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BLACK WATER : ABYSS (2020)


L'HISTOIRE : Deux couples d'amis, Eric et Jen ainsi que Viktor et Yolanda, s'en vont rejoindre Cash, un ami d'Eric, qui a découvert l'entrée d'une caverne inexplorée en plein cœur de la forêt australienne. Féru de spéléologie, Eric a choisi de faire de cette découverte le thème du week-end et propose au reste du groupe de s'aventurer dans les profondeurs de la grotte. A plusieurs mètres sous terre, les cinq camarades découvrent un immense lac qui pourrait mener vers d'autres galeries souterraines. Lorsqu'un violent orage se déclare à la surface, Eric et ses amis sont surpris par une brusque montée des eaux à l'intérieur de la grotte, qui va rendre compliquée le chemin du retour. La situation va virer au cauchemar quand le groupe découvre qu'un crocodile a élu domicile dans les eaux du lac...


MON AVIS : Andrew Traucki est un réalisateur qui semble s'être spécialisé dans les films d'agressions animales, sous-catégorie très apprécié des fans de cinéma de genre. En 2007, il s'illustre avec le crocodile movie dans Black Water puis bifurque vers le shark movie avec l'excellent The Reef en 2010, s'éloigne de son domaine de prédilection avec son segment G is for Gravity de l'anthologie ABC's of Death en 2012 pour y revenir sous forme de found-footage en 2013 avec The Jungle. Après une longue pause, il revient en 2020 avec ce Black Water : Abyss et retrouve donc notre ami le saurien. Evidemment, passer après le Crawl d'Alexandre Aja n'est pas aisé, de dernier ayant proposé un film dans lequel les attaques de sauriens étaient légion. Andrew Traucki s'éloigne de ce concept de film fun et ultra dynamique pour proposer un film d'ambiance, dans lequel la notion de suspense, d'attente, de stress joue un rôle bien plus important, et dissémine avec une grande parcimonie ses quelques attaques de crocodile au sein des 94 minutes qui font la durée de Black Water : Abyss.

Le film reprend les éléments déjà vus dans des œuvres telles The Descent ou La Crypte par exemple, à savoir une expédition souterraine qui va mal se dérouler et un groupe d'amis dont certains ont des secrets inavouables à dissimuler. Après une séquence introductive nous présentant deux touristes étrangers perdus en pleine forêt australienne et qui tombe par mégarde dans la grotte qui va servir de lieu principal de l'action du film et qui vont être victime du crocodile, on passe dans la phase de présentation des cinq protagonistes de l'histoire. Deux couples d'amis donc, plus une pièce rapportée. L'une des filles, Yolanda (Amali Golden), est enceinte mais ne l'a pas encore dit à son petit ami Viktor (Benjamin Hoetjes), qui est en phase de rémission d'un cancer. L'autre fille, Jennifer (Jessica McNamee) semble chercher des informations compromettantes sur son chéri Eric (Luke Mitchell) puisqu'elle trifouille dans le téléphone portable de ce dernier. Rapidement, les couples rejoignent un ami d'Eric, surnommé Cash (Anthony J. Sharpe) et qui a découvert l'entrée de la fameuse grotte vu au début. Ce qui est bien ici, ce que cette présentation des héros ne s'éternise pas et on arrive assez rapidement à la phase de spéléologie. L'exploration de la grotte se fait également de manière assez rapide, jusqu'à la découverte du lac, une pièce circulaire souterraine immense, qui laisse peu d'endroits où avoir les pieds au sec. Un paysage enchanteur de prime abord, sauf que le spectateur sait déjà ce qui se cache sous les eaux opaques. Le suspense peut débuter.

Aidée par un orage qui provoque une brusque montée des eaux, l'ambiance anxiogène s'installe peu à peu, la progression des personnages étant grandement ralenti, de même que leur possibilité de rebrousser chemin. Pas d'alternative, il va falloir aller dans l'eau. La musique stressante , angoissante, à base de violons peut entrer en jeu et accompagner les images. On frissonne quand les corps entrent dans l'eau, et on scrute l'écran pour voir d'où va surgir notre ami le crocodile. Andrew Traucki est toujours aussi efficace en terme d'attaque animale, évitant la surenchère pour mieux se focaliser sur l'aspect réaliste de la situation.

Seulement, là où ça fonctionnait plein pot dans le premier Black Water, le réalisateur ne parvient pas à égaler son modèle, la faute à des attaques trop peu nombreuses et à une certaine lassitude qui s'installe en cours de route. Pourtant, le suspense n'est pas mauvais et fonctionne assez bien la plupart du temps, comme lorsque les héros s'immergent sous l'eau et que leur lampe fait apparaître la tête du crocodile à quelques mètres d'eux. Mais trop de scènes débutent en faisant monter l'attente du spectateur pour se clore de manière stérile et sans avoir montré le nez de notre super prédateur. Andrew Traucki ne se sert pas non plus de son décor comme il aurait pu le faire et c'est bien dommage. On aurait aimé voir notre crocodile pourchasser ses futures proies dans les galeries étroites de la grotte par exemple, chose qui ne se produit pas alors que deux personnages les empruntent pour tenter de trouver une sortie. Dommage !

Il est vrai qu'il n'y a que cinq protagonistes et qu'il faut bien les faire durer sur la longueur pour ne pas à avoir à conclure le film trop tôt. Soit. Concernant les protagonistes du film, on devinera assez rapidement ce qui cloche dans leur relation, tout étant un peu trop téléphoné pour réussir à surprendre son monde. La charmante Jessica McNamee est celle qui s'en sort le mieux et elle se montre convaincante, même lors du final qui vire dans le pur film de divertissement festif, aspect que Black Water : Abyss avait su éviter jusqu'ici. 

Au final, et même si la mise en scène est très correcte et que les images sont belles, on est un peu déçu lorsque le générique de fin se met à défiler devant nos yeux. On aurait vraiment aimé voir plus d'attaques, que le crocodile soit plus mis en avant et que cette sensation d'ennui ne prenne pas le pas face à nos attentes. Pour un crocodile movie, ça reste dans la bonne moyenne du genre mais ça aurait pu être plus transcendant je pense. On verra si Andrew Traucki relève le niveau et se montre plus inspiré dans la suite de The Reef qu'il doit mettre en scène prochainement...


