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AVALON (2001)

 

Titre français : Avalon
Titre original : Avalon
Réalisateur : Mamoru Oshii
Scénariste : Kazunori Ito
Musique : Kenji Kawaï
Année : 2001
Pays : Japon, Pologne
Genre : Anticipation
Interdiction : /
Avec Malgorzata Foremniak, Bartlomiej Swiderski, Dariusz Biskupski...


L'HISTOIRE : Dans une Pologne future, le quotidien est devenu si insipide que certains se réfugient totalement dans un jeu vidéo en réseau illégal nommé Avalon. Ce dernier, qui peut permettre aux joueurs confirmés de gagner leur vie, se déroule dans un univers guerrier qui n'est pas sans évoquer l'Europe de la Seconde Guerre Mondiale, et provoque une si forte dépendance qu'il peut provoquer des accidents cérébraux. Ash, joueuse émérite de classe A, convoite à présent une classe spéciale qui lui permettrait de percer le mystère d'Avalon...


MON AVISprès avoir réalisé le désormais célèbre Ghost in the Shell et écrit le scénario de Jin-Rô, tous deux des longs métrages d'animation, Mamoru Oshii s'attaquait au film avec Avalon (ses précédents essais dans le genre, Lunettes rouges, Stray Dogs et Talking Heads, sont indisponibles chez nous). Évoquant de nouveau la possibilité d'une âme dans un contexte qui a priori la nie, il pénétrait cette fois, avec une esthétique unique et stupéfiante, mais non dépourvue d'ambiguïté idéologique, l'univers du jeu vidéo.

Dès son entrée en matière, Avalon nous immerge dans un univers jamais vu au cinéma. Dans un magnifique sépia aux lumières pâles et dorées, aux gris duveteux et aux noirs soyeux, Ash remplit une mission en cavalier solitaire, au milieu des tanks sillonnant les champs et les rues, des hélicoptères et des autres combattants. Faisant la découverte d'un jeu graphiquement plus réaliste encore que ceux d'aujourd'hui, mais qui conserve des signes clairs de sa nature fictive (explosion numérique des victimes, mission complète, etc.), le familier des jeux vidéos trouvera vite ses repères dans la façon qu'a le personnage d'utiliser les décors et les éléments qui l'entourent, ou dans la transition d'un niveau à un autre. Par son utilisation exquise des nuances d'ombres et de lumières, de mouvements de caméras et de flous, Mamoru Oshii excelle à produire un monde fluide, lyrique et autonome, où la violence des combats, particulièrement développée au niveau sonore, jouit visuellement d'une étrange douceur. Douceur paradoxale qui, avec son absence de couleurs, marque la limite du réalisme du jeu. Conjuguée aux perspectives de victoire et d'évolution, on s'expliquerait donc l'attrait insensé de ce dernier sur les joueurs.

Afin de justifier cette addiction, Oshii met en regard une réalité quotidienne exsangue et sans saveur, et c'est à partir de là que le bât commence à blesser. Cette conception rétro-futuriste, aux fondements absents, n'a justement l'air de rien d'autre qu'une justification. On ne pourrait pas ne pas vouloir fuir ce monde verdâtre et sale, aux lumières inconfortables, et où il semble qu'on ne puisse rien faire d'autre que manger à la cantine, prendre le tram et se morfondre dans une chambre vide en compagnie d'un toutou bâfreur. En évacuant tout exposition sociale, politique ou psychologique (pourquoi le monde est-il ainsi, ne peut-on rien y faire, vraiment ?), et donc tout contrechamps à l'obsession de Ash et des autres joueurs, Oshii évite soigneusement de mettre celle-ci en question. Il nous somme de l'accepter et, non sans lourdeur parfois (la scène où Ash regarde manger Stunner), de compatir avec démagogie à cette préférence pour le jeu et la désincarnation. Ce qui n'empêche de constater que Ash, revenue ou pas, est déjà aussi sympathique que le légume (un chou) qu'elle cuisine dans une autre scène sensée émouvoir, et que sa quête est aussi séduisante que l'hallucination saumâtre d'un toxico chronique.

Pire encore. Le film reste relativement ambigu sur le sujet. Personne, même, ne semble avoir relevé cet aspect des choses, comme si véritablement l'éblouissement visuel et la majestueuse lenteur du film avaient fini par provoquer l'aveuglement. On préfère parler de profondeur métaphysique, mais évidemment sans jamais dire rien de précis. C'est bien simple : dès qu'une bêtise reste dans le vague, on parle de profondeur. Cela apparaît pourtant dans le titre même du film, qui est à la fois le nom du jeu et de sa quête ultime. Ce nom est expliqué au cours du récit (on évitera de le faire ici, par égard envers ceux qui ne l'aurait pas encore vu), notamment au travers des chants nostalgiques et élégiaques portés par la musique, de plus en plus grandiloquente, de Kenji Kawaï, experts en nausées doucereuses et rococos. Avalon, le roi Arthur, les Neufs Sœurs… Ash évoquera même Odin et son anneau d'or, dont on retrouve un symbole équivalent sur l'écran de veille de l'ordinateur de Ash. Mais que veut dire ce salmigondis de références mythologiques ?

Il apparaît que cette quête d'âme perdue est axée sur la nostalgie d'un groupe guerrier (les Wizards), qu'elle passe par une guerre aussi implacable que désincarnée, et qu'elle est assimilée, pendant tout le film, à un certain mysticisme celto-germanique, qui n'était pas absent d'une idéologie de sinistre mémoire et accompagne encore aujourd'hui les fantasmes de quelques mouvements extrémistes, régionalistes ou nationalistes. Est-ce profond parce que c'est mystique, ou bien ce culte mélancolique du héros à la sauce post-Wagnérienne, placé sur le territoire Polonais, et qui plus est dans un décor rappelant par bien des aspects la Seconde Guerre Mondiale et ses suites, n'est pas plutôt choquant ? Cela, à aucun moment Oshii ne semble le remettre en cause ni même en prendre conscience. N'a-t-il pas osé formuler de critique, ou bien est-il en phase avec cette mystique entretenue par les joueurs ? Impossible à dire. La séquence finale (dont le retour à une image normale se contente de jouer sur la difficulté à distinguer le réel du fictif, sorte de twist à deux euros), ne démentira pas ce trouble, avec son concert à la Viennoise où, entre parenthèse, le compositeur peut s'auto-admirer (hommage, dira-t-on) avec une étonnante complaisance.

