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THE BABY (1973)

 

Titre français : The Baby
Titre original : The Baby
Réalisateur : Ted Post
Scénariste : Abe Polsky
Musique : Gerald Fried
Année : 1973
Pays : Usa
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec : Anjanette Comer, Ruth Roman, Marianna Hill, Susanne Zenor, David Mooney...


L'HISTOIRE : Assistante sociale qui a perdu son mari suite à un accident, Ann Gentry décide de s'occuper de la famille Wadsworth. Mme Wadsworth vit seule avec ses deux filles, Germaine et Alba, ainsi qu'avec Baby, un jeune homme qui n'a jamais évolué et en est resté au stade infantile. Il ne sait ni marcher, ni se mettre debout, ni parler, ni manger tout seul et porte encore des couches. Prise d'affection pour Baby, Ann tente de raisonner Mme Wadsworth en lui faisant comprendre que des instituts spécialisés peuvent venir en aide à Baby. Plus Ann passe du temps chez les Wadsworth, plus elle s'aperçoit que le comportement de la mère et de deux sœurs de Baby est étrange et pourrait être la cause de la non-évolution du jeune homme...


MON AVISJe l'ai déjà dit, les années 70 possèdent son lot de films étranges, obscurs, radicaux, incisifs, dérangeants. Je viens encore de vous dégoter une perle dans ce domaine, avec The Baby de Ted Post ! Ce nom ne vous semblera sûrement pas inconnu et pour cause, on doit à ce réalisateur qui a débuté sa carrière  dans la série-télévisée dans les années 50 des films tels Pendez-les haut et court (1968), Le Secret de la Planète des Singes (1970), Magnum Force (1973), Le Commando des Tigres Noirs (1978) ou Nightkill (1980) entre autres. La même année que le polar burné avec Clint Eastwood, Ted Post réalise donc The Baby, assurément l'un des films les plus bizarres et déconcertant que j'ai jamais vu.

Ne vous fiez pas à l'affiche du film, qui ferait passer cet ovni pour ce qu'il n'est pas, mais alors pas du tout, à savoir une comédie polissonne. The Baby n'est en rien une gaudriole sexy, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est un drame insolite, inclassable, dont certaines situations pourraient prêter à rire mais dont l'ambiance, l'atmosphère malsaine qui se dégage des images, annihile tous sourire de notre visage. On félicitera le scénariste Abe Polsky d'avoir rédigé une telle histoire, originale dans sa construction et son développement, nous proposant des événements que je pense pas avoir déjà vu auparavant, et qui nous réserve, qui plus est, un final totalement apocalyptique, qui ferait presque bifurquer The Baby dans le film d'horreur psychotique, et une ultime séquence totalement incroyable et azimutée, qui remet presque en cause tout ce qui a précédé ou, tout du moins, va nous faire bien réfléchir sur ce qu'on a vu et qu'on pensait acquis. 

The Baby est donc l'histoire d'une assistante sociale, Ann Gentry (Anjanette Comer) qui va rencontrer une famille très spéciale, composée d'une mère, Mme Wadsworth (Ruth Roman), de ses deux filles Germaine (Marianna Hill) et Alba (Susanne Zenor) et de son fils, surnommé Baby (David Mooney). Ce dernier nécessite une attention toute particulière puisque malgré son âge (une bonne trentaine passée je dirais), Baby est toujours resté à l'état de bébé, ne marchant pas, ne parlant pas, dormant avec ses doudous dans un lit de bois à barreau, malgré sa taille, et devant encore porter des couches. Un sérieux handicap pour ce jeune homme, autant physique que mental. 

L'acteur donnant vie à Baby est assez remarquable, car si ses crises et ses pleurnicheries, telles qu'un vrai bébé pourrait en avoir, font sourire au départ, l'ambiance qui va s'immiscer dans le récit peu à peu va rapidement devenir oppressante, et on ne sourira plus vraiment devant ses mimiques, qui passeraient pour être un sommet de ridicule dans un film. Car Ted Post traite cette histoire avec un sérieux à toute épreuve, et son casting est parfaitement en place pour nous faire ressentir tout le caractère malsain de ce qui se trame devant nos yeux. 

La question que le spectateur en vient à se poser, celle-là même que se pose l'assistante sociale Ann Gentry d'ailleurs, n'est autre que : Baby a-t-il un réel handicap mental et moteur OU est-ce sa famille, qui semble un brin dérangée, qui l'a forcé depuis des années à ne pas grandir et l’a infantilisé de la sorte ? On imagine alors les sévices et les épreuves que cet enfant a du subir dans sa jeunesse si tel est bel et bien le cas ! Les trois membres de la famille Wodsworth sont parfaitement interprétés et on n’hésitera pas à classer cette famille parmi les plus tordues qu'on ait vu. Mme Wodsworth a le visage de Ruth Roman et semble être une sorte de calque de Bette Davis dans Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? ou de Shelley Winters dans Black Journal. On sent qu'elle porte un amour infini à son fils Baby mais que tout ne tourne pas rond non plus dans sa tête. 

Il en va de même pour ses filles, que ce soit Germaine, qui nous offrira une séquence à la limite du glauque quand elle se rendra la nuit dans la chambre de Baby, ou Alba, charmante blondinette qui s'avérera des plus sadiques envers son frère. Un trio diabolique, qui ne va pas apprécier l'intrusion de l'assistante sociale et qui va tout faire pour que cette dernière les laisse en paix. 

Anjanette Comer, dans le rôle d'Ann Gentry, est elle aussi particulièrement à l'aise et livre une solide composition. Ce ne doit pas être facile de rester sérieuse et de se montrer attendrie devant un acteur qui mine des comportements de bébé. Pourtant, on ressent totalement l'empathie qu'elle éprouve pour ce cas déroutant. 

Comme dit plus haut, certaines séquences du film sont d'un mauvais goût assumé et provoque un réel mal-être chez le spectateur, à l'image de la séquence avec la baby-sitter, qui se laissera téter un sein par Baby. 

