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BABY BLOOD (1989)

 

Titre français : Baby Blood
Titre original : Baby Blood
Réalisateur : Alain Robak
Scénariste : Alain Robak, Serge Cukier
Musique : Carlos Acciari
Année : 1989
Pays : France
Genre : Gore
Interdiction : -12 ans
Avec : Emmanuelle Escourrou, Christian Sinniger, Jean-François Gallotte, Thierry Le Portier...


L'HISTOIRE : Vivant avec son compagnon dans un cirque malfamé, la belle Yanka s'ennuie. Lors de son sommeil, un parasite africain ayant voyagé dans un tigre, la féconde. Elle se retrouve donc enceinte et s'enfuit de son foyer actuel, et par la même occasion des griffes de son amant. Quand celui-ci la retrouve, il se fait sauvagement poignarder par la jeune femme, découvrant que sa future progéniture est douée de parole, mais réclame aussi du sang frais. Ne pouvant qu'accepter, sans quoi le bébé la tuerait, la jeune femme sillonne la France en dégommant les mâles se présentant à elle...


MON AVISLe gore en France serait une rareté ? En tout cas plus maintenant, grâce à la nouvelle génération de courts-métrages et de films cultes horrifiques tels que Haute Tension ou Calvaire. Pourtant le cas du gore en France était sérieusement remis en question vers la fin des années 80, avec une flopée de films barjots et talentueux. Seul Jean Rollin avec ces belles vampires dénudées ou son film Les Raisins de la Mort, Raphaël Delpard et son duo de films saignants La Nuit de la Mort / Clash, et même Franju avec quelques scènes des Yeux sans visage avaient fait preuve d'une belle utilisation du gore, quoique jamais poussé dans ses derniers retranchements. En clair, le gore français a du mal à faire le poids face à celui des Américains, des Italiens voire à celui des Allemands (puisque Buttgereit a commencé sa brochette de films déviants vers la fin des années 80).

Surprenant déjà son monde avec le très méchant sketch Corridor, visible dans la compile Adrénaline le film(s), Alain Robak frappe le cinéma d'horreur français d'un coup de hache dégoulinante de sang avec son trashissime Baby Blood, qui prouve non seulement que les Français restent assez maladroits dans le genre horrifique, mais peuvent se montrer aussi trash que leur homologues américains ou européens.

Concrètement, le film de Robak se trouve plus proche du cinéma de Frank Hennenlotter que de Jean Rollin. Pourquoi ? Sûrement parce que Robak brosse une vision de la France assez inconfortable, met en place des protagonistes tous plus frappés les uns que les autres, multiplie les meurtres sauvages, mais dresse une relation surprenante (voire touchante) entre l'héroïne et la créature qui l'accompagne, comme Hennenlotter l'a fait pour Frère de sang (Duane et Bélial, le monstre difforme et sauvage) ou Elmer le Remue-Méninges (Brian et Elmer, l'étron bavard bouffeur de cervelles).

Ce qui change bien entendu, c'est le personnage principal, cette fois une femme, contrairement aux héros des films de Hennenlotter. Une femme seule, aux rondeurs appétissantes, Yanka. Une appétissante et fragile louve qui tient un véritable conflit avec sa progéniture mutante. Le thème de la grossesse cauchemardesque est encore utilisé donc, faisant du film une rencontre entre Elmer le Remue-Méninges (il faut donner à manger au monstre, qui parle comme un véritable être humain), Le monstre est vivant (les instincts violents et cannibales du monstre) et Rosemary's Baby (l'attente de l'accouchement et l'angoisse qui l'accompagne).

On ne saura rien de l'origine du monstre qui féconde Yanka, si ce n'est qu'il vient d'Afrique. On apercevra quelques tentacules verdâtres, point barre ! Yanka s'apercevra de sa grossesse petit à petit, jusqu'à que sa progéniture se mette à parler d'une voix aiguë, lui suppliant de trouver du sang sous peine de mort. Yanka s'habitue peu à peu à la chasse aux hommes, qu'elle séduit avant de tuer. Le sexe est omniprésent, histoire de dévoiler les formes de la singulière Emmanuelle Escourrou qui semble se dévoiler sans trop de problèmes devant la caméra, surtout lors d'une scène de toilette très troublante. Déçue par les hommes (son amant trop agressif ou le routier qui l'abandonne lâchement enfonceront inévitablement le clou), elle profite de l'opportunité de tuer des mâles pour faire place à une certaine vengeance personnelle.

La vision qu'offre Robak vis-à-vis des hommes est loin d'être reluisante : cons, buveurs, obscènes, dragueurs, bœufs, obsédés, ratés, homos repentis, trouillards, magouilleurs, jamais vraiment beaux, grossiers… Une lecture carrément caricaturale qu'il vaut mieux éviter de prendre sérieusement, mais qui contribue à développer cette facette trash voire littéralement idiote. Un coté trivial proche de certaines bandes dessinées (Fluide glacial, Reiser…) comme le prouve la séquence des infirmiers, des abrutis finis qui ne peuvent communiquer qu'en s'envoyant des insultes. Elle est belle la France !

Humour noir et personnages grossiers oblige, Robak multiplie aussi les énormités (et les clins d'oeil) comme ce bus rempli de footballeurs en manque de jolies filles (se jetant pour l'occasion sur la pauvre Yanka), cette mémé gâteau gentille comme tout se faisant étrangler avec un fil de téléphone (eh oui, Robak a osé !), la présence d'un certain Roger Placenta crédité au générique pour la voix du bébé (il s'agit en fait d'Alain Robak), l'apparition de l'affiche de Baby Blood 2 et les apparitions de Jean-Yves Lafesse, d'Alain Chabat (scène culte où il crève en haletant comme un chien, et dans le sang en prime) et de... Baxter !

De passage chez Michele Soavi, Raphaël Delpard, Jean Rollin ou Frank Hennenlotter justement, le jeune maquilleur Benoît Lestang supervise les très nombreux effets gores du film, qui ont fait bien sûr sa renommée. Fonçant tête baissée dans l'excès et le grand guignol (voir ces coups de couteaux provoquant un geyser d'une abondance vertigineuse !), Baby Blood appuie à fond sur le champignon du gore : tête fracassée à coups de voiture et de matraque, coup de couteau bien placé avec baiser sanglant en sus, corps explosé, bonbonne de gaz dans la gueule… et surtout clou du spectacle : un meurtre au ciseau du point de vue de l'arme, et un autre profitant de la vue subjective d'une roue ! Âmes frileuses s'abstenir naturellement.

