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BABA YAGA (1973)

 

Titre français : Baba Yaga
Titre original : Baba Yaga
Réalisateur : Corrado Farina
Scénariste : Corrado Farina
Musique : Piero Umiliani
Année : 1973
Pays : Italie, France
Genre : Insolite
Interdiction : -12 ans
Avec : Carroll Baker, George Eastman, Isabelle De Funès, Ely Galleani...


L'HISTOIRE : Alors qu’elle rentre seule d’une soirée, la photographe de mode Valentina fait la connaissance d’une femme mystérieuse prénommée Baba Yaga. Peu de temps après, Valentina semble comme envoûtée par l’image de Baba Yaga et des événements curieux se produisent autours d’elle. La jeune femme a des visions, la réalité semble irréelle…


MON AVISBaba Yaga. Un nom bien connu des enfants puisqu’elle représente souvent une sorcière, issue du folklore slave. Le film ci-présent va la mettre en scène de manière originale. Il faut d’abord rappeler que ce film est l’adaptation d’un fumetto, équivalent d’un comic américain mais en Italie. C’est le dessinateur Guido Crepax qui a inventé le personnage de Valentina, dont le look rappellera la superbe Louise Brooks, et qui lui a fait vivre de nombreuses aventures érotico-fantastiques, dont une où la photographe se confrontait à la sorcière Baba Yaga, dans l’album bien nommé Valantina et Baba Yaga. Les fumetti de Crepax ont la particularité d’être graphiquement très avant-gardistes, ce qui les a rapidement différencié des bandes dessinées au design plus enfantin, mais également très ciné-génique, avec un découpage des images qui peut rappeler un story-board.

Le réalisateur Corrado Farina est un grand admirateur de l’œuvre de Crepax et c’est donc tout naturellement qu’il choisit d’adapter les aventures de Valentina au cinéma pour son second et dernier long métrage. Les actrices qu’il désire pour interpréter les deux personnages principaux ne sont pas disponibles et il doit se rabattre sur Carroll Baker (la Baby Doll d’Elia Kazan, vue également dans Si Douce, Si Perverse d’Umberto Lenzi ou bien encore dans L’Adorable Corps de Deborah de Romolo Guerrieri) qui jouera Baba Yaga et sur Isabelle de Funès (nièce du célèbre Louis !) pour interpréter Valentina. On appréciera de retrouver au casting le non moins célèbre George Eastman, acteur culte des fans de Bis italien, qui joue le compagnon de Valentina. 

Ces différents personnages vont donc se rencontrer et se télescoper dans un univers très étrange, mélange de rêve éveillé nonsensique et de trip hallucinatoire décadent et déroutant. Car s’il y a bien un terme qui définit le film Baba Yaga, c’est bien étrange. Je préviens de suite les lecteurs, ne vous attendez pas à un film dans les normes, Corrado Farina nous propose en effet un voyage hors norme, s’aventurant au-delà des frontières de l’onirisme et qui pourra dérouter voire rebuter certains spectateurs privés de repères tangibles.

Si le film a bien une ligne conductrice, la plupart des séquences proposées versent dans l’imaginaire ou le rêve. On ne sait plus bien si Valentina devient folle ou si elle est littéralement possédée par Baba Yaga. Les scènes où elle semble mettre en péril la vie des gens qu’elle photographie ou plus encore, celle où la poupée offerte par Baba Yaga prend soudainement vie sous une forme humaine (ce qui constitue à mes yeux la meilleure séquence du film !) nous projettent dans un univers tellement décalé, voire même expérimental, qu’on a parfois du mal à rester accroché ou à ne pas éprouver une certaine distanciation vis-à-vis de l’histoire elle–même. Possédant de plus un rythme lent, contemplatif, Baba Yaga nous évoque à de nombreuses reprises le cinéma de Jean Rollin ou de Jess Franco. L’érotisme est aussi présent mais de manière assez soft et n’a au final que peu d’intérêt si ce n’est de voir les jolies courbes d’Isabelle de Funès.

Plus qu’un film, Baba Yaga est une expérience visuelle qui demande un certain effort de la part du spectateur et une attention de tous les instants. C’est une sorte de thriller-érotico-mystico-giallesque-fantastico-onirico-expérimental plus que singulier et qui se démarque largement de la plupart des films que j’ai vus. Lorsque démarre le générique de fin, on a du mal à savoir où on se situe par rapport au film, si on a aimé réellement ou pas ; Une impression curieuse de naviguer entre deux eaux, ce qui nous rapproche de la situation que vient de vivre Valentina. Étrange, lancinant, fascinant parfois mais trop hermétique pour m’avoir totalement convaincu. Une seconde vision s’impose sûrement…




Stéphane ERBISTI

ATOMIK CIRCUS (2004)

 

Titre français : Atomik Circus
Titre original : Atomik Circus
Réalisateur : Didier Poiraud, Thierry Poiraud
Scénariste : Didier Poiraud, Thierry Poiraud, Jean-Phillippe Dugand, 
Marie Garrel Weiss, Vincent Tavier
Musique : The Little Rabbits
Année : 2004
Pays : France
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec : Benoît Poelvoorde, Vanessa Paradis, Jason Flemyng, Jean-Pierre Marielle...