Très honnêtement, je ne savais pas à quoi m'attendre quand j'ai débuté la vision de The Baby et le résultat est au-dessus de mes attentes. Le film est en plus bien filmé, Ted Post ne l'a pas du tout bâclé et a apporté un soin particulier à sa mise en scène et à sa direction d'acteurs. Amateurs de bizarreries sur pellicule, je ne peux donc que vous conseiller de vous jeter séance tenante sur The Baby, une véritable curiosité au scénario improbable mais qui fonctionne pourtant bel et bien. Et cette fin ! Insolite, quand tu nous tiens ! 




Stéphane ERBISTI

LA BAIE SANGLANTE (1971)

 

Titre français : La Baie Sanglante
Titre original : Reazione a Catena
Réalisateur : Mario Bava
Scénariste : Mario Bava, Filippo Ottoni, Giuseppe Zacchariello
Musique Stelvio Cipriano
Année : 1971
Pays : Italie
Genre : Slasher
Interdiction : -16 ans
Avec : Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rossati, Léopoldo Trieste…


L'HISTOIRE : Une vieille comtesse est pendue par son mari qui déguise le meurtre en suicide. Il est à son tour assassiné par un tueur mystérieux qui fait disparaître le corps. Peu de temps après, quatre jeunes gens s'arrêtent dans la demeure abandonnée pour y passer un peu de bon temps. Ils vont rapidement connaître des fins sanglantes, tandis que le mystère s'épaissit. Quelqu'un cherche à se débarrasser de toute personne ayant une relation de près ou de loin avec la demeure de la comtesse située dans une baie idyllique...


MON AVISLe film démarre fort avec ces deux meurtres successifs filmés de façon magistrale par un Mario Bava ayant posé les jalons du genre giallo en 1964 avec La Fille qui en savait Trop et en 1966 avec Six Femmes pour l'Assassin et qui pose ici, avec La Baie Sanglante, les bases du genre slasher ! Il est fort ce Mario Bava Le spectateur a droit à toute la souffrance de la victime en gros plan, tandis que le meurtrier n'est révélé que par quelques détails corporels, comme ses chaussures polies ou ses mains gantées de noir. Et juste au moment où nous voyons son visage, il se fait lui-même larder de coups de couteaux brillants. Une introduction des plus efficaces, servie par une mise en scène impeccable dans un décor baroque aux couleurs riches et profondes, donnant un aspect velouté aux images (tiens, voilà Dario Argento venu jeter un petit coup d'œil).

Avec ce film datant de 1971, il ne fait aucun doute que Bava a inspiré plus d'un réalisateur, tant pour la mise en scène que pour l'histoire et l'inventivité des meurtres. Ici, nous avons droit à un couple transpercé par une lance en pleins ébats, à une décapitation à la hache ou une machette en pleine figure – de plus, dans un décor situé au bord d'un lac (tiens, bonjour Sean Cunningham) – ou encore à un égorgement en pleine course, donnant lieu à l'une des images les plus sublimes du film.

L'une des jeunes filles se baigne dans un lac et croise un cadavre. Elle panique et s'enfuit en enfilant maladroitement sa petite robe vert bouteille. Tout en courant, le tueur lui coupe la gorge et elle s'effondre sur un gazon vert brillant sur lequel contraste merveilleusement sa délicate peau pâle et le rouge du sang qui coule de sa plaie béante. C'est de la vraie poésie macabre et cette séquence est juste incroyable de virtuosité.

L'histoire du film est d'une banalité presque affligeante, devenue une base fixe pour la plupart des slashers ayant suivi. Mais ici, point de longueurs ni d'effet déjà-vu grâce à tout le savoir-faire de Mario Bava, qui introduit des personnages mystérieux à intervalles réguliers, ayant chacun un mobile pour ces meurtres incessants.

En effet, les quatre jeunes vont disparaître l'un après l'autre dans la première demi-heure, si bien que l'on se demande ce qui nous attend pour la suite. Et là, le film prend une tournure un peu inhabituelle dans ce genre de film aujourd'hui, étant donné qu'il commence à raconter une vraie histoire qui ne s'éclaircira qu'à la fin. On n'a pas l'impression d'assister à quelque chose de gratuit et malgré son âge certain, ce film a beaucoup mieux vieilli que Vendredi 13, qui s'en inspire jusqu'à en devenir un calque, par moments.

Les acteurs composant le groupe de jeunes n'ont rien de particulier. Ils sont juste là pour servir aux funestes desseins du tueur donc leur développement se limite à quelques chamailleries amicales. On devine que l'un des garçons est amoureux des deux filles qui ne le lui rendent pas et qu'il est toujours tenu un peu à l'écart du groupe mais c'est tout. Et ce n'est pas grave.

Par contre, le couple qui arrive, dont la femme est la belle-fille de la comtesse décédée, comporte un peu plus de substance, notamment grâce à la beauté fragile de Claudine Auger. Elle va se révéler bien plus ferme et rusée qu'elle n'en donne l'impression et une sombre histoire de propriété et d'avidité va se dessiner autour du couple, les détails devenant de plus en plus évidents en même temps que les cadavres s'amoncellent.

Si vous n'avez pas encore vu La Baie Sanglante, il est grand temps de le découvrir, ne serait-ce que pour voir le début du slasher. Je n'ai qu'un seul problème avec ce métrage dont je vais parler dans le paragraphe suivant. Il comporte cependant un monstrueux spoiler concernant la fin, alors ne le lisez que si vous avez déjà vu le film.

La fin est en soi très brutale, voire choquante ("Maman ? Papa ?" - BAM !!) et aurait parfaitement fonctionné en clôturant un film aux propos autrement plus cyniques. Ici, elle laisse un méchant goût d'arrière-pensée foireuse, comme si Bava s'était dit Oh mince, tout le monde est mort. Alors comment faire pour tuer les parents ? Et là, il s'est souvenu de leurs enfants que le spectateur avait oublié tant ils sont inexistants dans ce qui précède. Il n'existe aucune véritable raison pour qu'ils tuent leurs parents, même si cet acte est présenté comme un jeu pour eux (T'as vu comme ils font bien semblant d'être morts ?). Selon moi, l'ironie aurait mieux fonctionné si les parents avaient péri dans un accident provoqué par eux-mêmes et en rapport avec cette baie qu'ils convoitaient tant. Alors qu'ici, le spectateur se sent brutalement mis de côté et plongé dans une réflexion qui nuit en quelque sorte à son appréciation pour le reste du film.