Exploit visuel au service d'une idéologie fumeuse, célébration plutôt que réflexion, tel semble être au bout du compte le cocktail Avalon. Ce ne sera pas la première fois qu'un réalisateur se sert du genre pour développer des idées, c'est même une bonne chose. Mais, d'une façon identique à celle d'Otomo avec Akira, Oshii fuit tout contrepoint, ne cherchant qu'à imposer l'adhésion et la contemplation, et ne faisant qu'illustrer, cette fois c'est bien pire, une mystique sentimentale désuète et rance, qui se voile dans les splendeurs du flou artistique pour ne pas montrer son misérable visage… à moins qu'elle n'en ait pas du tout.




Stéphane JOLIVET

AUDITION (2000)

 

Titre français : Audition
Titre original : Oodishon
Réalisateur : Takashi Miike
Scénariste : Daisuke Tengan
Musique : Kôji Endô
Année : 2000
Pays : Japon
Genre : Tueurs fous
Interdiction : -16 ans
Avec : Ryo Ishibashi, Eihi Shiina, Tetsu Sawaki, Jun Kunimura...


L'HISTOIRE : Shigeharu est maintenant veuf depuis sept ans et il a de nouveau envie d'être marié, surtout que son fils semble d'accord pour ce projet. Avec l'aide de son ami Yoshikawa, il organise une fausse audition pour un casting de cinéma afin de pouvoir choisir la femme qu'il désire. Il repère sur les candidatures celle de la jeune Asami. Le lendemain, pendant l'audition, Shigeharu rencontre Asami, une ancienne danseuse et il tombe immédiatement sous le charme. Il lui donne un premier rendez-vous et tout se passe à merveille entre nos deux amoureux. Mais Yoshikawa ne semble pas aussi enthousiaste au sujet d'Asami et il met en garde Shigeharu, qui décide de faire des recherches sur la vie de cette étrange jeune femme...


MON AVIS : Film choc réalisé par Takashi Miike, le réalisateur japonais fou déjà auteur de nombreux films bien barrés tels Ichi the Killer ou la saga des Dead or Alive entre autres,  Audition est assez différent par son traitement des œuvres pré-citées. En effet, Audition se veut avant tout un film d'ambiance, là où les films de Miike joue plus dans la démonstration pure et simple. 

Le film démarre tranquillement et on assiste à la préparation de l'audition ainsi qu'au casting. Apparaît alors Asami, jouée par la sublime Eihi Shiina, et dont le look et les grands cheveux noirs nous font évidemment penser à la Sadako de Ring. C'est là que tout le talent de Miike commence à se faire sentir sur l'écran, car non, nous n'avons pas affaire ici à un film de fantôme japonais.

Par petites touches, il inclue dans une banale love-story un élément de mystère, de suspense, un sentiment d'inquiétude. Le spectateur commence à comprendre qu'Asami cache des choses et que sa beauté et son apparente fragilité et timidité ne sont qu'une facette, et qu'elle en possède une autre, qui semble bien plus obscure et inquiétante.

Miike nous la montre dans son appartement, totalement désert, assise contre un mur, la tête entre les bras, un téléphone à côté d'elle. Lorsque la sonnerie retentit, elle esquisse un sourire qui fait vraiment froid dans le dos. Et que peut bien contenir ce grand sac à patates qui repose près d'elle ? Avec une grande habileté, Miike fait monter progressivement la tension et on devient de plus en plus conscient que le personnage de Shigeharu (Ryô Ishibashiest en train de se faire avoir par cette beauté ténébreuse. 

Le final, qui choqua bon nombre de personnes, nous montrera toute l'horreur de la vérité sur Asami et en tétanisera plus d'un, assurément, tant il est d'une redoutable efficacité.

En clair, Audition n'est sûrement pas le film le plus barge de Miike, du moins au niveau de sa mise en scène, nettement plus posée ici, mais son traitement et la montée de la peur par touches subtiles en font un grand film de terreur. Nul doute que le visage d'Asami, comme celui de Sadako, restera longtemps gravé dans la mémoire des spectateurs.



Stéphane ERBISTI



ASSAULT! JACK THE RIPPER (1976)

 

Titre français : Assault! Jack the Ripper
Titre original : Boko Kirisaki Jakku
Réalisateur : Yasuharu Hasebe
Scénariste : Chiho Katsura
Musique : Taichi Tsukimizato
Année : 1976
Pays : Japon
Genre : Tueurs fous
Interdiction : -16 ans
Avec : Yutaka Hayashi, Tamaki Katsura, Yoko Azusa, Midori Mori, Rei Okamoto...


L'HISTOIRE : Rien ne semble réunir ce pâtissier timide et cette serveuse caractérielle qui verront alors leur vie basculer un soir de tempête. Croyant bien faire, voilà que l'homme du couple laisse entrer une auto-stoppeuse trempée et à moitié-folle dans la voiture, faisant comprendre aux deux tourtereaux, par des moyens relativement violents, sa fascination pour l'auto-mutilation. A la suite d'un malencontreux concours de circonstances, la démente y laissera sa vie, obligeant le couple à se serrer les coudes pour planquer le corps, ce qui ne manquera pas de faire naître chez eux des pulsions morbides et incontrôlables...


