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BASIC INSTINCT 2 (2006)

 

Titre français : Basic Instinct 2
Titre original : Basic Instinct 2
Réalisateur : Michael Caton-Jones
Scénariste :  Leora Barish, Henry Bean
Musique : John Murphy
Année : 2006
Pays : Usa, Angleterre, Allemagne, Espagne
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Sharon Stone, David Morrissey, David Thewlis, Charlotte Rampling...


L'HISTOIRE : La voiture dans laquelle se trouve Catherine Tramell et son compagnon, le footballeur Kevin Franks, fait une embardée et plonge dans la Tamise. Suspectant la romancière d'être directement responsable de la mort de son passager, le commissaire Roy Washburn, demande une évaluation psychiatrique au docteur Michael Glass. Celui-ci se rend compte que Catherine est accroc aux risques. Néanmoins, elle est acquittée. Peu de temps après, elle se rend au cabinet du docteur Glass, lui disant avoir pris conscience de son comportement dangereux. Entre eux d'eux commence un jeu de séduction...


MON AVIS Faire une suite au thriller sulfureux et violent de Paul Verhoeven était une gageure. Le premier film était tellement chargé en sexualité (d'après le scénario du spécialiste du genre, l'obsédé Joe Eszterhas qui signa Sliver, ShowgirlsJade) que forcément la comparaison est de prime abord peu flatteuse pour ce Basic Instinct 2

Sur le plan formel, la réalisation de Michael Caton-Jones se contente du minimum syndical et est très en deçà de la hargne du réalisateur hollandais. Fort heureusement, le scénario et les dialogues sont plus alambiqués qu'à l'accoutumée et viennent à la rescousse d'un film que la plupart des critiques se sont empressés d'incendier. On n'est guère surpris que le réalisateur canadien, David Cronenberg se soit intéressé à ce projet, tant le film est rempli de symboles chers à ce grand artiste.

Dès la scène d'introduction, on retrouve le thème de l'acte sexuel commis dans une voiture qui roule à grande vitesse (n'étant pas sans rappeler le thème de Crash). Par la suite, la toujours sexy Sharon Stone s'amuse à manipuler un psy sous le charme d'une personnalité aussi forte et envahissante. Malgré les mises en garde de sa collègue, la psy Milena Gardosh (Charlotte Rampling, impériale dans un second rôle), le Docteur Michael Glass [note : remarquez le jeu de nom faisant référence au partenaire de Sharon dans le premier opus, Michael Douglas] va progressivement lâcher prise et se laisser aller dans un univers plus trouble et sombre.

Chaque apparition de Catherine Tramell fait monter la pression d'un cran. Elle apparaît omniprésente. L'interprétation de David Morrisey est plus que satisfaisante, correspondant bien à ce que sont les psy. Sa froideur apparente est donc logique, et il n'est à aucun moment envisagé de copier le personnage volcanique de Michael Douglas. Cette suite se démarque donc par une ambiance moins hitchcockienne et par la découverte d'un milieu interlope (partouzes, scènes SM, vendeur de drogue) et aussi une influence post Seven lors de la découverte des meurtres.

Excessivement pervers et manipulateur, le scénario est largement plus évolué que celui du premier volet, mais comme Hannibal l'a été pour Le Silence des Agneaux, il aurait certainement été de l'intérêt des producteurs de lui trouver un autre titre : Risk Addiction par exemple. Car le spectateur lambda s'attend logiquement à retrouver du cul et de la violence, avec même de la surenchère comme l'exige les suites habituelles. Sur ces deux points, il s'avérera déçu : une seule scène véritablement graphique, et des scènes de fesses éparpillées dans le film et qui ne s'éternisent pas. L'échec du film au box-office n'est donc pas une énorme surprise, vu la promotion faites à base de scènes coupées (visionnables aisément sur Internet) .Pourquoi avoir aussi coupé la scène de triolisme incluant la française Anne Caillon ? Autant d'erreurs commises dans la promotion du film, sans oublier la frilosité des producteurs dans une époque marquée sous le sceau du puritanisme.

Les dialogues se révèlent volontairement drôles où fortement chargés d'humour noir [Ex : le psy qui dit à Catherine : Ce n'est pas moi qui vais être inculpé pour meurtres.La réponse de Catherine est ambiguë : Pas encore.] Placée au début du film, cette réplique trouve une réponse dans la conclusion finale qui peut être aboutir à deux conclusions différentes. Plein de clins d'œil sont faits au premier Basic Instinct :on trouve des jeux de miroirs avec le film de Verhoeven : la scène de l'interrogatoire, le pic à glace…

L'idée de mélanger la fiction du dernier roman de la romancière dans la dernière partie de Basic Instinct 2 avec des événements réels provoque pas mal d'interrogations, jouant sur la manipulation du spectateur comme prisonnier d'un labyrinthe : Quels sont les faits réels ? Ceux racontés par Catherine Tramell dans son livre ? Ou ce que suppose le docteur Glass ? Ce dernier est peu aidé par un entourage aux comportements peu recommandables : un flic qui manipule les indices, un journaliste prêt à tout pour dénicher un scoop, une ex femme trop bavarde…

Si le jeu de Sharon Stone oscille entre la caricature et d'autres passages où son jeu se fait plus animal, Basic Instinct 2 vaut d'abord pour un scénario incroyablement bien écrit. Ainsi qu'à des décors choisis pour refléter la personnalité de leurs propriétaires: un cabinet lumineux pour le Docteur Glass aux antipodes de l'antre de Catherine Tramell plus sombre et torturé.

