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ASSAUT (1976)

 

Titre français : Assaut
Titre original : Assaut on Precinct 13
Réalisateur : John Carpenter
Scénariste : John Carpenter
Musique : John Carpenter
Année : 1976
Pays : Usa
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Austin Stoker, Darwin Joston, Laurie Zimmer, Charles Cyphers...


L'HISTOIRE : Après s'être vengé du meurtre de sa petite fille en tuant un des membres du gang de Los Angeles, un homme se réfugie dans un commissariat en cours de fermeture. Le gang y monte le siège afin de le capturer. Une poignée de personne va tenter d'y survivre...


MON AVISWestern urbain, hommage au cinéma d'Howard Hawks (Rio Bravo bien sûr), John Carpenter démontre déjà une maîtrise parfaite de l'espace, des personnages et de la tension psychologique avec Assaut, réalisé en 1976.

Premier film professionnel du réalisateur après avoir bricolé Dark Star durant son cursus universitaire, Assaut est une oeuvre personnelle et un objet difficilement cernable même aujourd'hui. Oui, difficilement cernable car il est bien compliqué de savoir ce qu'est ce film. Un western transposé en plein Los Angeles ? Évident. Un film d'action exploitation comme il en fleurissait beaucoup à cette époque ? Aussi. Un drame, un thriller, un film de gangs ? Oui aussi et beaucoup d'autres choses encore.

Lent certes - difficile de faire moins rapide pour un film qui se prétend d'action - mais d'une lenteur toute calculée. Silencieux (même les coups de feu du gang se font avec des pistolets munis de silencieux justement) mais rythmé par une bande-son qui distille par petites touches de synthé une atmosphère oppressante dans le vide des décors de ce commissariat qui n'en est presque plus un.

Épuré dans le style de mise en scène, dans les plans, dans les dialogues, dans le jeu des personnages, tellement épuré d'ailleurs que l'on pourrait presque passer à côté de la subtile efficacité avec laquelle Carpenter donne corps et âmes à ses personnages.

La réalisation est un modèle d'efficacité et de classe, avec très peu de mouvements de caméra, le réalisateur faisant le pari de la sobriété. Le montage, en particulier celui des fusillades, est une merveille du genre, avec, pour point d'orgue la première scène où l'on voit les murs du commissariat voler en éclat sans un seul bruit de détonation, séquence qui est d'une grande précision et reste imprimée sur la rétine pour longtemps.

Si l'histoire est basique, l'attaque d'un commissariat par un gang afin de se venger d'un homme venu y trouver refuge, c'est dans sa connaissance et son amour de tout un pan du cinéma qu'il y puise son inspiration et sa technique.

Tout ici fait irrésistiblement penser au western d'Howard Hawks et donc en particulier à Rio Bravo, non seulement pour l'histoire en elle-même, mais également dans le traitement de l'action et des personnages, un remake inavoué en somme. On peut également citer comme source d'inspiration La Rivière Rouge ou Rio Lobo. Le gang est silencieux comme peuvent l'être les indiens, les chefs mélangent leurs sangs pour sceller une alliance, les armes sont silencieuses comme celles des flèches Peaux-Rouges, ils se livrent à des rituels codés : le drapeau annonçant le siège déposé devant le commissariat...

La manière brutale de filmer les scènes d'action et l'outrance d'au moins l'une d'elles (le meurtre rapide et gratuit de la petite fille au travers d'un cornet de glace est d'une violence sans nom même encore de nos jours) inscrivent le cinéaste dans la lignée d'un Sam Peckinpah.

Enfin, la manière de filmer les attaques du gang ainsi que l'utilisation d'un héros noir renvoie directement à La Nuit des Morts Vivants de George A. Romero.

Et puis Carpenter n'oublie jamais l'aspect humain de sa poignée de personnages en réussissant sur un canevas de figure type et aux limites du clichés à leur donner profondeur, héroïsme, à en faire des humains minés par leurs contradictions tout simplement et ceci avec une économie de dialogues déroutante.

La recette idéale pour faire un grand film avec un petit budget et une période de tournage ultracourte est ici : un film fait par un cinéphile, pour les cinéphiles et qui, par conséquent, ne plaira pas à tout le monde. Une oeuvre simple, très simple, tellement simple qu'elle en devient culte et dont s'inspireront un nombre incalculable de cinéastes.