MON AVIS La firme Nikkatsu et sa tripotée de Pinku n'a pas proposé que du fantasme bondage dans son sillage corrosif : la preuve avec la découverte toute récente de ce Assault ! Jack the Ripper qui s'écarte, avec assez peu de sagesse, des turpitudes SM généralement rencontrées dans ce genre de productions. Ce qui ne veut dire en aucun cas que la romance décrite ici affiche calme plat : depuis le temps, on connaît bien la vision extrême de la passion et de l'amour chez nos amis nippons...

Hasebe emprunte ici vaguement le fait divers à l'origine du culte Les Tueurs de la Lune de Miel, celui de deux amants se plaisant à massacrer des vieilles filles qu'ils contactaient par correspondance pour leur soutirer leur argent. Le motif du couple marginal et assassin est conservé, le reste lui, est tout simplement mis de côté.

Ce n'est pas l'appât du gain qui va créer une nouvelle vocation chez ces deux là, dont on ne connaîtra jamais strictement rien (niet du passé voire même des noms), mais une attirance malsaine pour toute forme de violence, et surtout si elle est exercée sur quelqu'un d'autre. Lorsque, au début de l'histoire, mademoiselle taquine son amant en le forçant à trancher en deux une pièce montée élaborée avec soin, tout semble déjà dit. Ce carnage passionnel n'est d'ailleurs en fait qu'une reproduction de l'étrange rencontre qui scelleront leur passion, ou du moins, une reconstitution d'éléments clefs de cette rencontre : le sang perlant sur la peau, la lame qui la transperce, le corps féminin dévoilé, la mort et... un déchirement vaginal !

Ces deux là ont fusionné avec Eros et Thanatos mais ils ne le savent pas encore : pour combler leur morne vie, le sexe semble être la seule solution; dans leur cas, le meurtre devient alors la clef pour avoir recours à ce sexe bénéfique et surtout pour y prendre enfin du plaisir : en témoigne cette étreinte tristounette où les deux amants boivent une bouteille de Coca pendant l'acte en attendant tranquillement leur orgasme...qui ne viendra jamais.

L'héroïne comprendra même que la jalousie - un 69 dans une voiture avec un vieux ! - ne suscite guère de remous vivaces chez son nouveau compagnon, puis ce sera le déclic, la découverte d'un loisir dangereux qui pourra enfin les unifier...mais bon, tout cela est vite dit. Tempérament de feu et plastique parfaite (et ceci malgré une tête boulotte), Tamaki Katsura mène la danse en formidable grognasse sadique mais découvrira que son triste sire n'est pas aussi timide qu'elle le croit...et nous avec ! L'ombre d'un Jack l'éventreur plane sur ce corps fébrile et introverti, qui ne demande au final qu'à faire couler le sang.

Le film de Hasebe se tourne vers l'exploitation à l'américaine, voire vers le giallo (l'insistance sur les lames phalliques ou la mort de la styliste, propulsée contre une vitre avant de se faire lacérer presque érotiquement), le style et la rigueur du cinéma japonais en plus, et avec tous les débordements qui vont avec : Assault! Jack the Ripper peut se targuer d'être le film contenant le plus de déchirements vaginaux de l'histoire, et l'on parlera bien sûr de ceux, moins orthodoxes et plus mortels, qui se se pratique avec une lame. Mais Hasebe n'est ni Lucio Fulci ni Mario Landi et ne montrera rien en dessous de la ceinture, ce qui ne l'empêche pas de nous faire profiter de petits giclées de sang et de bruitages très évocateurs. Douloureux.

Et par dessus ces visions sauvages et sanglantes, rien de mieux qu'un bande-son obsédante, à la fois niaise et mordante, composée d'inlassables chabadabada ! Complètement cinglé !




Jérémie MARCHETTI

L’ARMÉE DES MORTS (2004)

 

Titre français : L'Armée des Morts
Titre original : Dawn of the Dead
Réalisateur : Zack Snyder
Scénariste : James Gunn
Musique : Tyler Bates
Année : 2004
Pays : Usa, Canada, Japon, France
Genre : Morts vivants
Interdiction : -16 ans
Avec : Sarah Polley, Ving Rhames, Jake Weber, Bruce Bohne, Mekhi Phifer, Ty Burrell...


L'HISTOIRE : Infirmière aux urgences de Milwaukee, Ana termine tout juste ses treize heures de travail d'affilée, ne prêtant qu'une attention vague au fait qu'un patient vienne d'être admis aux soins intensifs pour une simple morsure après avoir passé une radio du crâne. Sans davantage prendre garde aux informations alarmantes qui passent à la radio, elle rentre chez elle, dans un quartier résidentiel où l'attend son mari, Luis. Ana a réussi à leur prévoir un week-end de trois jours. Ils font l'amour, ratant le flash spécial d'information qui passe entre deux spots de publicité, puis se couchent. A 06h37, Luis est réveillé par Vivian, leur petite voisine. Elle est encore en chemise de nuit. Sa bouche est mutilée et ensanglantée. Alors qu'il se précipite vers elle et demande à Ana d'appeler des secours, la fillette lui saute à la gorge et la lui déchire à belles dents. Malgré les efforts d'Ana, il meurt rapidement et se métamorphose presque aussitôt en zombie. Un réveil coup de poing pour Ana, qui va brutalement réaliser que les morts-vivants, hystériques et affamés, ont envahi le quartier, la ville, le pays… 


MON AVISComme on voit, c'est par abus de langage qu'on parle de remake (quand bien même la promotion a été basée sur cet argument), et comparer les deux Dawn of the Dead (1978 et 2004) pour décider lequel est le meilleur commence, au bout d'un moment, à être assez inutile. Un excellent début de cinéaste incompris pour Zack Snyder, dont c'est, faut-il le rappeler, le premier long-métrage. Son esthétique, éminemment lisible par le plus jeune public (et alors?), le succès qu'elle a entraîné, ont en effet engendré envers lui un tollé réactionnaire du plus bel effet. Et paradoxe, les défenseurs et les pourfendeurs du Dawn of the Dead 2004 se sont souvent rejoints dans la même erreur, celle qui consiste à dire qu'il ne contient pas ou presque de critique sur la société d'aujourd'hui, que tout n'y est que pur divertissement.