Placer l'action de cette séquelle dans l'univers de la jet-set londonienne et de la psychanalyse (le bâtiment phallique du docteur Glass !) était une bonne idée. Pas forcément exploité de manière satisfaisante, la faute à un manque de rythme évident, mais qui contentera les amateurs de manipulation mentale. Ceux qui s'attendent à un nouveau thriller érotique devront par contre passer leur chemin ou attendre l'inévitable version non censurée lors de la sortie du DVD.




Gérald GIACOMINI

BALADA TRISTE (2010)

 

Titre français : Balada Triste
Titre original : Balada Triste de Trompeta
Réalisateur : Alex de la Iglesia
Scénariste : Alex de la Iglesia
Musique Roque Baños
Année : 2010
Pays : Espagne, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Santiago Segura, Antonio de la Torre, Javier Botet, Fernando Guillén Cuervo...


L'HISTOIRE : Javier, orphelin depuis que son père fut tué pendant la Guerre d'Espagne, intègre un cirque pour devenir le clown triste de la troupe, comme le veut la tradition familiale. Il fait la connaissance d'un panel de personnages atypiques, dont la belle Natalia, femme de Sergio, le clown auguste, alcoolique et violent. Mais en tombant sous le charme de la jeune femme, Javier ne se doute pas des ennuis que cette dernière va lui attirer...


MON AVISAprès un Crime à Oxford d'excellente facture (si tous les thrillers venus des USA étaient de cette qualité...), mais bien loin de son univers, Alex de la Iglesia revient en quelque sorte à ses amours avec un film que l'on peut considérer comme un film somme de son oeuvre. Un de ces long-métrages qui nous réconcilient avec un certain type de cinéma , celui de l'outrance, de l'originalité, de l'intelligence, de la démesure et de l'humour noir comme un morceau de charbon.

Le pitch est insensé, la manière de le mettre en images est excessif, déraisonnable, extravagant. Le mélange des genres y culmine à un niveau rarement atteint, drame, humour acide, horreur, une touche de fantastique, un arrière-plan historique. Tout cela se brassant avec la gouleyante virtuosité des meilleurs assemblages de cépages vinicoles.

Par son parti pris même, Balada Triste aurait pu être un foutoir dénué de sens, une cacophonie inaudible ; c'est sans compter sur la fougue, quasiment frénétique, de De La Iglesia pour faire accroire à son extravagante histoire. Quel rythme ! Quelle jubilation !

Balada Triste c'est un indubitable amour des petites gens, des moches, des sans-grade, des freaks, de ceux dont la vie semble écrite pour être, de bout en bout, un long chemin de croix. Un terrible besoin de reconnaissance, d'amour, un besoin inexorablement anéanti par la bêtise, l'absence d'empathie des autres. Le réalisateur déroulant son pessimisme habituel en le cachant derrière un cynisme et un humour noir jubilatoire tout aussi habituels dans sa filmographie, mais portés à un échelon supérieur.

Si les références abondent, elles sont passées à la moulinette de la vision du réalisateur. On pense au Freaks de Tod Browning, au Labyrinthe de Pan par son arrière plan Franquiste, schisme de l'histoire et de la population espagnole dont il semble bien que ce soit encore un passé qui ne passe toujours pas. On pense aussi fortement à un autre frappé du bulbe cinématographique, le dénommé Alejandro Jodorowsky et notamment Santa Sangre, film se passant aussi dans l'univers du cirque. On pense enfin et surtout que De la Iglesia tutoie une certaine forme de maestria dans son art avec cet oeuvre à nulle autre pareille.

Cependant, à n'en pas douter, Balada Triste trouvera ses contradicteurs. Ceux que le style, la pagaille organisée du réalisateur ont déjà dérangés dans ses précédents opus. Ceux là feront certainement grise mine, ils se trouveront confortés dans leur opinion. Trop de tout, de choses survolées, peu de synthétisation de l'action, de l'intrigue et des ellipses plus grosses que des sumotoris atteints d'hypertrophie glandulaire. Les autres seront, a priori, aux anges et suivront avec délices les pérégrinations des personnages, comme l'on suit l'enterrement d'un vieil ennemi occis par un virus purulent : avec jouissance.

Quand un film parvient à nous tenir en haleine, à nous faire passer par des émotions aussi contradictoires que la joie et la peine, le rire et les pleurs, que la réalisation est maîtrisée, que les acteurs sont excellents, que l'on ne voit pas passer le temps, qu'une fois sortis de la projection on garde des images dans son esprit et son cœur pendant un bon moment. Quand il y a tout cela, c'est que l'on est en présence d'une de ces œuvres singulières qui marque le cinéphage assoiffé de différences, que l'on est devant un grand film.

M.De la Iglesia, vite un autre !

Balada triste de trompeta
por un pasado que murio
y que llora
y que gime
como llooooooraaaaa




Lionel JACQUET

L'AFFAIRE DE LA FILLE AU PYJAMA JAUNE (1977)

 

Titre français : L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune
Titre original : La Ragazza dal Pigiama Giallo
Réalisateur : Flavio Mogherini
Scénariste : Flavio Mogherini, Rafael Sánchez Campoy
Musique : Riz Ortolani
Année : 1977
Pays : Italie, Espagne
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Mel Ferrer...


L'HISTOIRE : Le corps d'une femme atrocement mutilé au visage et calciné est retrouvé dans une épave de voiture sur la plage. Les deux inspecteurs chargés de l'enquête se voient assister par Thompson, un vieil inspecteur à la retraite. Dans le même temps, Glenda Blythe tente de gérer sa vie, tiraillée entre son fiancé Antonio et les autres hommes avec qui elle fait l'amour, dont Roy Conner et le professeur Henry Douglas...