Titre français : Black Water - Abyss
Titre original : Black Water - Abyss
Réalisateur : Andrew Traucki
Scénariste : John Ridley, Sarah Smith
Musique Michael Lira
Année : 2020 / Pays : Australie, Usa
Genre : Attaques animales / Interdiction : -12 ans
Avec Jessica McNamee, Luke Mitchell, Amali Golden, Benjamin Hoetjes, 
Anthony J. Sharpe...




Stéphane ERBISTI

BLACK WATER (2007)


L'HISTOIRE : Touristes en vacances, Grace, accompagnée de son mari Adam ainsi que de sa soeur Lee, décident d’aller pêcher dans la mangrove. Embarquant dans un petit bateau à moteur, ils partent avec Jim, un guide touristique et espèrent bien attraper quelques poissons et profiter du soleil radieux. Malheureusement, ils se font attaquer par un crocodile qui retourne la frêle embarcation et dévore le guide. Nos trois vacanciers parviennent à grimper sur un des nombreux arbres de la mangrove. Une seule question hante leurs esprits : comment faire pour s’en sortir vivant ?


MON AVIS : Tiens, un nouveau film en provenance d’Australie, ça mérite qu’on s’y attarde, et ce, pour plusieurs raisons :
1- L’Australie nous a souvent donné de bons films de genre : Mad Max, Death Warmed Up, Long Week end ou Wolf Creek pour les plus connus.
2- Il y a un crocodile dans le film et moi, j’aime bien les films avec des crocodiles ou autres vilaines bébêtes avec de grandes dents qui bouffent des gens.
3- Black Water a été sélectionné dans de nombreux festivals et les échos sont plutôt bons, donc tout ça, ça me donne envie.

Les films avec des crocodiles, ça me connaît. J’en ai vu pas mal, des bons et des moins bons. Pour mémoire, citons quelques titres bien connus où notre carnassier joue sa vedette : Le Crocodile de la Mort, Killer Crocodile, Killer Crocodile 2, Alligator, L’incroyable Alligator, Blood Surf, Crocodile, Crocodile 2, Supercroc, Primeval, Lake Placid ou Les Dents de la Mort par exemple. Tiens, d’ailleurs pour ce dernier, notons qu’il nous provient d’Australie également ! Tout comme le nouveau film du réalisateur de Wolf Creek qui met aussi en scène notre saurien avec Rogue - en Eaux Troubles. L’Australie et le crocodile, une belle histoire d’amour donc...

La lecture du scénario de Black Water vous aura sûrement évoqué un autre film dont le postulat est identique, seul change le lieu de l’action et la bestiole présentée. Ceux qui auront répondu Open Water - en eaux profondes et ses deux touristes perdus en pleine mer parmi les requins ont gagné toute ma sympathie, ce qui est déjà fort bien !

Effectivement, le film de David Nerlich et Andrew Traucki peut être vu comme la version crocodile de Open Water. Même envie de faire un film réaliste : pas de crocodiles ou de requins géants ou modifiés génétiquement, que du pur saurien et des purs squales ; peu de personnages ; huis clos dans un environnement hostile (la mer et ses requins, la mangrove et ses crocodiles) où le suspense monte petit à petit ; présence d’une menace d’abord invisible et qui se dévoile par la suite ; tension naissante entre les personnages qui cherchent comment s’en sortir ; situations réalistes et plausibles qui impliquent d’entrée de jeu les spectateurs qui peuvent s’identifier fortement aux personnages présents et se demander comment eux auraient réagi ; peu d’effets gores mais des marques de blessures crédibles, renforçant le côté réalité du film ; pas d’images de synthèse, que de vrais animaux, comme déjà évoqué ci-dessus, même s’il y a bien sûr des effets spéciaux dans ces deux films, principalement des incrustations via ordinateurs (pensez-vous, on va quand même pas mettre des acteurs en présence de vrais crocodiles affamés !). Bref, Open Water et Black Water joue dans la même cour, celui du cinéma vérité, basé sur des faits réels, celui du cinéma qui utilise nos peurs primales pour mieux nous terrifier. Parce que franchement, j’en connais pas un qui aimerait être à la place des personnages d’Open Water ou de Black Water. A moins d’être suicidaire ou cinglé, il vaut mieux être confortablement installé dans son canapé devant la télé que perdu au milieu de nulle part, attendant que les monstres, les vrais, viennent nous dévorer. Parce que si on en arrive à stresser pour les personnages alors qu’on est dans son canapé justement, imaginez si on y était vraiment : crise cardiaque assurée !

C’est d’ailleurs ce qui fait la grande force des deux films. Ce qui marchait pour Open Water marche également très bien pour Black Water. On stresse pour nos trois vacanciers, on frissonne avec eux, on sert les dents quand l’un d’entre eux décide de redescendre dans l’eau pour tenter de s’en sortir en allant chercher le petit bateau, bref, on vit la tragédie avec eux. Par ce même principe, les quelques faiblesses d’Open Water se retrouvent dans Black Water : certaines scènes de dialogues sont parfois un peu longues et quand il ne se passe rien, on ressent également un léger ennui. Ce qui, en fait, renforce le côté réaliste du film, puisque l’on s’ennuie AVEC les personnages et non sans eux. Perchés en haut des arbres, que peuvent-ils faire d’autre qu’attendre, réfléchir, chercher une solution ? Rassurez-vous, cette petite notion d’ennui ne dure pas très longtemps et il y a assez de péripéties et de rebondissements pour vous tenir en haleine.

