Titre français : 2LDK
Titre original : 2LDK
Réalisateur : Yukihiko Tsutsumi
Scénariste : Yukihiko Tsutsumi, Miura Uiko
Musique : Nobuyuki Ito
Année : 2002
Pays : Japon
Genre : Drame horrifique
Interdiction : -12 ans
Avec : Maho Nonami, Eiko Koike...
L'HISTOIRE : Lana et Nozomi partagent le même appartement à Tokyo et rêvent toutes deux d’être actrices. Alors que les deux jeunes femmes viennent de passer la même audition pour un rôle dans un film, Lana apprend que le réalisateur du long-métrage en question a contacté le directeur d’agence pour lui dire que l’une d’entre elles serait choisie pour ce rôle tant convoité ! Très vite, la tension va s’installer dans ce bel appartement luxueux où jalousie et haine vont se mêler pour donner lieu à des scènes violentes imprévisibles entre les deux jeunes femmes…
MON AVIS : Alors qu’ils avaient rendu leurs courts-métrages en un temps record pour le projet Jam Films en 2002, le producteur Shinya Kawai proposa cette même année à Ryuhei Kitamura (Versus, Azumi, Midnight Meat Train…) et à Yukihiko Tsutsumi (un réalisateur de films et de séries télé réputé pour être un touche-à-tout inépuisable au pays du soleil levant) le projet Duel. Un défi à cinq objectifs s’offrait alors aux deux cinéastes : réaliser un film avec un budget minimaliste ; en une semaine maximum ; dont l’action doit se dérouler dans un lieu unique ; avec deux personnages seulement ; dont au moins un doit mourir.
C’est dans ce contexte si particulier que Ryuhei Kitamura réalisa Aragami tandis que Yukihiko Tsutsumi donna naissance à 2LDK, le film qui nous intéresse ici.
Quel titre bizarre diront certain(e)s. Oui, moi-même je me suis documenté rapidement sur le sujet pour comprendre la signification de ce titre peu commun. Pour faire simple, il faut savoir qu’au Japon les appartements sont classés généralement en trois catégories : 1DK (une chambre, une salle à manger « Dining » et une cuisine « Kitchen »), 2DK (2 chambres, une salle à manger et une cuisine) et enfin 1LDK (une chambre, un salon « Living », une salle à manger et une cuisine). Vous aurez donc aisément compris que Yukihiko Tsutsumi a choisi comme lieu unique pour son film un luxueux appartement japonais catégorisé 2LDK.
La minute intellectuelle étant passée, intéressons-nous à présent un peu plus à ce fameux 2LDK. Déjà, une chose est sûre : le film de l’ami Yukihiko Tsutsumi ne plaira pas à tout le monde, la narration très lente de la première partie - un style si caractéristique du cinéma asiatique qui malheureusement ne fait pas l’unanimité au sein du public occidental - pouvant déstabiliser plus d’une personne.
Une première partie dans laquelle nous faisons connaissance avec nos deux protagonistes, deux jeunes femmes vivant dans un même appartement et que tout semble opposer. Alors que Lana est fêtarde, belle, séductrice et n’hésite pas à dépenser des sommes folles dans des fringues et accessoires quelque peu luxueux, Nozomi est tout le contraire. Réservée, un brin intellectuelle, ordonnée (pour ne pas dire maniaque), la jolie provinciale issue d’une famille guère riche (on apprend qu’elle est originaire d’une île peu connue des gens de la ville) manque de confiance en soi mais tente de s’accrocher à tout ce qui se présente à elle.
Aux premiers abords, on pourrait se dire que les deux femmes peuvent se compléter de par leurs différences et ainsi vivre en harmonie, l’une (Nozomi) pouvant apporter une certaine organisation, une sérénité et une stabilité (pour ne pas dire maturité) dans cette cohabitation à deux tandis que l’autre (Lana) pourrait permettre à sa colocataire de s’émanciper, de se délivrer de sa carapace et de se familiariser à ce monde urbain auquel elle n’est manifestement pas habituée.
Hé bien non, très vite des pointes de jalousie et d’agacement (Lana la princesse aux attitudes puériles et comportements vexatoires / Nozomi la petite intello trop maniaque qui s’énerve pour un rien) commencent à se manifester au sein de ce luxueux appartement (une voix off nous distille avec une bonne pincée d’humour des pensées méchantes et moqueuses allant à l’encontre des jeunes femmes) qui va rapidement devenir un vrai champs de bataille.
Les premières petites gifles échangées entre les deux femmes vont en effet laisser place à des scènes de bagarres violentes durant lesquelles roulades au sol, coups de poings et hurlements sont au rendez-vous. Jet d’eau bouillante, maniements de tronçonneuse et de katana, tentatives d’homicide par noyade ou électrocution... Cette sévère et violente altercation bascule vite dans l’absurde et l’exagération mais qu’importe : Yukihiko Tsutsumi semble par-dessus tout vouloir nous dépeindre ici une critique de la vie sociale au Japon. La peur de l’échec social (on vit pour travailler et non le contraire), la peur de décevoir la famille (Nozomi) : chacune des protagonistes ferait n’importe quoi pour avoir ce rôle dans le film.
Adultères, promotions canapé, envie, luxure... Aucune des deux jeunes femmes n’est épargnée ici. Le réalisateur ne cache pas non plus dans son interview donnée lors de la promotion de son film avoir voulu montrer dans 2LDK la bêtise et la crétinerie des japonais, comme lors de cette séquence où Nozomi énumère les marques des vêtements et accessoires portés par Lana ainsi que les prix de chaque article. Cette scène montre cette sorte de fétichisme des marques et ce côté très matériel qu’entretiennent de nombreux japonais. Nos deux jeunes femmes n’hésitent d’ailleurs pas à se mutiler dans leur altercation très physique, au risque de ne plus être retenues pour le film pour lequel elles postulaient au départ.
Alors certes, ce virage radical qu’a pris le film en nous plongeant soudainement dans une confrontation des plus musclées est totalement disproportionné et casse indéniablement le réalisme du film mais pour autant voir tant de crétinerie et de violence entre ces deux femmes s’avère parfois bien jouissif reconnaissons-le toutefois. Un beau mélange de violence et d’humour qui nous renvoie directement à l’essence même de nombreux mangas dixit Yukihiko Tsutsumi, auquel son film peut se rattacher.
Dommage que certaines séquences de bagarre soient si perfectibles (des ralentis maladroits, des altercations qui auraient parfois pu s’avérer encore plus dingues) et que le final soit si prévisible (un côté moraliste simpliste et déjà-vu qui ne surprendra pas grand monde)...
Au final, 2LDK est un honnête film usant d’un esprit tragi-comique pour nous amener dans une altercation totalement décalée et ultra-violente entre deux femmes prêtes à tout pour décrocher un contrat. Exagéré, parfois absurde et maladroit, le film de Yukihiko Tsutsumi ne parviendra peut-être pas à obtenir l’adhésion de toutes et tous mais a au moins le mérite de nous avoir fait vivre un grand moment de folie comme le souhaitait son réalisateur.
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