MON AVISDans les années 30 en Australie, un sordide fait divers a retenu l'attention des habitants : le corps d'une femme au visage calciné a été retrouvé et afin de parvenir à l'identifier, l'inspecteur chargé de l'enquête a eu l'idée d'exposer le cadavre dans un container de verre afin de le montrer au public, espérant qu'un détail corporel soit identifié par un spectateur. 

Un procédé qui n'a pas porté ses fruits mais qui s'est montré suffisamment original pour que le réalisateur Flavio Mogherini et le scénariste Rafael Sánchez Campoy décide de s'en servir dans un film. C'est donc en 1977 que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune va utiliser ce drame, transposé dans les 70's. Le titre du film joue évidemment avec un genre qui connaît un énorme succès en Italie : le giallo. Pourtant, l'oeuvre de Flavio Mogherini n'en est pas vraiment un même s'il flirte avec les standards du genre. Mais les amateurs pensant avoir affaire à un mystérieux tueur vêtu de noir en seront pour leur frais, le film tirant beaucoup vers le film policier classique. 

Filmé en partie en Australie et bénéficiant d'un casting international, L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune juxtapose deux histoires, celle de l'enquête concernant le meurtre et la vie tumultueuse de la jolie Glenda (Dalila Di Lazzaro). On navigue sans cesse entre l'une et l'autre, se demandant qu'elle est le rapport entre les deux. C'est ce qui m'a séduit dans ce film dont je n'ai compris les rouages qu'au bout d'une heure, lors de la révélation faite par Ray Milland. Astucieux, cet entremelage de personnages et de genre (l'enquête policière est contrebalancée par la vie amoureuse compliquée de Glenda, qui fait dériver le film vers le mélo dramatique parfois) permet à L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune de se démarquer de la mouvance giallesque justement, en essayant de proposer quelque chose de différent et de ne pas se contenter de répéter les clichés d'un genre en fin de vie, la faute à une profusion de titres dupliquant une même recette. 

Ce procédé d'entrecroisement ralentit le rythme du film par contre mais cet aspect est compensé par un réel travail de mise en scène et de trouvailles intéressantes, dont la plus notable est la mise à disposition du public du cadavre de la défunte. Cette séquence est des plus troublantes et mérite à elle seule la vision du film. Tout comme la foule se déplaçant en masse pour voir, nous, spectateurs du film, sommes placés dans la même position de voyeur que le public, admirant les courbes dénudées parfaites de la victime oubliant au passage que l'on a affaire à un cadavre dont le visage est calciné. La séquence est diaboliquement mise en scène et touche cette fois totalement au genre giallo. 

J'ai également apprécié de voir à l'écran Ray Milland, le fameux Homme aux rayons X entre autre ! Si l'idée d'associer aux deux jeunes inspecteurs un vieux de la vieille à la retraite n'est pas nouvelle, le plaisir de voir l'acteur venir mettre à mal leurs méthodes contemporaines apprises à l'école est assez jouissive et permet également d'apporter un peu d'humour au drame. 

S'il est clair que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune décevra les fans purs et durs de giallo ultra-violent, il n'en reste que Flavio Mogherini a fait un travail méritoire pour se démarquer de la masse et son film policier reste tout à fait recommandable, avec son casting bien en place, ses quelques touches d'érotisme, ses fulgurances visuelles colorées et sa formidable séquence du cadavre offert aux yeux du public. En ayant à l'esprit ces éléments, n'hésitez pas à lui laisser sa chance et tenter vous aussi de dénouer l'affaire de la fille au pyjama jaune !




Stéphane ERBISTI

THE BACKWOODS (2006)

 

Titre français : The Backwoods
Titre original : Bosque de Sombras
Réalisateur : Koldo Serra
Scénariste : Jon Sagalá, Koldo Serra
Musique Fernando Velázquez
Année : 2006
Pays : Espagne, France, Angleterre
Genre : Survival
Interdiction : -12 ans
Avec Gary Oldman, Paddy Considine, Aitana Sánchez-Gijón, Virginie Ledoyen...


L'HISTOIRE Fin des années 70 : en pleine crise conjugale, Norman et Lucy accompagnent un autre couple, Isabel et Paul, au fin fond de l'Espagne. De passage au village, Lucy s'attire la convoitise - malgré elle - des péquenots du coin. Lors d'une partie de chasse, les deux hommes découvrent dans une cabane abandonnée : à l'intérieur, une porte cadenassée, et derrière, une chose terrible qui transformera leur séjour en cauchemar...


MON AVISTout comme l'Angleterre, l'Espagne a su nous offrir de bien belles surprises durant ces dix dernières années, et des nouveaux talents dont on n'a à présent bien du mal à se passer (Alex De La Iglesia, Alejandro Amenabar, Nacho Cerda, Jaume Balaguero…). Les déceptions, ça existe aussi, comme en témoigne par exemple le récent Kilometro 31, présenté au dernier festival de Gérardmer, ou Death Cargo, entre autres…

Après son court multi primé, Le Train Fantôme, Koldo Serra va voir du côté de Filmax pour tourner son premier long-métrage, coproduction franco-anglo-espagnole : ce n'est ainsi pas pour rien qu'on retrouve au casting Gary Oldman, Virginie Ledoyen (qui retrouve le chemin de notre genre de prédilection deux ans après Saint-Ange) et Paddy Considine, jeune acteur anglais en vogue. C'est d'ailleurs ce casting en béton qui constitue l'un des points forts du film : même en dehors du trio pré-cité, tous s'en sortent particulièrement bien. Une bien belle galerie de personnages névrosés, instables, violents et blessés…car oui, Serra a ici tendance au pessimisme et à la noirceur. On ne demande pas mieux pour un film de ce genre.

