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L'ANGE DE LA VENGEANCE (1981)

 

Titre français : L'Ange de la Vengeance
Titre original : MS. 45
Réalisateur : Abel Ferrara
Scénariste : Nicholas St. John
Musique : Joe Delia
Année : 1981
Pays : Usa
Genre : Rape & revenge
Interdiction : -16 ans
Avec : Zoe Tamerlis, Steve Singer, Jack Thibeau, Peter Yellen, Darlene Stuto...


L'HISTOIRE : Jeune couturière muette à peine âgée d'une vingtaine d'années, Thana vit seule, sans fiancé ni famille, et sans cesse harcelée par une logeuse insupportable. Après une journée de travail, elle se fait violer dans la ruelle glauque d'un quartier chaud de New York. Dur dur, surtout que l'affreux tortionnaire lui fait la promesse de revenir très bientôt. Mais à peine le seuil de sa porte franchi que Thana tombe nez à nez avec un cambrioleur, qui la viole à son tour. La jeune victime l'assomme puis le massacre à coup de fer à repasser… Une nouvelle vie cauchemardesque débute pour Thana...


MON AVISEn 1981, soit deux ans après Driller Killer, Abel Ferrara passe à la vitesse supérieure avec le culte L'Ange de la Vengeance, film choc que les ligues féministes extrémistes doivent se repasser en boucle, le slogan présent sur certaine affiche originale, ça ne va plus être longtemps un monde d'hommes, devant fièrement trôner dans leur salle de réunion ! La maturité dont fait preuve le réalisateur au niveau de sa mise en scène fait des merveilles, là où son film précédent se cherchait encore et revêtait parfois une approche un peu expérimentale et brouillonne, malgré des fulgurances visuelles bien présentes. Ici, tout est fluide, net, direct, sans bavure ni lourdeur, tel un uppercut que le public se prend en pleine face. Je ne sais pas si c'est le succès mondial du film Un Justicier dans la Ville avec Charles Bronson qui a inspiré Ferrara pour ce film, ou bien encore le traumatisant Œil pour Œil de Meir Zarchi (1978), toujours est-il que L'Ange de la Vengeance est le parfait mélange des deux, un rape & revenge mixé avec un vigilante movie qui procure un indéniable plaisir jubilatoire, vision après vision.

L'actrice qui interprète le rôle difficile de Thana, cette jeune muette victime d'un double-viol et qui va devenir un ange exterminateur arpentant les rues de New York pour dézinguer du mâle avec son pistolet de calibre 45, se nomme Zoë (Tamerlis) Lund et elle n'avait que 17 ans à l'époque du tournage. C'est assurément le rôle de sa vie, elle n'a d'ailleurs pas fait une grande carrière par la suite, sa filmographie ne comprenant que dix entrées, dont quelques épisodes de séries-télévisées. Elle rédigera néanmoins le scénario de Bad Lieutenant pour Ferrara en 1992 et jouera un petit rôle dedans. C'est étonnant tant l'actrice dégage un charme, une assurance, un charisme indéniable, que ce soit en tant que victime ou en tant que pourfendeuse du machisme. Tout le film repose sur ses frêles épaules et on ne peut nier que le choix du réalisateur s'avère plus que payant. Véritablement sordide, le destin de cette malheureuse employée d'un atelier de couture, qui est muette donc, ce qui rajoute à sa grande timidité, va bifurquer dans la folie après qu'elle ait subit deux viols dans un très court intervalle et dans la même journée. Son mutisme est une aubaine pour les violeurs évidemment. Si le premier viol dans une ruelle par un homme masqué (Abel Ferrara lui-même) est présenté de manière assez rapide, le second s'attarde plus sur les expressions de visage du violeur et de la violée, et provoque un certain malaise. On a envie que Thana en réchappe, et Ferrara nous donnera satisfaction, le violeur étant tué à coup de fer à repasser.