Reste une oeuvre fondatrice que tout amateur du genre se doit d'avoir vu.




Marija NIELSEN

L'AFFAIRE DE LA FILLE AU PYJAMA JAUNE (1977)

 

Titre français : L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune
Titre original : La Ragazza dal Pigiama Giallo
Réalisateur : Flavio Mogherini
Scénariste : Flavio Mogherini, Rafael Sánchez Campoy
Musique : Riz Ortolani
Année : 1977
Pays : Italie, Espagne
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Mel Ferrer...


L'HISTOIRE : Le corps d'une femme atrocement mutilé au visage et calciné est retrouvé dans une épave de voiture sur la plage. Les deux inspecteurs chargés de l'enquête se voient assister par Thompson, un vieil inspecteur à la retraite. Dans le même temps, Glenda Blythe tente de gérer sa vie, tiraillée entre son fiancé Antonio et les autres hommes avec qui elle fait l'amour, dont Roy Conner et le professeur Henry Douglas...


MON AVISDans les années 30 en Australie, un sordide fait divers a retenu l'attention des habitants : le corps d'une femme au visage calciné a été retrouvé et afin de parvenir à l'identifier, l'inspecteur chargé de l'enquête a eu l'idée d'exposer le cadavre dans un container de verre afin de le montrer au public, espérant qu'un détail corporel soit identifié par un spectateur. 

Un procédé qui n'a pas porté ses fruits mais qui s'est montré suffisamment original pour que le réalisateur Flavio Mogherini et le scénariste Rafael Sánchez Campoy décide de s'en servir dans un film. C'est donc en 1977 que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune va utiliser ce drame, transposé dans les 70's. Le titre du film joue évidemment avec un genre qui connaît un énorme succès en Italie : le giallo. Pourtant, l'oeuvre de Flavio Mogherini n'en est pas vraiment un même s'il flirte avec les standards du genre. Mais les amateurs pensant avoir affaire à un mystérieux tueur vêtu de noir en seront pour leur frais, le film tirant beaucoup vers le film policier classique. 

Filmé en partie en Australie et bénéficiant d'un casting international, L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune juxtapose deux histoires, celle de l'enquête concernant le meurtre et la vie tumultueuse de la jolie Glenda (Dalila Di Lazzaro). On navigue sans cesse entre l'une et l'autre, se demandant qu'elle est le rapport entre les deux. C'est ce qui m'a séduit dans ce film dont je n'ai compris les rouages qu'au bout d'une heure, lors de la révélation faite par Ray Milland. Astucieux, cet entremelage de personnages et de genre (l'enquête policière est contrebalancée par la vie amoureuse compliquée de Glenda, qui fait dériver le film vers le mélo dramatique parfois) permet à L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune de se démarquer de la mouvance giallesque justement, en essayant de proposer quelque chose de différent et de ne pas se contenter de répéter les clichés d'un genre en fin de vie, la faute à une profusion de titres dupliquant une même recette. 

Ce procédé d'entrecroisement ralentit le rythme du film par contre mais cet aspect est compensé par un réel travail de mise en scène et de trouvailles intéressantes, dont la plus notable est la mise à disposition du public du cadavre de la défunte. Cette séquence est des plus troublantes et mérite à elle seule la vision du film. Tout comme la foule se déplaçant en masse pour voir, nous, spectateurs du film, sommes placés dans la même position de voyeur que le public, admirant les courbes dénudées parfaites de la victime oubliant au passage que l'on a affaire à un cadavre dont le visage est calciné. La séquence est diaboliquement mise en scène et touche cette fois totalement au genre giallo. 

J'ai également apprécié de voir à l'écran Ray Milland, le fameux Homme aux rayons X entre autre ! Si l'idée d'associer aux deux jeunes inspecteurs un vieux de la vieille à la retraite n'est pas nouvelle, le plaisir de voir l'acteur venir mettre à mal leurs méthodes contemporaines apprises à l'école est assez jouissive et permet également d'apporter un peu d'humour au drame. 

S'il est clair que L'Affaire de la Fille au Pyjama Jaune décevra les fans purs et durs de giallo ultra-violent, il n'en reste que Flavio Mogherini a fait un travail méritoire pour se démarquer de la masse et son film policier reste tout à fait recommandable, avec son casting bien en place, ses quelques touches d'érotisme, ses fulgurances visuelles colorées et sa formidable séquence du cadavre offert aux yeux du public. En ayant à l'esprit ces éléments, n'hésitez pas à lui laisser sa chance et tenter vous aussi de dénouer l'affaire de la fille au pyjama jaune !




Stéphane ERBISTI

L'AUTRE (1972)

 

Titre français : L'Autre
Titre original : The Other
Réalisateur : Robert Mulligan
Scénariste : Tom Tryon
Musique : Jerry Goldsmith
Année : 1972
Pays : Usa
Genre : Drame horrifique
Interdiction : -12 ans
Avec Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris Udvarnoky, Martin Udvarnoky, Norma Connolly...


L'HISTOIRE : Élevés par leur grand-mère Ada, les jumeaux Niles and Holland Perry vivent paisiblement dans une ferme du Connecticut. Mais, un beau jour, des événements étranges et tragiques commencent à se produire. Tout laisse à penser que l'un des deux frères a quelque chose de diabolique en lui...


MON AVIS : [Attention aux spoilers - à ne lire qu'après avoir vu le film]


Adaptation du roman Le Visage de l'Autre de Tom Tryon, qui rédigea également le scénario du film, L'Autre du réalisateur Robert Mulligan (Du Silence et des Ombres, Daisy Clover, Un été 42...) est un film magnifique et mélancolique, qui mérite d'être découvert par le plus grand nombre tant ses qualités sont nombreuses. 

