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THE BELKO EXPERIMENT (2016)

 

Titre français : The Belko Experiment
Titre original : The Belko Experiment
Réalisateur : Greg McLean
Scénariste : James Gunn
Musique Tyler Bates
Année : 2016
Pays : Usa
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec John Gallagher Jr., Tony Goldwyn, Adria Arjona, John C. McGinley, Melonie Diaz...


L'HISTOIRE : Des expatriés américains qui travaillent dans le building de la Belko Industries à Bogota, en Colombie, se retrouvent confinés sur leur lieu de travail. Soudain, une voix surgit des haut-parleurs internes leur apprenant que vingt d’entre eux devront mourir dans un laps de temps imparti sous peine de représailles fatales. Très vite, une fois la stupéfaction et l’envie de se rebeller passées, une série de choix moraux et meurtriers s’imposeront à la majorité d’entre eux : ils devront jouer le jeu et massacrer le plus de collègues possible ou bien périr en cas d’inaction !


MON AVISOn avait déjà eu des gamins bloqués sur une île où ils s’y entretuaient (Battle Royale), des gens se retrouvant enfermés dans un ascenseur et qui pétaient un câble, c’est le cas de le dire (Devil, Elevator), d’autres qui se retrouvaient dans une sorte de grotte où un inconnu testait de loin leur résistance à la faim (Affamés). Mais on avait eu aussi des individus réunis dans une salle afin de servir de cobayes pour une expérience gouvernementale (Killing room), quand ce n’était pas dans une prison (L’expérience) ou bien dans une espèce de bunker équipé pour une émission télévisée (TV show). Certains ont même été convoqués dans une grande tour d’une multinationale pour un entretien d’embauche et s’aperçurent très vite qu’ils étaient les objets et les sujets d’une sélection plus que mortelle (La méthode). Alors quand on apprit que The Belko Experiment proposait grosso modo un synopsis mélangeant un peu toutes les références énumérées ci-avant, on se dit légitimement qu’on allait assister à un énième huis clos entre des personnages regroupés-là pour s’étriper et n’en sélectionner, au final, qu’un seul : le sempiternel survivant, qu’il soit un homme ou une femme. Aurions-nous eu raison ?

Si The Belko Experiment a été écrit par James Gunn (réalisateur de Horribilis et surtout Les Gardiens de la Galaxie), il a en revanche été réalisé par un spécialiste des genres survival / thriller / épouvante / horreur, à savoir Greg McLean, coupable des deux premiers volets de la franchise Wolf Creek ainsi que de la série éponyme et de Solitaire (eaux troubles). A priori, deux bonnes références. En outre, on retrouve au casting des acteurs comme : Michael Rooker (Henry, Portrait d’un Serial Killer), Tony Goldwyn (Le Collectionneur), John C. McGinley (Identity) ou encore Gregg Henry (Survivance), autrement dit des lascars au faciès qu’on n’oublie pas si facilement ! On se dit alors que ça flaire le survival de bonne facture !

Eh bien pas vraiment, car si Battle Royale (de 2000, déjà !) était en son temps subversif, depuis plus de dix ans, et on l’a vu en introduction, il y a eu pléthore de films de ce type avec des gars enfermés dans un endroit et à qui on demande de s’entretuer ou de se mutiler pour survivre, cf. les célèbres sagas que sont devenues Cube et Saw pour s’en rendre compte ! Bon ok, ce métrage veut dénoncer la nature humaine, l’effet de groupe et le capitalisme comme vecteur d’ascension sociale mais cela manque cruellement de subtilité. On aimerait également plus d'originalité et de cohérence ! Franchement, à l'heure d'Internet et des cellulaires ultra perfectionnés, personne ne va s’apercevoir de l’absence d’un des employés ? Quid des familles ? Des amis ? D’autres entreprises avec qui la Belko traite et il y en a forcément !? Des forces de l’ordre ?

Très bien, tout cela est peu probable, alors on va se contenter des meurtres et autres actes barbares. Mais tout suspense est vite étouffé dans l’œuf puisque la situation ne laissera pas beaucoup d'espoir à nos protagonistes de toute façon : ils sont constamment épiés par les caméras de surveillance et seront abattus à la moindre tentative d’insurrection. Certes, on obtiendra une tuerie assez sanglante mais on aurait pu s’attendre, à juste titre, à un peu plus de jusqu’au-boutisme car ici, les exécutions sont très rapides et n’offrent finalement qu’un jeu de massacre efficace certes, mais allégé. Bref, tout cela aurait gagné en sauvagerie, alors on va se concentrer sur les nombreux rôles secondaires pour nous satisfaire.

Malheureusement, une fois encore le bât blesse car malgré une distribution intéressante, aucun des personnages n'est réellement attachant. Et ceux qui ont des têtes de méchants jouent... les méchants, à une exception près. Rien de très nouveau donc sous le soleil du survival en lieu clos. A l’instar des protagonistes qui se retrouvent prisonniers de leur tour d’immeuble, les spectateurs le sont également d'une histoire qui n'a pas les moyens de ses ambitions.

Si au moins on avait un twist final génial ! Mais même pas, alors on se sera surpris une fois de plus à regarder des gens se faire occire sans vraiment se soucier de leur sort, sur fond de Requiem de Verdi, pour s’apercevoir également que cette bande-son a déjà été utilisée dans Battle Royale ! WTF !