Pour que l’identification et l’immersion marchent encore plus avec les spectateurs, nos deux réalisateurs australiens ont choisi des acteurs et des actrices peu connus du public. Pas de stars qui feraient que la situation serait moins crédible. Et ça marche vachement bien ! Mention spéciale à la charmante Diana Glenn qui joue le rôle de Grace. Elle parvient à nous émouvoir et à nous livrer de vraies émotions. Très bonne surprise également avec la craquante Maeve Dermody, jolie blondinette qui devra faire face à ses peurs et nous livrera la séquence la plus angoissante du métrage. Les deux membres masculins du casting s’en sortent eux aussi très bien. Bref, pas de Lieutenant Ellen Ripley ou d’officier John McLane dans le film, juste des êtres humains en proie à l’inattendu, qui se retrouvent seuls face à eux-mêmes et qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s’en sortir. Un peu à la manière des spéléologues de The Descent en fait…

Bon, et ce fameux crocodile au fait, comment il est ? Redoutable mes amis ! Un vrai sadique, un vrai pervers ! Attendant au fond de l’eau verdâtre, qui ne laisse transparaître aucune information quant à sa présence ou son absence, attaquant quand on ne l’attend pas, observant ses proies avec une sorte de malin plaisir, comme s’il avait conscience de la situation et savait qu’elle était à son avantage. Bref, un bel enfoiré ce saurien, c’est moi qui vous le dis !

Bien sûr, ne vous attendez pas à voir des séquences surréalistes façon Killer Crocodile. Non, là, c’est encore une fois basé sur la réalité et la crédibilité et donc d’une efficacité supplémentaire.

Au final, Black Water a tout du bon petit film de série B qui n’en met pas plein les yeux c’est sûr, qui n’est pas d’une grande originalité certes, mais qui est traité de façon sérieuse et respectueuse et qui est doté d’un solide casting et de séquences de suspense vraiment bien réalisées. Le décor est très bien mis en valeur également et de doux frissons viendront parcourir votre échine aux moments clés du film. Que demander de plus ? Les amateurs d’agressions animales apprécieront sûrement !


Titre français : Black Water
Titre original : Black Water
Réalisateur : David Nerlich, Andrew Traucki
Scénariste : David Nerlich, Andrew Traucki
Musique Rafael May
Année : 2007 / Pays : Australie
Genre : Attaques animales / Interdiction : -12 ans
Avec Diana Glenn, Maeve Dermody, Andy Rodorera, Ben Oxenbould, 
Fiona Press...




Stéphane ERBISTI

BERBERIAN SOUND STUDIO (2012)

 

Titre français : Berberian Sound Studio
Titre original : Berberian Sound Studio
Réalisateur : Peter Strickland
Scénariste : Peter Strickland
Musique Broadcast
Année : 2012
Pays : Angleterre, Allemagne, Australie
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec Toby Jones, Antonio Mancino, Guido Adorni, Susanna Cappellaro...


L'HISTOIRE : Nous sommes dans les années 70 et le cinéma de genre transalpin bat alors son plein. Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus minables d’Italie. Là, arrive Gilderoy, un ingénieur du son naïf et timide tout droit débarqué d'Angleterre. Il est alors chargé d'orchestrer la bande-son du dernier film de Santini, un maître de l'horreur local. Laissant derrière lui les documentaires britanniques et leur ambiance paisible, Gilderoy se retrouve petit à petit plongé dans l'univers inconnu des films d'exploitation italiens. A mesure que les actrices se succèdent pour enregistrer des cris tous aussi stridents les uns que les autres, ses relations avec les membres de l’équipe et certains bureaucrates peu conciliants commencent à décliner. Très vite alors, son nouveau cadre de travail va se transformer, à l’image des films dont il mixe la bande sonore, en véritable cauchemar…


MON AVISL’histoire de Berberian Sound Studio débute de manière plutôt prometteuse et originale en nous montrant cet ingénieur du son / bruiteur qui se retrouve parachuté, pour des raisons professionnelles, de son Angleterre natale vers un studio italien spécialisé dans l’illustration sonore de films bis allant du Z bien gore aux bandes érotiques soft. Très vite, Gilderoy sera confronté à une certaine hostilité de la part des gens l’entourant. Les actrices grinçantes se succédant souvent semblent l’ignorer, les techniciens locaux aux méthodes archaïques le regardent bizarrement, le réalisateur et le producteur sont exigeants quant à leurs demandes et les bureaucrates sont très peu arrangeants puisqu’il doit courir par monts et par vaux afin de se faire rembourser son billet d’avion. Pris dans un milieu inamical, Gilderoy va dans un premier temps se réfugier dans son travail et dans la lecture des lettres adressées par sa mère lui parlant de son pays d’origine, mais très vite, il va devoir faire face à la peur suscitée par les films dont il assure la sonorisation et ses propres démons. 

Au vu de ce résumé alléchant, ce second long-métrage signé Peter Strickland (connu pour Katalin Varga) pouvait être un clin d’œil aux films de genre pullulant dans les années soixante-dix et quasi tous en provenance d’Italie. Mais Berberian Sound Studio est autre chose : un métrage étonnant à plus d’un titre et qui ne le doit pas qu’à son pitch attrayant. On s’attend à un film d’horreur classique et on se retrouve finalement face à une œuvre cinématographique singulière qui ne laissera pas le spectateur indifférent, enfin ça dépend lequel... Ce film est tout d’abord un grand hommage au son. 

Peter Strickland en est un grand admirateur, le mettant toujours à l’honneur. Il a ainsi voulu que le son supplante l'image, que la suggestion remplace la démonstration et faire de son long-métrage une sorte de trip sensoriel. Là, Gilderoy travaille sur un film dont on ne voit pas une seule image. Le tour de force ici, c’est que le spectateur apprend à se passer du film mixé, de ses images (mais on comprend facilement qu’il s’agit de scènes gore et violentes), celles-ci passant au second plan, derrière les scènes où apparaît Gilderoy en train de travailler sur des bruitages ou de faire des montages. C’était donc un pari osé de la part du réalisateur de faire du son l’élément essentiel de son métrage. On peut donc dire que c’est une gageure réussie puisque l’on comprend chaque scène enregistrée uniquement grâce à la force du son, ayant ici une importance capitale, comme dans Blow Out, petit bijou signé par un certain Brian de Palma. Notons d’ailleurs que la bande-son est un chef-d'œuvre concocté par la regrettée Trish Keenan et James Cargill, son acolyte de Broadcast, qui parviennent à installer une ambiance malsaine, anxiogène propre à ce genre de cinéma d'exploitation.