Quant au fameux bébé, sa forme finale déçoit quelque peu (on pense beaucoup trop au face-hugger d'Alien) et passe trop vite à l'écran malgré une idée ingénieuse prolongeant le suspense de manière inhabituelle. La scène finale semble arriver comme un cheveu sur la soupe, celle-ci se montre trop rapide, voire too much, un peu bâclée même. On n'oubliera cependant pas de sitôt l'accouchement onirique aussi fulgurant qu'inattendu ou cette plongée cradingue et inédite dans le corps de Yanka. Autant dire qu'on n'avait pas l'habitude de voir ça dans le cinoche français des années 80-90 !

Alain Robak n'est jamais adroit il est vrai, mais se montre franc dans sa réalisation et son style, à savoir une entreprise qui a l'énergie suffisante pour fignoler un jeu de massacre jubilatoire, cynique et qui tache un max !




Jérémie MARCHETTI

BABA YAGA (1973)

 

Titre français : Baba Yaga
Titre original : Baba Yaga
Réalisateur : Corrado Farina
Scénariste : Corrado Farina
Musique : Piero Umiliani
Année : 1973
Pays : Italie, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Carroll Baker, George Eastman, Isabelle De Funès, Ely Galleani...


L'HISTOIRE : Alors qu’elle rentre seule d’une soirée, la photographe de mode Valentina fait la connaissance d’une femme mystérieuse prénommée Baba Yaga. Peu de temps après, Valentina semble comme envoûtée par l’image de Baba Yaga et des événements curieux se produisent autours d’elle. La jeune femme a des visions, la réalité semble irréelle…


MON AVISBaba Yaga. Un nom bien connu des enfants puisqu’elle représente souvent une sorcière, issue du folklore slave. Le film ci-présent va la mettre en scène de manière originale. Il faut d’abord rappeler que ce film est l’adaptation d’un fumetto, équivalent d’un comic américain mais en Italie. C’est le dessinateur Guido Crepax qui a inventé le personnage de Valentina, dont le look rappellera la superbe Louise Brooks, et qui lui a fait vivre de nombreuses aventures érotico-fantastiques, dont une où la photographe se confrontait à la sorcière Baba Yaga, dans l’album bien nommé Valantina et Baba Yaga. Les fumetti de Crepax ont la particularité d’être graphiquement très avant-gardistes, ce qui les a rapidement différencié des bandes dessinées au design plus enfantin, mais également très ciné-génique, avec un découpage des images qui peut rappeler un story-board.

Le réalisateur Corrado Farina est un grand admirateur de l’œuvre de Crepax et c’est donc tout naturellement qu’il choisit d’adapter les aventures de Valentina au cinéma pour son second et dernier long métrage. Les actrices qu’il désire pour interpréter les deux personnages principaux ne sont pas disponibles et il doit se rabattre sur Carroll Baker (la Baby Doll d’Elia Kazan, vue également dans Si Douce, Si Perverse d’Umberto Lenzi ou bien encore dans L’Adorable Corps de Deborah de Romolo Guerrieri) qui jouera Baba Yaga et sur Isabelle de Funès (nièce du célèbre Louis !) pour interpréter Valentina. On appréciera de retrouver au casting le non moins célèbre George Eastman, acteur culte des fans de Bis italien, qui joue le compagnon de Valentina. 

Ces différents personnages vont donc se rencontrer et se télescoper dans un univers très étrange, mélange de rêve éveillé nonsensique et de trip hallucinatoire décadent et déroutant. Car s’il y a bien un terme qui définit le film Baba Yaga, c’est bien étrange. Je préviens de suite les lecteurs, ne vous attendez pas à un film dans les normes, Corrado Farina nous propose en effet un voyage hors norme, s’aventurant au-delà des frontières de l’onirisme et qui pourra dérouter voire rebuter certains spectateurs privés de repères tangibles.

Si le film a bien une ligne conductrice, la plupart des séquences proposées versent dans l’imaginaire ou le rêve. On ne sait plus bien si Valentina devient folle ou si elle est littéralement possédée par Baba Yaga. Les scènes où elle semble mettre en péril la vie des gens qu’elle photographie ou plus encore, celle où la poupée offerte par Baba Yaga prend soudainement vie sous une forme humaine (ce qui constitue à mes yeux la meilleure séquence du film !) nous projettent dans un univers tellement décalé, voire même expérimental, qu’on a parfois du mal à rester accroché ou à ne pas éprouver une certaine distanciation vis-à-vis de l’histoire elle–même. Possédant de plus un rythme lent, contemplatif, Baba Yaga nous évoque à de nombreuses reprises le cinéma de Jean Rollin ou de Jess Franco. L’érotisme est aussi présent mais de manière assez soft et n’a au final que peu d’intérêt si ce n’est de voir les jolies courbes d’Isabelle de Funès.

Plus qu’un film, Baba Yaga est une expérience visuelle qui demande un certain effort de la part du spectateur et une attention de tous les instants. C’est une sorte de thriller-érotico-mystico-giallesque-fantastico-onirico-expérimental plus que singulier et qui se démarque largement de la plupart des films que j’ai vus. Lorsque démarre le générique de fin, on a du mal à savoir où on se situe par rapport au film, si on a aimé réellement ou pas ; Une impression curieuse de naviguer entre deux eaux, ce qui nous rapproche de la situation que vient de vivre Valentina. Étrange, lancinant, fascinant parfois mais trop hermétique pour m’avoir totalement convaincu. Une seconde vision s’impose sûrement…




Stéphane ERBISTI

LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ADÈLE BLANC-SEC (2010)

 

Titre français : Les Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec 
Titre original : Les Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec 
Réalisateur : Luc Besson
Scénariste : Luc Besson
Musique : Eric Serra
Année : 2010
Pays : France, Usa
Genre : Aventure fantastique
Interdiction : /
Avec : Louise Bourgouin, Philippe Nahon, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve...