L'HISTOIRE : Bienvenue à Skolett City, petite bourgade perdue en plein désert et administrée par Bosco, le maire de la ville. C'est la grande fête annuelle de la tarte à la vache : tout le monde est excité et organise consciencieusement les préparatifs. Seulement voilà, c'est le moment que choisit James Bataille, fiancé de Concia, la fille de Bosco, et récemment évadé de prison, pour réapparaître. Mais il n'est pas le seul : Allan Chiasse, futur imprésario de Concia désirant être chanteuse de country et surtout d'étranges étoiles de mer venues de l'espace ont également décidé de s'inviter aux festivités, et ce n'est qu'un début…


MON AVISPremier long-métrage des frères Poiraud (Didier et Thierry), Atomik Circus est directement inspiré d'une bande-dessinée inachevée de Didier et ça se ressent : univers complètement décalé à la lisière du fantastique, du western, du film US des années cinquante, de la comédie noire et personnages hauts en couleur (le maire mégalo, l'impresario véreux et concupiscent, la ravissante et innocente héroïne puis le héros, croisement improbable entre David Vincent et Averell Dalton), cet OVNI cinématographique dénote totalement, dans un paysage hexagonal jugé trop timoré, par son aspect totalement déjanté et son contenu complètement iconoclaste. 

Nouveaux venus dans le sérail, les frères Poiraud viennent directement de la publicité. Rappelez-vous, ils sont responsables de nombreux spots farfelus : la statue de la Liberté plongeant dans l'Hudson River pour une marque de chewing-gum, la bouteille tueuse d'une marque de jus d'orange pétillant et une pub pour une banque française où déjà des extraterrestres intervenaient et se transformaient en vaches ! Et que donne alors leur premier essai sur grand écran ? Ben un conglomérat de grand n'importe quoi assez réjouissant ! Jugez plutôt ! 

Le film réunit un casting international appétissant et grand public : Benoit Poelvoorde (le cultissime C'est arrivé près de chez vous) en imprésario libidineux très énergique et cinglant comme à son habitude, se transformant petit à petit en monstre tentaculaire, l'excellent Jean-Pierre Marielle (remplaçant pour la circonstance un Jean Yanne parti trop vite) en maire et propriétaire d'un bar pouilleux (le Sam Paradiso) aux répliques assassines, la charmante Vanessa Paradis en chanteuse country en devenir, Jason Flemyng (Bruiser, The bunker, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires) en motard ennemi public numéro 1 de la fête de la tarte à la vache à cause d'une cascade ratée et un Venantino Venantini (Pulsions Cannibales) venu faire un caméo des plus appréciables.

A côté de cela, on assiste à des scénettes hallucinantes avec des trouvailles scénaristiques bluffantes : le chien hurleur/chanteur, la grand-mère momifiée, les mariachis à l’accent teuton, l’homme à tout faire complètement analphabète aux ordres du maire, j’en passe et des meilleurs.

Vous ai-je parlé des effets spéciaux ? Non, bien sûr ! Ils sont proprement à couper le souffle car les frères Poiraud ne lésinent pas sur l’hémoglobine, c’est le moins que l’on puisse dire : c’est trash, gore et les décapitations et tripes à l’air affluent. Mieux vaut être prévenu : les Aliens sont belliqueux et avides d’effusions sanguines en tous genres !

De plus, la bande originale détonante réunissant Les Little Rabbits (un groupe de potes nantais des frères Poiraud) et Vanessa Paradis vous ravira pendant six chansons, même s’il est vrai que les paroles ne volent pas très haut !

Mais est-ce que tous ces éléments réunis sont suffisants pour faire un bon film ? C’est là que ça devient ennuyeux pour moi de continuer la critique. S’il est vrai que ce délire filmique très mauvais esprit peut plaire, il est évident qu’il aura également ses détracteurs. Ces derniers argueront assurément du fait que le scénario (quel scénario ?) est abracadabrant car il file dans tous les sens. Atomik Circus, c’est l’histoire de James Bataille, un casse-cou qui pour avoir plu à la fille de Bosco et avoir raté une cascade facile lors d’une précédente fête de la tarte à la vache s’est vu « offrir » un séjour en prison. Bosco est le maire de Skotlett, un bled paumé désertique à forts relents mexicains. Chaque année, il organise le monumental festival de la tarte à la vache. Mais voilà, cette année, un imprésario obsédé sexuel et surtout des extraterrestres tentaculaires venus de l’espace et se collant sur le visage des gens (tiens, ça me rappelle quelque chose !) s’incrustent à la fête… et rien ne se passe comme prévu. Vous avouerez que l’on peut trouver plus cohérent ! 

Mais l’absence de réelle ligne de conduite n’est-elle pas, finalement, un atout supplémentaire ? D’aucuns répondront par la négative d’autant il est vrai, que les vingt-cinq dernières minutes sont assez lourdes à digérer et que la fin, quasi onirique voire incompréhensible, peut en laisser plus d’un dubitatif. Mais rappelez-vous du magnifique Le voyage de Chihiro dans lequel on ne savait pas en quoi allait se transformer l’histoire et quelle direction le réalisateur allait bien pouvoir prendre. Cet anime a pourtant été encensé par les critiques, alors …

Ajoutons à cela que le genre du métrage pondu par des fans de cinéma de genre, citant ça et là quelques références à des classiques connus, n’est pas non plus des plus clairs. Film de science-fiction ? De monstres ? Comédie ? Survival ? Et que cela peut vite en refroidir certains ne voyant là qu’un gros délire d’admirateurs de séries B et Z ayant choisi de faire un métrage au visuel fort et mêlant trash, fantastique, rock’n’roll et comédie, sans réel fil conducteur.

Disons-le franchement, ce long-métrage ne plaira pas à tout le monde. On accroche ou pas du tout. Et je comprends tout à fait qu’on puisse crier au foirage total. Je vous avouerai qu’il m’a été très difficile de noter un film de ce genre, car il est très rare que l’on voit cela sur nos écrans. C’est hyper original, plutôt bien joué, il y a de bonnes scènes gore comme on les aime, des dialogues très drôles (merci Marielle et Poelvoorde !), un bon score, mais voilà, c’est too much car trop brouillon et si vous n’êtes pas fans de bandes dessinées, vous allez avoir du mal à rentrer dedans.

