L'HISTOIRE : 1967. Dans un hôpital, une jeune femme gravement blessée à la gorge meurt en accouchant de son fils. De nos jours, tandis que la nuit tombe sur la ville, un jeune homme se laisse conduire dans une boîte de nuit branchée située dans un abattoir. Rejeté par les danseurs avec lesquels il essaie de nouer contact, il est carrément agressé lorsque les extincteurs de secours arrosent de sang frais des vampires amateurs de techno. Rampant afin de prendre la fuite, il se retrouve aux pieds d'un homme revêtu d'une cuirasse et d'une cape noires, armé d'un fusil à pompe, de pieux d'argent et d'un sabre : Blade. Entre ce dernier et les vampires, un combat acharné s'engage, au terme duquel le guerrier cuirassé immole Quinn. Le cadavre calciné atterit dans l'hôpital où travaille Karen Jenson, mais Quinn est encore vivant. Alors que Blade surgit de nouveau pour lui régler son compte, il a le temps de mordre la jeune hématologue avant de s'enfuir. Troublé par la ressemblance de Karen avec sa mère, Blade décide de tenter de la sauver, et l'emmène avec lui dans le repaire secret qu'il partage avec son coéquipier Abraham Whistler…
MON AVIS : Pour ce film de vampires à grand spectacle, dans la lignée des Comics chers à David Goyer (Dark City ou encore Ghost Rider), on pouvait s'étonner a priori du choix de Stephen Norrington à la réalisation. A l'époque, ce dernier était en effet essentiellement connu comme spécialiste des effets spéciaux, que ce soit en tant que technicien ou producteur (Aliens le retour ou plus récemment L'exorciste : au commencement) tandis que son premier film, Death Machine, était passé quasiment inaperçu. Crainte principale : celle d'assister à un métrage purement axé sur la volonté d'en mettre plein la vue, comme cela a d'ailleurs fini par arriver à Norrington avec La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Mais, fort heureusement, Blade tient la route, et sans révolutionner de fond en comble le genre des homini nocturni, inaugure avec efficacité cette désormais trilogie, qui aura fait passer nos amis vampires à l'âge du sang techno-numérique.
Règle obligatoire de ce genre de film, la scène d'introduction donne d'emblée le ton général. Avec cette excellente idée d'une boîte de nuit hype dispensant à ses habitués une douche sanglante au lieu du bain de mousse traditionnel, scène qui fait la aprt belle à la belle Traci Lords d'ailleurs, puis un combat nerveux chorégraphié avec talent (Wesley Snipes, également producteur du film, pratique la capoeira depuis des années), Norrington administre une séquence graphique assez enthousiasmante. Lumières froides, décor épuré, sang rouge vif, mouvements de caméra rapides et tournoyants, les vampires nouvelle génération paraissent sacrément excités (art martial, crochets, pistolets mitrailleurs) et sont envoyés ad patres avec autant d'entrain (contemporains en cela des morts vivants à haut-débit de Danny Boyle et Zack Snyder). Quoique d'une bonne définition, les effets spéciaux n'interviendront pas toujours avec autant de réussite. Les éclatements organiques de la seconde partie du film prennent par exemple un tour artificiel et grotesque tranchant maladroitement avec le reste, l'ambiance Comics virant au comique tout court. Mais ce n'est là qu'une exception au passage, sans doute commandée par le souci de ne pas faire verser Blade dans l'horreur pure, et le rituel fantastique de la Magra rétablira convenablement les choses.
De même, si Blade use de clins d'œil distanciateurs et de mimiques viriles un peu lourdes, c'est sans compromettre l'atmosphère d'ensemble, comme ce sera au contraire le cas avec le Faust de Brian Yuzna. Il s'agit ici de conserver la ligne directrice du projet : un film d'action fantastique et divertissant avant toute chose. En fait, quelques années plus tôt, un obscur Jake West avait atteint les sommets du ridicule en essayant de réaliser une chose équivalente (Razor Blade). Mais là, aucun doute : tout en choisissant un ton light, Blade reste efficace, et Norrington remporte aisément la mise.
Les héros de Comics sont la plupart du temps partagés entre une identité civile officielle et leur nature de justicier, occasionnant des troubles schizophréniques (Batman, Faust) et/ou des quiproquos affectifs (Superman, Spiderman) qui s'intègrent à la trame narrative et la compliquent. Ici, rien de tel : si Blade possède bel et bien un nom et un prénom d'origine (Eric Brooke), personne ne s'en soucie. Dans un monde d'ores et déjà envahi par les vampires, ce sont ces derniers qui dissimulent leur véritable nature, tandis que le héros, obligé de vivre caché, ne se départira jamais de ses attributs guerriers. Et pour cause : la dichotomie qui s'instaure d'ordinaire entre l'apparence du héros et sa vérité est ici balayée pour laisser place à un conflit biologique. Blade porte en lui les gènes spécifiques des créatures qu'il affronte, et son coéquipier Whistler doit régulièrement lui administrer un sérum pour éviter une mutation complète. Cette originalité, tout en inscrivant le film dans un contexte résolument contemporain, permet aussi de simplifier la narration… au détriment de toute psychologie, celle-ci demeurant superficielle et cantonnant les personnages dans des clichés très orthodoxes. Si vous cherchez de l'émotion et de l'originalité dans le dessin des caractères, ce n'est donc pas dans Blade que vous les trouverez…
A vrai dire, les personnages les plus intéressants du film sont les méchants (qui a dit comme d'habitude ?), c'est-à-dire les vampires assumés. Divisés entre notables du cercle d'Erebus et arrivistes à la solde de Deacon Frost (Stephen Dorff), le monde des vampires reprend ici les éléments initiés par Anne Rice, tout en les débarrassant une fois pour toute de tout argument dix-neuviémiste, et en faisant de leur opposition un certain reflet de la réalité contemporaine.
D'un côté les conservateurs bien établis dirigés par Gaétano (Udo Kier), qui souhaitent jouir de leurs privilèges en toute discrétion. Et de l'autre, les ambitieux aux dents longues, cyniques, agressifs et à la pointe de la mode, ne souhaitant renouer avec leurs origines ancestrales que pour instaurer leur pouvoir mondial d'une façon définitive et déclarée (la thématique du vampire pur et impur évoquant tout à fait celle d'une race aryenne). Au beau milieu, on trouve Pearl, gardien des archives assez incongru semblant sortir tout droit de Star Wars, et donnant lieu à un supplice bien sadique de la part de Karen Jenson. Mais entre modernisme high-tech, glyphes kabbalistiques et complots somme toute classiques, Stephen Dorff incarne un Deacon Frost impétueux qui n'est pas sans rappeler les personnages de Roméo+Juliette de Baz Luhrmann, .et c'est sans doute lui qui remporte la palme des interprètes de Blade.
Avec ses défauts par-ci par-là et son ambition mesurée, Blade remplit donc son objectif principal : accommoder les vampires à la sauce Comics branchée, et Norrington peut se féliciter de nous avoir fourni un film plus qu'honnête. Une agréable mise en bouche avant le deuxième opus réalisé par Guillermo Del Toro, qui allait prendre une toute autre envergure.
Titre français : Blade
Titre original : Blade
Réalisateur : Stephen Norrington
Scénariste : David Goyer
Musique : Mark Isham
Année : 1998 / Pays : Usa
Genre : Vampires, super-héros / Interdiction : -12 ans
Avec : Wesley Snipes, Stephen Dorff, Kris Kristofferson, N'Bushe Wright...
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