5150 RUE DES ORMES (2009)

 

Titre français : 5150 rue des Ormes
Titre original : 5150 rue des Ormes
Réalisateur : Eric Tessier
Scénariste : Patrick Senécal
Musique : /
Année : 2009
Pays : Canada
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Marc-André Grondin, Normand D'amour, Sonia Vachon, Mylène St-sauveur...


L'HISTOIRE : Pour avoir vu ce qu'il ne devait pas voir, Yannick Bérubé se retrouve enfermé par le chauffeur de taxi Jacques Beaulieu dans une pièce à l'étage de son cottage d'un quartier tranquille...


MON AVIS Non, le Québec n’est pas seulement cette contrée lointaine et sauvage, où il neige 370 jours par an et où des autochtones, à l’accent rigolo, vivent dans des igloos dans lesquels ils jouent au hockey, tout en écoutant des chanteuses à textes beugler leur mal de vivre. Non, c’est aussi une terre où, entre deux averses de caribous évidemment, on s’adonne à mettre en scène des films.

Depuis le début du nouveau millénaire, on assiste même à un frémissement notable dans le domaine du fantastique avec quelques œuvres budgétairement modestes mais intéressantes dans leurs thématiques. Mémoires affectives en 2004, un drame fantastique sur fond de réminiscence d’un personnage tombé dans le coma et Saint-Martyr-des-Damnés en 2005, combinant avec aisance fantastique, SF, western, drame et mystère. C’est dans cette mouvance que semble s’inscrire le film d’Eric TessierDéjà adaptateur en 2003 du roman Sur le seuil de l’écrivain à succès Patrick Sénécal (considéré, parait-il, comme le Stephen King québécois), Tessier remet le couvert avec ce 5150 rue des Ormes, agréable bouquin naviguant dans les eaux troubles d’un certain Misery à la sauce Les Banlieusards de Joe Dante.

Scénarisé et adapté par le romancier lui-même, 5150 rue des Ormes nous conte l’histoire d’un étudiant en cinéma, Yannick Bérubé, qui aurait mieux fait d’écraser un chat avec son vélo plutôt que de vouloir l’éviter. Cul par-dessus tête, il chut, bousille sa bicyclette, pile devant la résidence des Beaulieu, une famille apparemment banale et sans histoires. Pour avoir été trop curieux, le brave Yannick va être maintenu prisonnier pendant des semaines dans une pièce à l’étage de la maison. La partie d’échec peut commencer, il y jouera le rôle du pion.

Dans celui du roi, Jack Beaulieu, régnant en maître tyrannique sur sa petite famille. Taximan de son état, champion d’échec et investi d’une mission quasi-divine consistant à châtier ceux qu’il appelle les non-justes ( vendeurs de drogues, lecteurs de Mad Movies, pédophiles, fans de R’n’B... ). Son épouse, femme d’intérieur à la sauce québécoise, grenouille de bénitier introvertie et totalement soumise à son mari en bonne adepte de la Bible. Une petite fille, muette, presque autiste, qui multiplie les attitudes de rebellions vis-à-vis de son père. Enfin, une adolescente qui se vêt en goth de banlieue, charmante mais capable d’une grande violence et destinée à devenir la continuatrice de l’oeuvre de son jovial père. Une famille banale donc. Yannick, mis rapidement en échec, va devoir s’adapter à la situation pour ne pas se retrouver mat. Trouvera t’il dans sa compréhension du jeu d’échec une porte de sortie ?

Ceux qui ont eu la munificente pertinence de lire le roman avant ou après avoir vu le film, pourront constater que l’adaptation scénaristique effectue quelques changements par rapport à l’écrit de base. Le passé de Yannick y est plus étoffée, les sous-entendus sexuels entre ce dernier et l’adolescente y sont, hélas, absents, les scènes de fortes violences sanguinolentes sont largement gommées et surtout les interrogations religieuses de la mère sont pratiquement abandonnées ( ce qui n’est spécialement un mal ) . De toutes ces coupes découlent, parfois, une certaine perte dans la progression psychologique des personnages, mais rien de bien méchant.

Si certaines facilités scénaristiques ne sont pas évitées, le réalisateur se tire habilement de l’exercice pourtant délicat qui consiste à mettre en scène la joute cérébrale entre Jack et Yannick autour d’un plateau de 64 cases.

Dès les premières minutes du film, la tension monte rapidement et même si elle s’essouffle parfois, elle reste suffisamment prégnante pour ne pas faire sortir le spectateur du métrage et de son intrigue. Le sujet étant de plus assez original, on risque de prendre un plaisir pervers à suivre ce duel jusqu’à son dénouement.

Ponctuant le récit de quelques séquences fantastiques oniriques, qui, si elles sont graphiquement réussies, n’ont que peu de raisons d’être, 5150 rue des Ormes évite le piège du frisson et du gore facile en préférant recentrer son sujet sur un huis-clos spécifiquement mental.

Cependant, si 5150 rue des Ormes est une réussite, il le doit avant tout à la qualité de ses interprètes avec en tête de gondole un certain Normand d’Amour qui, s’il porte ici bien mal son patronyme, est implacable dans son rôle. Inquiétant, mieux vaut ne pas l’avoir pour voisin.

On pourra aussi déplorer une séquence finale caricaturale qui plombe un tantinet le reste du long-métrage.

Intriguant par son sujet, ce film québécois se révèle une bonne surprise, au moins lors de sa première vision. 


Lionel JACQUET

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