Atomik Circus, malgré son côté délirant et inclassable, manque donc de rigueur pour devenir un film culte. Il faut en conséquence le visionner au second degré et attendre beaucoup plus de voir ce que les frères Poiraud vont nous mijoter par la suite avant de complètement descendre ce galop d’essai. C’est tellement rare de voir ça dans le paysage hexagonal, qu’il est inutile de le condamner mais plutôt le voir comme un apport de fraîcheur et d’innovation dans un cinéma par trop ancré dans le film d’auteur ou le film débilitant parrainé par TF1 et Cie. A visionner donc… en attendant beaucoup mieux.




Vincent DUMENIL

APPEL D'URGENCE (1988)

 

Titre français : Appel d'Urgence
Titre original : Miracle Mile
Réalisateur : Steve De Jarnatt
Scénariste : Steve De Jarnatt
Musique : Tangerine Dream
Année : 1988
Pays : Usa
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec : Anthony Edwards, Mare Winningham, John Agar, Lou Hancock...


L'HISTOIRE : Harry Washello, jeune joueur de trompette, rencontre la femme de sa vie dans le musée où il se rend quotidiennement : la frêle et célibataire Julie. Il lui fixe un rendez-vous et retourne chez lui pour faire un somme. Pas de chance, un pigeon ramasse une cigarette encore fumante et met le feu accidentellement au système électrique de l'immeuble. Harry se retrouve péniblement en retard et se rend au point de rendez-vous prévu : un petit snack. Le téléphone sonne dans une cabine téléphonique jouxtant le bar, Harry répond : un soldat affolé lui annonce la destruction totale de Los Angeles dans 50 minutes…


MON AVISSi les films de fin du monde sont nombreux, peu s'attardent sur l'avant de la destruction. L'après, et on le sait bien, est sujet à des films où des virus, des zombies, des robots ou des affrontements entre êtres humains s'illustrent en masse sur grand écran. Malheureusement trop peu connu, Appel d'urgence annonce déjà quelque part l'ambiance fin du monde post-Los Angeles de Terminator 2 le jugement dernier et réussit la gageure de ne s'afficher ni comme un film d'action, ni comme un blockbuster boursouflé aux dollars.

Avant d'endosser la blouse du Dr Green dans Urgences, Anthony Edwards a traversé discrètement Appel d'Urgence et plus tard Simetierre 2, en se trimbalant continuellement ce petit air de jeune homme coincé et simpliste, ce qui lui donne l'occasion d'opter pour des rôles malheureusement sans grande envergure.

Grand connaisseur de l'histoire sur l'évolution de l'espèce humaine et musicien à ses heures, Harry décrochera malencontreusement le téléphone du bar où il vient de rater un rendez-vous : on lui annonce la fin du monde d'ici 50 minutes (par la suite la durée s'étendra inexplicablement à 75 minutes) ; plus précisément c'est un pauvre soldat s'étant méchamment gouré de numéro et qui ne tardera à se faire descendre sous l'oreille ébahie de Harry, qui annonce cet ultimatum. 

Croyant à une blague, il apprend par une femme d'affaire posée dans le snack (Denise Crosby, la mère endeuillée de Simetierre) que l'arrivée de ces missiles nucléaires est imminente. L'horreur gagne d'abord les clients du bar où il se trouve, fuyant directement à l'aéroport pour éviter tout problème. Harry est cependant déterminé, il veut retrouver à n'importe quel prix sa douce et tendre Julie, qu'il vient de rencontrer le jour même, à présent assommée par quelques somnifères dans son appartement de Miracle Mile. Les rues sont vides et encore endormies, personne n'est au courant, mais pas pour longtemps…

Steve De Jarnatt (anciennement réalisateur du fort médiocre Cherry 2000) maîtrise à merveille son crescendo vers le chaos absolu, à la manière d'un certain John Carpenter : l'ambiance est de prime abord proche d'une banale mais adorable comédie dramatique, puis se montre bien plus stressante après le fameux appel déclencheur ; par la suite, les événements les plus incongrus se succèdent dans les rues désertes de L.A jusqu'à une issue incertaine.

Harry n'a aucune envie de devenir un quelconque héros, de sauver la population de L.A ou de stopper les missiles : il veut la femme de ses rêves, qu'il a rencontré il y a seulement quelques heures, et se casser au plus vite de cette ville condamnée. De l'égoïsme certes, mais qu'importe puisque Appel d'urgence nous offre un angle nouveau sur la fin du monde. Et puis qui n'aurait pas fait ça dans de pareilles circonstances ? Le spectateur doutera bien évidemment de cet appel jusqu'à la véritable réponse, qui se situe beaucoup plus tôt dans le récit qu'on ne le croit.

Appel d'urgence fait partie de ce genre de film qui vous projette littéralement dans l'histoire qu'il conte avec passion, à la manière du mythique Zombie. Le suspense de De Jarnatt jongle constamment avec les nerfs, les tripes et le cœur du spectateur qui n'attendra qu'une chose: que les deux héros puissent enfin décoller de cet enfer au plus vite.