Berberian Sound Studio est également un hommage aux gialli des seventies et plus particulièrement à Dario Argento, le maître en la matière. En effet, les mouvements de caméra sont très stylisés, la bande-son angoissante au possible, les couleurs criardes, quasiment tout y est sauf les scènes excessivement gore. Strickland ayant, comme on l’a dit précédemment, voulu axer entièrement son film sur le son et donc aussi sur le spectacle visuel par une mise en scène très esthétique…mais sans le sang ! Les fans du réalisateur de Suspiria pourront alors y découvrir, avec un certain plaisir, la face cachée d’un film qui aurait presque pu être de lui (du moins au début) tout en profitant d’une atmosphère glauque de giallo à la différence près c’est qu’ici on entend tout mais on ne voit rien. Le physique peu commun de Tobey Jones et certains cadrages bien sentis participent également à donner un charme désuet à cet objet cinéphilique qui, de par son concept original, ne se limitera qu’à un public très limité.

D'une certaine façon, Berberian Sound Studio peut se voir comme un documentaire sur les coulisses du cinéma d'exploitation italien des années 70, en particulier dans le domaine des bandes-sons réalisées de façon artisanale, notamment avec son massacre de légumes tel qu’on n’en a jamais vu sur les écrans. De l'horreur, des cris de scream queens déchaînées et de la sauce tomate : cette reconstitution version baroque est une véritable preuve d’amour d’un cinéma qui a connu son heure de gloire il y a près de quarante ans désormais. Farce sonore au détriment d'une surenchère de gore et d’effusions sanguines disproportionnées, cet objet inclassable est une incontestable mise en abyme sur les dessous du cinéma dit bis, sur ce que l’on ne montre pas, loin des clichés des productions actuelles par trop standardisées et remakées à outrance.

Malheureusement, le scénario ne suit aucune intrigue précise, ou bien celle-ci n'est pas assez creusée, alors qu’aucun rebondissement notable n'apporte un quelconque rythme au film. De plus, la redondance de scènes quasi identiques pourra également paraître gênante et donner l’impression que tout ça tourne très vite en rond. Pis, non content d’un script sans consistance, le scénariste (aussi réalisateur pour le coup) nous fabrique un retournement à la David Lynch pour le moins déroutant, voire ridicule pour certains. Il est totalement insignifiant et laisse surtout à penser que Strickland et son équipe ne savaient pas comment conclure ! Quel dommage car tout était en place pour que le mystère évolue vers quelque chose de grandiose, mais après une première moitié plutôt sympathique, le métrage semble se répéter et surtout la fin vire au surréalisme le plus incompréhensible qui soit, transformant l'ensemble en un film biscornu et énigmatique. On sent alors un grand vide dans le scénario nous donnant le sentiment que le réalisateur n'a pas su choisir entre un long-métrage expérimental pur et un giallo modernisé. Bref, du beau ratage, ce qui est d’autant plus rageant au vu du matériau d’origine et de ses qualités énumérées préalablement !

Film en dehors des conventions cinématographiques habituelles nous montrant l'histoire de la postproduction sonore d'un métrage, Berberian Sound Studio (devant son nom à une certaine Cathy Berberian mariée à Luciano Berio, un des grands pionniers de la musique électro-acoustique) nous offre un long-métrage visuellement maîtrisé doublé d’une bande-son aussi surprenante que pénétrante. Mais voilà, les scènes ont tendance à se répéter dès la moitié du métrage et surtout, un basculement final ridicule dans les dernières minutes vient plomber ce film hommage en lui ôtant tout semblant de logique. 

Au final, Berberian Sound Studio ne remplit pas toutes ses promesses initiales, malgré la présence de Toby Jones, acteur atypique et convaincant en personnage anxieux, peu sûr de lui et rongé par le doute. Le projet ambitieux de faire peur uniquement par le son ne réussit ainsi pas complètement et ce qui se voulait représenter un exercice de style jubilatoire sur le monde du cinéma s’avère n’être, au final, qu’un pétard mouillé pseudo intello. Mieux vaut alors voir ou revoir Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, dans lequel l'hommage aux gialli d’antan est bien rendu et ce, sans effet de style superflu.




Vincent DUMENIL

BAIT (2012)

 

Titre français : Bait
Titre original : Bait
Réalisateur : Kimble Rendall
Scénariste : Russell Mulcahy, John Kim
Musique Joe NG, Alex Oh
Année : 2012
Pays : Australie, Singapour, Chine
Genre : Sharksploitation
Interdiction : /
Avec : Xavier Samuel, Sharni Vinson, Adrain Pang, Qi Yuwu, Phoebe Tonkin…


L'HISTOIRE Après avoir perdu son ami lors d’une attaque de requin, Josh déprime et quitte son travail de sauveteur secouriste sur les plages. Plusieurs mois après cet accident, un tsunami frappe la station balnéaire où il est à présent salarié d’un petit supermarché, inondant l’établissement des rayons jusqu’au parking souterrain. Un malheur ne frappant jamais seul, deux énormes requins blancs avides de chair fraîche pénètrent dans le supermarché, nageant entre les rayons à moitié submergés sur lesquels se sont réfugiés une poignée de survivants. Entre sauvetages et tentatives d’évasion, nos malheureux réfugiés vont rapidement comprendre qu’ici ils ne sont pas tout en haut de la chaîne alimentaire…


MON AVIS Depuis le culte Les Dents de la Mer, le film de requin a souvent eu le vent en poupe. Capables de nous pondre de réelles bonnes surprises, en témoignent par exemple des Peur Bleue, La Mort au Large, The Reef, Open Water ou encore Shark 3D, des bizarreries drôles mais parfois tout juste passables comme la saga populaire des Sharknado ou encore ces étrangetés que sont les Sharktopus et les Mega Shark ou malheureusement aussi des petites déceptions comme Megalodon ou encore la saga des Shark Attack, nos cinéastes tentent encore et toujours de surfer sur le succès du film de Spielberg, ce genre particulier qu’est la sharksploitation étant fort apprécié du grand public mais également des fins connaisseurs en la matière. C’est donc aujourd’hui au tour de Bait, production mixte entre Singapour, la Chine et l’Australie, de passer à la moulinette de Horreur.com !