Même s'il ne propose pas grand-chose de nouveau avec son huis clos anxiogène dans un immeuble totalement fermé, The Belko Experiment pourra tout de même satisfaire ceux qui n'attendaient rien d'autre que quelques meurtres sympathiques et gratuits et le plaisir transgressif de l’acceptation de la violence. En revanche, pour ceux qui espéraient une déflagration de violences en tous genres dès lors que c’était admis pour pouvoir survivre et une explication censée quant au but ultime de cette expérience, ils seront, à l’image de votre dévoué chroniqueur, quelque peu frustrés !




Vincent DUMENIL

BECKY (2020)

 

Titre français : Becky
Titre original : Becky
Réalisateur : Jonathan Milott, Cary Murnion
Scénariste : Nick Morris, Ruckus Skye, Lane Skye
Musique Nima Fakhrara
Année : 2020
Pays : Usa
Genre : Survival, Home invasion
Interdiction : -12 ans
Avec Lulu Wilson, Kevin James, Joel McHale, Robert Maillet, Amanda Brugel...


L'HISTOIRE : La vie de Becky, 13 ans, vient de basculer avec la mort de sa mère. Contrariée par devoir passer son week-end avec son père et sa nouvelle compagne, elle va devoir affronter de nouvelles épreuves quand la famille est prise en otage par un groupe de prisonniers évadés, emmenés par le cruel néo-nazi Dominick, qui est à la recherche d'une clé. Les malfaiteurs sont loin de se douter que Becky peut renverser le rapport de forces et faire d'eux ses proies...


MON AVIS En 2014, le duo Jonathan Milott / Cary Murnion réalisent Cooties, l'histoire farfelue d'un mystérieux virus qui frappe une école primaire isolée et transforme les enfants en véritables sauvages. Ce premier film bénéficiait de la présence d'Elijah Wood et d'Alison Pil. Ils enchaînent avec Bushwick et sur 4 épisodes de la série Off Season en 2017 puis reviennent en 2020 avec Becky, un home invasion teinté de survival qui met en vedette une jeune ado de 13 ans qui va devoir gérer un groupe d'évadés de prison qui viennent squatter dans la maison de campagne de son père, résidence secondaire perdue dans les bois évidemment. Il semblerait que les détenus, dont deux gros néo-nazis, connaissent l'endroit puisqu'ils cherchent une clé censée leur ouvrir une cachette a priori. Une cachette dont on ne sait pas du tout ce qu'elle contient au final.

La jeune Becky est interprétée par Lulu Wilson, vue dans Annabelle - la création ou dans la série The Haunting of Hill House entre autres. Les deux méchants néo-nazis sont joués quant à eux par Kevin James et le géant Robert Maillet, ancien catcheur devenu acteur. Un casting plutôt bien en place et qui fait le job pour un film assez banal au final et qui, même s'il remplit agréablement son contrat, ne vient jamais nous transcender. On ne peut pas dire que le scénario fasse en effet dans une grande originalité. La seule subtilité vient du fait que l'héroïne a 13 ans et va se montrer des plus matures pour faire face à une situation dans laquelle la majorité des gens se feraient dessus sans broncher. OK, l'instinct de survie peut faire faire des prouesses mais quand même. Le week-end de Becky va donc devenir un vrai cauchemar et ça démarrait déjà mal quand son père fait débarquer sans la prévenir sa nouvelle compagne accompagnée de son jeune fils.

Car la mère de Becky est décédée d'un cancer il y a un an et la jeune fille n'arrive toujours pas à faire son deuil. Un background un peu larmoyant, qui explique la rage intérieure dont fait preuve la jeune fille. Une fois les détenus ayant pris en otage son père, sa nouvelle compagne et son fils, le film bifurque du drame au home invasion et va s'amuser à distiller une ambiance un peu oppressante tout en malmenant son casting. 

Kevin James, croix gammée tatouée sur le derrière du crâne, la joue gros dur insensible et ne lésine pas sur de petites tortures envers le père de Becky pour que cette dernière lui dise où est cette foutue clé qu'il recherche. La violence graphique apporte un peu de piment et les deux réalisateurs n'ont pas peur d'en faire trop, comme lors de cette séquence un peu too much dans laquelle le néo-nazi en chef se sectionne le nerf optique au ciseau puis au couteau après que Becky lui ai crevé l’œil. Et tout ça sans tomber dans les pommes ! Balèze la race aryenne !

Franchement, même si les effets gores sont bien répugnant ici, j'ai trouvé cette scène assez hilarante vue son manque de crédibilité. La suite se la joue un peu Maman j'ai raté l'avion avec Becky qui utilise tout ce qui lui tombe sous la main pour se débarrasser des méchants. Le coup du gros pistolet à eu rempli d'essence est assez bien trouvé. 

Alors oui, Becky bénéficie souvent d'une belle mise en scène, de bonnes idées visuelles, d'un casting correct et de scènes violentes plutôt sympathiques. Mais à part ça, on ne peut pas dire qu'il y a du nouveau à l'ouest. Rien qui nous fasse nous ébahir, rien qui ne fasse avoir des frissons d'extase. Juste un petit film divertissant en somme, bien foutu mais qui recycle du déjà vu.




Stéphane ERBISTI

BATTLE ROYALE 2 - REQUIEM (2003)

 

Titre français : Battle Royale 2 - Requiem
Titre original : Batoru Rowaiaru 2 - Rekuiemu
Réalisateur : Kinji Fukasaku, Kenta Fukasaku
Scénariste : Kenta Fukusaku, Norio Kida, Koushun Takami
Musique : Masamichi Amano
Année : 2003
Pays : Japon
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Shugo Oshinari, Natsuki Kato, Riki Takeuchi...


