BEETLEJUICE (1988)

 

Titre français : Beetlejuice
Titre original : Beetlejuice
Réalisateur : Tim Burton
Scénariste : Michael McDowell, Warren Skaaren, Larry Wilson
Musique Danny Elfman
Année : 1988
Pays : Usa
Genre : Anticipation, comédie
Interdiction : /
Avec Michael Keaton, Alec Baldwin, Geena Davis, Jeffrey Jones, Winona Ryder...


L'HISTOIRE : Adam et Barbara forment un couple aussi charmant que gnan-gnan et mènent une vie d'un calme et d'une platitude rares. Lors d'une petite escapade en voiture, Adam manque d'écraser un chien et fait tomber la voiture dans une rivière, causant ainsi sa noyade mais aussi celle de son épouse. Le couple revient pourtant comme si de rien n'était dans sa demeure, prenant vite des allures de manoir hanté. Ils découvriront par la suite qu'ils sont devenus instantanément des fantômes, et sont à présent condamnés à hanter leur demeure! Pire encore, de nouveaux occupants débarquent avec un objectif bien précis : refaire la maison de fond en comble. C'en est trop pour les deux tourtereaux qui tentent de faire fuir cette drôle de famille, et par tous les moyens possibles, quitte à faire appelle à Beetlejuice...


MON AVISGros succès aux Etats-Unis mais énorme bide en Europe (et pour cause le personnage n'était connu que chez les ricains), Pee Wee Big Adventure aura du mal à faire connaître le talent du grand Tim Burton au public européen, et il faudra attendre son film suivant pour que son univers se fasse remarquer de manière nettement plus importante aux yeux du public : Beetlejuice, qui possédera d'ailleurs un budget bien plus conséquent que celui de Pee Wee Big AdventureLe succès du film fut tel qu'une série animée du même titre débarquera sur les écrans en 1989. Légèrement édulcorée (le comportement obsédé et grossier de Beetlejuice a été adouci), elle reste toutefois intéressante visuellement parlant puisqu'elle puise son inspiration dans l'univers biscornu et macabre de Burton.

Véritable best of de son univers, Beetlejuice est sans doute la pièce maîtresse de la filmographie de Burton, qui infuse toute la folie, l'inventivité, et les habitudes qui lui sont dues en un seul long-métrage. On retrouve l'humour cartoonesque frôlant à plusieurs reprises le non-sensique hésitant entre comic-book survolté et Looney Tunes sous acide, les délires baroques, gothiques et macabres touchant autant les scènes fantastiques que les décors tortueux, des scènes d'émotions incroyablement touchantes, la musique de Danny Elfman, l'utilisation de la stop motion… Difficile d'échapper au film si on est fan de Tim.

En quelques secondes de générique, Burton frappe (déjà!) son film d'un éclair de génie : la caméra survole un village américain, et s'arrête au final sur une grande maison dominant les environs ; très vite l'aspect général des maisons et l'intrusion d'une araignée nous montre clairement que ce sont ni plus ni moins des maquettes! Pourtant cette maquette existe bien, et elle appartient aux Maitland, un couple à la perfection quasi-utopique, vivant dans ladite maison surplombant la petite ville. Tout y est lumineux, harmonieux, tout le monde y est heureux, et seul cette voisine rapidement collante vient mettre une ombre au tableau. Pour les besoins de leur maquette, le gentil couple devra faire un tour en ville, avant d'être bêtement victime d'un accident de voiture… mortel. Condamnés à hanter leur propre foyer, Adam et Barbara ne peuvent plus retrouver leur monde: une simple échappée de la maison se termine par une virée sur Saturne, planète de sable habitée par des vers géants très voraces !

Vendue par une amie trop fouineuse, la maison est rapidement achetée par une famille de New-Yorkais aussi envahissants que excentriques: la belle-mère est une sculptrice démente suivant les conseils d'un soi-disant spécialiste du paranormal, le père n'a rien à faire (!!) et la gamine est une petite gothique aussi morbide que silencieuse déboulant dans la maison en cercueil noir et tenue d'enterrement !