Alors qu’il devait réaliser ce fameux Bait, le réalisateur australien Russell Mulcahy (Razorback, Highlander, Resident Evil Extinction) laissa finalement sa place à un certain Kimble Rendall, à qui l’on doit bien des années auparavant un certain Cut, faute de planning compatible avec la production mais peut-être aussi de divergences artistiques. Notre cinéaste océanien demeura toutefois producteur exécutif sur Bait, un projet estimé à environ 20 millions de dollars qu’il est possible de visualiser en 2D ou 3D.

Que dire de cet énième film de requin ? Simple resucée de tout ce que nous avons déjà vu auparavant ou réelle bonne surprise ? Hé bien en fait, c’est un peu des deux, le film de Kimble Rendall n’ignorant pas ses aînés et se permettant pas mal de clichés mais réussissant également le pari d’apporter un petit peu d’originalité à ce genre maintes fois usé au fil de ces dernières décennies.

Alors que Bait commençait de la façon la plus classique possible pour un shark movie (une plage, des nageurs et une attaque soudaine alertant les gardes-côtes et les sauveteurs), montrant également déjà quelques maladresses dans son jeu d’acteur (la fille qui s’écrie NNNOOOONNNNN sur la plage, sautillant sur elle-même et frappant des poings dans l’eau, le regard porté au loin vers son frère qui semble ignorer que sous sa bouée nage un terrible prédateur), nous étions en droit de nous attendre à une belle bêtise bourrée d’ânerie, de poncifs et probablement même d’effets spéciaux risibles au possible. Erreur…

Certes, les incohérences sont parfois de taille, avec : des survivants du tsunami dans le supermarché qui ne sont finalement que les petits groupes de personnes présentées juste avant, aucun client ne semblant avoir survécu ; le supermarché est à moitié inondé mais le parking souterrain ne l’est pas entièrement ; nous fabriquons des tenues de protection à l’aide de caddies en un temps record et sans grande aide matériel au départ ; nos requins ont une sacrée détente mais quand ils le veulent uniquement…

Oui, les personnages sont très stéréotypés, on a tous les poncifs du genre, à savoir le beau gosse écervelé, la blonde apeurée et son petit chien que l’on espère voir bientôt dans la gueule du squale, le vilain méchant tatoué à l’hygiène douteuse, au ricanement idiot et à la grossièreté naturelle, le gentil flic qui veut protéger sa fille cleptomane qui semble n’en faire qu’à sa tête, le braqueur finalement grand cœur, le méchant patron du supermarché qui s’en prend à tout le monde, sans oublier notre héros qui se transformera comme bien souvent en un véritable guerrier pour les besoins du script. 

Certains effets spéciaux sont très moyens et ces derniers sont bien souvent ceux réalisés numériquement, les effets permis grâce aux animatroniques sont quant à eux réussis en grande partie

Alors oui, vous l’aurez aisément constaté dans mes quelques paragraphes précédents (se voulant volontairement négatifs sans pour autant être trop agressifs envers le film), nous ne pourrons pas faire que des éloges sur cette série B qu’est "bait". Mais il faut bien admettre que nous avons pourtant là un film de requin d’honnête facture qui vient apporter sa petite pierre à l’édifice sans trop d’encombres.

En effet, malgré un schéma narratif aux allures de déjà-vu, nous sommes surpris de constater que les rebondissements sont assez nombreux au final, avec tentatives d’évasion, relations humaines, attaques de requin multiples, ce qui permet à Bait de se suivre agréablement bien, le rythme étant maîtrisé et ne présentant pas de réel temps mort.

Nous avions peut-être un peu peur de voir toutes ces interactions entre personnages et tous ces caractères différents chez les protagonistes prendre le dessus sur nos requins et entacher quelque peu le suspense du film, avec problématiques familiales et complications amoureuses par exemple, mais il n’en est finalement rien et c’est tant mieux ! Bait ne fait pas dans le dialogue de remplissage ni trop dans le gnian-gnian et se permet même un peu d’humour noir bienvenu.

Au diable les bateaux / voiliers, les mangroves, les bayous ou encore les plages très prisées par les touristes, lieux dans lesquels se déroulent généralement les films de requins et de crocodiles : cette histoire se déroulant dans un supermarché tient de nombreuses promesses et permet quelques passages hautement sympathiques et rafraîchissants dans ce genre pourtant surexploité. On a les problèmes d’électricité, les produits et matériels à disposition qui flottent dans l’eau, la présence d’un parking et donc de voitures pour se réfugier, les conduits et les tuyaux par où il est possible de s’échapper entre autres.

Le casting est d’assez bonne facture également et ce malgré les stéréotypes cités avant. Pas de surenchères dans les expressions et réactions des personnages, si ce n’est quelques cris de détresse un brin exagérés, ni de comportement douteux, mis à part le fait de rester tout près de la flotte alors que chacun sait pertinemment qu’un requin sauteur peut les attraper en un coup de mâchoire ! Notre galerie de personnages tient plutôt bien la route !

Enfin, en ce qui concerne notre requin, ou plutôt nos requins car ils sont deux, nous apprécierons leur modélisation. Certes, certains effets numériques piquent légèrement la rétine mais de manière générale le boulot est bien fait et nos squales font même parfois froid dans le dos, notamment en vision sous-marine. Les scènes se déroulant sous l’eau sont très lisibles et pourront effrayer les moins habitués d’entre nous. Quant aux attaques des requins, là aussi nos prédateurs ont la part belle du gâteau : membres déchiquetés, corps coupé en deux, effusions de sang… Le spectateur en aura pour son argent !