L'HISTOIRE : Trois ans se sont écoulés après le premier Battle Royale, les deux uniques survivants Shuya et Noriko sont aujourd'hui recherchés par les autorités. Menée par Shuya, une rébellion juvénile se tapit sur une île, afin de lutter contre les adultes. Le gouvernement japonais décide de créer une nouvelle session de la loi BR intitulée Battle Royale 2. Il décide d'y faire participer une classe de jeunes délinquants ayant pour but de neutraliser le groupuscule de Shuya...


MON AVISOeuvre maîtrisée, à la fois pamphlétaire et ironique, Battle Royale premier du nom fut un film proche de la perfection. Suite à son succès inattendu, Kenji Fukusaku décida de prolonger ce film et d'en donner une suite. Malheureusement ce grand réalisateur japonais s'est éteint durant le tournage et c'est à son fils qu'il délègue la dure tache de prendre le relais.

Les 20 premières minutes du métrage s'apparentent à une forme de remake de l'original : présentation de la nouvelle classe à travers quelques portraits des élèves, dont la fille de Kitano (le professeur du premier), le passage du tunnel, l'arrivée du nouveau professeur, deux exécutions dont un collier qui explose afin de faire adhérer tout le monde au combat, et enfin les fameuses scènes des jets de sac dirons-nous (moins poilantes que dans le premier néanmoins).

Nouvelle édition oblige, les règles sont différentes, cette fois-ci le but n'est plus de s’entre-tuer mais de neutraliser toute la bande de Shuya qui s'est réfugiée sur une île, ce qui explique le choix de cette classe, composée de mauvais élèves, assez déglingués du ciboulot. Bonne trouvaille, c'est le collier qui est ici utilisé en binôme. Organisés par paire (un garçon et une fille) et numéro, si l'un des deux vient à mourir, l'autre meurt tout de suite après, son collier explosant. Une idée malsaine mais qui offre de nombreux intérêts malheureusement trop peu explorés dans le film.

Du point de vue de la réalisation, pas grand chose à en dire. D'une grande efficacité et fluidité, elle se veut maîtrisée, pas de hic de ce côté là. Il suffit de voir la séquence impressionnante du débarquement, qui renvoie directement à celle d'Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg.

Le film pêche surtout par son scénario rempli d'incohérences et de situations improbables. En effet comment des jeunes non expérimentés peuvent-ils survivre aussi longtemps face aux armées ultra entraînées japonaises (elles doivent être mauvaises me direz-vous), cette remarque se ressent énormément vers la fin du métrage où, à trois, ils résistent assez bien à toute une armada, Shuya se prenant bien 6 balles dans tout le film, il est drôle qu'il ne succombe pas à ses blessures.

Autre point qui tâche, les acteurs s'avèrent assez plats dans l'ensemble, et on peine à ressentir une quelconque émotion envers eux, d'ailleurs les scènes où certains avouent leur amour à d'autres ne marchent pas du tout, au contraire du premier épisode où lors de ces scènes l'émotion était vraiment forte.

Simplement deux personnages sortent du lot, Taku et la fille Kitano. Shuya déçoit énormément, alors que dans le premier il s'avérait pacifiste et timide, ici il apparaît comme un gourou qui prône la guerre. Bref pratiquement impossible de s'identifier à lui quand on connaît le personnage du premier film.

Le nouveau professeur joué par Riki Takeuchi (acteur chez le réalisateur Takashi Miike, on a pu le voir dans sa trilogie Dead or Alive), exagère beaucoup trop son jeu avec ses grosses grimaces. On est très loin d'un jeu à la Takeshi Kitano, qui fait ici une apparition très brève mais touchante.

Battle Royale 2 - Requiem est aussi un film jouant sur un sujet assez subversif et osé. Traitant allègrement du thème du terrorisme et de l'anti-américanisme, le discours du film se perd un peu par moments, obligeant toujours le spectateur à choisir un seul point de vue (ici tout est contre les Etats-Unis). Une volonté très louable mais mal employée. Néanmoins on ne peut enlever au fils de Fukusaku qu'il en a une sacrée paire, en parodiant en quelque sorte dès la séquence d'ouverture, le désastre des Twins Towers (n'oubliant pas que le film fut fait peu après les attentats du 11 septembre 2001), et en faisant un réquisitoire acerbe envers les Etats-Unis (le professeur écrivant tous les noms des pays ayant connu des bombardements américains, la fin étant un pied de nez osé).

On peut aussi se poser des questions par rapport au traitement du film : la partie remake du début (allant même jusqu'à utiliser la même musique) est-elle une critique de tous les remakes produits aux Etats-Unis en manque d'originalité ? La reprise presque à l'identique de la séquence d'Il faut sauvé le soldat Ryan est-elle vraiment un hommage au film ? Bref Kenta Fukusaku nous laissera perplexe avec son discours assez bizarre, prônant par moments la violence (il faut voir le degré de violence du film encore supérieur au premier) ou le pacifisme (voir la conclusion du film), en demi-teinte donc.

Inférieur de bout en bout au premier, Battle royale 2 s'avère tout de même un film intéressant, osé et en même temps fascinant. A voir maintenant le travail futur de Kenta Fukusaku pour pouvoir confirmer ses idées sur l'homme.




Anonymous

BATTLE ROYALE (2000)

 

Titre français : Battle Royale
Titre original : Batoru Rowaiaru
Réalisateur : Kinji Fukasaku
Scénariste : Kinji Fukasaku, Koshun Takami
Musique : Masamichi Amano
Année : 2000
Pays : Japon
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Takeshi Kitano, Taro Yamamoto, Kou Shibasaki...


