une cinquantaine de minutes, Ana Girardot se glissera dans la peau d’Agathe, une jeune mère qui vient d’emménager avec son compagnon Noah (Félix Moati) et leur bébé Sol au fin fond de la campagne, dans une vieille maison typique des films d’horreur classiques, avec le parquet qui grince, les croix sur les murs et les arbres qui bruissent étrangement. Entre un mari très absent car s’occupant du restaurant qu’il a ouvert dans un proche village, une reprise difficile d’activité en freelance car il faut s’occuper très souvent du bébé, une voisine envahissante et flippante (Niseema Theillaud), le maire du coin (Hippolyte Girardot) qui semble cacher des choses sur l’histoire de cette maison et l’absence de son psy (Cédric Klapisch) resté à Paris, Agathe est en pleine dépression post-partum et n’a pas de quoi se rassurer !

Et ça ne va pas s’arranger car après avoir découvert une chambre d’enfant cachée derrière un mur, le jeune couple décide d’y installer leur fils, malgré l’atmosphère très oppressante de la pièce. On pressent bien que quelque chose de grave s’est passé ici, mais quoi ? Heureusement ou pas, un babyphone encore en état de marche se trouve toujours dans la pièce et permet à Agathe d’épier les moindres bruits en provenance de la chambre de son fils, à moins que tout cela ne soit qu’un piège…

Ainsi, à travers cette histoire, Ana Girardot évoque donc des problématiques très actuelles comme la charge mentale qui pèse principalement sur les jeunes mamans, soumises comme Agathe à la pression d’être performantes dans tous les aspects de leur vie et qui craignant d’être de mauvaises mères, se retrouvent complètement submergées et épuisées par leur rôle de mère, de femme active et d’amante. Elles se retrouvent donc en pleine dépression post-partum ou en plein burn-out parental, comme on dit dans un jargon plus psychiatrique.

Au final, on aura assisté à un beau tour de force de la part d’Ana Girardot car arriver à transmettre autant d'émotion par l’ouïe, c'est vraiment fort ! Alors quand en plus on arrive à ressentir toute la solitude et la détresse de cette mère qui connaît une grosse dépression post-partum, on se dit qu'on a tout gagné car ce sujet est très actuel ! Toutefois, on restera un peu sur notre faim devant une fin un peu trop énigmatique à notre goût, mais en tout cas, quelle belle expérience sensorielle et immersive ! Il ne vous reste donc plus qu’à vous isoler dans une pièce, enfiler un bon casque sur les oreilles et à fermer les yeux pour vous plonger dans ce thriller plus sérieux qu’il n’en a l’air et français ma bonne dame !




Vincent DUMENIL