LES BÊTES FÉROCES ATTAQUENT (1984)


Titre français : Les Bêtes Féroces attaquent
Titre original : Belve Feroci
Réalisateur : Franco E. Prosperi
Scénariste : Franco E. Prosperi
Musique : Daniele Patucchi
Année : 1984
Pays : Italie
Genre : Attaques animales
Interdiction : -12 ans
Avec Tony DeLeo, Lorraine De Selle, Ugo Bologna, Louisa Lloyd, John Stacy...


L'HISTOIRE : Francfort. Laura Schwarz, journaliste locale, rejoint son compagnon, Rupert Berner, dresseur au zoo. Certains animaux semblent anormalement excités, mais personne ne s’inquiète véritablement. Dès la nuit tombée, les événements se précipitent : alors que des rats dévorent un couple flirtant dans une voiture, le système de sécurité des portes et des cages du zoo tombe en panne, libérant des dizaines de fauves, lions, tigres, guépards, ainsi que tous les autres animaux, dont des éléphants et un ours polaire. Devenues inexplicablement agressives et meurtrières, les bêtes sauvages envahissent la ville, semant un incroyable vent de panique et la mort autour d’elles...


MON AVISTourné à une période où le cinéma ne s’était pas encore remis des fameux mondo, ces pseudo-documentaires controversés où des images réelles étaient souvent préparées, provoquées avant d’être filmées, Les Bêtes Féroces attaquent en conserve certains aspects. D’ailleurs, la présence à la réalisation de Franco E. Prosperi, auteur avec Gualtiero Jacopetti et Paolo Cavara du célèbre Mondo Cane en 1962, est loin d’y être étrangère. De plus, nous sommes encore sous l’influence sensationnaliste de la cannibalsploitation, instaurée par les films d’Umberto Lenzi et de Ruggero Deodato, dont Cannibal Holocaust demeure le point de non-retour. 

Avec ce Belve Feroci, l’intention est claire : en mettre plein la vue et faire le plus réaliste possible, quitte à y laisser des plumes. Car ce qui frappe directement à la vision du film, c’est son côté aussi réel que brutal, un aspect unique que ne pourront jamais posséder les œuvres actuelles. En effet, cet animal attack arrive lorsque le sous-genre est encore très à la mode - il périclitera vers la fin des années 80 avant de revenir en force peu avant les années 2000 - et, plutôt que de se noyer dans la masse des films du genre, il les balaie tous sur son passage.

Peu de films peuvent se targuer de frôler en permanence la mort et de montrer un danger aussi palpable au bout de leur objectif. Les Bêtes Féroces attaquent détient cette incroyable force, bestiale sans jeu de mots, qui lui permet d’accéder au statut d’œuvre folle parmi les plus dangereuses jamais tournées. Le seul film le dépassant jusqu’alors, c’est Roar (dont le tournage s’étalera de 1975 à 1981), un monument montrant le danger mortel à travers des images de folie furieuse où fauves et humains cohabitent d’une certaine manière. Mais, plus axé aventure et même empreint d’un certain humour au vu de ses situations particulièrement cocasses (plus pour le spectateur que pour les protagonistes), Roar évite le style horrible en éliminant, à de très rares exceptions, les effusions de sang. S’il reste imbattable sur le fait qu’il demeure le film le plus dangereux de tous les temps, avec ses nombreux accidents de tournage, il va être dépassé en terme de violence brute par Les Bêtes Féroces attaquent, même si le tournage de ce dernier semble avoir été plus chanceux. Le film de Prosperi constitue sans nul doute le dernier grand témoignage d’une période où le cinéma pouvait se permettre tous les excès possibles, apportant à l’écran un résultat furieux qu’il est impossible d’égaler ou même d’approcher aujourd’hui. Si l’on ne peut reprocher aux auteurs d’éviter le danger trop grand lors des tournages, l’utilisation quasi permanente des effets infographiques a détruit toute forme d’authenticité. Dommage...