L'HISTOIRE : Adèle Blanc-Sec, écrivaine de romans policiers populaires de son état, est une grande aventurière qui connaît moult péripéties qu'elle raconte par écrit. Vivant seule dans un appartement parisien, elle cherche par tous moyens à sortir sa sœur, Agathe, d'une mort prématurée. Elle s'est mis en tête dernièrement de retrouver une momie, ancien docteur du pharaon ayant le pouvoir de ressusciter les gens, mais avant, elle se doit de dénicher le seul professeur capable de faire revivre les momies, rien que ça ! Au même moment, un œuf de ptérodactyle, vieux de plus de 100 millions d'années, a mystérieusement éclos sur une étagère du Jardin des Plantes dont il s'est échappé, et l'oiseau antédiluvien commence à semer la terreur dans le ciel de la capitale. C'est sans compter sur Adèle Blanc-Sec, dont l'intrépidité n'est plus à démontrer...


MON AVISEntre ses films à succès produits par EuropaCorp (Taxi et, c'est plus surprenant car c'est un bon film, Haute tension), ses réalisations plébiscitées par le public et les critiques (Le Grand Bleu, Nikita, Léon) mais aussi ses ratés (Angel-A en tête), Luc Besson ne chôme pas c'est certain. Il a même depuis 2002 tâté de la plume, projet qu'il a lui-même mis en images avec plus ou moins de réussite avec la série des Arthur et les Minimoys. Ici, il s'inspire de la bande dessinée en cinématographiant l'univers de Jacques Tardi et plus particulièrement celui de son héroïne Adèle Blanc-sec en adaptant deux des quatre premiers tomes : Adèle et la Bête (1976) et Momies en Folie (1978). Alors certes, d'aucuns diront que ce mélange d'histoires dessert le film car il part dans toutes les directions, que certains personnages ont été oubliés, qu'il n'atteint pas la noirceur de son modèle sur papier ni son côté réaliste ancré dans l'Histoire (Tardi étant féru de reconstitutions historiques) et s'en trouve un peu infantilisé, que c'est truffé d'anachronismes et se montreront déçus par cette adaptation. D'autres en revanche, pourraient, comme moi, trouver ce film fort distrayant. Pourquoi donc ?

Eh bien, parce que le père Besson a réussi à faire un film d'aventures à la française sans se laissé consumer par son imposant budget et est parvenu à conserver le charme suranné d'un épisode d'une série télé des années 70. Dans l'hexagone et dans le genre, personne n'a fait mieux depuis belle lurette. C'est distrayant car la donzelle vit de multiples péripéties, c'est drôle, car pour une fois chez Besson, cela ne manque ni de fraîcheur, ni de fantaisie et c'est rempli de références (dont l'hommage de notre ami Luc à James Cameron à travers certains plans et l'utilisation narrative du Titanic) tout en utilisant intelligemment les recettes des blockbusters hollywoodiens. A commencer par une photographie léchée (la partie en Egypte est magnifique) et des effets visuels majestueux : le ptérodactyle est hyper réaliste, les momies sont très crédibles et les scènes d'action sont dignes des meilleurs épisodes de la série des Indiana Jones. De plus, la reconstruction du Paris des années 1910 est renversante (Hugues Tissandier a d'ailleurs gagné le César des meilleurs décors pour ce film et c'est tout sauf usurpé), tout comme la qualité des costumes d'époque.

Luc Besson signe donc ici un excellent film d'aventures qui va compter dans sa filmographie car inattendu de sa part. La mise en scène est soignée, avec de beaux plans à la Besson et les acteurs semblent prendre plaisir à jouer sous sa direction. Louise Bourgoin (déjà très inspirée dans L'autre monde, son autre incursion dans le domaine du film de genre qu'on affectionne à Horreur.com) incarne une ravissante et pétillante Adéle Blanc Sec. C'est bien simple, elle a un abattage et un charme tels qu'on a l'impression qu'aucune autre actrice ne lui arrive à la cheville. La nouvelle Brigitte Bardot (jeune) serait-elle née ? A côté d'elle, Gilles Lellouche est hilarant en inspecteur Caponi, à la fois idiot et intègre, cherchant désespérément à devenir commissaire et à arrêter Adèle Blanc-Sec à plusieurs reprises et Jean-Paul Rouve est également très bon en Justin de Saint-Hubert, chasseur de safari professionnel, chargé de capturer le ptérodactyle survolant Paris. Le long-métrage comprend aussi une pléiade de second rôles comme on les aime (on pense notamment à Philippe Nahon, Jacky Nercessian et au caméo de Frédérique Bel). Seul bémol : la présence trop courte à l'écran de Mathieu Amalric interprétant Dieuleveult, un savant et médecin égyptologue vêtu de noir et ennemi juré d'Adèle. En effet, on aurait aimé voir plus l'un des meilleurs acteurs français de sa génération car toutes les scènes où il apparaît sont excellentes tellement son cynisme et sa méchanceté font mouche.

Du point de vue du score qui est de bonne qualité, notons que Catherine Ringer signe avec Éric Serra la première chanson du générique de fin L'Adèle et que la chanson accompagnant le générique final est interprétée en duo par Louise Bourgoin et Thomas Dutronc, ce qui ne gâche rien.

On doit toutefois déplorer la piètre qualité de certains des dialogues, ce qui constitue, avouons-le, la grosse faiblesse (l'unique ?) du cinéaste et ce, depuis ses débuts mais également le fait que l'actrice se soit débarrassée de l'air grincheux qui faisait tout le charme de l'Adèle de la bande dessinée de Tardi, ce que ne manqueront pas de souligner tous les détracteurs du film et ils sont nombreux si l'on en juge l'insuccès du métrage dans les salles obscures !

Les Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, n'ayons pas peur des mots, constitue néanmoins une comédie d'aventure débridée et délirante, ce qui à mes yeux en fait le meilleur film de Besson depuis longtemps. Pour cela, Luc, malgré un budget de 31 millions d'euros, n'a pas cédé à la surenchère de ses films précédents et autres blockbusters américains qui dépotent. Adèle Blanc-Sec serait plutôt le pendant féminin d'Indiana Jones, nouvelle héroïne d'un long-métrage mélangeant le film d'aventures au fantastique avec un soupçon de situations parfois très drôles, mais aussi très kitsch voire anachroniques, le tout porté par le charme de la séduisante Louise Bourgoin et des effets spéciaux parfois à couper le souffle. D'aucuns diront que le casting est inégal, que c'est puéril car ne respectant pas la gravité de la BD originelle et ils pourraient avoir raison, mais l'on s'en moque ! On passe un très bon moment devant ce qui apparaît comme un divertissement familial qui vaut le coup !