Film sur l'enfance et la difficulté de faire face au deuil avant tout, L'Autre est souvent classé dans la catégorie fantastique alors qu'en réalité, on est bien plus dans un drame réaliste, avec un enfant totalement schizophrénique et névrotique, qui ne réussit pas à admettre la mort de son frère jumeau et qui va continuer à le faire vivre dans un monde fantasmé, ou du moins, dans SON monde fantasmé. L'aspect fantastique est néanmoins présent à travers le jeu que Ada, la grand-mère, a apprit à Niles : particulièrement sensible, le petit garçon parvient à pénétrer l'esprit d'un animal ou d'un être humain et à ressentir la vie de ce dernier, comme lors de la séquence dans laquelle Niles voit à travers les yeux d'une corneille dont il a investit l'esprit. Un jeu apparemment sans danger, imaginé par Ada pour permettre justement à Niles de faire plus facilement son deuil mais qui, pour le garçon, va avoir des conséquences catastrophiques sur son propre esprit, ne différenciant plus la réalité de son monde imaginaire. 

La grande force du film est d'ailleurs d'adopter durant 100 minutes le point de vu de Niles Perry, superbement interprété par Chris Udvarnoky, qui donne la réplique à son propre frère jumeau, Martin Udvarnoky, qui, lui, interprète Holland Perry. Le montage et la mise en scène sont également des points forts de L'Autre puisque Robert Mulligan a choisi de ne jamais montrer les deux jumeaux ensemble dans un même plan. Cet effet de style apporte une touche insolite à cette oeuvre singulière et place le spectateur dans un questionnement incessant sur la nature même de la relation entre les deux frères. 

Si on comprend rapidement que la personnalité la plus forte est celle d'Holland Perry, si on comprend que ce dernier semble être mauvais puisque c'est lui qui commet les actions qui vont se révéler dramatiques pour les autres personnages du film, on ne peut qu'éprouver de l'empathie pour Niles Perry, qui semble désemparé face aux agissements de son frère. Plus le film avance, plus on sent que quelque chose cloche dans tout ça ; bien sûr, si vous êtes fans de cinéma de genre, vous ne mettrez pas longtemps avant de deviner l'une des pirouettes scénaristiques de l'histoire, pirouette qui relevait du jamais vu à l'époque et qui a influencé bon nombre de films par la suite, comme, et ce n'est sûrement pas un hasard, Les Autres d'Alejandro Amenábar. Un procédé qui n'a d'ailleurs pas convaincu les critiques de l'époque, qui ont reproché à Mulligan de les avoir manipulé. 

C'est pourtant bien ce procédé qui fait de L'Autre un pur chef-d'oeuvre d'ambiance et d'atmosphère, qui emprunte parfois au cinéma d'épouvante gothique (la mère qui reste cloîtrée dans sa chambre, la grange qui semble renfermer des secrets inavouables...). Pourtant, on sent que le propos de Mulligan n'est pas de mettre en avant ce twist, qui intervient d'ailleurs à mi-parcours et non à la fin du film.Ce qui l'intéresse avant tout, c'est de faire de L'Autre un film totalement subjectif, avec une caméra qui suit continuellement, et au plus près, Niles Perry, de montrer la dualité qui réside dans ce personnage ambiguë. 

Les drames qui vont avoir lieu successivement vont faire naître une vraie tension morbide à l'écran, plongeant le film dans une horreur rurale qui met de plus en plus mal à l'aise, atteignant son paroxysme lors d'un final réellement dramatique et dont l'ultime image fait froid dans le dos. Sans jamais cherché à faire du sensationnalisme, avec un rythme languissant, très peu énergique, L'Autre vous embarque dans ce drame sensible et finement ciselé avec ses arguments imparables, subtils et son ambiance fataliste. Une pure réussite.




Stéphane ERBISTI

BABY CART 2 : L'ENFANT MASSACRE (1972)

 

Titre français : Baby Cart - L'Enfant Massacre
Titre original : Kozure Ôkami - Sanzu no Kawa no Ubaguruma
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénariste Goseki Kojima, Kazuo Koike
Musique Hideaki Sakurai
Année : 1972
Pays : Japon
Genre : Aventure horrifique
Interdiction : -16 ans
Avec Tomisaburo Wakayama, Kayo Matsuo, Akihiro Tomikawa, Akiji Kobayashi...


L'HISTOIRE : Toujours à la poursuite de Ogami Itto, le clan Yagyu fait appel à des guerrières sanguinaires pour assassiner le bourreau. Ogami est par ailleurs embauché pour tuer Makuya, un homme qui serait en relation avec les terribles frères Bentenrai...


MON AVISLe premier venant d'être terminé, la même équipe rempile directement la même année avec cette suite. Si le premier film avait posé les bases principales du mythe de Baby Cart, cette suite va se focaliser davantage sur les combats, pour le plaisir de nos yeux.

Car Baby Cart c'est avant tout des combats très sanglants, qui vont devenir carrément gore dans ce deuxième opus considéré comme le plus abouti de la saga. Toujours plus d'idées, toujours plus de rythme, d'action et de sang, on n'attend que ça de la part d'une telle série…

Ogami Itto pousse toujours le landau de son fils sur les routes du Japon, tuant tous ceux qui tentent de le supprimer. L'introduction ouvre la voie avec une scène mémorable resté dans les mémoires des fans de la série : un tueur se prend un sabre dans la tête de la part de Ogami et continue d'enfoncer la lame dans sa tête, bloquant ainsi Ogami et permettant à son acolyte d'attaquer le bourreau. Bien sûr, le deuxième assaillant ne fait pas long feu, et se retrouve empalé. Le sang gicle de toutes parts, les deux ennemis sont enfin exécutés, le film peut enfin démarrer. Ébouriffant.

Le clan Yagyu, qui cherche à éliminer Ogami, ne peut plus le vaincre après quelques vains efforts. Ainsi, le clan demande de l'aide à Sakaya, la fille de Retsudo, le vieillard hirsute du premier volet, et accessoirement, ennemi juré de Itto. Celle-ci, guerrière aussi impitoyable que son père, va lancer une tribu d'amazones aux trousses de Ogami. Des amazones se cachant sous des apparences calmes, et qui vont tenter de bloquer la route à Ogami.