C'est le sauvetage d'une petite fille aux mains difformes, séquestrée dans une ferme paumée dans la forêt ibérique, qui provoquera, ici, l'arrivée de chasseurs patibulaires, fraîchement débarqués d'un village où les femmes brillent sans doute par leur rareté et où les liens consanguins sont monnaie courante.

Viol (la Virginie y passe, eh oui !), cadre rural, ultra violence, villageois hargneux : faites le lien ; car The Backwoods est un hommage à peine déguisé du Peckinpah Les Chiens de Paille, à tel point qu'on frôle le remake inavoué (voire le pompage ?). On pense également beaucoup à La Traque, lui aussi survival campagnard et nihiliste. 

70's oblige, le spectre de l'Espagne Franquiste plane au dessus de ces paysans dégénérés (la difformité de la petite fille perçue comme un affront à Dieu) : une période douloureuse que la série télévisée Pelliculas Para Dormir cite elle aussi abondamment dans les épisodes Spectre et La faute.

Entre deux chansons de Leonard Cohen (pour le reste, on nous sert une musique tribale assez hors sujet), Serra distille une atmosphère lourde, fait grimper méchamment la tension de temps à autre (l'arrivée des deux abrutis dans la maisonnette), soigne ses images (temps maussade, forêt mystérieuse…). Bref, ça marche, c'est efficace mais pas de quoi se lever la nuit hélas.

Serra ne cherche jamais à faire aussi fort que son modèle, remplaçant le siège de la maison par une virée dans la forêt aux allures de survival. Oldman a beau se débattre comme un beau diable, les autres personnages ne s'autorisent qu'une simple randonnée (bien qu'assez stressante) excepté lors d'un duel sous la pluie aux relents de Western. Le scénario de Serra est finalement d'une grande banalité, au contraire par exemple d'un Calvaire, qui dynamisait un script plus ou moins déjà vu par l'apparition de personnages bien déviants.

Décevant mais pas mauvais pour autant donc : on attendra patiemment ce que Koldo Serra nous réserve pour la suite…




Jérémie MARCHETTI

L'AVION DE L'APOCALYPSE (1980)

 

Titre français : L'Avion de l'Apocalypse
Titre original : Incubo sulla Citta Contaminata
Réalisateur : Umberto Lenzi
Scénariste : Antonio Cesare Corti, Luis Maria Delgado, Piero Regnoli
Musique : Stelvio Cipriani
Année : 1980
Pays : Italie, Mexique, Espagne
Genre : Infection
Interdiction : -16 ans
Avec : Hugo Stiglitz, Laura Trotter, Mel Ferrer, Maria Rosaria Omaggio...


L'HISTOIRE : Sur l'écran de contrôle d'un aéroport, un avion militaire non identifié est repéré. Malgré la demande répétée de la tour, l'engin refuse de décliner son identité. De ce fait l'armée est appelée à la rescousse sur le tarmac, où se trouve déjà un journaliste venu pour interviewer un professeur réputé. A l'atterrissage de l'avion, le professeur apparaît, avec derrière lui une nuée d'hommes et de femmes assoiffés de sang…


MON AVISBien avant L'Armée des Morts, certains zombies avaient déjà choisi de sortir de leur léthargie gestuelle. C'est ici le cas, avec, en prime quelques explications indispensables. L'Avion de l'Apocalypse n'est pas à proprement parler un film de morts vivants : le scénario nous dévoile rapidement qu'il s'agit ici d'hommes et de femmes exposés au nucléaire, donc irradiés, infectés. Les choses sont maintenant plus claires. 

Umberto Lenzi (Cannibal Ferox, La Secte des Cannibales), l'un des rois du Bis italien, est aux commandes de cet ovni cinématographique. Délirant : voilà l'adjectif qui qualifie le mieux Nightmare City (titre américain). Nul besoin d'être un spécialiste du genre pour se rendre compte que le budget du film fût dérisoire. Qu'importe ! Quand bien même les maquillages des créatures sont plus que sommaires, le dynamisme de la réalisation relève largement la situation.

Réalisé à la toute fin des 70's, le film déploie tous les clichés propres à cette décennie : ton décalé, couleurs psychédéliques, musique hypnotique. Un esthétisme primaire, coloré, et efficace dans ce cas précis. Il existe dans le discours du film une dénonciation sous-jacente des pratiques et du comportement de l'armée, même constat concernant l'église. A ce propos, une scène particulièrement trash au sein de l'église comblera tous les aficionados du blasphème dans le film de genre.

Les contaminés, parlons-en. Certes, le maquillage est sommaire et frise le ridicule, mais comme cité précédemment, la cause en est qu'il s'agit d'une contamination, le propos étant axé sur la folie des protagonistes, à l'image de La Nuit des Fous Vivants de George A. Romero et non sur leur désir de chair.

D'ailleurs, il convient également de noter que nos monstres sont certes assoiffés de sang, mais uniquement de ça. Leurs délires meurtriers se résument à des morsures et autres succions ; exit donc les éventrations et autres joyeusetés spécifiquement gore. Nous sommes donc plus proches du vampirisme que du cannibalisme à l'état pur.

Cependant, la brutalité est bien présente. Nos créatures sont déterminées, réfléchissent et sont organisées. Détail amusant : ils sont propres sur eux, tirés à quatre épingles. La violence est leur maître-mot. Témoin l'invasion du plateau télé où se tourne une émission kitsch dédiée à la danse. Un ersatz de Fame sous tranquillisants à mourir de rire. Une occasion en or pour un délire sanglant très visuel. Nos contaminés s'en donnent à cœur joie. Un véritable carnage, prétexte à des meurtres brutaux (couteaux, haches...) et des scènes pseudos-érotiques (morsures et palpations mammaires) sur de jolies danseuses effarouchées et légèrement vêtues.