De Jarnatt s'amuse avec des personnages insolites et singuliers, jamais méchants, qu'il éparpille dans son film : des grands-parents séparés mais qui s'aiment encore et toujours, deux routiers gras et dragueurs, une fausse hôtesse bien cruche, un travesti je-m'en-foutiste, un culturiste gay incarné par cette grosse gueule de Brian Thompson

Par sa dernière scène terrible mais poétique, par sa magnifique introduction sur fond d'évolution humaine et de rencontre amoureuse rythmée par le score sublime des Tangerine Dream, par son angoisse et son efficacité, par son intelligence, Appel d'urgence ne ressemble au final à aucun autre film et éblouit par sa magie, une magie qui n'est peut-être pas présente à chaque instant, mais qui semble bien là, nichée dans cette histoire d'amour sur fond d'apocalypse...




Jérémie MARCHETTI

ANTICHRIST (2009)

 

Titre français : Antichrist
Titre original : Antichrist
Réalisateur : Lars Von Trier
Scénariste : Lars Von Trier
Musique : Kristian Eidnes Andersen
Année : 2009
Pays : Danemark, Allemagne, France
Genre : Insolite
Interdiction : -16 ans
Avec : Charlotte Gainsbourg, Willem Dafoe, Storm Acheche Sahlstrøm...


L'HISTOIRE : Un couple venant de perdre leur enfant traverse une crise. La femme, extrêmement fragilisée, est suivie de près par son mari, psychologue de profession. Pour l'aider à surmonter cette douloureuse épreuve, il l'emmène à Eden, une cabane en pleine forêt où ils avaient l'habitude de se réfugier. Or cette immersion dans la nature a des conséquences inattendues sur les deux individus...


MON AVIS :
Le film s'enfonce vite dans la répétition (...), le grotesque (...), le morbide (...), l'abscons. Positif
- Le fruit monstrueux d'un grand cinéaste, plongé en pleine nuit. La Croix
- Esthétisme de pub pour eau de toilette et à la provoc imbécile Télérama
- Nous divorçons de Lars Von Trier. Nous refusons le bouillonnement délétère de ce chaudron de sorcier autoproclamé (...) Marianne
- Primée à Cannes, Charlotte Gainsbourg manie bien la pelle et la chignole dans ce thriller érotico-horrifique, comique malgré lui. Le Figaro

Mais qu'est ce qui a bien pu choquer à ce point les derniers festivaliers Cannois et la majorité de la critique dite sérieuse pour que cet Antichrist suscite une telle polémique ? Pourquoi l'un des rejetons d'un des chouchou de la Croisette, dont la plupart des films ont fait partie de la sélection officielle et souvent avec succès (Grand Prix Technique de la Commission Supérieure Technique pour Element of Crime, Prix du jury et Grand Prix de la Commission Supérieure Technique pour Europa, Grand prix du jury pour Breaking the Waves, Palme d'or pour Dancer in the Dark) a-t-il provoqué un tel rejet, confinant parfois à la haine ?

Car à bien y regarder, le dernier métrage en date du petit génie danois Lars von Trier ne se départit que bien peu du reste de son oeuvre. Ni plus (ni moins !) dur, cynique, pessimiste, osé, faussement misogyne, noir ou révoltant que la quasi totalité de sa filmographie.
Que l'on songe à, par exemple Breaking the waves, Europa, Manderlay, Dancer in the dark ou Dogville, pour constater la constance avec laquelle le direktor venu du froid traite et rend compte de l'âme humaine et de ses multiples travers, de sa part d'ombre et sa froideur. Donnant une image du monde au travers du filtre de ses névroses (nombreuses), Lars Von Trier scrute le côté obscur de l'homme et surtout de la femme.

Si Antichrist donne en revanche souvent l'impression d'une volonté totale et volontaire d'agresser le spectateur, que ce soit dans un nombre significatif de scènes visuellement horrifiques et dans une fausse misogynie encore plus prononcée qu'à l'habitude, celle-ci prenant des proportions sacrés et bibliques, il n'en demeure pas moins que s'arrêter à cela pour juger et lyncher un tel film reste d'une rare bêtise. Quoi qu'il en soit, Antichrist est un film marquant - par acceptation du propos ou rejet de celui-ci - on ne sort pas indemne de sa vision.

Bien que ce ne soit pas le premier film à connotation fantastique de Lars Von Trier, c'est celui qui se rapproche le plus de ce que l'on entend généralement lorsque l'on utilise ce terme (Element of CrimeEpidemic, Europa et même Breaking the Waves flirtant plus ou moins avec ce genre, sans omettre la série télévisuelle L'hôpital et ses fantômes qui, elle, est intrinsèquement fantastique). Mettant fin (momentanément ?) à ses essais de mise en scène antérieurs (Dogme, minimalisme des décors, Automavision...), le réalisateur revient à un formalisme plus classique, ce qui ne l'empêche pas de livrer un film d'une immense beauté plastique et de continuer à utiliser la technologie pour l'insérer à son propos (caméra à 1000 images par seconde, mouvement à l'épaule puis stabilisation du cadre).

Le prologue donne le ton. Somptueux et provocant, filmé dans un noir et blanc épuré et au ralenti, nanti d'une musique classique : Lascia ch'io pianga (Rinaldo) d'Haendel, il se veut en quelque sorte le pêché originel de ce qui va suivre. Un couple fait l'amour (insert d'un gros plan de pénétration, histoire de montrer la passion qui attire les deux êtres) avec fougue pendant que leur petit enfant s'approche dangereusement du bord de la fenêtre. Alors qu'ils atteignent l'orgasme, ce dernier tombe dans la neige plusieurs étages en dessous. Choquant, émouvant et formellement réussi, ce prologue confère d'entrée de jeu une note biblique à Antichrist, tel un 11ème commandement apocryphe et qui annoncerait : Tu ne forniqueras pas comme une bête en laissant ton enfant sans surveillanceAntichrist va dés lors se découper en chapitres, comme souvent chez le réalisateur : le deuil, douleur (le chaos règne), désespoir (gynocide), les trois mendiants, Épilogue.