L'HISTOIRE : Dans un futur proche, le Japon traverse une crise sociale sans précédent. Quand la classe de Terminale B de Shuya, Noriko et leurs trente-huit autres camarades se rend en voyage de fin d'année, tout semble aller pour le mieux. Mais au cours du trajet, le bus qui les conduisait à destination est gazé, et les élèves se réveillent sur une île déserte, encadrés par une troupe militaire, un collier électronique passé autour du cou. Le professeur Kitano apparaît et explique aux jeunes gens ce qui se passe : afin de remédier à la perte d'autorité des adultes, le gouvernement a fait passer une loi nommée Battle Royale. Chaque membre de la classe sera doté d'un paquetage de survie et devra se battre à mort contre les autres. A l'issue de trois jours de tueries, il ne devra y avoir qu'un gagnant...


MON AVIS Prolifique et cependant peu connu chez nous, Kinji Fukasaku avait 70 ans lorsqu'il livra avec Battle Royale son 61ème film, le dernier qu'il eût achevé. Un long métrage dont la brutalité, la noirceur et l'énergie firent couler beaucoup d'encre, et qui le feront sans doute encore longtemps, assurant in extremis la notoriété d'un réalisateur chez qui la vieillesse sembla paradoxalement rimer avec une vigueur intacte et une lucidité amère. Loin de se contenter, malgré ses apparences par ailleurs parfaitement assumées, d'un divertissement gratuit et ultra violent, Battle Royale posait en effet, à travers l'outrance folle et pourtant crédible d'une anticipation réussie, un regard pessimiste et radical sur l'évolution d'une société en crise, les comportements qu'elle suscite et leurs (im)possibles issues.

Basé sur un roman scénarisé en compagnie de l'auteur lui-même (lequel avait déjà œuvré à son adaptation manga en plusieurs volumes), Battle Royale bénéficie d'une structure implacable qui est celle même du jeu que Fukasaku montre et dénonce, et qui, poussé à bout, représente un monde de la concurrence que des élèves insoumis doivent intégrer de force, et où tous les coups sont permis pour réussir. Dès son introduction coup de poing, le réalisateur unit d'ailleurs dans un même infantilisme survolté l'hystérie adulte (la journaliste) à l'annonce du gagnant, et celui d'une enfant ayant triomphé dans le sang. La fameuse scène où sont exposées les règles du jeu élève cette absurdité à un point de non-retour. Doté d'un sang-froid désabusé et narquois, Kitano présente, avec le concours d'une animatrice vidéo cyniquement débile, une solution sidérante à la perte d'autorité des adultes - solution qui, bien évidemment, n'en est pas une - et qui porte plutôt le constat d'une société devenue autodestructrice. On tue tout de suite pour se faire obéir et respecter, et on devra tuer pour se faire sa place.

Très vite, le film dévide alors une logique éliminatoire sanglante et rudimentaire. Se fondant sur la peur, la méfiance, l'ambition, le désespoir ou la rancune, la faculté de tuer s'apprend vite. Tueries variées, suicides, renversements de situation abrupts, décompte des morts sur noble fond de musique classique. Une trame narrative qui, outre sa brutalité, véhicule un humour noir et grinçant, et dans laquelle Fukasaku se déplace avec efficace et virtuosité, ménageant sans temps morts les accélérations et les pauses, passant avec aplomb d'un lieu à un autre, avec aisance d'un personnage à un autre, sans jamais perdre le fil, sans jamais se répéter ni ennuyer.

Le plus étonnant est qu'à cette maestria de la violence s'ajoute une qualité rare, celle de camper en quelques traits des caractères convaincants et multiples. Il y a dans Battle Royale plus de quarante personnages, et pratiquement tous, à des degrés de développements certes plus ou moins élaborés, représentent un point de vue, un choix. Sans pour autant viser une psychologie fouillée, c'est à une vue en coupe saisissante que parvient Fukasaku, à l'instar de la photographie de classe qui reviendra à la fin du film.

Au-delà de Kitano, qui représente à lui seul un monde adulte rendu fou par le découragement (loin d'en faire une caricature, Fukasaku le rend également compréhensible), de Shuya, par qui la narration du film a lieu, et de Kawada, qui fera en quelque sorte figure de mentor en sortant Shuya et Noriko de leur innocence parfois niaiseuse, on trouve encore de l'intérêt dans bien des rôles secondaires. Nobu l'incurable, Mitsuko la vicieuse, Chigusa la solitaire, les filles du phare, ces personnages bénéficient souvent d'une scène entière et complète : une personnalité se dessine, un comportement apparaît, le tout se soldant presque toujours par la mort donnée ou reçue. Ce soin porté aux personnages, accentuant d'autant la violence qui les emporte, suscite la réflexion en apportant des contrepoints riches de sens.

Battle Royale est un film à voir et à revoir. Il fait partie de ces œuvres cinglantes dont on risque, par paresse, de ne voir que les traits les plus saillants, que ce soit pour en encenser les extrémités ou au contraire dénigrer le décervelage que ces dernières supposent. Kinji Fukasaku a joué pour finir (sa vie, comme sa carrière de cinéaste) une carte dangereuse, semblant parier sur une puissance d'impact telle qu'elle obligerait le spectateur éberlué à revenir sur son œuvre ultime, ou à l'oblitérer entièrement. Il serait pourtant dommage de s'en tenir qu'à son aspect de jeu de massacre défouloir, car Fukasaku a aussi représenté dans toute son horreur celui qui ne se pose aucune question, prenant le jeu au pied de la lettre : Kiriyama, le volontaire, seul véritable monstre du film.