Alors oui, le scénario n'est pas vraiment folichon, les acteurs pas franchement bons. Même Mel Ferrer ne semble pas convaincu de sa propre présence. Le casting manque cruellement de consistance, et seul Umberto Lenzi semble s'être véritablement amusé. Paradoxalement sans grande conséquence, puisque ce sont les créatures, qui, indiscutablement, éclaboussent l'écran.

Une mise en scène tonique, un rythme qui ne faiblit jamais, en bref une petite perle de la comédie horrifique, classée tout de même R aux USA, int –18 en Angleterre et Allemagne de l'Ouest, –16 en France et tout bonnement interdite en Islande ! Voici le voyage qui vous attend. Embarquement immédiat !

Ah oui, petite précision sur le DVD édité par Néo Publishing : il comporte la version censurée mais aussi la version uncut. Pour voir la censurée, choisir le film en VF (1h18), pour voir la version uncut, choisir le film en Italien ou en anglais (1h28).




Christophe JAKUBOWICZ

ATROCIOUS (2010)

 

Titre français : Atrocious
Titre original : Atrocious
Réalisateur : Fernando Barreda Luna
Scénariste : Fernando Barreda Luna
Musique : Octavio Flores, Sergi Perez Berk, Jorge Jaime Pikis
Année : 2010
Pays : Espagne, Mexique
Genre : Found-footage
Interdiction : /
Avec : Cristian Valencia, Clara Moraleda, Chus Pereiro, Sergi Martin, Xavi Doz...


L'HISTOIRE : Cristian Quintanilla et sa sœur July, tous deux cinéastes amateurs, se rendent avec leurs parents, leur petit frère José et le chien Romulus dans la maison de campagne familiale sise à Sitges, tout près d’une forêt. Là-bas, les deux vidéastes en herbe passent leurs journées à enquêter sur une légende urbaine locale selon laquelle, dans les années quarante dans une forêt du Garraf, une jeune fille en robe rouge se serait perdue dans les environs et aiderait désormais les gens qui se perdraient en les remettant sur le bon chemin. Alors que les jeunes gens filment tout ce qu’il se passe dans la vaste demeure et son jardin attenant ô combien labyrinthique, des événements étranges commencent à se produire à mesure que leur enquête progresse. Jusqu’à quel point les adolescents doivent-ils alors poursuivre leurs investigations afin de ne pas mettre leur vie en péril ?


MON AVISVous n’en avez pas marre vous de la mode du found footage ? Mais si vous savez, cette tendance qui consiste à baser son film sur des soi-disant vidéos, caméras, pellicules retrouvées par hasard et relatant souvent les dernières heures des personnes les ayant tournées ! Initié par Cannibal holocaust en 1980, ce penchant cinématographique avait été remis au goût du jour en 1999 avec Le Projet Blair Witch, qui hormis un buzz de malade, est un métrage très surévalué. Depuis, le bébé de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez ne cesse de faire des émules, plus ou moins réussis et issus de tous pays, en voici une liste non exhaustive : REC et ses suites, Cloverfield, Paranormal Activity et ses tristes rejetons, The Silent House avec son fameux plan-séquence ou encore le récent Chronicle et ses lycéens dotés de super-pouvoirs, voire The Troll Hunter tout droit venu de Norvège pour finir par Apollo 18 se déroulant sur la Lune ! Certains n’hésitent pas non plus à utiliser cette technique en la mêlant à de faux témoignages de personnes avisées ou de badauds traînant dans les environs et ce, pour renforcer l’aspect vériste de leur métrage. C’est ce que l’on appelle les documenteurs ou mockumentaries dans la langue de Shakespeare, à l’instar du très moyen "The Tunnel ou de l’excellent The Poughkeepsie Tapes. Eh bien moi je vous le dis de but en blanc : je frôle l’overdose de métrages qui bénéficient d'un tournage caméra à l'épaule et les derniers en date ne peuvent que sentir le réchauffé à moins d’avoir une idée révolutionnaire pour s’éloigner surtout de Le Projet Blair Witch avec ses codes usagés et autres jump scares foireux. Malgré toute cette déferlante et ses défauts inhérents, il y en a qui ont encore l'idée de continuer à exploiter un filon usé jusqu’à la moelle. C'est le cas du réalisateur espagnol Fernando Barreda Luna qui montre une famille qui a décidé de passer plusieurs jours en vacances à Sitges (ça ne vous rappelle pas un festival de films fantastiques ? Quelle coïncidence !) où de jeunes ados mènent une enquête sur la légende d’une jeune fille en robe rouge via deux caméras, ce qui va les conduire dans un labyrinthe assez lugubre...

Ainsi, avec Atrocious, on se trouve face aux images vidéo que la police a retrouvées après le massacre qu'ils viennent de découvrir. Normalement et quand c’est bien fait, l'utilisation de la caméra subjective implique le spectateur au cœur même de l'histoire. Il vit les faits de l'intérieur et est plus proche des personnages et de l'horreur. Seulement voilà, Fernando Barreda Luna est soit un fainéant, soit il n’est pas fait pour le cinéma à suspense. Il semble en effet ne pas avoir compris que pour faire un bon film de genre, il fallait que ledit spectateur soit maintenu dans une tension permanente le scotchant aux accoudoirs de son fauteuil pour ne les relâcher qu’à l’arrivée du générique final et ce, grâce à une mise en scène oppressante. Il faut également de l’empathie afin que le même spectateur se sente impliqué émotionnellement avec les personnages et leurs mésaventures. Ça, on l’obtient grâce à des acteurs crédibles et parfois, même des amateurs peuvent faire l’affaire, du moment que l’on y croie. Ici, rien de tout cela n’est présent à l’écran : la mise en scène est molle du genou car consistant pour partie à filmer un jardin labyrinthique tout en caméra de nuit, et surtout les acteurs, qui manquent cruellement de profondeur, jouent mal et sont trop jeunes pour pouvoir créer une réelle identification, du moins avec les personnes ayant plus de 15 ans. Cela dit c’était peut-être le public visé initialement par le réalisateur.