Comme quoi, même avec de nombreuses lacunes que nous soulevons sans grande peine avec l’habitude, le film de Kimble Rendall s’avère fort divertissant et réussit même le pari de se hisser parmi les meilleurs shark movies de ces dix dernières années. Rythmé et agressif, Bait est un film à découvrir !




David MAURICE

AQUAMAN (2018)

 

Titre français : Aquaman
Titre original : Aquaman
Réalisateur : James Wan
Scénariste : David Leslie Johnson-McGoldrick, Will Beall
Musique : Rupert Gregson-Williams
Année : 2018
Pays : Usa, Australie
Genre : Super-héros
Interdiction : /
Avec Jason Momoa, Amber Heard, Willem Dafoe, Patrick Wilson, Nicole Kidman...


L'HISTOIRE : Né d'un père humain et d'une mère habitant l'Atlantide, Arthur possède une force et des capacités prodigieuses, dont celle de pouvoir respirer sous l'eau. Élevé par son père sur Terre, n'ayant pas connu sa mère qui a été obligé de retourner dans le royaume de l'Atlantide d'où elle fût blâmée et pourchassée pour cette liaison avec un humain, Arthur ne sait pas que sous les eaux, son demi-frère, le roi Orm, a décidé de mener une guerre contre les terriens et tente de rallier tous les peuples des océans afin de livrer cette bataille. La promise d'Orm, Nera, vient trouver Arthur pour lui demander de la suivre en Atlantide afin de devenir le vrai roi du royaume et éviter cette guerre inutile. Mais pour se faire, Arthur devra retrouver le légendaire trident du roi Atlan...


MON AVISDécouvert dans Justice League, il était évident que le personnage d'Aquaman, créé en 1941, allait avoir droit à son propre film, afin de nous faire découvrir ses origines et de nous le rendre encore plus sympathique. C'est donc chose faite en 2018, avec James Wan aux commandes, et toujours le charismatique Jason Momoa, ex- Khal Drogo de la série culte Game of Thrones

Le réalisateur surdoué de Saw, Dead Silence, Death Sentence, Insidious ou Conjuring se voit donc offrir ce gros blockbuster comme terrain de jeu. Au sérieux et à la noirceur des précédents films DC, James Wan choisit l'option légèreté et divertissement amusant avec Aquaman, un film méga coloré, lumineux, et bien éloigné de l'univers de Batman par exemple.

Aquaman se veut une véritable fête foraine, une attraction ultra festive, qui va en mettre plein la vue au public, avec de l'action et des explosions en pagaille, des combats sous et hors de l'eau, et la vision du monde quasi féerique de l'Atlantide, avec ses divers poissons de taille variée, dont certains servent de moyens de locomotion (requins ou hippocampes par exemple), et ses dangers également, avec une sublime séquence se déroulant dans les abysses, nous présentant des créatures horribles, quasiment lovecraftiennes, superbement réalisées. 

Evidemment, pour un film se déroulant la majorité du temps sous l'eau, et dans une cité fantastique, le recours aux effets numériques était obligatoire. Alors oui, c'est vrai qu'Aquaman peut ressembler à une gigantesque cinématique de jeu vidéo, les CGI étant de toutes les scènes, conçus avec plus ou moins de bonheur. Mais dans l'ensemble, c'est quand même assez joli, ça pique parfois un peu les yeux mais personnellement, j'ai plutôt été emballé par le travail visuel, même si tout ne s'intègre pas parfaitement à l'écran. 

Les aventures de Jason Momoa ne lésinent en tout cas pas sur le spectacle, qui va puiser dans la légende des chevaliers de la table ronde pour base scénaristique. Bah oui, le héros s'appelle quand même Arthur, il est le vrai héritier du trône et il doit s'emparer d'un trident légendaire dont il est dit que seule la bonne personne pourra saisir et déloger de son emplacement. 

Sur ce postulat, James Wan nous livre donc un film déjanté, un peu fourre-tout, parfois carrément bordélique même, souvent kitsch (mais c'est voulu), avec des morceaux de bravoure efficaces et un rythme dynamique qui ne faiblit jamais. Notre héros au corps tatoué et à la longue chevelure est bien différent du Aquaman de la bande-dessinée niveau look mais avouons que Jason Momoa est vraiment parfait dans ce rôle et que la tenue finale lui va comme un gant. Il en est de même pour la sublime Amber Heard et sa chevelure rougeoyante qui lui va à ravir, de même que sa tenue vert émeraude, qui fait d'elle la parfaite représentation live d'une sirène dont on aimerait tous entendre le chant. Le duo Amber / Jason fonctionne du tonnerre, se montre souvent drôle et se donne à 100% niveau scènes d'action. 

Ne se retenant jamais sur ses idées les plus folles, James Wan leur envoie même un ennemi qu'on croirait sortir d'un Tokusatsu avec Black Manta (Yahya Abdul-Mateen II) et son costume très méchant de X-Or / Power Rangers ! Le tout en appuyant sur la fibre écologique, la tendance du moment, puisque le roi Orm (Patrick Wilson) veut faire la guerre aux terriens car il en a marre de voir ces derniers polluer ses eaux ! C'est vrai quoi, le plastique dans la mer, faut arrêter une bonne fois pour toute ! 

On trouve même dans Aquaman des influences d'Indiana Jones ou d'Avatar ! James Wan est comme un gosse à qui on autorise toute les libertés et toutes les bêtises, sans risquer de se faire gronder, et il ne s'en prive pas, quitte à saturer une partie du public. Mais quand même, moi je dis que ça envoie du lourd ! Y'a Dolph Lundgren au casting les gars ! Un Kraken ! Amber Heard porte une robe-méduse ! Nicole Kidman porte presque une armure de Predator vers la fin ! Y'a des gardes, on croirait des Stormtroopers ! C'est de la surenchère non limitée mais on s'en fout ! La crédibilité ? On s'en fout. Aquaman, c'est un peu un film WTF ?! et franchement, ça fait du bien de se laisser aller durant 2h20 dans le bataille pour le royaume des mers ! 