Vincent DUMENIL

AUX YEUX DES VIVANTS (2014)

 

Titre français : Aux Yeux des Vivants
Titre original : Aux Yeux des Vivants
Réalisateur : Julien Maury, Alexandre Bustillo
Scénariste : Julien Maury, Alexandre Bustillo
Musique : Raphaël Gesqua
Année : 2014
Pays : France
Genre : Néo-slasher, survival
Interdiction : -16 ans
Avec Anne Marivin, Francis Renaud, Béatrice Dalle, Chloé Coulloud...


L'HISTOIRE : Trois adolescents décident de sécher leur dernier jour de cours afin d’aller crapahuter à travers champs. L’insouciance de la jeunesse et l’appel de l’aventure les amèneront à se réfugier dans les studios du cinéma désaffecté de BlackWoods. Malheureusement pour eux, le lieu n’est pas désert puisqu’y vivent Isaac et son fils, Klarence, d’étranges personnages qui veulent à tout prix que leur secret et leur existence ne soient pas dévoilés. Pour les trois jeunes garçons, c’est le début d’une journée qui s’annonce compliquée…


MON AVIS Un titre énigmatique, des premiers visuels sous forme de dessins type Contes de la Crypte, une affiche tendant vers le survival avec une Anne Marivin en souffrance, des influences comme Stand by Me ou La Colline a des Yeux et une rumeur d’interdiction aux moins de 18 ans. Voici des éléments, fournis au fur et à mesure de la production du film, qui intriguent et qui ne permettent pas clairement de savoir à quoi s’attendre avant la projection du film. On peut avoir du mal à croire qu’un film d’une heure et demi puisse se nourrir de tant d’influences et les recracher avec cohérence si l’on ne connaît pas le duo de réalisateurs Julien Maury et Alexandre Bustillo. Car oui, toutes ces informations ne sont pas uniquement promotionnelles puisque Aux yeux des vivants intègre réellement différents genres (de la chronique adolescente au slasher/survival en passant par l’épouvante) dans des parties bien distinctes.

Dès le départ, les réalisateurs ne laissent pas planer longtemps le doute sur le côté sauvage du film. A travers ce qu’on pourrait grossièrement qualifier de version inversée et dégénérée de la scène d’introduction du Halloween de Carpenter, le duo de réalisateurs intègrent des idées déjà aperçues dans leurs précédents métrages (la fête d’Halloween, la femme enceinte…) et une violence frontale perturbante afin de mettre en place les personnages de méchants (Klarence et son père) et expliquer leur background de façon simple mais précise dès premières minutes, shootées avec style, qui donnent le ton ! 

Passé l’écran titre, nous faisons la découverte des trois adolescents par qui le malheur va arriver et on entre ainsi dans la chronique adolescente à la Stand by Me. Une partie vraiment plaisante de par la fraîcheur du traitement et de par la nostalgie qui s’en dégage. Les moments de l’adolescence sont finement captés et magnifiés par des paysages bucoliques à couper le souffle. La photographie et le format de l’image choisie permettent de pouvoir admirer les panoramas et de ressentir la chaleur de cet été qui va vite tourner au cauchemar après que les trois jeunes garçons se soient rendus dans les anciens studios de cinéma de BlackWoods où ils vont tomber sur Klarence et son père, deux êtres étranges peu enclins à laisser s’échapper nos jeunes héros surtout après que ces derniers aient vu leurs secrets. Klarence, d’ailleurs, dont l’apparence physique ne sera dévoilée que petit à petit au fur et à mesure du film, laissant le temps au spectateur de sentir l’angoisse monter. Bien sûr, le procédé est connu mais il fonctionne parfaitement ici grâce à de bonnes astuces de mise en scène.

Après cela, le film bascule vers un style slasher plus conventionnel. On regrette d’ailleurs que l’histoire ne continue pas dans les superbes décors de Blackwoods et qu’elle se déroule ensuite aux domiciles des jeunes gens dans lesquels Klarence va venir les traquer. Une déception vite mise de côté dès les premiers rebondissements en ces nouveaux lieux. Afin d’éviter de trop vous spoiler, passons sur les détails de l’histoire et concentrons-nous sur l’approche du genre par les réalisateurs. En effet, Maury et Bustillo, afin de continuer à maintenir la cohérence du projet, ont décidé de jouer avec nos peurs enfantines. Ainsi, la peur du noir, des clowns ou du monstre caché sous le lit seront des leviers (parmi tant d’autres) utilisés par les réalisateurs pour faire monter la pression et prévenir de l’arrivée de la menace. Même si les ficelles pourraient paraître éculées (le coup de la chatière) ou déjà vues (le passage du clown rappelle un des segments du film à sketch Amusement), ses moments font monter la pression et leur réussite tient justement au traitement choisi par Maury et Bustillo. A l’instar de James Wan avec Conjuring, dans Aux Yeux des Vivants, les terreurs nocturnes ou les légendes urbaines (celle de la babysitter notamment) ne sont pas utilisées par facilité scénaristique mais pour une réappropriation totale et même pour une sorte d’hommage au cinéma d’épouvante et à toutes ces histoires qu’on a pu entendre étant gamin et qui nous terrorisaient. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si un des jeunes héros du film lit une bande dessinée intitulée Bedtime Stories rappelant furieusement les Tales from the Crypt qui regroupaient de courtes histoires souvent horribles et cruelles.

Le film alterne ces moments de pure épouvante avec des passages gore, d’une grande violence graphique et aux effets spéciaux réussis. Bon, honnêtement pas de quoi demander une interdiction aux moins de 18 ans mais il y a quand même quelques mises à mort bien corsées ! Les apparitions du méchant sont toujours stressantes et son style à la fois souple et brutal en fait un prédateur redoutable. On pourra reprocher au métrage des incohérences inhérentes au genre comme par exemple le fait que certains personnages s’écroulent facilement alors que d’autres encaissent au-delà du possible ainsi qu’une gestion du temps pas toujours très crédible mais hormis cela, le tout tient la route et fait preuve d’une grande efficacité notamment grâce la mise en scène mais aussi grâce à l’excellente musique et au jeu des acteurs. Le final, porté par Anne Marivin, Theo Fernandez, Francis Renaud et Fabien Jegoudez est d’excellente facture. Utilisant en sa faveur les clichés (l’humanité des méchants) ou en les détournant (le moment où le personnage d’Anne Marivin braque Klarence et son père), la conclusion est aussi réussie que peu joyeuse et surtout pas du tout cynique.