Premièrement, c'est faux. Le film de Snyder est d'ailleurs infiniment plus chargé du côté du discours. Deuxièmement, ceux-là mêmes qui pointent du doigt cette prétendue absence de critique ne se privent pas, par ailleurs, d'encenser des films qui, eux, en sont véritablement dépourvus. Troisièmement, on ne sait pas de quel chapeau magique est sortie cette magnifique loi selon laquelle une critique de la société d'aujourd'hui devrait être menée de la même façon en 2004 qu'en 1978 pour être reconnue, nonobstant la différence individuelle des réalisateurs. Zack Snyder, en effet, ne s'appelle pas George A. Romero, et il ne l'a jamais prétendu. Et quatrièmement, on ne voit pas en quoi le divertissement serait incompatible avec la critique !

James Gunn, maintenant… James Gunn ? Ce dernier n'est pas seulement le scénariste de Scooby Doo 1 & 2 (2002, 2004) comme on s'est plu à le dire. Il a également été scénariste pour la Troma, et notamment de Troméo et Juliet (1996), Sergent Kabukiman (1997), Terror Firmer (1999) et la série Tromaville Café (1997).

Peut-être peut-on s'expliquer par là l'extrême liberté d'inspiration que le jeune homme a pris vis-à-vis du scénario d'origine de George A. Romero, ainsi qu'une tendance à la démesure (la fameuse explosion de la bonbonne de gaze) et une certaine maladresse dans l'écriture des dialogues, trop démonstratifs, point faible du film avec une direction d'acteur mal assurée de la part de Zack Snyder. Passer d'un genre parodique à un film sérieux est un virage qui ne se négocie pas sans maladresses, mais il réserve aussi de bonnes surprises. L'Armée des Morts déborde par exemple de citations de films de zombies, et pas seulement du film de 1978, dont il ne reprend strictement que l'idée du centre commercial, ici le Cross Roads Mall : le centre où se croisent toutes les routes.

Le but de Gunn et Snyder n'a jamais été de remplacer l'original par la copie (d'ailleurs, quel remake a jamais eu cette intention?). En un hommage des plus fidèles à l'esprit de la trilogie romérienne, ils ont visé au contraire à prouver, tant du point de vue du discours que de l'esthétique, qu'un nouveau film de zombies pouvait être réalisé aujourd'hui, sur la société d'aujourd'hui. Inutile donc de préciser le rôle décisif qu'a joué L'Armée des Morts auprès des producteurs pour enfin permettre à George A. Romero de tourner Land of the Dead.

Trop d'informations, trop de travail, tout va trop vite dans le monde d'Ana. Tout va beaucoup trop vite dans le monde en général, et même la mort y galope à toutes blindes, avide de se répandre partout comme une vague de chair pourrie et cannibale (en 25 ans, la frénésie de consommation n'a pas baissé, elle est devenue pure vitesse de propagation morbide et décérébrée). Hommes et femmes ne se voient plus qu'en coup de vent. Lorsqu'il faut s'unir pour faire face au danger, on commence par se tirer dessus avant de parler (le générique de début est un mélange de scènes de carnages et d'émeutes lourdement réprimées), on s'appuie sur les vieilles bonnes règles (les vigiles du Mall), on se méprise, on se déteste, on se met en cage, on se juge, on tente de s'apprivoiser. La désorientation et la consternation règnent. Si ça ne constitue pas un discours sur la société, je ne sais pas ce que c'est.

Contrairement à ce qui se passe dans le Dawn of the Dead de 1978, les personnages ici ne sont pas des gens renseignés, et ils n'ont rien de sympathique, nous tendant un miroir assez désagréable à regarder. Ce sont des individus lambda qui recoupent toutes les catégories sociales et qui constituent un éventail complet des attitudes actuelles vis-à-vis des problèmes du monde : l'individualisme forcené et obtus (Kenneth), le conformisme aliéné (C.J., qui sur-investit bêtement l'importance des règles du monde dans lequel il a réussi à se faire une place, mais qui sont déjà désuètes, et son équipe de vigiles), le cynisme trouillard (Steve Marcus et sa greluche), le recours à la tradition (André et Luda), les belles intentions qui ne sont pas à la hauteur de la réalité (être humaniste aboutit à se faire dégommer ou à éliminer les infectés), etc. 

Tous assistent au chaos, impuissants devant les écrans de télévision du Mall, où l'on retrouve les acteurs du Dawn of the Dead de Romero dans des rôles de porte-parole de diverses autorités (Tom Savini en shérif, Ken Foree en prédicateur évangéliste). Tous vont essayer de trouver une issue, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'entre les séquelles qu'a laissé en chacun le monde de la consommation effrénée (pas le temps de pleurer), la perte du sens de ce que peut être un être humain (le shoot à la carte se fait sur des zombies à l'air curieusement hagards, et on leur donne des noms d'acteurs), les réflexes de mépris, de bêtise (risquer la vie des copains pour un toutou) et de lâcheté (Steve), ce n'est pas gagné... En gros, les seuls moments heureux sont la petite crise de consommation, chacun dans son coin, et la partie d'échec à distance, où les pièces abattues sont des effigies des personnages de l'Histoire...