Hormis un ou deux passages stressants (enfin si on n’est pas trop difficile) concentrés principalement dans les cinq dernières minutes, le reste n’est qu’une succession de scènes plus insipides les unes que les autres qui auraient pu faire sensation il y a une vingtaine d’années. A chaque détour de chemin, le cinéphile adepte de métrages d’épouvante pense être terrorisé voire surpris un minimum, mais rien ne surgit à l'horizon. C’est bien beau de faire aboyer un chien et de casser un verre mais on en voulait plus à se mettre sous la dent, ou du moins sous les yeux ! 

Et la révélation à la fin du film, avec ces photos et ces vidéos esquissant une vague explication sur le tueur, aurait pu également faire son effet si tous les films précités n’avaient pas été réalisés avant ! Tout cela est d’autant plus regrettable que l'affiche américaine nous annonçait pourtant : Intense, effrayant et dérangeant ! Quelle arnaque oui ! En revanche sur le DVD français, on peut lire ceci : Plus de 10 ans après le phénomène Blair Witch, Atrocious explore avec brio les codes les plus sombres d’un thème rare au cinéma : les légendes urbaines… ». Trop rare, en effet… Et en plus ils se moquent de nous ! Cela étant, on était prévenu, le film s’appelle après tout Atrocious, ça voulait tout dire ! Et comme si ça ne suffisait pas, la jaquette US à forte dominante bleue et la française façon caméra infrarouge ne rappelaient-elles pas étrangement Paranormal Activity et Le Projet Blair Witch, autre étrons, euh pardon, fleurons du genre !?

Vous l'aurez donc compris, Atrocious est un film particulièrement ennuyeux et vraiment pénible à regarder. Le film est réalisé par un manchot terriblement paresseux qui se révèle incapable de créer la moindre tension et nous propose une resucée de Le Projet Blair Witch dont l'idée de base et son côté minimaliste sont intéressants… du moins quand on vit avant 1999. A cela, rajoutez une mise en scène hyper fade, des acteurs mauvais et trop jeunes, une fin vue et revue maintes fois et vous obtenez l'un des plus mauvais films d'horreur de ces dix dernières années. Dois-je continuer ?




Vincent DUMENIL

ARACHNID (2001)

 

Titre français : Arachnid
Titre original : Arachnid
Réalisateur : Jack Sholder
Scénariste : Mark Servi
Musique : Francesc Gener
Année : 2001
Pays : Espagne, Usa, Mexique
Genre : Attaques animales
Interdiction : -12 ans
Avec : Chris Potter, Alex Reid, José Sancho, Neus Asensi, Ravil Issyanov...


L'HISTOIRE : Au large de Guam, dans les Mariannes, une sorte de tornade se forme brusquement sur l'océan pacifique. Un pilote de l'US Air Force en vol d'essai se dirige vers le phénomène, perd le contrôle et s'éjecte tandis que son appareil explose contre un obstacle invisible. Parachuté dans une petite île isolée, il voit un extraterrestre translucide mourir entre les huit pattes d'un gros parasite. Un peu plus tard, des patients affectés de blessures et de troubles neurologiques étranges sont acheminés sur Guam. Une petite équipe formée d'une pilote, de scientifiques et de militaires se charge alors d'aller enquêter sur l'origine du problème. Mais à peine leur avion est-il parvenu à proximité de l'île qu'il tombe en panne, et c'est en atterrissage forcé qu'ils échouent sur la plage…


MON AVISPur film d'exploitation, Arachnid reste à l'image de son producteur Brian Yuzna, chez qui l'intérêt ne dépare jamais une certaine générosité. Tout en recourant à l'associationnisme de récupération, technique proprement Z consistant à compiler les éléments les plus croustillants de quelques grands succès du genre, il tient néanmoins à fournir un film de bonne facture : réalisateur solide, budget honorable, effets spéciaux relativement réussis - seuls les effets numériques sont médiocres, un problème récurrent pour la Fantastic Factory - au final ce qui aurait pu n'être qu'un pauvre nanar se hisse au niveau d'une modeste petite série B.

Pour cette histoire d'araignée géante venue de l'espace, et contrairement à ce que le titre semble indiquer, ce n'est pas vraiment l'arachnophobie qui est visée. Les petits spécimens sont plus hérissant que les gros, et les films qui ont été pillés pour la cause sont en fait Alien (l'équipe, le cocon), Predator (la provenance spatiale et la jungle) et Starship Troopers (la taille du monstre et son dard articulé) : traque et affrontement du grand ennemi, on est davantage dans le registre du suspens et de l'action que dans celui de la peur.