Comme pour leurs deux précédents métrages (A l’intérieur et Livide), Maury et Bustillo ont réussi à créer un univers passionnant et cohérent dans lequel ils ont intégré de bien belle manière certaines idées d’œuvres qu’ils ont aimées afin de se les réapproprier. Les détracteurs du duo pourront (une nouvelle fois) leur reprocher le côté schizophrène de l’entreprise et le mélange des genres pas toujours homogène mais au-delà de ça, Aux yeux des vivants est une très belle œuvre, autant plastique que scénaristique et une superbe déclaration d’amour aux films d’épouvante et aux productions Amblin des 80’s. Entre les paysages et décors magnifiques de la première partie, l’habilité du suspense de la seconde et une réalisation globale de haut standing, difficile de bouder son plaisir devant une œuvre si techniquement aboutie, gore, jouissive, flippante et surtout, si généreuse.




Sylvain GIB

ATTACK THE BLOCK (2011)

 

Titre français : Attack the Block
Titre original : Attack the Block
Réalisateur : Joe Cornish
Scénariste : Joe Cornish
Musique : Steven Price
Année : 2011
Pays : Angleterre, France
Genre : extraterrestre
Interdiction : /
Avec : John Boyega, Jodie Whittaker, Nick Frost, Alex Esmail, Leeon Jones...


L'HISTOIRE : Sam, une jeune infirmière habitant dans la banlieue sud de Londres se fait racketter en soirée par une bande d'ados la délestant de son portefeuille et d'une bague de valeur. Soudain, comme tombée du ciel, une créature hideuse assaille Moïse, le leader du gang qui décide d'occire l'affreuse bestiole, ce qui provoque fortuitement la fuite de l'agressée nocturne. Le travail étant fait, les adolescents décident d'aller exhiber leur trophée à Hi-Hatz, caïd et dealer notoire du block, une barre d'immeubles du quartier où ils habitent tous. Mais c'est à partir de cet événement que notre bande va devoir faire face à une invasion de féroces extraterrestres, ce qui transformera leur cité en véritable terrain de chasse et bientôt leur immeuble en abri de fortune complètement assiégé. Ils devront alors se débrouiller par leurs propres moyens tout en évitant les rafles inopinées des forces de police locales. Survivront-ils à cette nuit d'enfer ?


MON AVISAttack the Block est, avant toute chose, un film référentiel. Le titre rappelle en effet la comédie coréenne Attack the Gas Station dans laquelle quatre petits voyous séquestrent le pompiste d'une station-service. Les plans de rues et autres immeubles filmés la nuit font quant à eux référence à Les Guerriers de la nuit de Walter Hill, influence revendiquée par Joe Cornish lui-même. Enfin, le personnage de Moïse a été imaginé comme une évocation de Snake Plissken, le héros interprété par Kurt Russell dans New York 1997 et Los Angeles 2013, deux fleurons d'anticipation devenus cultes signés John Carpenter. Mais est-ce suffisant pour faire de ce métrage un film OVNI marquant son époque ? Voyons voir cela de plus près.

Connu principalement Outre-manche pour la série comique culte The Adam and Joe Show et ses apparitions dans Shaun of the Dead puis Hot Fuzz, le britannique Joe Cornish signe avec Attack the Block, son premier long-métrage. Il change de registre et s’attelle ici à l'univers de la science-fiction avec pour intrigue principale une invasion extraterrestre en plein milieu urbain. Mais ce qui fait l'originalité de son film, c'est que l'histoire ne se déroule pas aux Etats-Unis (comme c'est souvent le cas pour ce type de productions) mais dans le sud de Londres, en plein cœur d'une cité HLM pour être plus précis. On y croise un groupe d'adolescents, petites frappes vivotant de menus larcins, de rackets et deals en tous genres qui tombent nez à nez avec une armada d'aliens débarqués sur Terre via des météorites.

Budgété à seulement 9 millions de £ (environs 10 millions d'euros), Attack the Block apparaît de prime abord comme une série B limitée, mais très ancrée dans la réalité (vie dans les cités, contrôles des forces de l'ordre, discriminations, trafics divers, distinction des classes sociales, etc.) et dans le Londres d'aujourd'hui. Cela étant, après une analyse plus poussée, le manque de moyens n'est pas flagrant à l'écran, bien au contraire ! Le réalisateur et les producteurs ont été malins puisque le choix des scènes tournées dans la pénombre et la forme des envahisseurs leur ont permis de faire de grosses économies sur les effets spéciaux (des costumes tout simple d'aliens aux dents fluorescentes et puis c'est tout !) qui sont certes peu fréquents mais de qualité, c'est déjà ça ! 

En revanche, pour ce qui est du discours politique pseudo moralisateur, on repassera. Le film exalte la culture hip-hop (on vole, on fume, on deale en écoutant du rap qui décrédibilise la police) et n'évite pas les clichés surtout lorsqu'il s'essaie à une petite morale policière (tous nos actes ont des conséquences) ou qu'il dépeint de manière peu subtile les différentes classes de la société britannique (les racailles habitent toutes dans des cités, lieux sordides où tout le monde s'habille de façon pittoresque, parle verlan en insultant son prochain, quand il ne le dépouille pas !). A une époque où les gens vont mal à cause de la crise et de l'insécurité touchant les grandes nations européennes (cf. les récentes révoltes de jeunes en Angleterre en août 2011) il serait bien d'éviter toute stigmatisation des banlieues malvenue…

Côté casting, rien de notable à signaler, puisque que c'est une grande première pour les jeunes acteurs John Boyega, Paige Meade, Alex Esmail et Simon Howard, incarnant certains ados du film. Seuls Jumayn Hunter (vu dans Eden Lake) et Nick Frost, fidèle complice de Simon Pegg (dont le récent Paul) incarnant Hi-Hatz et Ron alias le caïd et son dealer cool, ont un CV avec une expérience cinématographique véritable. Alors certes, faire un film avec des inconnus apporte un cachet d'authenticité, un certain naturel de la part des acteurs. Toutefois, pour capter l'attention du public, il faut un minimum d'empathie, d'identification aux personnages. Et en ce domaine, le bât blesse carrément. Les protagonistes ne sont pas du tout sympathiques, ils sont juste infects et agaçants. On n'a qu'une seule envie en les voyant : qu'ils se fassent bouffer tous tout cru par les bébêtes intergalactiques en transhumance sur la belle bleue !