Mais Ogami est chargé d'une mission : retrouver un certain Makuya, qui serait de mèche avec les trois maîtres de la mort : les frères Ten, Ben et Rai Bentenrai, des êtres sadiques et barbares massacrant tout sur leur passage. La force du film, comme vous pouvez le constater, ne réside pas dans son scénario, efficace et classique, mais plutôt dans ses scènes d'actions hyper violentes. Ogami devra faire face à des tueurs encore plus redoutables et plus violents, comme les fameuses Amazones ou les seigneurs de la mort. Par ailleurs, ces trois assassins redoutables deviendront des icônes cultes du genre puisqu'ils seront repris dans Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin ou plus récemment dans Dead or Alive 2.

Trois personnages malfaisants, maniant chacun une arme différente comme des griffes mortelles ou une massue. Une idée géniale donnant lieu à des scènes très gores forcément. Car autant le savoir, ils savent parfaitement s'en servir et très bien même, en tout cas assez pour faire sortir de bons litres d'hémoglobine. Ce second épisode est parsemé de combats d'anthologie, qui surprennent encore plus par leur violence excessive. Celui réservant le plus de surprises (quoiqu'ils en réservent tous) est sans conteste celui contre les amazones. Une longue scène où Ogami tombe sur des femmes différentes sur son chemin, danseuses, paysannes, pèlerines se révélant être de terribles guerrières. Et pour camoufler leurs armes, rien ne vaut l'utilisation de légumes ou de chapeaux !

Déjà bien rythmé, ce second opus est très réputé pour ses débordements gores incroyablement jouissifs. Dans une séquence hallucinante, un ninja convoqué par Sakaya voit un groupe d'amazones l'attaquer, le découper en plusieurs morceaux jusqu'à le transformer en homme tronc puis le clouer au sol avec leurs sabres ! Le gore devient même la source d'une sorte de surréalisme visuel inattendu : les fameux guerriers de la mort déterrent des guerriers du sable avec leurs griffes, faisant ainsi saigner le désert, et lorsque l'un d'eux meurt en se faisant égorger, il voit son sang s'éparpiller au souffle du vent jusqu'à l'énorme giclée traditionnelle. Le sang gicle parfois sur l'écran, les membres volent et tombent, les sabres transpercent les corps… Impressionnant.

Le petit Daigoro acquiert un rôle encore plus important dans l'histoire, sauve son père blessé en lui portant de l'eau à sa manière, empêche de justesse, sans le vouloir, une jeune femme de tuer son père et élimine quelques vilains grâce à son landau. Un landau gadget véritablement mortel pour les ennemis de Ogami, révélant des surprises au fur et à mesure des épisodes. Ici on apprend que les roues se hérissent de piques tranchants comme des rasoirs (elles sont utilisées d'ailleurs dans une autre scène d'anthologie) et les bambous placés sur les côtés déploient de longues lames par une simple pression avec les doigts.

La fin annonce d'ailleurs quelques clins d'œil et rapprochements avec le western spaghetti comme on va pouvoir le découvrir dans le troisième épisode. Ce volet–ci se doit d'être absolument découvert, surtout si on est particulièrement sensible au cinéma japonais, au Chambara et pourquoi pas au gore. 




Jérémie MARCHETTI

BABY CART 1 : LE SABRE DE LA VENGEANCE (1972)

 

Titre français : Baby Cart - Le Sabre de la Vengeance
Titre original : Kozure Ôkami - Ko Wo Kashi ude Kashi Tsukamatsuru
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénariste Goseki Kojima, Kazuo Koike
Musique Hideaki Sakurai
Année : 1972
Pays : Japon
Genre : Aventure horrifique
Interdiction : -16 ans
Avec Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Tomoko Mayama, Shigeru Tsuyuguchi...


L'HISTOIRE : Dans le Japon féodal, un bourreau, Ogami Itto, voit un complot se former autour de lui. Après la mort de sa femme, assassinée, il part sur les routes du Japon avec son très jeune fils Daigoro, tuant tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Mais la route sera longue, très longue avant d'aboutir à l'ultime vengeance...


MON AVISCulte pour beaucoup, la saga Baby Cart est un tournant important dans le cinéma japonais. Dans la masse des films d'exploitation de l'époque, Baby Cart perpétue la tradition des fameux Chambara, sous-genre bien connu des amateurs, se déroulant dans le Japon féodal, entre samouraïs, giclées de sang et combats survoltés au sabre. Vous vous demandez bien pourquoi un tel film est présent ici ? Eh bien parce que Baby Cart est une saga empruntant un peu à tout, et surtout au manga puisqu'il est inspiré d'une bande dessinée.

La saga se permet d'importantes fantaisies, comme des combats hallucinants tout droit sortis d'un manga, des idées folles, des touches d'humour, de sexe et même de fantastique (dans le sixième épisode, des soldats morts-vivants sont ressuscités pour l'occasion), et surtout d'ultra-violence, pour ne pas dire de gore. Certes ce n'est pas Braindead mais les combats sont souvent drôlement saignants, en particulier dans le très bon second épisode, dont les excès ont dû inspirer sans aucun doute Kill Bill.

Deux hommes sont les membres fondateurs de Baby Cart : Kenji Misumi, qui a réalisé la moitié des films de la saga et qui était déjà plongé dans l'univers des Zatoichi, et Kazuo Koike, créateur de l'univers Baby Cart et qui a également créé deux autres légendes saignantes du genre : Lady Snowblood et Crying Freeman. Inédite d'abord chez nous, la série des Baby Cart est sortie en VHS chez Cine Horizons pendant les années 90 avant de se voir transporter sur support DVD grâce à HK Vidéo.

Plus ou moins fidèle au manga, Baby Cart compte 6 épisodes, dont un renégat nommé Shogun Assassin, une piètre version distribuée par les Américains, qui est une sorte de compile des deux premiers épisodes. Belle jaquette mais peu d'intérêt. Pour jouer Ogami Itto, c'est l'imposant et bedonnant Tomisaburo Wakayama qui a été choisi, collant parfaitement au fameux personnage. Il incarnera le même personnage sur toute la série, malgré certains problèmes de santé. Dans ce premier volet indispensable, le film débute par une sorte de flashback où l'on apprend le terrible complot qui s'est formé autour du bourreau officiel du shogun, Ogami Itto. Personnage hirsute, cruel et assoiffé de pouvoir, Retsudo Yagyu dirige le clan des tueurs officiels du shogun, mais désire posséder également celui des espions, et bien sûr celui de l'exécuteur.