Chaque chapitre étant une étape supplémentaire vers la folie des deux protagonistes et en particulier de la femme. Les deux personnages tentant de se reconstruire après la perte de leur enfant unique par une thérapie externe et interne. Alors que le fantastique et la folie sont déjà là, au travers de quelques plans, ils s'envolent vers Eden, leur chalet perdu dans une sinistre forêt afin d'y approfondir une analyse psychanalytique basée sur l'acceptation de la peur... Mais à trop jouer avec l'esprit, le chaos va arriver et il va être brutal, violent, sans concession si ce n'est la folie furieuse.

Donner un sens aux visions oniriques et cauchemardesques issues du cerveau du réalisateur danois n'est pas chose aisée, mais à l'instar d'un film cryptique façon David Lynch dernière génération, on peut toujours donner quelques pistes. Celles-ci valent ce que vaut la compréhension du chroniqueur et ne doivent en rien être prises comme vérités absolues. Le long-métrage étant beaucoup trop riche pour cela.

Antichrist conte l'histoire de la plus terrible des culpabilités, de celle qui peut vous faire sombrer dans la dépression ou dans la folie. Quelle plus terrible épreuve pour un parent normalement constitué que la perte d'un enfant ? D'autant plus lorsque celle-ci est totalement imputable à une absence de surveillance ? Encore plus lorsque cette absence de surveillance est dû à un rapport sexuel ? Qui pourrait s'en remettre ? Comment continuer à vivre après cela ?

Deux attitudes diamétralement opposés vont se faire face. L'homme, tout d'abord, froid, distant, refusant de se laisser aller au moindre sentiment, va sembler s'en remettre à son intellect et reporter sa peine sur sa compagne en en faisant son cobaye. Présenté comme un psychanalyste, il impose son traitement de choix à cette dernière, basé sur une non-médication et une acceptation de la peur, du chagrin et du deuil. Il domine totalement le couple par son arrogance et sa pseudo supériorité intellectuelle.

La femme, submergée par le chagrin, se laisse faire, elle accepte la thérapie, mais elle ne semble pas avoir la force de faire autrement. La culpabilité de la mort de l'enfant écrase le personnage féminin, alors qu'il renforce la mainmise du personnage masculin sur le couple. Mais cela va changer dés lors qu'ils vont atterrir à Eden, le petit chalet perdu au milieu de la nature hostile.

La présence de la nature la plus vierge va inverser les rôles. La femme prendra petit à petit et irrémédiablement le dessus sur son compagnon, jusqu'à l'excès et la folie. La femme a, pendant longtemps, été considérée par de grands esprits comme étant un être totalement inféodé à la nature, incapable de contrôler son corps et donc ses pulsions. La nature étant considérée, elle-même, comme l'église de Satan, il n'y avait qu'un pas à franchir pour assimiler la femme au Diable. De cela découlera les innombrables procès en sorcellerie, notamment aux 16ème et 17ème siècles, où des milliers de femmes furent soumis à la torture et au bûcher.

La culpabilité du personnage que joue Charlotte Gainsbourg va l'amener à faire siennes ces anciennes croyances. Taxer le film de misogynie est donc un grave contresens, Lars von Trier ne représente pas la femme comme un être maléfique par essence, mais comme une malade rendue folle par la perte de son fils et qui va croire qu'elle est dirigée par la nature satanique qui l'entoure. L'esprit soumis à une douleur et un deuil trop intense trouve une échappatoire par ce biais. Dés lors, Antichrist va exposer crûment la démence de la femme, se plaisant à brouiller les pistes par l'intervention du fantastique, de la métaphore sur les trois mendiants représentés par des animaux et par un déchaînement de violence vis a vis de son mari, mais aussi d'elle-même.

Dans Antichrist, la symbolique et les métaphores par l'image sont le fondement même de l'histoire, du rêve cauchemardesque que nous conte le réalisateur. Certains n'y ont vu (et n'y verront) probablement qu'une manière pompeuse, ennuyeuse et pseudo-intellectuelle de présenter les choses. Un reproche facile qui pourrait masquer une absence de sensibilité ou un refus de se confronter à ses peurs via un long-métrage qui ne refuse pas de rentrer de plain-pied dans le film de genre, avec intelligence qui plus est.

Les 3 mendiants, entités crées par Eden et qui ont la faculté de se présenter sous différentes formes, structurant le film, apparaissant lors de l'accident de l'enfant sous la forme de statues, d'animaux pour le mari (et notamment dans cette incroyable séquence de pure terreur avec le renard qui déclame : le chaos règne) et de constellation pour l'épouse. La légende voulant que si les trois mendiants sont réunis, quelqu'un doit mourir (l'enfant au début, la femme à la fin). La scène d'amour sous l'arbre, l'apparition de corps lors de celle-ci et à la fin du film, représenteraient tous ceux (et en particulier toutes celles) qui au cours des siècles ont dû expier leurs péchés par le prisme du lieu Eden ? L'apparition finale de centaines de femmes venant d'époques différentes lors de l'épilogue, pourrait être vue comme la représentation de toutes les Eve de l'histoire expiant le péché originel

Reste la dernière partie, celle qui fit polémique. Lars Von Trier avait-il réellement besoin d'abreuver le spectateur de séquences gore et trash à un point jamais atteint dans un film dit d'auteur ? Castration, masturbation qui fait jaillir du sang, mutilation et automutilation du clitoris (scène jamais vue ailleurs à ma connaissance), sont montrées sans aucune tentative de hors-champs, de façon frontale.