Malheureusement, deux viols et un meurtre ne peuvent qu'avoir une répercussion négative sur le psychisme de la victime. Thana se renferme encore plus sur elle et ne supporte plus le regard des hommes, ne supporte plus les contacts avec la gent masculine. Le réalisateur en rajoute dans l'abjecte en faisant démembrer le violeur par son héroïne, unique moyen pour elle de se débarrasser du corps. Petit à petit, Thana prend de l'assurance, s'endurcit, se transforme. De jeune fille ultra-timide, craintive, elle devient une femme méthodique, posée, sur d'elle. Elle s'habille en femme séduisante, met du rouge à lèvres pour attirer le regard des hommes. 

Cette métamorphose s'effectuant sur une base malsaine, notre jeune chrysalide, au lieu de devenir un gentil papillon, va se muer en mante religieuse implacable et déterminée à faire que ce qu'elle a vécu ne se reproduise plus. La solution : éradiquer la gent masculine, sans réel distinction. Pour Thana, tout homme représente un potentiel danger. Armée du pistolet calibre 45 du second violeur, elle va chasser, traquer les mâles un peu trop engageant, les attirant par ses tenues provocantes et sexy, son maquillage, pour mieux les abattre froidement. La scène du parc, dans laquelle Thana est au milieu de cinq hommes menaçants, voyous de seconde zone dont les intentions vis à vis d'elle semblent claires, est mise en scène avec un réel brio. Malgré son aspect malsain, L'Ange de la Vengeance possède tout de même un peu d'humour, représenté par cette voisine exubérante et le petit chien de cette dernière, auquel Thana n'hésite pas à donner des morceaux du cadavre qu'elle a passé à la moulinette en guise de repas !

Jamais ennuyeux, le film progresse à son rythme, hypnotisant le spectateur avec sa bande sonore et son saxophone criard et va se conclure sur une séquence anthologique, qui nous rappelle celle du final de Carrie au bal du Diable. Motivé par son patron et ses collègues, Thana accepte d'aller à une fête d'Halloween organisée par le salon de couture où elle travaille. On sait que Ferrara est très croyant et que la Foi et la religion font parties intégrantes de ses films. Il revêt donc Thana d'un costume de nonne et envoie son ange vengeresse accoutrée de la sorte pour le plus grand plaisir des fans de cinéma Bis qui écarquillent grand les yeux devant cette sublime beauté portant bas et porte-jarretelles sous son habit de bonne sœur ! Devant le jeu ambigu de son patron, qu'on pense pourtant être homosexuel, Thana sombre alors dans une furie dévastatrice et exécute implacablement les hommes présents à la fête, le tout filmé au ralenti pour un rendu proprement hallucinant, quasi onirique. Une séquence mythique, qui mérite à elle seule la vision de ce petit classique qui n'a rien perdu de sa force et de son intensité. 

L'empathie que Ferrara offre à son héroïne, malgré ses agissements, se ressent dans chaque image, chaque plan qu'il filme d'elle. Film emblématique dans la filmographie du réalisateur, L'Ange de la Vengeance remue les tripes et s'avère sans concession. Incontournable.



Stéphane ERBISTI

THE ADDICTION (1995)

 

Titre français : The Addiction
Titre original : The Addiction
Réalisateur : Abel Ferrara
Scénariste : Nicholas St. John
Musique : Joe Delia
Année : 1995
Pays : Usa
Genre : Vampire
Interdiction : -12 ans
Avec Lili Taylor, Christopher Walken, Annabella Sciorra, Edie Falco...


L'HISTOIRE : Brillante étudiante en philosophie à l’Université de New York, Kathleen prépare activement sa thèse de doctorat. Un soir, elle croise sur son chemin une étrange et séduisante femme qui la conduit de force dans une impasse avant de la mordre au cou. Bientôt, Kathleen va développer un appétit féroce pour le sang humain qu’elle assouvira en attaquant ses proches ou des inconnus...