La femme de Ogami est tuée et celui-ci, découvrant l'infâme complot de Yagyu, s'enfuit avec son fils Daigoro, à peine âgé de quelques mois. Il lui propose alors un choix dans une scène cruciale : si l'enfant choisit la balle plutôt que le sabre, il sera tué ; si l'inverse se produit, son père l'emmènera avec lui. L'enfant choisit le sabre et part ainsi avec son père, qui refuse de se faire hara-kiri et devient un rônin : un samouraï sans maître.

Le film fait donc un saut dans le temps : Daigoro a quelque peu grandi, et son père le ballade dans un landau de bois à travers les routes du Japon. Dans cet épisode, il arrive dans un petit village visité pour sa station thermale, mais menacé par une tribu de rônin et de brigands détestables, semant la terreur partout où ils passent. Et il va falloir faire le ménage…

Allant à l'encontre des règles du parfait samouraï, Ogami applique son propre code du déshonneur et préfère se venger des tueurs lancés à ses trousses, que de pratiquer le fameux seppuku ou hara-kiri. On remarquera que Kazuo Koike confectionne toujours des personnages ivres de vengeance, voire hors-normes: dans Crying Freeman, un tueur à gages pleurant après la mort de ses victimes tombe éperdument amoureux de sa cible, et dans Lady Snowblood, une jeune fille transformée en machine à tuer par sa mère va orchestrer la vengeance de celle-ci. Ogami est un personnage tout aussi torturé, il parle peu, il tue presque sans se détourner de son chemin voire sans se blesser. C'est un véritable bloc qui va découvrir que son fils est également aussi fort et malin que lui (de nombreuses petites touches dans la saga vont le prouver à partir du second épisode).

Certains combats ou duels annoncent déjà les fameux jeux vidéo de beat them all, comme le prouve le combat du lac ou la scène finale où Ogami Itto affronte plusieurs rônins en même temps. Evidemment, les combats laissent échapper quelques beaux geysers sanguinolents : un corps décapité fait gicler du sang sur fond de coucher de soleil, un homme se fait littéralement couper les deux jambes en même temps, un vilain crache un bon litre de sang sur la caméra en contre-plongée…

De même que l'utilisation du fameux landau reste encore assez discrète (car par la suite il va s'avérer être un véritable gadget sur roulettes). Il y a des audaces évidentes (l'exécution du bambin, hors-champ forcément, au début du film, la mort de la mère devant son bébé apeuré) et des éclairs de folies visuelles inattendus (la fameuse image symbolique séparée en trois écrans, les flashs épileptiques de Yagyu lors du combat du lac). 

Via un découpage digne d'une Bd, d'idées surprenantes (Ogami s'humilie en faisant l'amour avec une prostituée devant quelques rônins bien vicieux, pour ainsi sauver la jeune fille) et d'un magnifique cinémascope qui va traverser toute la saga, Baby Cart : Le Sabre de la Vengeance s'impose comme une référence dans le cinéma d'exploitation japonais.




Jérémie MARCHETTI

BABA YAGA (1973)

 

Titre français : Baba Yaga
Titre original : Baba Yaga
Réalisateur : Corrado Farina
Scénariste : Corrado Farina
Musique : Piero Umiliani
Année : 1973
Pays : Italie, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Carroll Baker, George Eastman, Isabelle De Funès, Ely Galleani...


L'HISTOIRE : Alors qu’elle rentre seule d’une soirée, la photographe de mode Valentina fait la connaissance d’une femme mystérieuse prénommée Baba Yaga. Peu de temps après, Valentina semble comme envoûtée par l’image de Baba Yaga et des événements curieux se produisent autours d’elle. La jeune femme a des visions, la réalité semble irréelle…


MON AVISBaba Yaga. Un nom bien connu des enfants puisqu’elle représente souvent une sorcière, issue du folklore slave. Le film ci-présent va la mettre en scène de manière originale. Il faut d’abord rappeler que ce film est l’adaptation d’un fumetto, équivalent d’un comic américain mais en Italie. C’est le dessinateur Guido Crepax qui a inventé le personnage de Valentina, dont le look rappellera la superbe Louise Brooks, et qui lui a fait vivre de nombreuses aventures érotico-fantastiques, dont une où la photographe se confrontait à la sorcière Baba Yaga, dans l’album bien nommé Valantina et Baba Yaga. Les fumetti de Crepax ont la particularité d’être graphiquement très avant-gardistes, ce qui les a rapidement différencié des bandes dessinées au design plus enfantin, mais également très ciné-génique, avec un découpage des images qui peut rappeler un story-board.

Le réalisateur Corrado Farina est un grand admirateur de l’œuvre de Crepax et c’est donc tout naturellement qu’il choisit d’adapter les aventures de Valentina au cinéma pour son second et dernier long métrage. Les actrices qu’il désire pour interpréter les deux personnages principaux ne sont pas disponibles et il doit se rabattre sur Carroll Baker (la Baby Doll d’Elia Kazan, vue également dans Si Douce, Si Perverse d’Umberto Lenzi ou bien encore dans L’Adorable Corps de Deborah de Romolo Guerrieri) qui jouera Baba Yaga et sur Isabelle de Funès (nièce du célèbre Louis !) pour interpréter Valentina. On appréciera de retrouver au casting le non moins célèbre George Eastman, acteur culte des fans de Bis italien, qui joue le compagnon de Valentina. 

Ces différents personnages vont donc se rencontrer et se télescoper dans un univers très étrange, mélange de rêve éveillé nonsensique et de trip hallucinatoire décadent et déroutant. Car s’il y a bien un terme qui définit le film Baba Yaga, c’est bien étrange. Je préviens de suite les lecteurs, ne vous attendez pas à un film dans les normes, Corrado Farina nous propose en effet un voyage hors norme, s’aventurant au-delà des frontières de l’onirisme et qui pourra dérouter voire rebuter certains spectateurs privés de repères tangibles.