Par son esthétique nerveuse et saccadée, Zack Snyder communique une sensation extrêmement désagréable de trop plein chaotique et incontrôlable. Son expérience dans le domaine de la publicité et du clip musical l'a bien placé pour savoir de quoi il parle et comment en parler, mais contrairement à Danny Boyle (qui a la même expérience publicitaire) dans 28 jours plus tard, il ne s'en sert à aucun moment pour embellir son tableau en lui donnant un joli côté d'esthète. Ici le verdâtre, le gris et la surexposition dominent, démontrant s'il en était besoin que l'univers aseptisé dans lequel nous vivons est d'ores et déjà une sorte de morgue à l'usage des cadavres. Tout va vite, mais tout reste immobile. Tout est très propre, mais tout est très crade. Là encore, si tout cela n'est pas un discours critique sur la société d'aujourd'hui, je ne sais pas ce que c'est.

Le film de Snyder est bien plus noir et pessimiste que celui de Boyle, il est même profondément nihiliste. Accompagné de country (When the man comes around de Johnny Cash, variation sur l'Apocalypse selon St Jean), de crooner déjanté (Down with the sickness de Richard Cheese) et de tubes pop pris à contre-emploi (Have a nice day des Stereophonics ou Don't worry be happy de Bobby Mc Ferrin), la première tentative des personnages pour trouver une solution (S.O.S. adressés au ciel) est celle-là même qui terminait 28 jours plus tard, et ne reçoit en réponse que la plus grande indifférence : lucide et logique. Le générique de fin, quant à lui, se passe de commentaires. Quand bien même les hommes auront appris à s'entraider, la mort ne fera pas de quartiers.

L'Armée des Morts n'est pas vraiment un remake, c'est un très bon film. La postérité lui est d'ailleurs assurée pour un nombre remarquable de scènes, qui deviendront certainement cultes à leur tour par le sens et l'émotion qu'elles recèlent : les génériques de début et de fin, l'exécution de Franck, la communication à distance entre Kenneth et Andy, la séance de shoot à la carte de ce dernier, l'accouchement de Luda, la sortie hallucinante des bus blindés, le sacrifice de C.J… Ce qui fait beaucoup de bonnes choses, pour un premier film ! 




Stéphane JOLIVET

AMERICAN NIGHTMARE 4 - LES ORIGINES (2018)

 

Titre français : American Nightmare 4 - Les Origines
Titre original : The First Purge
Réalisateur : Gerard McMurray
Scénariste James DeMonaco
Musique : Kevin Lax
Année : 2018
Pays : Usa, Chine, Japon
Genre : Survival, anticipation
Interdiction : -12 ans
Avec Y'lan Noel, Lex Scott Davis, Joivan Wade, Mugga, Rotimi Paul...


L'HISTOIRE : Pour faire passer le taux de criminalité en-dessous de 1% le reste de l’année, les Nouveaux Pères Fondateurs testent une théorie sociale qui permettrait d’évacuer la violence durant une nuit dans une ville isolée. Mais lorsque l’agressivité des tyrans rencontre la rage de communautés marginalisées, le phénomène va s’étendre au-delà des frontières de la ville test jusqu’à atteindre la nation entière...


MON AVIS Après une trilogie débutée en 2013 et poursuivit en 2014 et 2016 sous l'égide du réalisateur James DeMonaco qui dirige les trois opus, voici qu'un quatrième volet voit le jour en 2018. DeMonaco cède sa place de réalisateur à Gerard McMurray mais reste présent en tant que scénariste. Le titre original, tout comme le titre français, ne joue pas sur l’ambiguïté. Ce quatrième chapitre va nous dévoiler les origines de la purge, comment cette idée folle de permettre à la population de commettre n'importe quel méfait durant une nuit entière, sans se soucier des conséquences ou de la loi, en vu d'éradiquer la violence quotidienne le reste de l'année, a vu le jour. Ou comment un simple test est devenu une norme dans une société enclin à la violence, au racisme, à la lutte des classes. 

Car American Nightmare 4 - Les Origines n'est pas autre chose que la représentation (un peu trop caricaturale) de l'éternel luttes des classes. Les minorités, les pauvres, les délaissés sont clairement identifiés comme étant responsable de la décadence de l'Amérique par un gouvernement nouvellement promu dont les fiers représentants se sont baptisés Les Nouveaux Pères Fondateurs. Pour tester la théorie d'une psychologue qui pense que laisser la violence s'exprimer au cours d'une nuit permettra d'endiguer cette même violence le reste de l'année, le gouvernement choisit une petite ville insulaire de Staten Island, représentative de la pauvreté et lieu multiculturel ou chacun essaye de s'en sortir comme il peut. 

Le réalisateur du film étant noir, Gerard McMurray laisse donc s'exprimer ce qu'il pense de l'Amérique voulue par Trump à travers son film et se focalise sur la population latino et noire. Il apparaît clairement que pour Les Nouveaux Pères Fondateurs, le but de cette première purge est de débuter une sorte de nettoyage ethnique visant à faire de la population blanche la grande gagnante au final. Une manœuvre politique inavouable, qu'on cache derrière le terme d'expérimentation pour faire passer la pilule. 

Assez radical dans son propos, American Nightmare 4 ne fait que mettre en lumière les tares de notre société actuelle, rongée par le racisme et l'inégalité sociale. Le réalisateur ne lésine pas sur les attaques frontales, la purge étant clairement soutenue par le NRA, le KKK et autres fascistes suprémacistes de tout bord. Si on peut trouver que l'approche de Gerard McMurray est un peu trop clichée et manichéenne (en quasi majorité et à quelques exceptions près, les gentils du film sont les gens de couleurs, les blancs sont les méchants venant purger et sont habillés soit en militaires soit carrément en officier SS pour ce qui est du chef des mercenaires engagés par le gouvernement pour accentuer la purge), il n'empêche que sa vision n'est pas très éloignée de la réalité des mœurs des USA et cela donne à réfléchir. 