Stéphane ERBISTI

BAD BOY BUBBY (1993)

 

Titre français : Bad Boy Bubby
Titre original : Bad Boy Bubby
Réalisateur : Rolf de Heer
Scénariste : Rolf de Heer
Musique Graham Tardif
Année : 1993
Pays : Australie, Italie
Genre : Trash
Interdiction : -16 ans
Avec Nick Hope, Claire Benito, Ralph Cotterill, Carmel Johnson...


L'HISTOIRE : Bubby, 35 ans, est élevé par sa mère dans une pièce insalubre et confinée. Il ne connaît que ces lieux et n'a pas conscience de l'existence d'autres êtres humains. Sa génitrice, qui lui a toujours fait croire que l'air du dehors était vicié et mortel, s'occupe plus ou moins de lui selon son humeur : elle le lave, lui donne à manger et lui fait l'amour ! Un beau jour le père du rejeton qui n'était pas apparu depuis la naissance "du petit" débarque et l'univers de Bubby s'en trouve ainsi totalement chamboulé. Cet événement va alors lui offrir, après divers bouleversements, l'opportunité de découvrir le monde extérieur. Commence donc pour Bubby un voyage initiatique au cours duquel il va essayer de se frayer un chemin dans un univers chaotique empli de dépravés de toutes sortes tentant d'abuser de sa troublante naïveté...


MON AVISCe film est très dérangeant mais fascinant à différents degrés. Le premier se situe au niveau de l'éventail très diversifié des personnages que rencontre Bubby : une chanteuse de la chorale de l'armée du salut qui l'emmène dans son lit, un groupe de rock dont les membres en font le principal interprète grimé en prêtre, un détenu muet qui le sodomise, une infirmière s'occupant d'handicapés et dont il tombe amoureux et tant d'autres phénomènes de foire. De Heer nous brosse d'admirables portraits et ne se gène pas pour écorner certains traits de la société dans laquelle nous évoluons et dont il a d'ailleurs, une vision assez réaliste.

Le second attrait de ce métrage déjanté est l'acteur interprétant Bubby qui réussit là une prouesse de comédien incroyable : arriver à passer d'une scène de meurtre à une scène d'amour avec la même candeur à la fois troublante et touchante est une authentique performance. Vous l'aurez compris, Nick Hope est fantastique dans ce film tant par son jeu phénoménal que par les émotions qu'il suscite. Il a d'ailleurs obtenu le prix du meilleur acteur australien en 1994 et le prix d'interprétation au Festival de Venise en 1993 où le film a reçu le grand prix du jury.

Enfin, ce qui séduit avant tout, c'est ce savant mélange de scènes éclectiques qui nous fait passer du rire aux larmes en un éclair et nous met tantôt mal à l'aise (voir à ce propos la première demi-heure du film qui a été tournée en 1.33 et non en écran large afin de rendre compte de l'atmosphère la plus claustrophobe qui soit. Le rendu était tel que l'équipe du tournage, le réalisateur y compris, ne pouvait plus en supporter le visionnage !) ou tantôt nous réjouit (notamment quand Bubby découvre pour la première fois le monde extérieur) et ça, c'est le vrai cinéma !

Cette diversité rend ainsi ce long-métrage quasi-inclassable vu qu'il flirte avec de nombreux genres (le drame, la comédie, le film de serial killer, le conte philosophique,...), c'est une sorte de Bernie de Dupontel en plus trash !

Il est alors dommage pour les spectateurs et pour tous les artistes à l'origine de cet ovni cinématographique que ce dernier n'ait pas connu un triomphe mérité, mais juste un petit succès d'estime. A quand donc une sortie DVD digne de ce nom pour une réhabilitation à juste titre ?




Vincent DUMENIL

ANACONDAS - A LA POURSUITE DE L’ORCHIDÉE DE SANG (2003)

 

Titre français : Anacondas - A la Poursuite de l'Orchidée de Sang
Titre original : Anacondas - The Hunt for the Blood Orchid
Réalisateur : Dwight H. Little
Scénariste : Hans Bauer, Jim Cash, Jack Epps Jr, John Claflin, Daniel Zelman, 
Michael Miner, Edward Neumeier
Musique : Nerida Tyson-Chew
Année : 2003
Pays : Usa, Australie
Genre : Attaques animales
Interdiction : /
Avec : Johnny Messner, KaDee Strickland, Matthew Marsden, Nicholas Gonzalez...


L'HISTOIRE : Des scientifiques sont envoyés en Indonénie pour recueillir des spécimens de l'orchidée de sang, une plante susceptible d'allonger la durée de la vie, annoncée même comme la version médicale de la Fontaine de Jouvence. L'expédition ne se passe pas comme prévue, peu aidée par la saison des pluies. Pendant ce temps, les relations entre les membres de l'expédition deviennent tendues, face à des choix impliquant plusieurs trajets...


MON AVIS : 1997: bureau de la productrice Vernah Harrah. Wouah ! Vous avez-vu ? Notre crétin de film de serpent géant cartonne au box-office. Il faut vite faire une séquelle ! Vernah Harrah: Ok, à condition d'avoir un scénario en béton.

Six ans plus tard, nous apprenons qu'une suite au film de Luis Llosa était mise en chantier. Une suite sans vedettes (exit Jennifer Lopez et Ice Cube) et un budget inférieur alloué. Ce qui n'inquiète pas l'homme chargé de diriger cet Anaconda 2, à savoir ce sous-doué de Dwight H.Little (le passable Halloween 4 mais aussi le miraculé Le fantôme de l'opéra - une très sympathique série B gore avec Robert Englund). Direction l'Asie du Sud-est où se situe l'action du film. Peu importe finalement les contre-vérités géographiques émises par ce scénario à de nombreuses mains - 7 scénaristes ! Qu'est-ce qu'on rigole ! - dont le fait que l'espèce des anacondas n'existe pas à Bornéo. Fort heureusement, le public n'y connait absolument rien.