Stéphane JOLIVET

BARRICADE (2007)

 

Titre français : Barricade
Titre original : Barricade
Réalisateur : Timo Rose
Scénariste : Timo Rose, Ted Geoghegan
Musique : Timo Rose
Année : 2007
Pays : Usa, Allemagne
Genre : Gore
Interdiction : -16 ans
Avec : Raine Brown, Joe Zaso, André Reissig, Manoush, Timo Rose...


L'HISTOIRE : Trois amis, Michael, David et Nina, décident de partir faire une petite randonnée dans la campagne allemande. La journée qui s’annonce calme et romantique, notamment pour Michael qui à la joie d’être en compagnie de Nina, dont il est secrètement amoureux depuis plusieurs années, va rapidement devenir un véritable cauchemar quand le petit groupe se fait agresser par une famille de dégénérés cannibales, déjà à l’origine de nombreux carnages dans la région…


MON AVISTimo Rose n’est pas un débutant dans le domaine du film gore. On peut même dire que ce réalisateur allemand serait à ranger aux côtés de ses compatriotes que sont Andréas Bethmann, Olaf Ittenbach, Jörg Buttgereit ou Andréas Schnaas pour ne citer qu’eux. Pourtant le nom de Timo Rose est bien moins connu que ceux mentionnés précédemment. Il a pourtant à son actif une petite filmographie de plus de 15 long-métrages qui ont tous trait à l’horreur, le fantastique, la science-fiction ou aux trois en même temps. Et tout comme les autres réalisateurs teutons qu’on vient d’évoquer, ses films sont des productions indépendantes à faible budget, qui respirent la passion et l’envie de faire de son mieux pour satisfaire les spectateurs et les fans malgré les contraintes.

Timo Rose possède également plusieurs cordes à son arc : en plus d’être réalisateur, il est aussi acteur, producteur, scénariste, compositeur, et s’occupe même des effets-spéciaux ! Un touche-à-tout débrouillard donc, et dont la notoriété va enfin franchir les limites de son pays grâce au film dont on va parler : Barricade, dont la réputation d’œuvre extrême a traversé les frontières et a même conquit l’éditeur français Uncut Movies qui nous donne la possibilité de voir le film avec des sous-titres français et de nombreux bonus.

La lecture de l’histoire nous annonce clairement que le film ne fera pas dans l’originalité. Un groupe d’amis, un endroit perdu en pleine forêt, et une famille de rednecks cannibales. Des références nous viennent immédiatement à l’esprit, de Massacre à la Tronçonneuse à Détour Mortel en passant par La Colline a des Yeux par exemple. Des spécimens typiques de survival bien violents qui ont marqué les esprits. Evidemment, Barricade souffrira de la comparaison avec ses illustres aînés, que ce soit en termes de réalisation, de rendu d’images, de suspense, d’ambiance. Attention, le film de Timo Rose n’est pas mauvais, bien au contraire, mais il ne peut prétendre rivaliser avec les titres évoqués précédemment. Maintenant, oublions les références et prenons le film pour ce qu’il est : un survival méchamment gore à faible budget.

Méchamment gore, Barricade l’est effectivement, sans toutefois atteindre les sommets promis par sa réputation. Des films comme Black Past ou The Burning Moon restant d’un niveau encore supérieur en termes d’horreur visuelle. Mais on en aura quand même pour notre argent, rassurez-vous ! Acide versé dans les yeux qui vient ronger un visage, viscères sortis du ventre et dégustés à pleine bouche, explosion de tête au fusil, découpage d’un téton et même un plan où vous vous retrouverez à l’intérieur d’un ventre pour mieux voir la main saisir les entrailles de la victime ! Le film vous réserve bien d’autres délires sanglants, et les effets spéciaux sont franchement réussis. L’amateur de barbaque sortira content et repu de la vision du film. La famille de dégénérés est également assez démonstrative et réjouira les fans de personnages exubérants et disgracieux, en particulier la mère de famille, incarnée par l’étrange actrice Manoush, qui n’est pas très rassurante, même lors d’une interview hors film…

Bien sûr, on pourrait comparer Barricade à un simple étalage de scènes gores entrecoupées de séquences de dialogues. Pourtant, on sent que Timo Rose aime ses personnages et ne les a pas mis de côté pour se consacrer uniquement à l’horreur et aux effets spéciaux. La petite romance qu’il installe entre Michael et Nina est très fleur bleue mais s’avère assez touchante, surtout lorsqu’on voit le gabarit de bodybuilder de Joe Zaso, qui joue les grands timides face à une excellente Raine Brown, totalement investie dans son rôle. Raine est, tout comme dans 100 Tears, la révélation de Barricade. Son jeu naturel, sa jovialité, son visage d’ange la rendent parfaitement crédible, passant du statut de jeune femme meurtrie par la vie (divorce et perte de la garde de son enfant) à celui de victime pour enfin prendre son destin en main et retourner la situation à son avantage.

Le reste du casting n’est pas toujours à la hauteur et l’aspect amateur se ressent parfois mais dans l’ensemble, et pour qui sait à quoi s’en tenir lors de l’insertion du film dans le lecteur DVD, ça passe néanmoins assez bien et reste dans la bonne moyenne des films de ce type.
Quant à la réalisation de Timo Rose, elle ne restera pas dans les annales, c’est sur mais il sait tenir une caméra, s’essaie à quelques mouvements sympas, s ‘amuse à mettre des effets sur l’image de types griffures ou stries, donnant une impression de vieille pellicule usée et abîmée, renforçant le côté malsain et sale de l’œuvre. Aucune originalité dans ces procédés certes, mais on sent vraiment une réelle passion pour le genre derrière tout ça, qu’un manque de budget ne parvient pas à transcender. Mais si on ne peut pas enlever quelque chose à Barricade, c’est bien sa sincérité.