Antichrist aurait-il été moins prenant et moins réflexif sans elles ? On peut le penser, ces scènes semblant quand même un peu tomber comme un cheveu sur la soupe, avec la volonté évidente de choquer pour choquer.

Néanmoins, le choix de tout montrer ne doit en rien être un repoussoir et encore moins un bon moyen d'abreuver d'insultes le réalisateur. C'est une manière de faire ressentir à l'auditoire toute l'implacable folie dans laquelle les personnages sombrent et la puissance maléfique des lieux. On peut trouver cela discutable, on peut même se cacher les yeux au moment de certaines scènes, mais on peut aussi admirer le courage de les avoir mis en images, la subversion que cela apporte à un cinéma auteurisant trop souvent confiné dans ses certitudes et le ronronnement.

Antichrist est un des très rares longs métrages qui fonctionne à la fois sur un niveau intellectuel et sur un niveau viscéral. Un des rares films où le genre en tant que tel se marie à la vision d'un auteur. Lars von Trier chasse ici sur les terres de Tarkovsky, Bergman ou Lynch avec talents pour les uns, boursouflures et autosuffisance pour les autres.

Lent, hypnotique, angoissant, intelligent, cruel, horrible, réflexif, porté par deux acteurs époustouflants, nanti d'une photo à couper le souffle, protéiforme, dramatique histoire d'amour, expérience sensorielle. Antichrist est un film singulier qui continuera à diviser et probablement à devenir culte (ou pas).




Lionel JACQUET

THE AMUSEMENT PARK (1973)

 

Titre français : The Amusement Park
Titre original : The Amusement Park
Réalisateur : George A. Romero
Scénariste Wally Cook
Musique : Phil Mahoney
Année : 1973
Pays : Usa
Genre : Insolite, drame horrifique
Interdiction : /
Avec Lincoln Maazel, Harry Albacker, Phyllis Casterwiler, Pete Chovan, Marion Cook...


L'HISTOIRE : Alors qu'il pense passer une journée paisible et ordinaire, un vieil homme se rend dans un parc d'attractions pour y découvrir un véritable cauchemar...


MON AVISLorsqu'il y a presque 50 ans, l'Eglise Luthérienne commande à George A. Romero un film destiné à alerter sur les conditions de vie des personnes âgées dans le pays, afin d'attirer les bénévoles, ils ne s'attendaient certainement pas à voir le réalisateur de La Nuit des Morts Vivants leur livrer une oeuvre aussi politique qu'expérimentale. Le film, tourné en 1973, ne fut par conséquent pas exploité, et oublié jusqu'en 2018, où une copie fut retrouvée, restaurée, et enfin exploitée en salles. Le résultat risque d'en déstabiliser plus d'un, mais il s'inscrit parfaitement dans la filmographie de Romero et résonne de façon troublante avec l'actualité.

Car le réalisateur va nous plonger, aux côtés de son vieillard (Lincoln Maazel, seul comédien professionnel du film, que l'on retrouvera dans Martin), dans un parc d'attraction cauchemardesque où rien ne sera épargné aux plus âgés. Ostracisés (surtout si, en plus d'être âgés, ils sont pauvres et / ou noirs), infantilisés, volés, exploités, violentés, ridiculisés, oubliés plus ou moins volontairement, sans soins adaptés... Romero use à merveille de son talent pour la métaphore et de son humour noir pour nous faire saisir l'horreur du traitement réservé aux anciens, dans toute sa banalité, son cynisme et son caractère inéluctable. Comme il le rappelle (de façon, il faut bien l'avouer, un peu lourde) lors de son introduction et de sa conclusion, la vieillesse n'est finalement que l'avenir, plus ou moins éloigné, des spectateurs, et une séance de divination indiquera sans ambiguïté que ce destin est celui qui nous attend tous, dans l'indifférence ou l'hostilité des plus jeunes. Un destin sur lequel plane constamment l'ombre de la mort, mais aussi de la démence.

Au-delà du message sous-jacent, le réalisateur parvient à faire naître une ambiance particulièrement anxiogène en nous plongeant au cœur de ce parc d'attraction. Cacophonie permanente, promiscuité inquiétante, le personnage principal et le spectateur sont harcelés en permanence par des parasites. A l'image de ce qu'il sublimera quelques années plus tard dans Zombie, Romero utilise un lieu unique (le parc d'attractions préfigure le centre commercial) et le pervertit pour symboliser son pays et ses dérives, chaque attraction illustrant les différentes dérives. On ne s'étonnera pas non plus de voir que le film date de 1973, année où sortiront également Season of the Witch ou La Nuit des Fous Vivants, deux films tout aussi politiques sur les dérives de la société américaine - mais pas seulement. Là encore, entre la place de la femme d'un côté et les errances gouvernementales de l'autre, l'écho avec l'actualité est troublant.

Romero parvient donc à faire d'une oeuvre de commande un film assez terrifiant, faisant naître un réel malaise chez le spectateur qu'il plonge peu à peu dans un véritable cauchemar qu'il ne semble que pouvoir répéter indéfiniment. Un cauchemar qui démontre une nouvelle fois le talent du réalisateur pour mettre en images les dérives les plus cruelles de la société, dérives qui sont encore aujourd'hui particulièrement présentes : il suffit d'observer le traitement réservé aux plus âgés dans certaines maisons de retraites ou pendant la pandémie de Covid-19. Un cauchemar que l'on conseillera surtout aux fans purs et durs du réalisateurs. Les autres risquent, comme les commanditaires du film en 1973, de vite vouloir oublier ce trip aussi expérimental qu'intelligent auquel ils n'étaient pas préparés.