Le choix de Jack Sholder à la réalisation est significatif : pas un génie, mais quelqu'un sur qui on peut compter pour ficeler correctement un métrage alimentaire. Prises de vue et montage fluides, scènes d'action qui dissimulent assez habilement leur statisme, les événements sont prévisibles mais ont toujours un petit côté original qui les empêche de devenir pénibles. Les variantes monstrueuses qui précèdent la grande araignée sont de cet ordre, Sholder prenant même un plaisir manifeste à citer ce qui avait fait son succès avec Hidden : une séquence de régurgitation dont l'horreur ressort d'autant plus qu'elle est accueillie par les autres personnages avec un manque de réactivité qui frise la pure contemplation.

C'est qu'il y a quelque chose de vraiment bizarre dans Arachnid. L'araignée mutante, déjà, à l'air elle-même assez embarrassée par sa taille (il faut voir les précautions qu'elle prend pour descendre un toit sans faire de bruit, la pauvre !) et semble aussi agressive qu'effrayée. Mais de la même façon, les membres de l'équipe d'exploration, avec leurs pseudo tensions internes et leur singulière égalité d'humeur en toute circonstance, finissent souvent leurs échanges sur des regards blasés. Pas une hausse de ton, une curieuse indifférence. Bien sûr, on peut y voir un jeu médiocre et un manque de conviction. Mais le décalage qui en ressort constitue une curiosité assez troublante, et pimente paradoxalement par le vide un bon petit spectacle, honnête et sans prétention.




Stéphane JOLIVET

ANGOISSE (1987)

 

Titre français : Angoisse
Titre original : Anguish
Réalisateur : Bigas Luna
Scénariste : Bigas Luna, Michael Berlin
Musique : José Manuel Pagan
Année : 1987
Pays : Espagne
Genre : Tueurs fous
Interdiction : /
Avec : Zelda Rubinstein, Michael Lerner, Talia Paul, Angel Jovè, Clara Pastor...


L'HISTOIRE : John devient progressivement aveugle. Sa vieille mère tente de l'aider en utilisant ses pouvoirs hypnotiques sur son fils. Pleine de haine, elle pousse John à tuer et à s'emparer des yeux de ses victimes. Travaillant dans un hôpital, John se rend chez une de ses patientes pour changer ses lentilles. Pendant ce temps, dans la salle de cinéma, des spectateurs assistent à cet effrayant film. Parmi l'assistance, deux lycéennes, dont l'une est particulièrement sous le choc. D'autant plus que John se rend au même moment dans une salle de cinéma...


MON AVISPour son unique incursion dans l'horreur, Bigas Luna frappe fort. Culotté de placer l'action de son film dans une salle de cinéma en jouant sur l'aspect du film dans le film. Ce qui rend Angoisse très interactif et ludique dans sa manière de manipuler nos sentiments. On devient de plus en plus mal à l'aise avec le déroulement de l'intrigue.

Premier acte : Une impression de film hitchcockien plane sur la partie ou Alice Pressman (la mère de John) mène son fils dans la direction qu'elle souhaite. Un pouvoir maternel des plus envahissants. Des réminiscences de Psychose à la différence qu'ici, la mère au pouvoir étouffant et castratrice est bien réelle. La détresse de John se lit dans le regard de ce dernier, comme si une malédiction voulait qu'il s'empare des yeux des autres. 

Les autres justement. Des personnages odieux, qui sont sans cesse en train de s'en prendre à son infirmité. Vraiment angoissante, la première demi-heure nous révèle le rôle de sa vie pour Zelda Rubinstein, plus connue des amateurs de fantastique pour sa participation à Poltergeist. Un seul mot qualifie son interprétation : prodigieuse !

Second acte : La caméra de Bigas Luna nous dévoile maintenant une salle. Tout ce que nous avions vu jusqu'à présent n'était rien d'autre qu'un film. Plus centré sur deux jeunes spectatrices, c'est là que l'interaction entre deux films différents atteint son paroxysme. Devant l'atrocité des énucléations, l'une des jeunes lycéennes, se sent de plus en plus mal, détournant son regard de l'écran. Les scènes d'hypnotisme d'Alice Pressman sont assez impressionnantes, bien qu'à mon goût un poil trop appuyées. Bigas Luna aurait gagné à en réduire la durée, plutôt que de donner l'impression de faire du remplissage. Assurément des séquences impressionnantes qui doivent donner des sueurs froides, lorsque visionnées dans une salle de cinéma.

Troisième acte : l'arrivée de John dans une salle de ciné pour perpétrer ses crimes accentue le malaise. Le passage de son histoire à ce qui se déroule dans la véritable salle donne le tournis. Au point qu'à partir d'un moment, il est plutôt difficile de discerner la fiction de la réalité. La plus sensible des lycéennes pressent alors un danger. Elle n'a pas tort. Un individu fasciné par le film, dont il connaît les répliques par cœur, a bien l'intention de commettre des meurtres. Se prenant pour John, sauf qu'à la différence de ce dernier, il est armé d'un revolver. Ses meurtres moins horrifiques n'en sont pas moins d'une redoutable efficacité. Mais, en tant qu'amateur d'horreur pure et dure, on aurait préféré qu'il plagie le tueur virtuel jusqu'à s'équiper d'un bistouris.

Le scénario pose ici le problème de l'influence des films sur les esprits faibles. Autant pour la jeune fille qui en a des malaises, que pour l'individu devenu meurtrier à force de voir et de revoir le même film. Flippant. Une interrogation dérangeante qui n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre. En tant qu'artiste, Luna pense que l'Art peux influer sur le quotidien de gens ordinaires. Donc, le cinéma serait plus qu'un spectacle, et certains films atteindraient le statut d'Art. Un thème qu'on trouve dans Le Syndrome de Stendhal de Dario Argento.

Dérangeant et angoissant, Angoisse, est un film chaudement recommandé pour les amateurs de sensations fortes. Et, pour constater aussi à quel point Scream 2 lui doit beaucoup, notamment pour sa sublime scène d'introduction. Angoisse, un titre vraiment bien choisi.