MON AVIS Le roi du cinéma New-Yorkais 80's, Abel Ferrara, auteur de bombes telles Driller Killer, L'Ange de la Vengeance, New York 2h du matin, China Girl, The King of New York ou Bad Lieutenant décide de s'attaquer au film de vampire en 1995 avec The Addiction. Un film que le réalisateur parvient à monter grâce à l'appui de son équipe technique et du casting retenu, qui acceptent tous de ne pas être payés durant le tournage, ne touchant un salaire qu'une fois le film exploité en salles. Le titre même choisi par Ferrara, The Addiction, sonne d'entrée de jeu comme étant métaphorique, du moins pour les spectateurs connaissant son univers et son addiction à la drogue et à l'alcool. Une impression qui se confirmera à la vision de ce film unique, une référence dans sa filmographie.

Filmé dans un somptueux noir et blanc, du à l'un de ses directeurs de la photographie préféré, Ken Kelsch, interprété par des acteurs convaincants, dont une incroyable Lili Taylor et les charismatiques Christopher Walken et Annabella Sciorra entre autres, The Addiction dépeint le vampirisme comme une maladie, une dépendance totale, de celle qu'on peut ressentir en étant accroc à la came comme le précise Abel Ferrara lui-même. A l'image de Moi, Zombie, Chronique de la douleur d'Andrew Parkinson, qui nous fera vivre en 1998 le calvaire d'un homme qui se voit devenir un zombie et dépérir chaque jour un peu plus, The Addiction nous présente la déchéance de Kathleen, physique et morale, après que celle-ci se soit fait mordre par une sublime femme qui s'avère être un vampire. Crampe d'estomac, nausée, et surtout une soif de sang continue, une faim qui vous lacère l'estomac, vous vrille le cerveau, vont continuellement assaillir notre pauvre étudiante qui ne sait pas comment gérer sa nouvelle condition, cette nouvelle vie qu'on lui a imposé.

Cette dépendance, vitale, est l'un des sujets principaux du film mais d'autres thématiques vont venir se greffer petit à petit au fur et à mesure de l'évolution de Kathleen et de son rapport à la faim et à sa condition de vampire, telles l'éternité, la vie, la mort, notre rapport au Bien et au Mal, la condition humaine, la repentance, la désintoxication, la résurrection et j'en passe. Certains pourraient qualifier The Addiction d'oeuvre intello tant les pensées et les dialogues philosophiques sont nombreux au sein du film, qui pose énormément de questions d'ordre universel. On sent que le scénariste, Nicholas St. John, ami fidèle d'Abel Ferrara, avait beaucoup de choses personnelles à faire resurgir à travers cette histoire et que l'angle vampirique lui a permit de traiter des sujets qui lui tenaient à cœur, comme la rédemption ou la place de la Foi et de la religion, une constante dans le cinéma de Ferrara également. L'ultime séquence et surtout la dernière image du film sont très marquantes à ce niveau.

Toutes ces allusions philosophiques n'empêchent pas le film de se montrer totalement hypnotisant, même s'il pourra en rebuter certains, de par son approche tellement autre. Nous ne sommes clairement pas dans un film de la Hammer avec Christopher Lee ici. Ni même dans un divertissement pour tout dire. Film d'auteur, oui, film chiant, non. Si on se laisse prendre par la main, Ferrara nous embarque avec lui et ce voyage, spirituel, visuel, sensoriel également, fera mouche à coup sûr. Ponctué de séquences chocs mais qui ne misent pas sur le sensationnalisme, d'une direction d'acteurs impeccable (la séquence avec Christophe Walken est épatante), d'une mise en scène quasi poétique et très inspirée, et donc d'une photographie à tomber, The Addiction est à placer très haut dans la filmographie d'Abel Ferrara, qui livre ici un film métaphorique de haute voltige. Saisissant.




Stéphane ERBISTI