En ce qui concerne le score, qui entre nous est très bon, on a à la manœuvre Steven Price, ayant déjà travaillé sur la musique des deuxième et troisième volets de Le seigneur des Anneaux ainsi que sur celle de Batman Begins, autrement dit ce n'est pas un manchot. Mais on trouve également des morceaux connus empruntés çà et là. On pense notamment au générique de fin signé Basement Jaxx et surtout au formidable Sound Of Da Police de KRS-One. Mais si, c'est ce tube de hip-hop fabuleux qui fait : Ouh ouh, that's the sound of da police, ouh ouh that's the sound of da beast, remixé également par Cut Killer chez nous en France !

Alors oui c'est vrai, ce métrage est empli de défauts qu'on mettra sur le dos de la première œuvre, mais il y a deux, trois trucs à sauver quand même. Attack the Block est énergique (les scènes d'action s'enchaînent de manière ininterrompue), doté de SFX satisfaisants dans la mesure où Joe Cornish nous offre le spectacle d'une SF débridée légèrement gore. Et en cela, on ne peut que le féliciter : il déploie une certaine énergie de sale gosse qu'on ne peut que souligner. Il a du talent, et parvient avec trois fois rien à faire un film qui ressemble à quelque chose. 

Mais faire passer des racailles au rang de héros sacrificiels était l'erreur du métrage : ce choix était mauvais, on a juste envie de les voir se prendre une bonne raclée et puis c'est tout ! Le discours politique sous-jacent est également lamentable puisque par trop réducteur. Alors pour ton prochain long-métrage Joe, tu travailleras davantage les domaines suivants : évite les personnages superficiels voire caricaturaux et de faire de la philosophie de comptoir sur des thèmes de société sujets à controverses et que tu ne maîtrises pas, ça ne te va pas du tout et vient plomber tout l'ensemble de ton œuvre. Rassure-toi cependant, ton film est sans temps mort, contient de bonnes séquences (voir le final notamment), un bon score et constitue finalement un divertissement simpliste certes, mais relativement efficace quand on n'est pas trop difficile. Alors attention la prochaine fois, car tu seras attendu au tournant ! 




Vincent DUMENIL

ATOMIK CIRCUS (2004)

 

Titre français : Atomik Circus
Titre original : Atomik Circus
Réalisateur : Didier Poiraud, Thierry Poiraud
Scénariste : Didier Poiraud, Thierry Poiraud, Jean-Phillippe Dugand, 
Marie Garrel Weiss, Vincent Tavier
Musique : The Little Rabbits
Année : 2004
Pays : France
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec : Benoît Poelvoorde, Vanessa Paradis, Jason Flemyng, Jean-Pierre Marielle...


L'HISTOIRE : Bienvenue à Skolett City, petite bourgade perdue en plein désert et administrée par Bosco, le maire de la ville. C'est la grande fête annuelle de la tarte à la vache : tout le monde est excité et organise consciencieusement les préparatifs. Seulement voilà, c'est le moment que choisit James Bataille, fiancé de Concia, la fille de Bosco, et récemment évadé de prison, pour réapparaître. Mais il n'est pas le seul : Allan Chiasse, futur imprésario de Concia désirant être chanteuse de country et surtout d'étranges étoiles de mer venues de l'espace ont également décidé de s'inviter aux festivités, et ce n'est qu'un début…


MON AVISPremier long-métrage des frères Poiraud (Didier et Thierry), Atomik Circus est directement inspiré d'une bande-dessinée inachevée de Didier et ça se ressent : univers complètement décalé à la lisière du fantastique, du western, du film US des années cinquante, de la comédie noire et personnages hauts en couleur (le maire mégalo, l'impresario véreux et concupiscent, la ravissante et innocente héroïne puis le héros, croisement improbable entre David Vincent et Averell Dalton), cet OVNI cinématographique dénote totalement, dans un paysage hexagonal jugé trop timoré, par son aspect totalement déjanté et son contenu complètement iconoclaste. 

Nouveaux venus dans le sérail, les frères Poiraud viennent directement de la publicité. Rappelez-vous, ils sont responsables de nombreux spots farfelus : la statue de la Liberté plongeant dans l'Hudson River pour une marque de chewing-gum, la bouteille tueuse d'une marque de jus d'orange pétillant et une pub pour une banque française où déjà des extraterrestres intervenaient et se transformaient en vaches ! Et que donne alors leur premier essai sur grand écran ? Ben un conglomérat de grand n'importe quoi assez réjouissant ! Jugez plutôt ! 

Le film réunit un casting international appétissant et grand public : Benoit Poelvoorde (le cultissime C'est arrivé près de chez vous) en imprésario libidineux très énergique et cinglant comme à son habitude, se transformant petit à petit en monstre tentaculaire, l'excellent Jean-Pierre Marielle (remplaçant pour la circonstance un Jean Yanne parti trop vite) en maire et propriétaire d'un bar pouilleux (le Sam Paradiso) aux répliques assassines, la charmante Vanessa Paradis en chanteuse country en devenir, Jason Flemyng (Bruiser, The bunker, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires) en motard ennemi public numéro 1 de la fête de la tarte à la vache à cause d'une cascade ratée et un Venantino Venantini (Pulsions Cannibales) venu faire un caméo des plus appréciables.

A côté de cela, on assiste à des scénettes hallucinantes avec des trouvailles scénaristiques bluffantes : le chien hurleur/chanteur, la grand-mère momifiée, les mariachis à l’accent teuton, l’homme à tout faire complètement analphabète aux ordres du maire, j’en passe et des meilleurs.

Vous ai-je parlé des effets spéciaux ? Non, bien sûr ! Ils sont proprement à couper le souffle car les frères Poiraud ne lésinent pas sur l’hémoglobine, c’est le moins que l’on puisse dire : c’est trash, gore et les décapitations et tripes à l’air affluent. Mieux vaut être prévenu : les Aliens sont belliqueux et avides d’effusions sanguines en tous genres !

De plus, la bande originale détonante réunissant Les Little Rabbits (un groupe de potes nantais des frères Poiraud) et Vanessa Paradis vous ravira pendant six chansons, même s’il est vrai que les paroles ne volent pas très haut !