Si le film a bien une ligne conductrice, la plupart des séquences proposées versent dans l’imaginaire ou le rêve. On ne sait plus bien si Valentina devient folle ou si elle est littéralement possédée par Baba Yaga. Les scènes où elle semble mettre en péril la vie des gens qu’elle photographie ou plus encore, celle où la poupée offerte par Baba Yaga prend soudainement vie sous une forme humaine (ce qui constitue à mes yeux la meilleure séquence du film !) nous projettent dans un univers tellement décalé, voire même expérimental, qu’on a parfois du mal à rester accroché ou à ne pas éprouver une certaine distanciation vis-à-vis de l’histoire elle–même. Possédant de plus un rythme lent, contemplatif, Baba Yaga nous évoque à de nombreuses reprises le cinéma de Jean Rollin ou de Jess Franco. L’érotisme est aussi présent mais de manière assez soft et n’a au final que peu d’intérêt si ce n’est de voir les jolies courbes d’Isabelle de Funès.

Plus qu’un film, Baba Yaga est une expérience visuelle qui demande un certain effort de la part du spectateur et une attention de tous les instants. C’est une sorte de thriller-érotico-mystico-giallesque-fantastico-onirico-expérimental plus que singulier et qui se démarque largement de la plupart des films que j’ai vus. Lorsque démarre le générique de fin, on a du mal à savoir où on se situe par rapport au film, si on a aimé réellement ou pas ; Une impression curieuse de naviguer entre deux eaux, ce qui nous rapproche de la situation que vient de vivre Valentina. Étrange, lancinant, fascinant parfois mais trop hermétique pour m’avoir totalement convaincu. Une seconde vision s’impose sûrement…




Stéphane ERBISTI

AUDREY ROSE (1977)

 

Titre français : Audrey Rose
Titre original : Audrey Rose
Réalisateur : Robert Wise
Scénariste : Frank de Felitta
Musique : Michael Small
Année : 1977
Pays : Usa
Genre : Possession
Interdiction : -16 ans
Avec : Anthony Hopkins, Marsha Mason, John Beck, Susan Swift, Norman Lloyd...


L'HISTOIRE : Janice et Bill Templeton ont une petite fille prénommée Ivy. C'est bientôt son anniversaire. Depuis quelques temps, Janice Templeton remarque qu'un étrange individu suit les déplacements de sa fille, attendant devant l'école, prenant le même bus, téléphonant pour savoir si la petite va bien quand elle manque l'école. L'individu propose un rendez-vous aux parents pour leur expliquer ses intentions. Il s'agit en fait du docteur Hoover, qui a perdu sa femme et sa fille Audrey Rose dans un accident de voiture, Audrey Rose étant morte brûlée vive dans le véhicule, deux minutes avant la naissance d'Ivy. Pour Hoover, qui fait des recherches depuis onze ans, l'âme de sa fille Audrey Rose s'est réincarnée dans le corps d'Ivy. Une théorie que ne veulent pas entendre les parents d'Ivy jusqu'au soir où, alors qu'elle fait un nouveau cauchemar, Ivy touche les carreaux de sa fenêtre et se brûle les mains. Seul Hoover, en appelant Ivy par le prénom d'Audrey Rose, parvient à calmer la jeune fille. Pour Hoover, Ivy revit l'accident de sa fille et il veut aider son âme à retrouver le repos...


MON AVISRobert Wise nous avait déjà donné un grand classique du cinéma fantastique en réalisant en 1963 le terrifiant La Maison du Diable, maître-étalon du film de maison hantée. Il renoue avec le fantastique en 1977 avec Audrey Rose, film très intéressant qu'on classera par commodité dans le registre du film de possession mais qui s'en éloigne tout de même puisqu'ici, il s'agit du thème de la réincarnation. Un sujet vraiment très peu abordé dans le cinéma et dont le film de Wise est sûrement l'oeuvre la plus maîtrisée et terrifiante sur le sujet.

La réincarnation est un sujet passionnant. Lorsque nous mourrons, notre enveloppe physique meurt également et se désagrège lentement. Mais notre âme ? Que devient-elle ? Va-t-elle rejoindre le Paradis, l'Enfer ? Ou va t-elle se retrouver dans un autre corps afin de vivre une nouvelle vie ? D'après le personnage du docteur Hoover, 700 millions d'Indiens croient en cette réincarnation de l'âme. C'est pour cela qu'il ne sont pas tristes à la mort de l'un des leurs. Cette croyance leur donne du courage puisque le défunt va pouvoir vivre une nouvelle vie. A ce sujet, le film est tiré du livre écrit par Frank de Felitta, l'hallucinante histoire d'Audrey Rose, qu'il a lui-même transformé en scénario de film, et qui est apparemment basé sur une histoire réelle.

Déjà dans La Maison du Diable, Robert Wise avait préféré jouer la carte de la suggestion plutôt que de tout montrer. Il en va de même dans Audrey Rose, dans lequel le réalisateur filme avec retenue, sans jouer de la surenchère, ce qui aurait vite fait de rapprocher son film de L'exorciste. En effet, on fera vite la comparaison avec le film de William Friedkin, même si dans celui-ci, il est question de possession et non de réincarnation. Mais le fait que la victime soit une jeune fille d'une douzaine d'années et qu'elle ait des crises très brutales augmentent la tentation de faire concorder les deux films. 

Audrey Rose contient son petit lot de scènes chocs, qui font froid dans le dos et laissent une empreinte dans l'esprit du spectateur bien après le générique de fin. Des scènes identiques, où la jeune actrice incarnant Ivy se met à hurler, à courir dans sa chambre comme si elle tentait de s'échapper de quelque chose, posant ses mains sur les vitres de sa fenêtre et appelant son père au secours. Le spectateur fera aussitôt le rapprochement avec l'accident d'Audrey Rose, ce qui provoquera en lui un réel sentiment de malaise. La jeune actrice se révèle particulièrement convaincante dans ces scènes malgré son jeune âge.

La première heure du film est vraiment très bien soutenue, nous fait réfléchir à cette question de la réincarnation, nous fait partager l'émotion du père d'Audrey Rose et des parents d'Ivy qui se montrent impuissant face à ces crises nerveuses. La tension baisse un peu dans une seconde partie qui nous entraîne dans un tribunal, le père d'Ivy ayant porté plainte contre Hoover. On assiste donc au plaidoyer des avocats et cela a un peu moins d'intérêt si ce n'est d’approfondir les sentiments de la mère d'Ivy sur cette douloureuse expérience, superbement interprétée par Marsha Mason.