Steeve RAOULT

LES AILES DE LA RENOMMÉE (1990)

 

Titre français : Les Ailes de la Renommée
Titre original : Wings of Fame
Réalisateur : Otakar Votocek
Scénariste Herman Koch, Otakar Votocek
Musique : Paul M. van Brugge
Année : 1990
Pays : Pays-Bas
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec Peter O'Toole, Colin Firth, Marie Trintignant, Walter Gotell, Maria Becker...


L'HISTOIRE : Tué par la chute d’un projecteur après avoir abattu la star de cinéma César Valentin, coupable à ses yeux de s’être approprié son œuvre, l’écrivain Brian Smith débarque sur une île perdue dans les limbes, quelque part entre la vie et la mort. Il y retrouve non seulement sa victime, mais croise aussi d’autres illustres défunts, tous pensionnaires d’un gigantesque hôtel régi par des règles particulières. Les personnalités présentes dans la mémoire des vivants bénéficient de tout le confort dû à leur rang, tandis que ceux dont le souvenir décline croupissent désormais dans d’insalubres mansardes…


MON AVIS Présenté lors du festival du film fantastique d'Avoriaz en 1991, Les Ailes de la Renommée y reçu deux récompenses : le prix spécial de l'étrange et le prix de la critique. Pourtant, cette oeuvre réalisée par le Pragois Otakar Votocek et produite par Dick Maas (réalisateur de L'Ascenseur, Amsterdamned, Saint ou Prédateur entre autres) demeure très méconnue et a fini par sombrer dans ce qui représente la thématique même du film : l'oubli. Une bonne idée donc de la part du journaliste Marc Toullec et de l'éditeur ESC Distribution que de l'avoir exhumé des limbes pour le remettre dans la lumière. Personnellement, je ne l'avais jamais vu et c'est donc chose faite à l'heure où j'écris ces quelques lignes pour vous le présenter. L'idée du scénario est franchement excellente : les célébrités, de toutes origines et de tout domaine artistique (littérature, cinéma, médecine, peinture, musique et j'en passe) se retrouve, une fois décédées, sur une île curieuse possédant un grand hôtel de luxe mais aussi des chambres délabrées au niveau inférieur.

Après avoir débarquées sur l'île par bateau (référence directe à la traversée du Styx bien sûr, l'embarcation étant dirigée par un homme vêtu de noir et au faciès inquiétant), un réceptionniste va fournir une clé aux nouveaux arrivants, leur permettant d'accéder à leur chambre. Une chambre, et c'est là toute l'originalité du film, choisie en fonction du degré de popularité du défunt chez les vivants. Qui plus est, cette chambre n'est pas acquise et l'occupant peut se voir déloger (par la force) et reclasser, soit à un étage supérieur (avec une chambre plus luxueuse encore) soit à des étages inférieurs, dans des pièces vétustes voir carrément insalubres, et ce, toujours en fonction de sa notoriété dans le monde des vivants. Nul doute qu'Albert Einstein (qu'on croise dans le film !) gardera longtemps sa jolie chambre quand d'autres stars tombent dans l'oubli et se voient reléguées dans les sous-sols. Ce sera le triste sort réservé à un peintre à un moment du film, célèbre avant sa mort puis qui voit sa côte de popularité sombrer irrémédiablement après celle-ci, ses peintures ne se vendant plus et son aura étant remplacé auprès du public des vivants par celui d'un certain Salvadore et d'un certain Pablo. Vers la fin du film, on assiste même à une étrange cérémonie, réunissant toutes les personnalités qui vivent sur l'île, et qui se solde par la mise au rebut pure et simple des stars qui sont totalement tombées dans l'oubli de la mémoire collective et qui doivent donc quitter l'île.

Avec ce film de Otakar Votocek, on est en présence d'un fantastique poétique et Les Ailes de la Renommée est en effet un beau film, très épuré dans sa mise en scène, qui refuse toute démonstration surnaturelle, qui évite toute utilisation d'effets-spéciaux. Cette recherche de réalisme, alors que le film est purement du domaine du fantastique, provoque chez le spectateur une impression d'étrangeté palpable, ce dernier se demandant si on est dans un rêve, si on est vraiment dans une sorte de purgatoire, de salle d'attente avant la destination finale ou si, comme le pense le personnage jouée par la ravissante Marie Trintignant, qui refuse sa mort, l'île et l'hôtel ne seraient que la façade d'un hôpital psychiatrique. Outre la jeune actrice française, les deux personnages principaux du film sont Peter O'Toole et le jeune Colin Firth. D'après Marc Toullec, c'est le talentueux acteur de Lawrence d'Arabie qui aurait contacté en personne Otakar Votocek pour avoir le rôle de César Valentin, un acteur imbu de sa personne, sur de lui et qui ne vit que pour la célébrité.

On ne sait pas comment O'Toole a eu le scénario entre les mains, toujours est-il qu'il a été retenu et qu'il livre ici une admirable composition, qui se conclura sur une très jolie scène que je ne vous dévoilerai pas mais qui est vraiment émouvante. Colin Firth interprète quant à lui le meurtrier de Cesar Valentin et on va découvrir la véritable raison de son acte au fur et à mesure de l'histoire. Etant réunis tous les deux sur l'île, ils vont commencer une relation évolutive, philosophique même, sur le succès, la starification, ses aspects positifs comme négatifs mais aussi la mort, la reconnaissance du public et donc l'oubli dans lequel on peut tomber. Métaphorique, onirique et original, Les Ailes de la Renommée mérite d'être découvert et de sortir de son anonymat car c'est un bien joli film.