Gérald GIACOMINI

ALONE (2015)

 

Titre français : Alone
Titre original : Don't Grow Up
Réalisateur : Thierry Poiraud
Scénariste Marie Garel Weiss
Musique Jesus Diaz, Fletcher Ventura
Année : 2015
Pays : France, Espagne
Genre : Infection
Interdiction : /
Avec Fergus Riordan, Madeleine Kelly, David Mckell, Darren Evans, Natifa Mai...


L'HISTOIRE : Un matin, six adolescents en difficulté se retrouvent seuls, sans surveillance, dans leur centre situé sur une île. D’abord heureux d’être livrés à eux-mêmes, ils vont se rendre compte, lors d’une expédition dans une station service, qu’un virus semble contaminer les habitants uniquement adultes de l’île et les rendre agressifs. Face à cette menace, nos jeunes héros vont devoir être solidaires pour survivre, pour quitter l’île et surtout pour ne pas grandir trop vite…


MON AVIS Voici donc le nouveau film de Thierry Poiraud, l’homme à qui l’on doit (avec son frère Didier) le truculent Atomik Circus sorti en 2004, et qui disparut ensuite du grand écran avant de revenir en 2014 pour tourner le deuxième segment de l’excellent Goal of the Dead sous l’impulsion de Benjamin Rocher, le réalisateur de la première partie, et du frère de ce dernier, Raphaël, producteur. C’est d’ailleurs lors de discussions sur la production de Don’t Grow Up, renommé Alone, que les frères Rocher ont décidé d’embaucher Thierry Poiraud pour réaliser une partie de Goal of the Dead en attendant qu’ils trouvent des sous pour le film qui nous intéresse aujourd’hui. En 2014, dans une interview réalisée pour Horreur.com, Benjamin Rocher affirmait que cela faisait depuis Atomik Circus qu’il avait envie de revoir un film de Thierry Poiraud. Après la seconde partie de Goal of the Dead, voici donc le vrai nouveau film personnel de Poiraud et aussi sa première réalisation en solo. Après cette introduction historique, entrons dans le vif du sujet.

Don’t Grow Up (que j’appellerai ainsi et non pas Alone car plus cohérent avec le contenu du film) est, à l’instar de Goal of the Dead, un film d’infectés. Sauf que le traitement est complètement différent. Ici, point de rigolade et de football mais six adolescents seuls dans un pensionnat sur une île perdue et on sent tout de suite que ça ne va pas être fun. Même si le premier quart d’heure du film nous montre des jeunes libérés de la pression parentale et adulte s’amusant tel Kevin McCallister dans Maman j’ai raté l’avion, ils vont rapidement déchanter en se rendant compte que la plupart de la population de l’île s’est transformé en zombie ou quelque chose d’approchant.

La première chose que l’on remarque lors de ces premières séquences, c’est le soin apporté à l’ambiance, à la photographie et aux décors. Les paysages de l’île sont somptueux, la musique est prenante et le climat lourd se fait bien ressentir. On est tout de suite imprégné de l’atmosphère avant d’être totalement perturbé lors d’une séquence choc qui va vraiment lancer le film et faire comprendre ce qu’il se passe sur l’île : seuls les enfants ne sont pas contaminés par l’étrange virus. Toute la difficulté étant de savoir quand et sous quelles conditions on arrête d’être un enfant. On se rendra compte qu’il ne s’agit pas simplement d’une question d’âge mais aussi de maturité…

A partir de là, la question devient : Comment éviter de murir (et donc de mourir) trop vite lorsque l’on est confronté à une situation dramatique ? Une question qui permet au film de tenir sur la longueur et de laisser s’interroger le spectateur sur qui sera le prochain à se transformer. En plus de cette façon subtile d’intégrer la menace au sein du groupe des six adolescents et donc de craindre pour eux, on peut ajouter que l’on s’attache aux personnages grâce à de jeunes acteurs talentueux et impliqués. Bien qu’interprété par des adolescents, le film impose une radicalité et une violence sans concession qui apporte le poids nécessaire à son propos.

Parabole sur l’adolescence et le passage à l’âge adulte, le film est d’une justesse rare appuyé par une réalisation classieuse et poétique de Thierry Poiraud, dans un décor dépaysant mêlant réalisme et imaginaire. Une belle réussite qui nous fait regretter que le film n’ait pas eu une rallonge financière.

En effet, si ce budget qu’on suppose plutôt réduit ne se voit pas techniquement tant la réalisation est réussie, il se remarque surtout au niveau d’un certain manque d’idées qu’on imagine irréalisables. Réduit à une heure et vingt minutes, le film aurait mérité d’être allongé d’une petite vingtaine de minutes afin de pouvoir y intégrer des séquences et des rebondissements en plus. A l’arrivée du générique, on quitte cette co-production franco-espagnole avec un léger goût d’inachevé.

Malgré cela, pas de quoi bouder son plaisir et profitons de tout ce que le film a à nous donner plutôt que de regretter ce qu’il n’a pas car tout ce qu’il propose, autant dans la thématique, la technique, le traitement et le casting est réussi. Même s’il a été tourné en anglais et co-produit avec nos amis espagnols, Alone (allez, je l’appelle par son nom officiel pour finir !) est une preuve supplémentaire que notre petit pays peut faire émerger des réussites dans le milieu du fantastique contrairement à ce que la rumeur populaire (et professionnelle) à tendance à dire. Alors oui, on en a peut-être qu’un ou deux par an : raison de plus pour en profiter.




Sylvain GIB