Après cette accalmie, Wise nous redonne une bonne suée avec une séance d'hypnose régressive destinée à prouver les dires de l'avocat. Une séquence finale tétanisante, qui nous laissera les mains moites dans notre canapé. Comme quoi, il n'y a pas toujours besoin d'avoir recours à des effets spéciaux pour provoquer du stress.

On ne peut oublier de féliciter, comme d'habitude, la prestation d'Anthony Hopkins, toujours impeccable. On retrouvera aussi une tête familière en la personne du père d'Ivy, puisque joué par John Beck, le coéquipier de Jonathan dans le Rollerball de 1975.

Pour qui s’intéresse à la réincarnation, je ne peux que conseiller la vision d'Audrey Rose, véritable bijou de tension. Bien après la fin du film, je me posais encore des questions sur ce sujet, preuve que le film est intelligent et ne se contente pas d'en mettre plein la vue. Robert Wise est un excellent réalisateur et il le prouve à nouveau avec ce film.




Stéphane ERBISTI

AU SERVICE DU DIABLE (1971)

 


Titre français : Au Service du Diable
Titre original : La plus Longue Nuit du Diable
Titre alternatif : La Nuit des Pétrifiés / Le Château du Vice
Réalisateur : Jean Brismée
Scénariste : Jean Brismée, Pierre-Claude Garnier
Musique : Alessandro Alessandroni
Année : 1971
Pays : Belgique, Italie
Genre : Diable et démons
Interdiction : -12 ans
Avec : Erika Blanc, Jean Servais, Jacques Monseau, Ivana Novak, Lorenzon Terzon...


L'HISTOIRE : En 1945, le Baron von Rhoneberg est témoin de la naissance de sa petite fille, laissant sa femme morte en couches. Afin de conjurer une malédiction antique qui dit que chaque descendante de la famille von Rhoneberg deviendra une succube, il poignarde son enfant. Quelques 25 ans plus tard, les sept occupants d'un car demande l'asile au Baron von Rhoneberg, qui accepte de les héberger dans son château. Une huitième personne, Hilse Muller, s'invite à la nuit tombée. Une nuit qui va s'avérer pleine de dangers pour les invités...


MON AVISProduction Belgo-italienne, Au Service du Diable est l'unique réalisation de Jean Brismée, ancien professeur de mathématiques et de physiques et auteur de plusieurs courts métrages didactiques. Bénéficiant d'un budget assez dérisoire et sans expérience dans le domaine du long métrage, Jean Brismée va pourtant mettre tout en oeuvre pour faire du mieux qu'il peut et offrir au public un film respectueux du genre. 

Flirtant ouvertement avec le fantastique et l'épouvante, Au Service du Diable nous évoque le cinéma de Jean Rollin ou de Jess Franco, avec un rythme qui prend son temps, une bonne utilisation des décors, une atmosphère fantastico-poétique assez réussie, une petite touche d'érotisme bienvenue (jolie scène lesbienne entre deux très belles actrices, la blonde Shirley Corrigan et la brune Ivana Novak) et un casting bien en place qui évolue dans une atmosphère inquiétante et lugubre. 

Cerise sur le gâteau, la présence d'une actrice culte du cinéma Bis, Erika Blanc, dans le rôle de la succube ! La belle italienne augmente le potentiel érotique du film avec des tenues ultra sexy mais jamais vulgaires, qui ne dévoilent rien de ses charmes mais laissent l'imagination du spectateur prendre la relève. La grande originalité du film est qu'une fois Erika Blanc en chasse, ses victimes vont mourir selon les sept péchés capitaux, une idée qui sera reprise des années plus tard par David Fincher pour Seven ! Gourmandise, avarice, envie, paresse etc, tout y passe, avec plus ou moins de réussite mais tout de même, c'est vraiment l'un des points forts du film, avec son casting hétéroclite, allant du Belge Jean Servais au Français Lucien Raimbourg, en passant par le Chilien Daniel Emilfork, acteur au physique étonnant et qui interprète avec une élégance raffinée le Diable lui-même, dans une prestation qu'on n'oubliera pas, de par son visage si particulier et qui ne nécessite aucun maquillage. 

Du maquillage, Erika Blanc va en porter par contre, sublimant sa beauté naturelle ou la transformant en effroyable succube au teint blafard, le jeu de lumière du directeur de la photographie achevant de la rendre soit désirable, soit effrayante. Les différentes morts proposées seront assez soft niveau violence mais on aura tout de même droit à une décapitation à la guillotine ou à un corps transpercé par les piques d'une Vierge de Fer, célèbre élément de torture moyenâgeux, entre autres. 

Hormis l'utilisation des péchés capitaux, il est vrai qu'on ne peut pas vraiment dire que le scénario d'Au Service du Diable soit innovant ou très original, car on a tous les clichés du genre au menu : les touristes qui doivent bifurquer de leur route et atterrissent dans un château peu engageant ; un majordome au faciès peu rassurant et qui aime à raconter les drames sordides qui ont eu lieu dans les chambres de ses hôtes / les jeunes filles déambulant dans les couloirs du château dans des tenues vaporeuses / l'arrivée d'une femme dont on sait très bien qui elle est réellement et j'en passe. 

Il n'en reste que Jean Brismée, totalement novice dans le cinéma de genre, a su jouer de ces clichés, proposant au spectateur un voyage atmosphérique de qualité, servi par une belle mise en scène, que la musique adéquate composée par Alessandro Alessandroni vient rehausser. 

Cette proposition de cinéma gothique belgo-italien a de quoi séduire les amateurs, curieux de découvrir des films autres que ceux en provenance de l'Angleterre, de l'Italie ou de l'Espagne. La scène finale viendra clôturer Au Service du Diable sur une note bien jouissive et amusante, je vous laisse la surprise ! N'ayant pas connu un réel succès à l'époque de sa sortie, le film connût plusieurs carrières sous différents titres, dont Le Château du Vice, Pétrification ou La Nuit des Pétrifiés.  




Stéphane ERBISTI