Stéphane ERBISTI

AFTER LIFE (2009)

 

Titre français : After Life
Titre original : After.Life
Réalisateur : Agnieszka Wojtowicz-Vosloo
Scénariste Agnieszka Wojtowicz-Vosloo, Paul Vosloo, Jakub Korolczuk
Musique : Paul Heslinger
Année : 2009
Pays : Usa
Genre : Insolite
Interdiction : /
Avec Christina Ricci, Liam Neeson, Justin Long, Chandler Canterbury, Celia Weston...


L'HISTOIRE : Après un grave accident de voiture, Anna se réveille dans une salle des pompes funèbres locales où Eliot Deacon lui explique qu'elle est morte et qu'il doit maintenant préparer son corps pour l'inhumation. Terrifiée, Anna se sent tellement vivante qu'elle ne sait pas si elle doit lui faire confiance pour l'accompagner dans l'autre monde ou s'il a l'intention de l'enterrer vivante...


MON AVISLa réalisatrice Agnieszka Wojtowicz-Vosloo n’a à son actif qu’un seul court-métrage, réalisé en 2001, quand elle se lance dans l’aventure After Life en 2009. Le concept du film lui est venu en ayant l’idée d’une jeune femme décédée allongée sur la table d’embaumement d’un funérarium qui se réveillerait en demandant où suis-je ? À cette idée de départ s’est greffé un précepte hindou qui dit que l’âme d’une personne décédée reste durant trois jours dans une phase de transition avant de s’envoler définitivement dans l’au-delà. L’addition des deux éléments donne donc ce long métrage insolite et original, qui traite du sujet tabou de la mort, de la peur de mourir, et met en scène des têtes bien connues, comme celle de Liam Neeson dans le rôle d’un curieux thanatopracteur qui peut parler aux morts durant les trois jours suivant leurs décès ; celle de la ravissante Christina Ricci dans le rôle d’Anna ; celle de Justin Long dans le rôle du fiancé de cette dernière. Un trio de protagonistes largement mis en avant à l’écran, auquel il faudra ajouter la présence du jeune Chandler Canterbury qui interprète un petit garçon sensible qui semble avoir un don semblable à celui du thanatopracteur et qui nous rappelle fortement le personnage de Haley Joel Osment dans Sixième Sens.

Se déroulant sur un rythme relativement contemplatif, After Life ne plaira pas aux accrocs de l’action en pagaille mais les amateurs d’ambiance étrange, de bizarrerie cinématographique l’apprécieront certainement sous peine de se laisser prendre par la main et de chercher à démêler ce scénario qui donne à réfléchir. Toute l'ambiguïté du film repose sur cette simple question : le personnage jouée par Christina Ricci est-elle morte ou pas ? Tout au long du déroulement, ce questionnement ne cesse ne venir nous ronger l’esprit et de nous tirailler entre les deux choix possibles. A ce titre, le jeu de Liam Neeson est exemplaire, d’une sobriété absolue et l’acteur parvient à distiller un malaise palpable au fur et à mesure de ses interventions auprès d’Anna. La jeune fille, venant d’avoir un grave accident de voiture, refuse de se considérer comme morte, et notre embaumeur va devoir parvenir à lui faire accepter cette réalité ( ?) durant les trois jours de la phase de transition. La jeune actrice, révélée grâce à son interprétation de Mercredi dans la saga de La Famille Addams, est particulièrement touchante quand elle essaye de comprendre ce qu’il lui arrive, qu’elle tente de s’échapper ou d’entrer en communication avec son fiancé et surtout lorsqu’elle capitule et accepte son départ. Les fans de l’actrice seront aux anges en apprenant qu’ils la verront sous toutes les coutures mais pour une fois, la nudité est ici clairement justifiée puisque l’embaumeur doit forcément préparer le corps avant l’enterrement. Cette touche d’érotisme donne au film une patine encore plus froide voire malsaine et nous place malgré nous, en tant que voyeur, à la première place de ce métier tellement important mais si spécial de celui de thanatopracteur.

Si Justin Long en fiancé désemparé assure ce qu’il faut et se montre relativement convaincant, sans toutefois que sa prestation soit des plus parfaites, à contrario de ses deux autres camarades, j’émettrai un léger bémol sur la présence du jeune garçon au sein de l’histoire. Comme déjà dit, ce rôle nous rappelle trop celui du film Sixième Sens et même s’il sert évidemment à brouiller les pistes et le raisonnement du spectateur, je ne l’ai pas trouvé très utile en fait. Un léger bémol donc, mais qui n’a pas gâché l’intérêt ressenti durant ma vision sur cette curieuse histoire. Plus intéressant étaient les divers indices fournis par la réalisatrice au sein même de son film pour amener le spectateur à se faire sa propre idée sur ce fameux vivante ou pas ?. Si le petit garçon rapproche After Life du film de fantômes, si les discours entre le thanatopracteur et les défunts plongent After Life dans le domaine du cinéma fantastique, un visionnage attentif des images proposées et des détails disséminés dans de nombreuses scènes parvient sans grande difficulté à apporter une réponse claire et nette à nos diverses interrogations lorsque démarre le générique de fin. Une réponse qui fait d’ailleurs froid dans le dos et vient donner un poids positif supplémentaire au film de Agnieszka Wojtowicz-Vosloo qui mérite assurément d’être découvert et de l’extirper du relatif anonymat dans lequel il se trouve, chose qu’il sera aisé de faire grâce à la sortie DVD / BR chez TF1 Vidéo. Une belle découverte, intrigante, ovniesque, à ranger à côté du Kissed de Lynne Stopkewich.




Stéphane ERBISTI