Ce n'est pas une raison pour bâcler l'ensemble de cet Anaconda 2, devenu entre temps Anacondas - A la Poursuite de l'Orchidée de Sang. On a quand même droit à un scénario fainéant et beaucoup trop gentil pour faire durer le suspense. A se demander si le politiquement correct n'a pas encore frappé. Les acteurs sont bien sûr adéquats à leurs rôles et font clones de ceux du précédent film : on a le black de service, le traître (suspense !), deux femmes un peu cloches (la brune et la blonde), un singe débrouillard mais peu courageux... Nos amis, les anacondas, sont néanmoins assez impressionnants, surtout lorsqu'ils ne bougent pas trop vite. Car les effets spéciaux numériques sont une véritable catastrophe, faisant penser à ces productions Z, type Nu Image et UFO (Python).

Plus orienté aventures que véritablement horreur, on peut se laisser guider au fil du flot d'une histoire convenue, bénéficiant de beaux décors, malheureusement, jamais mis en valeur du fait d'une photo anonyme. La musique est aussi beaucoup trop en retrait. On apprend aussi l'existence de la fameuse orchidée du titre, que les anacondas ingurgitent, ce qui expliquent leur grosseur démesurée. Plus drôle, les gros serpents organisent une partouze géante en pleine jungle. C'est qu'ils sont chauds nos amis à sang froid.

C'est surtout sur la durée que le film ne tient pas la route, tout n'étant pas négatif. En effet, quelques plans inquiétants ne sont pas sans rappeler des passages des Dents de la mer avec attaque subjective. Les images du serpent se faufilant dans l'eau avant de choisir sa proie sont également plutôt réussies. Autre passage à mettre au crédit du réalisateur : des rescapés qui passent par une grotte plongée dans l'obscurité. L'un des uniques moments qui peuvent faire flipper les spectateurs les plus endurants.

Par contre, gros coup de gueule envers le choix des victimes : nos anacondas optent pour des victimes masculines - délaissant les femmes - et laisse tranquille le singe qui s'en sort. Des ficelles scénaristiques que l'on croyait appartenir à une époque révolue...




Gérald GIACOMINI

ALIEN COVENANT (2017)

 

Titre français : Alien Covenant
Titre original : Alien Covenant
Réalisateur : Ridley Scott
Scénariste Dante Harper, John Logan
Musique : Jed Kurzel
Année : 2017
Pays : Usa, Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande
Genre : Extraterrestre, science-fiction
Interdiction : -12 ans
Avec Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudup, Danny McBride...


L'HISTOIRE : Les membres d’équipage du vaisseau Covenant, à destination d’une planète située au fin fond de notre galaxie, découvrent ce qu’ils pensent être un paradis encore vierge. Il s’agit en fait d’un monde sombre et dangereux, cachant une menace terrible. Ils vont tout tenter pour s’échapper...


MON AVISSûrement beaucoup plus vendeur au niveau de son titre, Prometheus 2 devient donc Alien Covenant, du nom du vaisseau spatial présenté ici et qui parcours l'univers avec à son bord un équipage et 2000 colons. Un voyage spatial qui fait suite à une introduction assez déconcertante mais qui a pour mérite de présenter le véritable enjeu du film, sa véritable thématique : l'origine de la vie, sa création. Le dialogue entre un humain et sa création, David, toujours interprété par Michael Fassbender (qui aura un double-rôle), dans un décor sobre et on ne peut plus épuré, pose les bases de ce que va être Alien Covenant. Une sorte de relecture du mythe de Frankenstein, dans laquelle on découvre qui est à l'origine de l'existence des xénomorphes, ces terribles prédateurs qui sont donc nés des suites de multiples expériences que n'auraient pas renié le célèbre docteur cité plus haut.

Des réponses, Ridley Scott en livre donc pas mal dans Alien Covenant, à grands coups de sentences métaphysiques parfois pompeuses mais jamais inintéressantes. Il reprend également quelques thèmes qui ont fait le succès de son chef-d'oeuvre, Alien le Huitième Passager : voyage spatial, équipage en hyper-sommeil, réception d'un message en provenance d'une planète inconnue, exploration de ladite planète par exemple. La vision de la bande-annonce m'avait même fait penser à un remake, c'est dire si les hommages sont frappants et reconnaissables. Pourtant, Alien Covenant s'extirpe assez habilement de ce côté remake et parvient à gagner sa propre identité. Très nihiliste, sombre et violent, le film ne lésine pas sur la violence et l'accouchement des petits mais mortels chestbursters se fait dans la douleur, c'est le moins que l'on puisse dire. Il en va de même pour les attaques de xénomorphes, parfaitement mises en scène, d'une fluidité parfaite et d'une brutalité exquise. Peu nombreuses toutefois, les spectateurs s'attendant à voir un nouvel Aliens le Retour en seront pour leur frais.

Alien Covenant ne joue clairement pas dans cette catégorie de films fun et bourrin mais préfère prendre son temps, se montre contemplatif et volubile avant de déclencher les hostilités. Le film possède de nombreuses qualités mais aussi des défauts, à commencer par un choix de casting discutable. L'héroïne, interprétée par Katherine Waterston, ne m'a guère convaincu, je l'ai trouvé assez fade. Il y a également pas mal de longueurs, qui m'ont un peu sorti de l'ambiance. Une ambiance pourtant bien travaillée la majeure partie du temps et qui réserve son lot d'émotions fortes. On appréciera l'hommage rendu par Ridley Scott au génial H.R.Giger (décédé en 2014) à travers des croquis et des design de toute beauté. Si la scène de la douche semble sortir tout droit d'un slasher movie et reste discutable dans ce film, le final est par contre remarquable et d'une maîtrise totale.

Alien Covenant semble diviser les spectateurs, de par sa tonalité et son approche. Une approche audacieuse mais qui pourra déstabiliser effectivement. En tout cas, pour ma part, c'est loin d'être le navet annoncé par certains et même si je n'ai pas adhéré à 100% au film, il reste un long métrage de qualité, certes pas parfait, mais largement au dessus de la moyenne. Plus qu'à attendre la suite...




Stéphane ERBISTI