Lionel JACQUET

ARRIVEDERCI AMORE CIAO (2006)

 

Titre français : Arrivederci Amore Ciao
Titre original : Arrivederci Amore Ciao
Réalisateur : Michele Soavi
Scénariste : Marco Colli, Franco Ferrini, Michele Soavi, Luigi Ventriglia
Musique : Andrea Guerra
Année : 2006
Pays : Italie, France
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Alessio Boni, Michele Placido, Carlo Cecchi, Isabella Ferrari...


L'HISTOIRE : Giorgio, un gauchiste idéaliste devenu terroriste, retourne en Italie après un exil en Amérique Centrale afin de mener une vie normale. Grâce à des relations crapuleuses, il obtient une peine de prison réduite et une libération avec une période probatoire. Mais il sombre inexorablement dans une spirale infernale faite de violence et de crime...


MON AVISSur fond de réhabilitation morale impossible, Michele Soavi tisse l'histoire d'un pourri, un vrai, qui tente, sans succès, d'accéder au Bien en passant par le Mal. Techniquement abouti, scénaristiquement ambitieux, iconoclaste dans sa manière de mêler les genres et les intrigues, le film s'inscrit sans peine dans les meilleures réalisations italiennes de ces dix dernières années.

Michele Soavi tourne peu pour le cinéma ( hélas ! trois fois hélas !), non par volonté, mais à cause de l'extrême difficulté de produire un film de genre en Italie. A ce propos, il est étonnant qu'il ait réussi à trouver les fonds nécessaires pour monter un tel film, impossible à vendre à un large public, tant celui-ci est sombre, touffu, violent et immoral. Après un Dellamorte Dellamore en 1994, beau, inventif et digne des plus grands éloges, il s'attaque ici à l'adaptation d'un roman à succès éponyme de Massimo Carlottoégalement décliné sous forme de bandes dessinée, lui-même ancien militant de Lotta Continua (formation politique ouvrière et étudiante d'extrême gauche de la région de Turin).

Les années de plomb (1968-1983 ) ont profondément et durablement marquées la péninsule italienne, à l'instar de notre guerre d'Algérie, c'est un passé qui ne veut pas passer et qui reste ancré dans l'inconscient collectif et dans les pratiques institutionnelles de l'état italien. Marquées par des attentats politiques d'extrême gauche et d'extrême droite, des enlèvements - comme celui emblématique d'Aldo Moro, alors dirigeant de la démocratie chrétienne - des luttes intestines au sein du pouvoir, l'utilisation de la Mafia par le politique, et qui firent près de 400 morts et 2000 blessés.

Le film s'ouvre dans une jungle pluvieuse d'Amérique du Sud quelconque où l'on fait connaissance de Giorgio Pellegrini (Alessio Boni, excellent), parti de chez lui depuis quinze ans pour faire la révolution, suite à sa condamnation à la suite d'un attentat perpétré avec un camarade et qui a coûté la vie à un innocent. Une scène que nous reverrons à plusieurs reprises sous forme de flashback évolutif nous en dévoilant un peu plus à chaque fois, à la manière de ce que l'on peut voir dans Il était un fois dans l'Ouest de Sergio LeoneLe mur de Berlin vient juste de tomber, emportant avec lui les dernières chimères de la révolution prolétarienne à laquelle il a voué toute sa vie d'homme. Comme traumatisé et pour tout dire cocufié par une idéologie pour laquelle il a vainement combattu, il va dès lors se révéler cynique, violent, sans scrupules aucun, afin d'avoir la vie qu'il mérite, pardon de ses fautes, argent, femmes et respect. Une totale inversion, à la limite de la schizophrénie, de ses convictions. Comme un enfant qui a cassé son jouet, il va se mettre en quête d'un autre, par tous les moyens.

Trois destins, trois figures stéréotypées de l'Italie moderne vont s'entremêler autour d'une histoire de réhabilitation pénale.

Giorgio Pellegrini, le fils de pute dans toute sa splendeur, ayant perdu sa part d'humanité à vouloir la changer, incapable d'émotions autre que frelatées. Travaillant pour la mafia, donnant ses ex-camarades, dénonçant les gens du milieu, fricotant avec un flic ripoux, des anarchistes espagnoles, des oustachis croates, un politicien véreux, faisant chanter une connaissance afin de coucher avec sa femme, s'entichant d'une fille fragile et pure afin de gagner la respectabilité, sans amour, sans conscience, sans sentiments, prêt à tout pour parvenir à ses fins.