Si la première partie du film se montre assez tranquille, nous laissant le temps de faire connaissance avec les protagonistes principaux (un caïd de la drogue, un jeune un peu perdu, une femme qui veut s'en sortir, un psychopathe du nom de Skeletor...) qui sont interprétés par un casting de qualité, une fois la purge démarré, le film accentue petit à petit son rythme pour finir par dériver du thriller horrifique au pur film d'action. Le héros, tel Bruce Willis ou Sylvester Stallone, va se retrouver seul contre tous dans un immeuble imposant, mitraillant à tout va. Un peu exagéré honnêtement, on se croirait presque dans The Raid vers la fin, mais bon, c'est du cinéma de divertissement. 

Etant donné qu'il s'agit de la première purge de l'histoire, les débuts se font à tâtons, jusqu'au premier meurtre qui va faire s'embrasser la ville. Bien malin, Gerard McMurray choisit de ne pas faire de la population des psychopathes en puissance, la grande majorité se déclarant contre la purge. Le gouvernement se voit donc contraint d'avoir recours à des mercenaires pour déclencher les hostilités. En clair, la purge est née sur un mensonge et sur une malhonnêteté du gouvernement. 

Niveau violence, American Nightmare 4 - Les Origines est dans la bonne moyenne des autres films de la saga, ni plus, ni moins. Une violence assez brutale tout de même, avec des effets spéciaux réussis. Les fameux masques qui ont marqués les épisodes précédents ne sont pas encore de sortie même s'il y en a quelques-uns. Logique vu que c'est les origines de la purge. Bref, un prequel de qualité qui viendra sans souci rejoindre les trois autres chapitres de cette saga intéressante, jusqu'au prochain épisode. A noter que le film est sorti le 4 juillet aux USA (et ailleurs), tout un symbole...




Stéphane ERBISTI

ALL NIGHT LONG 3 (1996)

 

Titre français : All Night Long 3
Titre original : Ooru Naito Rongu 3 - Saishuu-Shô
Réalisateur : Katsuya Matsumura
Scénariste Katsuya Matsumura, Norio Minamigi
Musique Kazuhisa Uchihashi
Année : 1996
Pays : Japon
Genre : ultra violence
Interdiction : -16 ans
Avec Yuji Kitagawa, Kanori Kadomatsu, Tomorowo Taguchi...


L'HISTOIRE Kikuo est un jeune Japonais, il est étudiant et travaille également dans un hôtel. Le jeune homme semble avoir quelques troubles mentaux puisqu'il dégage une grande satisfaction a fouiller dans les poubelles le soir pour en retirer des objets. Le plus souvent il garde des sous-vêtements féminins voire carrément des serviettes hygiéniques. Un soir, il tombe sur une jeune femme dont il va tomber amoureux. Il va ainsi se créer un comportement déréglé et malsain envers la jeune fille et surveiller ses ordures. Kikuo va même faire acte de voyeurisme en la regardant sans cesse quand la jeune fille est à son travail. Un jour, il assiste au viol d'une jeune lycéenne qui est laissée pour morte par ses agresseurs. Kikuo va en profiter pour l'amener chez lui et expérimenter les choses qu'il voulait faire avec la jeune fille qu'il aime...


MON AVISDernier épisode d'une saga définitivement pas pour tous publics, All Night Long 3 repousse les limites du soutenable et offre à ses spectateurs une invitation dans les tréfonds de la perversité de l'homme. Comme je l'avais souligné dans ma fiche du second épisode, la série au vu de son caractère très violent s'est déclinée dans le marché vidéo. Là encore Matsumura a été contraint de faire un film DTV et de ce fait au lieu de s'assagir, propose ici un sommet de mauvais goût et une violence exacerbée. Encore une fois l'histoire est bien sommaire, et se concentre sur la notion de vengeance. Le film nous fait suivre la vie de Kikuo, comme dit dans le résumé de l'histoire ci-dessus.

Si dans mon résumé vous ne voyez pas réellement où est la vengeance, elle vient en fait plus tard mais je n'ai pas envie de vous raconter tout le film. On peut dire qu'ici All Night Long 3 s'approche un peu de Guinea Pig 2 puisque Kikuo va s'adonner à différentes expériences sur la jeune femme, allant du soft au hard. A ce titre la scène où il lui donne à manger un asticot est franchement vomitive. En plus de ça et grâce encore une fois à l'image DV et le très bon jeu des acteurs dans l'ensemble, le film renferme une dimension malsaine vraiment forte voire naturaliste. On est à la fois voyeur (puisque nous suivons tous les agissements de Kikuo) et complice des agissements du jeune homme, et ça Matsumara a su très bien le retranscrire.

Comparativement aux autres épisodes, ici on suit déjà une personne plutôt déglinguée du ciboulot et qui va croître dans sa folie au fil de l'histoire. Sa vengeance qui est là vraiment gratuite (au contraire des autres épisodes) fait vraiment froid dans le dos. D'ailleurs la scène où il tue les copines de la fille sur laquelle il a jeté son dévolu est d'une rare violence. On ne s'étonnera pas que le film soit considéré parmi les plus extrêmes existant étant donné que la violence est le plus souvent franchement gratuite. Difficile dès lors de se mettre à la place de Kikuo, au contraire des personnages des premier et second épisodes, ce qui est franchement dommage. Certes l'homme est déçu sentimentalement mais bon, de là à massacrer tout le monde, il y a quand même un fossé.

Mais bizarrement ce petit jeune a quelque chose de touchant et lorsqu'il voit la fille qu'il aime forniquer avec un dragueur invétéré, on peut prendre part à sa tristesse et sa colère. Qui ne serait pas fou en voyant une fille (ou garçon) qu'il aime s'envoyer en l'air avec quelqu'un qui justement ne recherche que ça ? Mais comme je l'ai déjà dit avant, de là à tuer c'est autre chose. Mais on sait que l'amour rend dingue, toutefois.

En bref, All Night Long 3 est plutôt proche du second épisode, tout du moins il a les mêmes défauts. Une réalisation pas formidable, des petites longueurs mais surtout un trop plein sur la violence. Et ce troisième épisode va encore plus loin que le précédent. Le tout premier de la série passe facilement pour un conte pour enfants face à ses deux suites d'ailleurs. En conclusion, si vous aimez l'ultra violence et la folie humaine, la série,je pense, ne vous décevra pas. Dans tous les cas, vous ne regarderez plus les gens de la même façon.