Mais est-ce que tous ces éléments réunis sont suffisants pour faire un bon film ? C’est là que ça devient ennuyeux pour moi de continuer la critique. S’il est vrai que ce délire filmique très mauvais esprit peut plaire, il est évident qu’il aura également ses détracteurs. Ces derniers argueront assurément du fait que le scénario (quel scénario ?) est abracadabrant car il file dans tous les sens. Atomik Circus, c’est l’histoire de James Bataille, un casse-cou qui pour avoir plu à la fille de Bosco et avoir raté une cascade facile lors d’une précédente fête de la tarte à la vache s’est vu « offrir » un séjour en prison. Bosco est le maire de Skotlett, un bled paumé désertique à forts relents mexicains. Chaque année, il organise le monumental festival de la tarte à la vache. Mais voilà, cette année, un imprésario obsédé sexuel et surtout des extraterrestres tentaculaires venus de l’espace et se collant sur le visage des gens (tiens, ça me rappelle quelque chose !) s’incrustent à la fête… et rien ne se passe comme prévu. Vous avouerez que l’on peut trouver plus cohérent ! 

Mais l’absence de réelle ligne de conduite n’est-elle pas, finalement, un atout supplémentaire ? D’aucuns répondront par la négative d’autant il est vrai, que les vingt-cinq dernières minutes sont assez lourdes à digérer et que la fin, quasi onirique voire incompréhensible, peut en laisser plus d’un dubitatif. Mais rappelez-vous du magnifique Le voyage de Chihiro dans lequel on ne savait pas en quoi allait se transformer l’histoire et quelle direction le réalisateur allait bien pouvoir prendre. Cet anime a pourtant été encensé par les critiques, alors …

Ajoutons à cela que le genre du métrage pondu par des fans de cinéma de genre, citant ça et là quelques références à des classiques connus, n’est pas non plus des plus clairs. Film de science-fiction ? De monstres ? Comédie ? Survival ? Et que cela peut vite en refroidir certains ne voyant là qu’un gros délire d’admirateurs de séries B et Z ayant choisi de faire un métrage au visuel fort et mêlant trash, fantastique, rock’n’roll et comédie, sans réel fil conducteur.

Disons-le franchement, ce long-métrage ne plaira pas à tout le monde. On accroche ou pas du tout. Et je comprends tout à fait qu’on puisse crier au foirage total. Je vous avouerai qu’il m’a été très difficile de noter un film de ce genre, car il est très rare que l’on voit cela sur nos écrans. C’est hyper original, plutôt bien joué, il y a de bonnes scènes gore comme on les aime, des dialogues très drôles (merci Marielle et Poelvoorde !), un bon score, mais voilà, c’est too much car trop brouillon et si vous n’êtes pas fans de bandes dessinées, vous allez avoir du mal à rentrer dedans.

Atomik Circus, malgré son côté délirant et inclassable, manque donc de rigueur pour devenir un film culte. Il faut en conséquence le visionner au second degré et attendre beaucoup plus de voir ce que les frères Poiraud vont nous mijoter par la suite avant de complètement descendre ce galop d’essai. C’est tellement rare de voir ça dans le paysage hexagonal, qu’il est inutile de le condamner mais plutôt le voir comme un apport de fraîcheur et d’innovation dans un cinéma par trop ancré dans le film d’auteur ou le film débilitant parrainé par TF1 et Cie. A visionner donc… en attendant beaucoup mieux.




Vincent DUMENIL

L’ARMÉE DES MORTS (2004)

 

Titre français : L'Armée des Morts
Titre original : Dawn of the Dead
Réalisateur : Zack Snyder
Scénariste : James Gunn
Musique : Tyler Bates
Année : 2004
Pays : Usa, Canada, Japon, France
Genre : Morts vivants
Interdiction : -16 ans
Avec : Sarah Polley, Ving Rhames, Jake Weber, Bruce Bohne, Mekhi Phifer, Ty Burrell...


L'HISTOIRE : Infirmière aux urgences de Milwaukee, Ana termine tout juste ses treize heures de travail d'affilée, ne prêtant qu'une attention vague au fait qu'un patient vienne d'être admis aux soins intensifs pour une simple morsure après avoir passé une radio du crâne. Sans davantage prendre garde aux informations alarmantes qui passent à la radio, elle rentre chez elle, dans un quartier résidentiel où l'attend son mari, Luis. Ana a réussi à leur prévoir un week-end de trois jours. Ils font l'amour, ratant le flash spécial d'information qui passe entre deux spots de publicité, puis se couchent. A 06h37, Luis est réveillé par Vivian, leur petite voisine. Elle est encore en chemise de nuit. Sa bouche est mutilée et ensanglantée. Alors qu'il se précipite vers elle et demande à Ana d'appeler des secours, la fillette lui saute à la gorge et la lui déchire à belles dents. Malgré les efforts d'Ana, il meurt rapidement et se métamorphose presque aussitôt en zombie. Un réveil coup de poing pour Ana, qui va brutalement réaliser que les morts-vivants, hystériques et affamés, ont envahi le quartier, la ville, le pays… 


MON AVISComme on voit, c'est par abus de langage qu'on parle de remake (quand bien même la promotion a été basée sur cet argument), et comparer les deux Dawn of the Dead (1978 et 2004) pour décider lequel est le meilleur commence, au bout d'un moment, à être assez inutile. Un excellent début de cinéaste incompris pour Zack Snyder, dont c'est, faut-il le rappeler, le premier long-métrage. Son esthétique, éminemment lisible par le plus jeune public (et alors?), le succès qu'elle a entraîné, ont en effet engendré envers lui un tollé réactionnaire du plus bel effet. Et paradoxe, les défenseurs et les pourfendeurs du Dawn of the Dead 2004 se sont souvent rejoints dans la même erreur, celle qui consiste à dire qu'il ne contient pas ou presque de critique sur la société d'aujourd'hui, que tout n'y est que pur divertissement.

Premièrement, c'est faux. Le film de Snyder est d'ailleurs infiniment plus chargé du côté du discours. Deuxièmement, ceux-là mêmes qui pointent du doigt cette prétendue absence de critique ne se privent pas, par ailleurs, d'encenser des films qui, eux, en sont véritablement dépourvus. Troisièmement, on ne sait pas de quel chapeau magique est sortie cette magnifique loi selon laquelle une critique de la société d'aujourd'hui devrait être menée de la même façon en 2004 qu'en 1978 pour être reconnue, nonobstant la différence individuelle des réalisateurs. Zack Snyder, en effet, ne s'appelle pas George A. Romero, et il ne l'a jamais prétendu. Et quatrièmement, on ne voit pas en quoi le divertissement serait incompatible avec la critique !

