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ACHOURA (2018)

 

Titre français : Achoura
Titre original : Achoura
Réalisateur : Talal Selhami
Scénariste : Jawad Lahloun, Talal Selhami, David Villemin
Musique : Romain Paillot
Année : 2018
Pays : France, Maroc
Genre : Diable et démons
Interdiction : -12 ans
Avec Sofiia Manousha, Younes Bouab, Omar Lotfi, Iván González, Moussa Maaskri...


L'HISTOIRE : Jouant à se faire peur, Nadia, Ali, Samir et Stéphane se rendent dans une demeure condamnée, réputée maudite. L'un d'eux, Samir, disparaît dans des circonstances mystérieuses, enlevé par un inconnu. Les trois survivants refoulent le souvenir de ce qui s’est passé, jusqu'à ce que Samir ne réapparaisse 25 ans plus tard. La bande recomposée va devoir se confronter à son passé et affronter leur peur...


MON AVIS Le Franco-marocain Talal Selhami a déjà fait parler de lui en 2010 avec Mirages, un film qui jouait déjà avec la notion de peur refoulée, de peur relevant de l'enfance. En 2018, il fait son retour avec Achoura, le premier film fantastique filmé au Maroc, ouvrant ainsi les portes de ce pays au cinéma de genre. Pour l'histoire, il puise dans une fête musulmane aux origines juives, l'Achoura, qui voit la rencontre de Mahomet, le 10 de Muharram, avec un rabbin jeûnant pour Yom Kippour en souvenir de la traversée de la mer Rouge et de la déroute des armées de Pharaon emportées par les flots. Le Prophète a surenchéri en décrétant 2 jours de jeûne à la mémoire de Moïse, reconnu comme prophète par l’islam. De génération en génération, les flots de la mer Rouge se sont « transformés » en douche forcée dans la rue, le second soir de l’Achoura. À cette occasion, les démunis et les enfants reçoivent des cadeaux. Le premier soir est une fête normale mais le second soir, la tradition veut que les enfants aspergent d’eau les passants ! C'est pour ça que cette fête est également appelée la nuit des enfants au Maroc. Si vous avez lu le résumé du synopsis ci-dessus, impossible de ne pas penser au récit d'un certain Stephen King n'est-ce pas ?

Le fait que de jeunes enfants ont affronté quelque chose de mystérieux et que cette chose reviennent les hanter une fois adulte, les obligeant à reformer le petit groupe de leur enfance, nous rappelle bien évidemment la structure du terrifiant Ça, qui s'est vu par deux fois adapter au cinéma. Clin d'œil voulu ou pure coïncidence de la part du réalisateur ? Toujours est-il qu'on y pense à la vision d'Achoura, sans que cela ne soit (trop) préjudiciable au film. La structure même du récit alterne scènes du présent avec séquences du passé. Dans ces dernières, les jeunes acteurs choisis font correctement le job et se montrent attachants. La disparition du petit Samir, frère d'Ali, va profondément les marquer, à tel point que ce dernier n'arrêtera jamais de tenter de retrouver son petit frère. Devenu inspecteur de police, Ali (Younes Bouab) met sa vie de côté pour mener à bien cette quête, qui va prendre fin plus de 25 ans plus tard, lors d'une séquence forte en émotion.

Plusieurs zones d'ombre sont laissées volontairement par le scénario et c'est petit à petit qu'elles vont s'éclaircir, nous apportant des détails, des indices, avec les flashbacks notamment. On se pose par exemple des questions quand on découvre cet homme retenu prisonnier dans un immeuble abandonné, la bouche muselé par un mors de cheval. La thématique des peurs de l'enfance, le fait de devoir les affronter étant adulte est clairement mis en avant ici et prend l'apparence d'une entité maléfique dont le design est plutôt bien travaillé. Le démon mangeur d'enfants, qui est potentiellement un Djinn (?), assurera sans difficulté le côté fantastique d'Achoura, qui ne s'aventure jamais dans les sentiers de l'horreur viscérale et démonstrative mais préfère flâner avec un fantastique plus feutré la majorité du temps. Les acteurs adultes, une fois réunis, vont donc devoir tenter de survivre face au démon et ils devront faire certains sacrifices pour y parvenir.

Talal Selhami n'oublie pas l'aspect émotionnel de son film et certaines scènes sont touchantes (les retrouvailles entre Samir et Stéphane entre autres). Au niveau des effets-spéciaux, ceux-ci sont de qualité pour la plupart d'entre eux, avec quelques bémols sur des CGI un peu voyant. La mise en scène et la superbe photographie sont à l'avenant et le film possède une belle patine. On trouvera peut-être juste dommage que le fait qu'Achoura ait été tourné au Maroc ne se voit pas tant que ça, le film possédant un rendu très américain au final. En tout cas, si vous avez aimé le Kandisha du duo Bustillo / Mauro, n'hésitez pas à vous plonger dans Achoura, vous devriez tout autant apprécier. Le rythme est assez soutenu, les images sont belles et même si l'histoire lorgne un peu trop vers Ça comme déjà dit, le film de Talal Selhami a des qualités qui en font un divertissement fort recommandable.


Stéphane ERBISTI