Les Bêtes Féroces attaquent propose une intrigue assez simpliste, qui évoque brièvement, sans véritablement les développer, les thèmes de l’écologie et du danger de la drogue. En gros, l’homme fait n’importe quoi et détruit la nature, pollue, puis cette même nature se retourne contre lui. Les quelques plans au début du film sur ces seringues jetées par dizaines dans les lieux publics puis sur les eaux potables traitées en usine en dit long sur le malaise qui règne, un malaise toujours autant d’actualité de nos jours. Pas besoin de plus se justifier pour se lancer dans le spectacle que tout le monde désire : les attaques animales ! 

En cela, l’œuvre va si loin qu’elle élimine d’emblée toute chance de l’égaler. La caméra filme sans concession et avec brio de redoutables fauves et autres superbes animaux sauvages en pleine action violente, courant, sautant, mutilant et tuant, lors de séquences hallucinantes et énergiques où le spectateur se fait tout petit. Le travail des dresseurs, des cascadeurs et du reste de l’équipe est à souligner tellement il respire un danger inédit et un sentiment de réalisme imbattable. On y va aussi franco en termes de violence et de gore, les bêtes sauvages mordant et dévorant leurs victimes dans de gros bouillons sanglants. Et les quelques plages de calme au cours du récit ne sont que des leurres.

Un moment de soulagement dans une rame de métro ? En quelques instants, le courant saute et un tigre s’empresse de s’inviter dans un wagon. Une pause pépère avec un vieil aveugle jouant au piano dans son paisible appartement, sous les yeux bienveillants de son berger allemand ? En moins de deux secondes, l’animal devient fou furieux et égorge son maître sans la moindre hésitation (hommage appuyé au Suspiria de Dario Argento et à L’au-delà de Lucio Fulci). Les couples n’ont même pas le temps de flirter, ils se font agresser immédiatement par des meutes de rats voraces. On ne souffle jamais dans Les Bêtes Féroces attaquent, qui porte plus que bien son titre. Impossible d’oublier certaines séquences ahurissantes, comme cette course folle entre la pauvre jeune fille apeurée dans sa petite Volkswagen Coccinelle et un guépard qui la pourchasse sans relâche dans une artère du centre-ville (scène tournée à Johannesburg et non Francfort). On ne peut que saluer l’équipe qui filme cette spectaculaire cavalcade à 100/110 km/h, le guépard demeurant l’animal terrestre le plus rapide au monde, capable d’accélérations fulgurantes (de 0 à 70 km/h en deux secondes, de 0 à 90 km/h en trois secondes), pour une vitesse de pointe de 120 km/h. Des chiffres incroyables qui nous plongent dans une ivresse de danger qui a dû être communicative pour que l’on nous serve de si folles images.

Des éléphants qui traversent un aéroport (celui de Johannesburg aussi) et provoquent un affreux crash aérien, un ours polaire qui sème la panique dans un gymnase rempli de gosses, un troupeau de bovins qui court en déglinguant tout sur son passage, faisant voler vitrines, tables et chaises, provoquant une indescriptible panique, un tigre qui se promène dans le métro, voici quelques-uns des morceaux de bravoure dans un film qui ne manque pas de générosité à ce niveau. 

Le seul reproche que l’on peut faire, ce sont ces moments de cruauté animale, hélas récurrents dans le cinéma italien de l’époque. Bien que les auteurs s’en défendent, et sans vouloir mettre en cause leur bonne foi, on peut douter de la présence de rats mécaniques en jouets munis de moteurs lorsque les lance-flammes brûlent les rongeurs. De même pour le chat, brutalement attaqué et mordu par les mêmes bestioles, qui n’aurait terminé la scène que légèrement blessé. Passons. Cascades automobiles et explosions diverses complètent le programme déjà bien chargé d’une œuvre atypique et unique.

Belve Feroci n’est bien évidemment pas un film qui s’adresse aux âmes trop sensibles, la brutalité et l’indépassable fureur de ses images lui donnant une place de choix parmi les animal attack les plus efficaces de tous les temps. D’autant plus que les dix dernières minutes nous proposent un rebondissement plutôt marquant. Mais je n’en dis pas plus pour ceux qui n’ont pas encore vu le film...




Cédric PICHARD

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