Titre français : 964 Pinocchio
Titre original : 964 Pinocchio
Réalisateur : Shozin Fukui
Scénariste : Shozin Fukui, Makoto Hamaguchi, Naoshi Gôda
Musique : Hiroyuki Nagashima
Scénariste : Shozin Fukui, Makoto Hamaguchi, Naoshi Gôda
Musique : Hiroyuki Nagashima
Année : 1991
Pays : Japon
Genre : Robots et cyborgs
Interdiction : -16 ans
Pays : Japon
Genre : Robots et cyborgs
Interdiction : -16 ans
Avec : Haji Suzuki, Onn-Chan, Koji Ôtsubo...
L'HISTOIRE : 964 Pinocchio est un androïde confectionné illégalement par un savant fou, et dont le but unique est de satisfaire les besoins sexuels de riches clientes. Jeté à la rue par sa propriétaire, Pinocchio tombe par hasard sur Himiko, une sans-abri amnésique qui le prend sous son aile...
MON AVIS : Quand on parle de films (non animés) cyberpunk, on pense directement à la trilogie Tetsuo, en particulier le premier volet Tetsuo: The Iron Man de Shinya Tsukamoto, à Electric Dragon 80000V ou à l'évidente trilogie Matrix. Mais après le succès du premier film ancré dans ce mouvement futuriste selon W. Gibson, un certain musicien, Shozin Fukui, décide de réaliser son premier long-métrage suite à quelques courts-métrages tels que Metal Days, Caterpillar ou Gerorisuto.
Intitulé 964 Pinocchio, certains le considèrent comme le fiston de Tetsuo en version plus barrée, plus fou et plus hard. Tout dépend en réalité dans quel sens ces termes doivent être employés car cet OFNI absolument malade ne contient aucune séquence gore ou de meurtre (ou mutilation) coriace pour l'estomac. Tout est dans l'hystérie dérangeante et dans les effets de montages chaotiques franchement stupéfiants.
La narration peut s'avérer aussi simple que complexe car même si on comprend vite qu'un humanoïde programmé pour satisfaire des besoins sexuels est recueilli par une SDF amnésique tentant de l'humaniser, tout explose et devient a crescendo un pur moment de folie ahurissante, interminable et épuisante.
La première demi-heure débute presque comme un drame japonais étrange comme si le film Marebito s'était enfilé une légère dose de drogue euphorisante.
Tentant pendant plusieurs minutes de faire prononcer à l'androïde son propre nom, Himiko l'emmène partout où elle va. Plusieurs séquences longues sauvées par des plans de caméra atypiques nous montrent les deux personnages devenir complices comme si Fukui tentait de faire une sorte de love-story psychologiquement frappante par l'atmosphère industrielle, les décors underground plus ou moins glauques et la pauvreté intellectuelle d'Himiko et Pinocchio.
Mais c'est lorsque Pinocchio va prendre conscience de son état de mutation anormale que le film va soudainement basculer dans une folie absolument fracassante et furieuse. Les dialogues se réduisent vite à des Aaaaaahaaaahaaaaaaaah !!, la contagion va de personnage en personnage devenant tous aussi déjantés les uns que les autres.
Leur hystérie est accentuée par des gros plans tirant les traits de visage, des éclairages brumeux, des images épileptiques et une bande sonore bruyante, stridente et assourdissante.
Qui plus est, Himiko récupère ses souvenirs et change complètement de position vis-à-vis de Pinocchio en devenant une vraie psychopathe haineuse et sadique qui va l'enchaîner, tenter de l'immobiliser et de le détruire. Elle parcourrera en même temps la jungle urbaine et les stations de métro en faisant toutes sortes de gestes brusques, chantant, vomissant toutes les 5 secondes et lançant des expressions de visage absolument terrifiantes.
La colorisation verdâtre accompagne l'ambiance crade et franchement répugnante de l'univers complètement retourné de la deuxième partie de 964 Pinocchio. Là où on jugeait ce film de choquant et dérangeant, c'est évidemment par sa folie abusive qui arrache les tympans en nous déglinguant la rétine pour ensuite nous placer le cerveau dans une machine à laver pendant plus d'une heure.
Les personnages poussent des hurlements ininterrompus, la folie excessive s'intensifie et ne cesse de croître et le film livre en même temps de merveilleux plans de caméra absolument fascinants et incroyables dans leur domaine underground. On se prend au jeu, on apprécie toute la richesse des images et de l'interprétation de chaque acteur à fond dans leur rôle, on sent la folie nous submerger, on oublie tout comportement rationnel et on rentre dans une frénésie qui nous laissera énormément de questions après le visionnage du film.
Les dernières images atteignent le summum du WTF avant de faire apparaître brutalement le générique de fin en nous laissant plantés devant notre écran et lessivés par tout ce qu'on vient de visionner.
Ce qui marque dans ce métrage fou-furieux ce sont les figurants, étant certainement de réels personnes pas forcément au courant du tournage du film vu que plusieurs passants ont le réflexe de regarder la caméra et ont l'air surpris par la performance des acteurs jouée en pleine voie publique. La scène la plus impressionnante est sans doute celle où Pinocchio s'enfuit avec son bloc rattaché à lui par une chaîne et sprintant et hurlant sans jamais s'arrêter en plein milieu de la rue devant les yeux de très nombreux passants.
Mission accomplie, 964 Pinocchio est un trip expérimental qui ne laisse pas indifférent et réduit notre cerveau en bouillie fumante comme a su le faire Tetsuo: The Iron Man mais dans un registre différent.
On ne se sent pas devant un plagiat du film de Tsukamoto, mais l'inspiration est évidente et a été malaxée par les idées follement originales de Shozin Fukui qui a réalisé un travail sincère et foutrement efficace pour l'amateur de films expérimentaux obscurs et étranges. Aussi intriguant que l'incompréhensible Lucky Sky Diamond, le film frôle le style de l'excellent Organ de Kei Fujiwara et penche plus dans la folie sensorielle, cartoonesque et frénétique que dans l'idéologie réelle du mouvement cyberpunk.
Le long-métrage de Fukui est à voir une première fois pour la découverte de son esprit inattendu et rare, et une deuxième fois quelques mois après pour rentrer plus facilement dans le trip et faire plus attention aux nombreuses qualités visuelles et sonores qu'offrent de nombreuses séquences plus ou moins déjantées. Le premier visionnage sera douloureux et épuisant, mais une fois qu'on a cerné cette étrangeté, on survit plus facilement à tout ce remue-méninges même si ça ne nous empêche pas de rester toujours aussi secoué et hébété lors du final qui écrase toute logique.
Une bonne expérience qui fait mal, c'est le cas de le dire...
Mais le réalisateur n'en a pas fini, car il réalisera plus tard Rubber's Lover bien plus proche de Tetsuo et reprenant tous les ingrédients du film de Tsukamoto en restant toujours dans le même esprit fou de 964 Pinocchio pour en faire un film tout aussi puissant et parfois visuellement supérieur à son modèle de 1989... Oui je l'ai dit...même pas peur !
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