Pour qui aime les films à petits budgets qui semblent tournés entre potes mais de manière consciencieuse, pour qui aime voir une belle héroïne crier, hurler, être recouverte de sang et de boue, pour qui aime les excès gores et la tripaille bien étalée au premier plan, le film de Timo Rose vous conviendra parfaitement. Généreux, distrayant, barbare quand il le faut et bénéficiant de la présence radieuse de Raine Brown, Barricade tient la plupart de ses promesses et saura marquer les esprits des plus goreux d’entre vous !




Stéphane ERBISTI

AND SOON THE DARKNESS (2010)

 

Titre français : And Soon the Darkness
Titre original : And Soon the Darkness
Réalisateur : Marcos Efron
Scénariste : Jennifer Derwingson, Marcos Efron
Musique : Tomandandy
Année : 2010
Pays : Usa, Argentine, France
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Amber Heard, Odette Annable, Karl Urban, Adriana Barraza...


L'HISTOIRE Stéphanie et sa copine Ellie parcourent une partie reculée de l'Argentine à vélo, durant leurs vacances. Après une petite dispute au bord d'un lac, les deux amies se séparent. Prise de remord, Stéphanie retourne chercher Ellie mais celle-ci reste introuvable. Comme les cas de disparitions semblent monnaie courante dans le pays, elle alerte la police et va tout faire pour la retrouver...


MON AVIS Avec son titre plutôt accrocheur, And Soon the Darkness semblait de prime abord être un bon thriller jouant avec les codes du survival, la présence de la sublime Amber Heard n'étant pas non plus étrangère à mon intérêt soudain pour ce long métrage que j'ai déniché pour pas cher dans le NOZ de ma région. 

And Soon the Darkness est en fait le remake d'un film anglais de Robert Fuest, datant de 1970, avec Pamela Franklin et Michele Dotrice dans le rôle des deux copines à vélo. Dans le film original, l'action se déroulait en France mais hormis cela, le scénario était rigoureusement le même, dans les grandes lignes. En 2010, pour faire plus exotique et surtout pour bénéficier de conditions climatiques propices à filmer les deux actrices en maillot de bain, on a déplacé le cadre de l'action en Argentine. Ce n'est pas une mauvaise idée, puisque le soleil est effectivement au rendez-vous et que les paysages sont juste sublimes, parfaitement mis en valeur lors des randonnées à vélo de nos deux touristes de charme :  Amber Heard donc, qu'on ne présente plus, joue la blonde un peu réservée et qui a la tête sur les épaules. Odette Annable, vue dans Cloverfield, The Unborn ou diverses séries télévisées, interprète la brune décomplexée, un peu fofolle, qui aime s'amuser et veut profiter un maximum de ses vacances, quitte à passer la nuit avec un ténébreux garçon argentin plutôt qu'avec sa copine trop timide. 

Le film pourrait apparaître comme un peu vieux jeu puisque c'est la brune qui va être kidnappée ! Comme quoi, être prude peut vous sauver la vie mais ça, on le savait déjà depuis 1980 et le premier Vendredi 13

Après une introduction choc qui nous fait comprendre que des jeunes filles se font régulièrement enlevées et torturées dans cette partie du pays, on assiste donc aux péripéties touristiques de nos deux héroïnes : décor de rêve et séance de bronzage au bord d'un lac sont les principales attractions, nous permettant de profiter de la plastique impeccable d'Amber et d'Odette. Et il faut malheureusement avouer que c'est bel et bien le seul réel intérêt de And Soon the Darkness

Bien que correctement mis en scène et joliment photographié, le film de Marcos Efron, dont c'est le premier long métrage, ne cherche jamais à se montrer original ou à éviter les clichés vus et revus, éculés au plus haut point. Pire que tout, le film ne joue jamais avec la notion de suspense et quand il tente de le faire (la libération d'Ellie par Stéphanie), c'est avec une platitude désespérante, platitude qui ne provoque aucun remous chez le spectateur, qui se contente de suivre avec torpeur le déroulement linéaire et prévisible des événements. 

Hostel est déjà passé par là depuis belle lurette, Territoires, Live Animals aussi, et tous les films dans lesquels des jeunes touristes sont kidnappés pour être revendus ou autres joyeusetés nous sont connus. And Soon the Darkness n'apporte absolument rien de neuf à ce thème ultra rabâché et se montre même plus paresseux que ces modèles, que ce soit au niveau de la violence (ultra soft ici) ou de l'originalité des situations proposées. Pour exemple, on se doute dès le départ que le seul flic du coin est de mèche et joue un rôle actif dans les enlèvements, ce n'est pas à nous qu'on va la faire ! Seul le personnage joué Karl Urban nous titille un peu, ne sachant pas de quel côté il est. 

Bref, si And Soon the Darkness se laisse malgré tout regarder paisiblement, si les courbes et le visage angélique d'Amber Heard mérite évidemment une vision, voir un achat du DVD (mais pas plus de 3 euros hein !), surtout qu'elle s'en sort plutôt bien en tant qu'actrice et qu'elle semble prendre un réel plaisir à jouer dans des séries B de genre, ce qui est tout à son honneur, le film lui-même n'a rien d'exceptionnel et ne satisfera que les néophytes n'ayant vu aucun long métrage de ce style. Les autres le trouveront superflu, voir totalement inutile.




Stéphane ERBISTI

THE BACKWOODS (2006)

 

Titre français : The Backwoods
Titre original : Bosque de Sombras
Réalisateur : Koldo Serra
Scénariste : Jon Sagalá, Koldo Serra
Musique Fernando Velázquez
Année : 2006
Pays : Espagne, France, Angleterre
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Gary Oldman, Paddy Considine, Aitana Sánchez-Gijón, Virginie Ledoyen...