Anonymous


ALL NIGHT LONG 2 (1994)


Titre français : All Night Long 2
Titre original : Ooru Naito Rongu 2
Réalisateur : Katsuya Matsumura
Scénariste Katsuya Matsumura
Musique Hirofumi Asamoto, Michihiro Nakamura
Année : 1995
Pays : Japon
Genre : ultra violence
Interdiction : -16 ans
Avec Masashi Endo, Kanori Kadomatsu, Masahito Takahashi...


L'HISTOIRE Shiniji passe la plupart de son temps à confectionner des genres de poupées et à chater avec deux amis sur le net. Un jour, alors qu'il rentre chez lui, il est agressé par une bande de malfrats qui le torture. Leur chef, un homosexuel, tombe sous le charme du jeune homme. Il l'invite ainsi à venir à son appartement. Là, Shiniji va découvrir la vraie nature de cet homme complètement psychopathe qui garde en otage une jeune femme à qui il fait subir diverses tortures. Devant de l'argent à la bande de malfrats, Shiniji a peur et en fait part à ses amis du web, qui vont passer la soirée chez le jeune homme. Mais la bande de malfrats menée par leur chef va débarquer chez Shiniji et semer le trouble. Shiniji va devenir fou et sa vengeance va être terrible...


MON AVIS Après un premier épisode fort réussi, il est plutôt étonnant de voir apparaître deux ans plus tard une suite. Matsumura avait pourtant bien exploité ce qu'il fallait, et difficile de voir ce qu'il peut dire de plus. Le premier film n'avait pas marché, malgré une sortie cinéma, de ce fait le réalisateur a été obligé de choisir le format DV pour sa suite. Qui plus est, il peut dorénavant tomber dans l'extrême et l'ultra violence car son film ne sera distribué qu'en circuit vidéo. Si beaucoup considèrent All Night Long 2 comme une sorte de Guinea Pig, il y a fort heureusement beaucoup de différences avec cette série. La majeure étant que les All Night Long ont une réelle histoire et ne se cantonnent pas à des déluges de gore et de tortures. Malgré tout, ce deuxième épisode va quand même très loin dans le sadisme, le malsain et l'ultra violence.

Plutôt proche de sa préquelle, ce second épisode se démarque surtout par sa violence extrême qui va au-delà des limites imposées. Matsumura montre tout et ne semble pas connaître l'ellipse. Dès le début du film, on est enrobé dans une spirale malsaine qui va s'accentuer et trouver son apothéose à la fin.

Les personnages sont tous fous, en particulier ce chef narcissique et égocentrique. Pourtant, bizarrement il parait sage, raisonné et parle très calmement. Mais ceci n'est qu'une carapace, car le jeune homme renferme une folie rare. Pour preuve, toute la séquence avec Shiniji et la jeune fille illustre bien ce propos.

Le jeune homme va la traiter et la faire passer pour une chienne. Il lui balance du lait par terre, qu'elle doit lécher puis lui envoie un morceau de viande comme on le ferait à un animal domestique. N'oublions pas non plus les nombreux coups qu'il lui donne et les diverses soumissions. Il la force à danser jusqu'à qu'elle n'ait plus de force, la pauvre fille s'urine dessus et tombe dans les pommes. A la fin, il la jettera dans un dépôt d'ordures et demandera à Shiniji d'y mettre feu, chose qu'il sera incapable de faire. Honnêtement, je dois avouer n'avoir rien vu d'aussi horrible en terme d'humiliation féminine, bien que l'épisode trois ne fasse pas non plus dans la dentelle.

Outre l'humiliation féminine, la violence s'incarne sur les personnes pauvres et sans forces, tel Shiniji. Sa vengeance sera terrible, le pauvre jeune homme tombant aussi dans la folie. Chose triste et particulièrement réelle, le film fait peur pour ça. Il ne s'agit plus d'un film d'horreur car le film impose une réalité et des situations qui se sont déjà réellement produites et qui se produisent également à l'heure actuelle. Faut-il pour autant en faire un métrage et le montrer ? Je ne sais pas à vrai dire, on pourra facilement reprocher à Matsumura d'en faire beaucoup trop et d'être trop complaisant avec la souffrance. Le problème étant que c'est une constante japonaise et pas occidentale, donc beaucoup de gens sont parfois choqués par l'extrême violence des films asiatiques et le pourquoi des soumissions féminines dans les pink-eiga. Ici, chacun y verra ce qu'il a envie d'y voir, ceci est la meilleure solution. 

Personnellement j'ai plutôt du mal avec cette violence surtout sur les femmes, mais la réalité est souvent cruelle, le parti pris de la montrer de la manière la plus crue peut être efficace. De plus, l'utilisation du DV renforce le malsain de la chose. Malheureusement, on ne peut pas dire que Matsumura soit un très bon réalisateur étant donné que la plupart des plans sont moches et sans réelle recherche. C'est très basique mais comme d'habitude, les acteurs s'avèrent tous impeccables. On reprochera aussi certaines longueurs et comme je disais précédemment, une certaine complaisance pour la violence beaucoup trop forte.

Mais All Night Long 2 choque et provoquera en vous de nombreuses réactions, ce qui est à coup sûr l'objectif du film, qui nous montre qu'on vit bel et bien dans une société pour le moins étrange.




Anonymous

ALL NIGHT LONG (1992)

 

Titre français : All Night Long
Titre original : Ooru Naito Rongu
Réalisateur : Katsuya Matsumura
Scénariste Katsuya Matsumura
Musique : Iwanaga Tatsunori, Katsuhiko Akiyama
Année : 1992
Pays : Japon
Genre : Rape & Revenge, ultra violence
Interdiction : -16 ans
Avec Eisuke Tsunoda, Ryôsuke Suzuki, Yôji Ietomi, Hiromasa Taguchi...