Rien de rose pour les Maitland, qui réalisent que les vivants ne peuvent les voir malgré leurs apparitions fort grotesques: visage arraché, décapitation, pendaison, déguisement classique de fantômes. L'occasion d'offrir la scène mémorable du placard (voire celle où Adam et Barbara ont bien du mal à faire sursauter la vilaine famille avec des vieux draps) où les nouveaux occupants ne semblent pas se soucier du spectacle affreux qui s'offre sous leur nez. C'est en découvrant un livre réservé uniquement aux morts, que les amoureux découvrent l'autre monde ainsi que l'existence d'un certain Beetlejuice, un mort vivant obscène et hystérique qui se considère comme un bio exorciste : il fait fuir les vivants. Faisant appel à ses services, Adam et Barbara s'en débarrassent aussitôt, sans savoir qu'il va longuement leur coller aux basques et pourquoi pas mettre un boxon monstre dans la maison.

Futur Batman chez le même Burton, Michael Keaton endosse un rôle à contre-emploi stupéfiant, jouant à la fois avec son maquillage lugubre et de multiples effets spéciaux le rendant méconnaissable, mais aussi avec un soupçon d'improvisation dans le comportement et les dialogues. L'occasion pour l'acteur trop cantonné dans les rôles de gentils de se défouler un maximum.

Même chose pour Winona Ryder, ici dans la peau de Lydia, adolescente révélant une nature parfois tourmentée (la tentative de suicide) mais se montrant nettement plus heureuse au contact du couple de fantômes, le couple rêvé qui lui fait oublier des parents snobs et ringards. La petite a beaucoup de répartie et son stock de dialogues atteint une certaine saveur (Je vis dans une grande, longue, grande et profonde chambre noire ou Vous êtes pleins de pus et pleins de veines, comme dans La nuit des morts vivants) jusqu'à cette libération finale, et en musique en plus !

Que ce soit le score de Danny Elfman ou les mélodies de Harry Belafonte, la musique joue un rôle primordial dans le film : Elfman nous sert sa bande sonore la plus tonitruante, la plus enjouée et la plus belle de toute sa carrière (avec celle de Edward aux Mains d'argent bien entendu) et dont le thème musical sera réutilisé à tort et à travers. Là où on s'y attend le moins, Beetlejuice prend des allures de comédie musicale lors d'une scène d'anthologie, pour ne pas dire culte : invitant de nombreux bourgeois et personnalités de la haute société, la belle mère de Lydia va voir son repas se transformer en piste de danse avec une possession générale des convives, les forçant à chanter et danser sur le fameux Day-O. On peut en mourir de rire ou juste esquisser un sourire au choix, mais la scène reste définitivement imparable. Rien que pour elle, on revoit Beetlejuice avec une grande délectation.

Véritable remède contre le blues ou la grise mine, Beetlejuice donne l'occasion à Burton d'étaler son univers dans quelques séquences se déroulant dans le monde des morts, créatures décharnées et burlesques qui possèdent encore les marques de leur décès : requin accroché à une jambe, squelette cramé, os de poulet traversant une gorge, employé de bureau raplapla comme une feuille de papier, pendu distribuant des photocopies, joueurs de rugby n'ayant toujours pas réalisé leur propre mort, et même un chasseur dont le crâne a été rétréci et la bouche cousue !

Très grand amateur d'animation image par image, Burton l'utilise habilement et fréquemment dans son film avec les vers géants, la transformation surréaliste de Adam et Barbara, et certaines animations d'objets comme cette porte béante ou ces sculptures douées de vie. Tim Burton bouillonne d'idées à chaque instant et nous en fait profiter pleinement jusqu'à ce dénouement bordélique et jouissif où l'infâme Beetlejuice laisse libre cours à son cabotinage et à ses mauvais tours. Si on est loin d'Argento, Burton fait néanmoins exploser les couleurs dans certaines parties du décor, en particulier lors de la scène finale ou celle se situant dans l'autre monde. Difficile de ne pas écarquiller les yeux face à ce BeetleSnake, à ce rébus animé, à la vision de la planète Saturne, à ces subites plongées dans les maquettes des Maitland, à la transformation de Beetlejuice en manège… 

L'univers de Burton est là et incontestablement là, il imprègne le film de toute part, reprend des éléments chers à Lewis Carroll, à la Hammer Films, aux bandes dessinées les plus folles, à Chuck Jones, à la peinture surréaliste… 

Un pur bonheur que ce jus de cafard.


Jérémie MARCHETTI

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