L'HISTOIRE Fin des années 70 : en pleine crise conjugale, Norman et Lucy accompagnent un autre couple, Isabel et Paul, au fin fond de l'Espagne. De passage au village, Lucy s'attire la convoitise - malgré elle - des péquenots du coin. Lors d'une partie de chasse, les deux hommes découvrent dans une cabane abandonnée : à l'intérieur, une porte cadenassée, et derrière, une chose terrible qui transformera leur séjour en cauchemar...


MON AVISTout comme l'Angleterre, l'Espagne a su nous offrir de bien belles surprises durant ces dix dernières années, et des nouveaux talents dont on n'a à présent bien du mal à se passer (Alex De La Iglesia, Alejandro Amenabar, Nacho Cerda, Jaume Balaguero…). Les déceptions, ça existe aussi, comme en témoigne par exemple le récent Kilometro 31, présenté au dernier festival de Gérardmer, ou Death Cargo, entre autres…

Après son court multi primé, Le Train Fantôme, Koldo Serra va voir du côté de Filmax pour tourner son premier long-métrage, coproduction franco-anglo-espagnole : ce n'est ainsi pas pour rien qu'on retrouve au casting Gary Oldman, Virginie Ledoyen (qui retrouve le chemin de notre genre de prédilection deux ans après Saint-Ange) et Paddy Considine, jeune acteur anglais en vogue. C'est d'ailleurs ce casting en béton qui constitue l'un des points forts du film : même en dehors du trio pré-cité, tous s'en sortent particulièrement bien. Une bien belle galerie de personnages névrosés, instables, violents et blessés…car oui, Serra a ici tendance au pessimisme et à la noirceur. On ne demande pas mieux pour un film de ce genre.

C'est le sauvetage d'une petite fille aux mains difformes, séquestrée dans une ferme paumée dans la forêt ibérique, qui provoquera, ici, l'arrivée de chasseurs patibulaires, fraîchement débarqués d'un village où les femmes brillent sans doute par leur rareté et où les liens consanguins sont monnaie courante.

Viol (la Virginie y passe, eh oui !), cadre rural, ultra violence, villageois hargneux : faites le lien ; car The Backwoods est un hommage à peine déguisé du Peckinpah Les Chiens de Paille, à tel point qu'on frôle le remake inavoué (voire le pompage ?). On pense également beaucoup à La Traque, lui aussi survival campagnard et nihiliste. 

70's oblige, le spectre de l'Espagne Franquiste plane au dessus de ces paysans dégénérés (la difformité de la petite fille perçue comme un affront à Dieu) : une période douloureuse que la série télévisée Pelliculas Para Dormir cite elle aussi abondamment dans les épisodes Spectre et La faute.

Entre deux chansons de Leonard Cohen (pour le reste, on nous sert une musique tribale assez hors sujet), Serra distille une atmosphère lourde, fait grimper méchamment la tension de temps à autre (l'arrivée des deux abrutis dans la maisonnette), soigne ses images (temps maussade, forêt mystérieuse…). Bref, ça marche, c'est efficace mais pas de quoi se lever la nuit hélas.

Serra ne cherche jamais à faire aussi fort que son modèle, remplaçant le siège de la maison par une virée dans la forêt aux allures de survival. Oldman a beau se débattre comme un beau diable, les autres personnages ne s'autorisent qu'une simple randonnée (bien qu'assez stressante) excepté lors d'un duel sous la pluie aux relents de Western. Le scénario de Serra est finalement d'une grande banalité, au contraire par exemple d'un Calvaire, qui dynamisait un script plus ou moins déjà vu par l'apparition de personnages bien déviants.

Décevant mais pas mauvais pour autant donc : on attendra patiemment ce que Koldo Serra nous réserve pour la suite…




Jérémie MARCHETTI

AUX YEUX DES VIVANTS (2014)

 

Titre français : Aux Yeux des Vivants
Titre original : Aux Yeux des Vivants
Réalisateur : Julien Maury, Alexandre Bustillo
Scénariste : Julien Maury, Alexandre Bustillo
Musique : Raphaël Gesqua
Année : 2014
Pays : France
Genre : Néo-slasher, survival
Interdiction : -16 ans
Avec Anne Marivin, Francis Renaud, Béatrice Dalle, Chloé Coulloud...


L'HISTOIRE : Trois adolescents décident de sécher leur dernier jour de cours afin d’aller crapahuter à travers champs. L’insouciance de la jeunesse et l’appel de l’aventure les amèneront à se réfugier dans les studios du cinéma désaffecté de BlackWoods. Malheureusement pour eux, le lieu n’est pas désert puisqu’y vivent Isaac et son fils, Klarence, d’étranges personnages qui veulent à tout prix que leur secret et leur existence ne soient pas dévoilés. Pour les trois jeunes garçons, c’est le début d’une journée qui s’annonce compliquée…


MON AVIS Un titre énigmatique, des premiers visuels sous forme de dessins type Contes de la Crypte, une affiche tendant vers le survival avec une Anne Marivin en souffrance, des influences comme Stand by Me ou La Colline a des Yeux et une rumeur d’interdiction aux moins de 18 ans. Voici des éléments, fournis au fur et à mesure de la production du film, qui intriguent et qui ne permettent pas clairement de savoir à quoi s’attendre avant la projection du film. On peut avoir du mal à croire qu’un film d’une heure et demi puisse se nourrir de tant d’influences et les recracher avec cohérence si l’on ne connaît pas le duo de réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo. Car oui, toutes ces informations ne sont pas uniquement promotionnelles puisque Aux yeux des vivants intègre réellement différents genres (de la chronique adolescente au slasher/survival en passant par l’épouvante) dans des parties bien distinctes.