L'HISTOIRE Trois jeunes Japonais se retrouvent dans une ruelle devant une voie ferroviaire. Avec eux se trouve une jeune fille et un homme d'une trentaine d'années. Celui-ci va tuer la jeune fille à coups de couteaux, et l'un des trois jeunes va le stopper en l'écrasant avec sa mobylette. Suite à cet événement, les trois jeunes vont devenir amis, et l'un va proposer une fête le jeudi prochain où chacun devra venir avec sa copine. Problème, les trois garçons sont des ratés avec la gente féminine, et tous vont tenter tant bien que mal de se trouver une amie avant le jour fatidique. Mais suite à de nombreuses désillusions et moqueries multiples, ainsi que le viol de la petite amie du seul garçon qui va en trouver une, les trois jeunes vont péter les plombs et sombrer dans une folie meurtrière...


MON AVISAll Night Long fait partie des ces quelques rares métrages bien furieux de vengeance. Autant être clair d'entrée, si deux suites vont naître, le premier épisode reste de loin le meilleur. Pourquoi ? Parce qu'il ne se tourne pas bêtement dans le sadisme malsain qui anime essentiellement les deux autres épisodes. Bien que le film soit interdit aux moins de 18 ans et classé dans les films extrêmes, All Night Long se sert de la violence pour approfondir son sujet, et en même temps lui donner toute sa force, et non le contraire. Puisque en fin de compte la violence dans le film ne se trouve en grande partie qu'à la fin, tout le reste du film étant une découverte sur la psychologie de trois adolescents.

Pour bien appréhender ce film, il faut tout d'abord distinguer chaque personnage. Il y a tout d'abord Kensuke, la parfaite tête d'intello que chacun a pu côtoyer dans sa jeunesse. Pas bien épais, grosses lunettes, très concentré en cours, physique plus que banal. Le garçon n'est déjà pas très aidé par la nature et de plus il a une timidité maladive. En effet, il est plus qu'angoissé à l'idée de juste parler à une fille. Ainsi il demandera l'aide au baiseur de service qui bizarrement (sûrement voulu par Matsumura) est une espèce de gros porc bien laid. Celui-ci va réussir à lui arranger son coup avec une fille sur lequel Kensuke a flashé. Malheureusement pour lui, il s'agit d'un jeu entre la fille et le gros dragueur afin qu'elle se moque de lui. Qu'importe Kensuke veut à tout prix s'afficher avec une fille devant ses nouveaux amis et il décide d'aller parler à la fille qui semble l'avoir oublié. Là, un nouveau drame débarque : tellement complexé d'être avec une fille qu'il aime, il n'arrive pas à dégoter un mot et lui vomit dessus.

Vient ensuite Tetsuya, le jeune aisé qui vit la moitié de son temps seul chez lui, ses parents n'étant jamais dans la demeure familiale. En fin de compte Matsumura développe assez peu ce personnage qui n'est pas le plus important d'ailleurs. On ne sait pas vraiment pourquoi il n'a pas de petites amies, on le voit en appeler des tonnes mais chacune refuse sa proposition. Alors il va contacter une prostituée qui tout d'abord consentante, va lui mettre une honte monumentale. Dans une ruelle, elle va l'attacher avec des menottes, lui baisser son pantalon et lui mettre des coups de talons sur le sexe ainsi que lui déverser une bouteille de champagne sur la tête.

Enfin le troisième personnage se nomme Shiniji et il est certainement le plus important car c'est par lui que la quête vengeresse va s'effectuer. Shiniji va trafiquer une chaîne de vélo d'une fille pour pouvoir lui parler puis l'aider pour ainsi passer pour un gentleman. La fille n'est pas insensible et les deux vont commencer une jolie romance. Malheureusement le soir même de la fête, ils se font agresser par une bande de voyous, et là sa copine se fait violer devant ses propres yeux, une haine va l'envahir.

Ce qui frappe dans All Night Long et dans ces portraits, c'est l'aspect très réaliste de la chose puisque ce genre de personnages et situations existe bel et bien, et il n'est pas difficile de s'y identifier tout du moins si l'on est un garçon bien sûr. Malgré quelques longueurs bien senties, on est intéressé par la vie sentimentale chaotique de ces jeunes et on est bien loin de l'univers mièvre et gnangnan de divers films ou séries mettant en scène des adolescents.

Toutes ces situations vont donc amener ces trois garçons à sombrer dans la folie, bien qu'à première vue c'est surtout Shiniji qui pète les plombs, ce que l'on comprend aisément. Avec ses deux amis, ils vont alors se venger même si Tetsuya et surtout Kensuke ne sont pas vraiment chauds.

Là, dans le QG des voyous, va intervenir une folie rare au cinéma où chacun va péter les plombs bien comme il faut. Si Matsumura applique une réalisation tout à fait classique sans effets racoleurs où réellement de recherche d'agressivité, il en est différemment pour les acteurs qui sont tous éblouissants dans cette partie, sachant que tous sont vraiment des interprètes jeunes.

Malgré tout, Matsumura ne lorgne pas non plus sur une violence gratuite et la surenchère. Certes il y a du sang mais on ne voit rien d'aussi horrible que ce que nous montreront les épisodes 2 et 3. Ici et à l'instar des rape and revenge, on peut presque y prendre part et la comprendre car nous aussi nous avons subi le calvaire de ces trois jeunes hommes, en particulier celui de Shiniji.

Tourné en 35 mm (au contraire des deux autres qui sont en DV), bénéficiant de bons acteurs, d'une réalisation qui ne cherche jamais à en rajouter et qui reste humble, All Night Long est donc un très bon film sur le thème de la vengeance. La vengeance d'une jeunesse pervertie par la violence, la moquerie et l'amour.




Anonymous