James Gunn, maintenant… James Gunn ? Ce dernier n'est pas seulement le scénariste de Scooby Doo 1 & 2 (2002, 2004) comme on s'est plu à le dire. Il a également été scénariste pour la Troma, et notamment de Troméo et Juliet (1996), Sergent Kabukiman (1997), Terror Firmer (1999) et la série Tromaville Café (1997).

Peut-être peut-on s'expliquer par là l'extrême liberté d'inspiration que le jeune homme a pris vis-à-vis du scénario d'origine de George A. Romero, ainsi qu'une tendance à la démesure (la fameuse explosion de la bonbonne de gaze) et une certaine maladresse dans l'écriture des dialogues, trop démonstratifs, point faible du film avec une direction d'acteur mal assurée de la part de Zack Snyder. Passer d'un genre parodique à un film sérieux est un virage qui ne se négocie pas sans maladresses, mais il réserve aussi de bonnes surprises. L'Armée des Morts déborde par exemple de citations de films de zombies, et pas seulement du film de 1978, dont il ne reprend strictement que l'idée du centre commercial, ici le Cross Roads Mall : le centre où se croisent toutes les routes.

Le but de Gunn et Snyder n'a jamais été de remplacer l'original par la copie (d'ailleurs, quel remake a jamais eu cette intention?). En un hommage des plus fidèles à l'esprit de la trilogie romérienne, ils ont visé au contraire à prouver, tant du point de vue du discours que de l'esthétique, qu'un nouveau film de zombies pouvait être réalisé aujourd'hui, sur la société d'aujourd'hui. Inutile donc de préciser le rôle décisif qu'a joué L'Armée des Morts auprès des producteurs pour enfin permettre à George A. Romero de tourner Land of the Dead.

Trop d'informations, trop de travail, tout va trop vite dans le monde d'Ana. Tout va beaucoup trop vite dans le monde en général, et même la mort y galope à toutes blindes, avide de se répandre partout comme une vague de chair pourrie et cannibale (en 25 ans, la frénésie de consommation n'a pas baissé, elle est devenue pure vitesse de propagation morbide et décérébrée). Hommes et femmes ne se voient plus qu'en coup de vent. Lorsqu'il faut s'unir pour faire face au danger, on commence par se tirer dessus avant de parler (le générique de début est un mélange de scènes de carnages et d'émeutes lourdement réprimées), on s'appuie sur les vieilles bonnes règles (les vigiles du Mall), on se méprise, on se déteste, on se met en cage, on se juge, on tente de s'apprivoiser. La désorientation et la consternation règnent. Si ça ne constitue pas un discours sur la société, je ne sais pas ce que c'est.

Contrairement à ce qui se passe dans le Dawn of the Dead de 1978, les personnages ici ne sont pas des gens renseignés, et ils n'ont rien de sympathique, nous tendant un miroir assez désagréable à regarder. Ce sont des individus lambda qui recoupent toutes les catégories sociales et qui constituent un éventail complet des attitudes actuelles vis-à-vis des problèmes du monde : l'individualisme forcené et obtus (Kenneth), le conformisme aliéné (C.J., qui sur-investit bêtement l'importance des règles du monde dans lequel il a réussi à se faire une place, mais qui sont déjà désuètes, et son équipe de vigiles), le cynisme trouillard (Steve Marcus et sa greluche), le recours à la tradition (André et Luda), les belles intentions qui ne sont pas à la hauteur de la réalité (être humaniste aboutit à se faire dégommer ou à éliminer les infectés), etc. 

Tous assistent au chaos, impuissants devant les écrans de télévision du Mall, où l'on retrouve les acteurs du Dawn of the Dead de Romero dans des rôles de porte-parole de diverses autorités (Tom Savini en shérif, Ken Foree en prédicateur évangéliste). Tous vont essayer de trouver une issue, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'entre les séquelles qu'a laissé en chacun le monde de la consommation effrénée (pas le temps de pleurer), la perte du sens de ce que peut être un être humain (le shoot à la carte se fait sur des zombies à l'air curieusement hagards, et on leur donne des noms d'acteurs), les réflexes de mépris, de bêtise (risquer la vie des copains pour un toutou) et de lâcheté (Steve), ce n'est pas gagné... En gros, les seuls moments heureux sont la petite crise de consommation, chacun dans son coin, et la partie d'échec à distance, où les pièces abattues sont des effigies des personnages de l'Histoire...

Par son esthétique nerveuse et saccadée, Zack Snyder communique une sensation extrêmement désagréable de trop plein chaotique et incontrôlable. Son expérience dans le domaine de la publicité et du clip musical l'a bien placé pour savoir de quoi il parle et comment en parler, mais contrairement à Danny Boyle (qui a la même expérience publicitaire) dans 28 jours plus tard, il ne s'en sert à aucun moment pour embellir son tableau en lui donnant un joli côté d'esthète. Ici le verdâtre, le gris et la surexposition dominent, démontrant s'il en était besoin que l'univers aseptisé dans lequel nous vivons est d'ores et déjà une sorte de morgue à l'usage des cadavres. Tout va vite, mais tout reste immobile. Tout est très propre, mais tout est très crade. Là encore, si tout cela n'est pas un discours critique sur la société d'aujourd'hui, je ne sais pas ce que c'est.

Le film de Snyder est bien plus noir et pessimiste que celui de Boyle, il est même profondément nihiliste. Accompagné de country (When the man comes around de Johnny Cash, variation sur l'Apocalypse selon St Jean), de crooner déjanté (Down with the sickness de Richard Cheese) et de tubes pop pris à contre-emploi (Have a nice day des Stereophonics ou Don't worry be happy de Bobby Mc Ferrin), la première tentative des personnages pour trouver une solution (S.O.S. adressés au ciel) est celle-là même qui terminait 28 jours plus tard, et ne reçoit en réponse que la plus grande indifférence : lucide et logique. Le générique de fin, quant à lui, se passe de commentaires. Quand bien même les hommes auront appris à s'entraider, la mort ne fera pas de quartiers.

L'Armée des Morts n'est pas vraiment un remake, c'est un très bon film. La postérité lui est d'ailleurs assurée pour un nombre remarquable de scènes, qui deviendront certainement cultes à leur tour par le sens et l'émotion qu'elles recèlent : les génériques de début et de fin, l'exécution de Franck, la communication à distance entre Kenneth et Andy, la séance de shoot à la carte de ce dernier, l'accouchement de Luda, la sortie hallucinante des bus blindés, le sacrifice de C.J… Ce qui fait beaucoup de bonnes choses, pour un premier film ! 




Stéphane JOLIVET