Dès le départ, les réalisateurs ne laissent pas planer longtemps le doute sur le côté sauvage du film. A travers ce qu’on pourrait grossièrement qualifier de version inversée et dégénérée de la scène d’introduction du Halloween de Carpenter, le duo de réalisateurs intègrent des idées déjà aperçues dans leurs précédents métrages (la fête d’Halloween, la femme enceinte…) et une violence frontale perturbante afin de mettre en place les personnages de méchants (Klarence et son père) et expliquer leur background de façon simple mais précise dès premières minutes, shootées avec style, qui donnent le ton ! 

Passé l’écran titre, nous faisons la découverte des trois adolescents par qui le malheur va arriver et on entre ainsi dans la chronique adolescente à la Stand by Me. Une partie vraiment plaisante de par la fraîcheur du traitement et de par la nostalgie qui s’en dégage. Les moments de l’adolescence sont finement captés et magnifiés par des paysages bucoliques à couper le souffle. La photographie et le format de l’image choisie permettent de pouvoir admirer les panoramas et de ressentir la chaleur de cet été qui va vite tourner au cauchemar après que les trois jeunes garçons se soient rendus dans les anciens studios de cinéma de BlackWoods où ils vont tomber sur Klarence et son père, deux êtres étranges peu enclins à laisser s’échapper nos jeunes héros surtout après que ces derniers aient vu leurs secrets. Klarence, d’ailleurs, dont l’apparence physique ne sera dévoilée que petit à petit au fur et à mesure du film, laissant le temps au spectateur de sentir l’angoisse monter. Bien sûr, le procédé est connu mais il fonctionne parfaitement ici grâce à de bonnes astuces de mise en scène.

Après cela, le film bascule vers un style slasher plus conventionnel. On regrette d’ailleurs que l’histoire ne continue pas dans les superbes décors de Blackwoods et qu’elle se déroule ensuite aux domiciles des jeunes gens dans lesquels Klarence va venir les traquer. Une déception vite mise de côté dès les premiers rebondissements en ces nouveaux lieux. Afin d’éviter de trop vous spoiler, passons sur les détails de l’histoire et concentrons-nous sur l’approche du genre par les réalisateurs. En effet, Maury et Bustillo, afin de continuer à maintenir la cohérence du projet, ont décidé de jouer avec nos peurs enfantines. Ainsi, la peur du noir, des clowns ou du monstre caché sous le lit seront des leviers (parmi tant d’autres) utilisés par les réalisateurs pour faire monter la pression et prévenir de l’arrivée de la menace. Même si les ficelles pourraient paraître éculées (le coup de la chatière) ou déjà vues (le passage du clown rappelle un des segments du film à sketch Amusement), ses moments font monter la pression et leur réussite tient justement au traitement choisi par Maury et Bustillo. A l’instar de James Wan avec Conjuring, dans Aux Yeux des Vivants, les terreurs nocturnes ou les légendes urbaines (celle de la babysitter notamment) ne sont pas utilisées par facilité scénaristique mais pour une réappropriation totale et même pour une sorte d’hommage au cinéma d’épouvante et à toutes ces histoires qu’on a pu entendre étant gamin et qui nous terrorisaient. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si un des jeunes héros du film lit une bande dessinée intitulée Bedtime Stories rappelant furieusement les Tales from the Crypt qui regroupaient de courtes histoires souvent horribles et cruelles.

Le film alterne ces moments de pure épouvante avec des passages gore, d’une grande violence graphique et aux effets spéciaux réussis. Bon, honnêtement pas de quoi demander une interdiction aux moins de 18 ans mais il y a quand même quelques mises à mort bien corsées ! Les apparitions du méchant sont toujours stressantes et son style à la fois souple et brutal en fait un prédateur redoutable. On pourra reprocher au métrage des incohérences inhérentes au genre comme par exemple le fait que certains personnages s’écroulent facilement alors que d’autres encaissent au-delà du possible ainsi qu’une gestion du temps pas toujours très crédible mais hormis cela, le tout tient la route et fait preuve d’une grande efficacité notamment grâce la mise en scène mais aussi grâce à l’excellente musique et au jeu des acteurs. Le final, porté par Anne Marivin, Theo Fernandez, Francis Renaud et Fabien Jegoudez est d’excellente facture. Utilisant en sa faveur les clichés (l’humanité des méchants) ou en les détournant (le moment où le personnage d’Anne Marivin braque Klarence et son père), la conclusion est aussi réussie que peu joyeuse et surtout pas du tout cynique.

Comme pour leurs deux précédents métrages (A l’intérieur et Livide), Maury et Bustillo ont réussi à créer un univers passionnant et cohérent dans lequel ils ont intégré de bien belle manière certaines idées d’œuvres qu’ils ont aimées afin de se les réapproprier. Les détracteurs du duo pourront (une nouvelle fois) leur reprocher le côté schizophrène de l’entreprise et le mélange des genres pas toujours homogène mais au-delà de ça, Aux yeux des vivants est une très belle œuvre, autant plastique que scénaristique et une superbe déclaration d’amour aux films d’épouvante et aux productions Amblin des 80’s. Entre les paysages et décors magnifiques de la première partie, l’habilité du suspense de la seconde et une réalisation globale de haut standing, difficile de bouder son plaisir devant une œuvre si techniquement aboutie, gore, jouissive, flippante et surtout, si généreuse.




Sylvain GIB