Le vice commissaire Ferruccio Anedda (le grand Michele Placido), flic respecté par sa hiérarchie, mais véreux dans l'âme, attiré par l'argent, à la gâchette facile et à la morale plus que douteuse.

Flora (Isabella Ferrari, nominée au Prix David di Donatello, l'équivalent des Césars), croyante et naïve, qui n'aura le tort que de tomber amoureuse de Giorgio. Une âme pure dans un monde mauvais, dépeinte telle un ange en proie à des événements et des sentiments qui la dépassent.

Trois personnages au sort prédéterminés qui ne pourront, ni ne sauront changer le cours de leurs histoires, de leurs visions du monde, pour le malheur de l'une et le simili bonheur des autres.

Ce qui fait la force (mais aussi par moment la faiblesse) d'Arrivederci Amore Ciao, c'est la constante volonté du réalisateur de brouiller les cartes des codes cinématographiques, et qui pourrait perdre pas mal de monde en route notamment ceux qui s'attendraient à un film policier ou un thriller classique structuré comme tel.

Des mœurs du grand banditisme au méfaits musclés de la police en passant par une vague intrigue policière lorgnant largement du côté du Poliziotteschi, le polar italien des années 70, reflet social des perturbations qui agitent alors l'Italie et qui donnait une vision violente et très noire de la société, mais aussi souvent une forte ambiguïté droitière dans les propos, à la façon des méthodes de L'inspecteur Harry

Convoquant l'esthétique du giallo notamment dans les scènes se déroulant en intérieur, Soavi va jusqu'à rendre un hommage à Mario Bava en insérant une scène onirique de toute beauté montrant la descente aux enfers de Flora, avec montage, cadrage et photographie quasiment en tout point identique à Shock - Les démons de la nuit, dernière oeuvre du maître étalon transalpin.

Virant même dans l'épouvante la plus pure et la plus macabre, dans un final d'une épouvantable et cruelle inhumanité, rehaussé par une chanson au refrain renvoyant au titre du film : Arriverderci Amore Ciao, comme une cynique déclaration d'amour.

Un film policier reflétant la morgue et le chaos de la modernité italienne, stylisé à l'extrême, renvoyant à tout un pan du cinéma italien période Cinécitta. Bâti autour d'excellent comédien, d'une intrigue profonde, des relations entre liberté et morale, Soavi livre une oeuvre iconoclaste et protéiforme dont on ne peut sortir tout à fait indemne.




Lionel JACQUET

ANTIBODIES (2005)

 

Titre français : Antibodies
Titre original : Antikörper
Réalisateur : Christian Alvart
Scénariste : Christian Alvart
Musique : Michl Britsch
Année : 2005
Pays : Allemagne
Genre : Thriller, Tueurs fous
Interdiction : -12 ans
Avec : Wotan Wilke Morhing, André Hennicke, Norman Reedus, Christian Von Aster...


L'HISTOIRE : Gabriel Engel, tueur en série, est enfin arrêté et accusé de 14 meurtres d'enfants. En apprenant la nouvelle, Michael Martens, policier de campagne ayant quelques difficultés de couple et d'éducation, notamment avec son fils Christian, voit une occasion de faire enfin la lumière sur l'affaire qu'il traite depuis plus d'un an et demi, l'assassinat de la jeune Lucia Flieder. Son enquête lui vaut une certaine antipathie de la part des habitants de son village, puisque pour Michael, ils sont tous suspects. Il part donc pour la ville afin d'interroger Gabriel Engel…  


MON AVISChristian Alvart réalise avec Antibodies son second long-métrage, le premier datant de 1999 et se titrant Curiosity & the Cat, qui lorgnait déjà du côté du thriller. Jouer avec le suspense, Christian Alvart adore ça. Il le dit d'ailleurs lui-même : Nous avons tous une approche différente du cinéma. Certains aiment le cinéma parce qu'il nous transporte dans des univers différents, d'autres veulent vivre des histoires d'amour... De toutes les émotions offertes par le cinéma, le "suspense" m'est toujours apparu comme la plus fascinante. Il n'y a rien de comparable à l'attente fébrile du spectateur sur son siège, croisant les doigts pour que tout se passe bien pour les héros - tout en craignant le pire. De bien bonnes paroles mais qu'en est-il du résultat ?

Antibodies, une fois sa vision terminée, souffre de la comparaison avec le classique du genre qu'est Le Silence des Agneaux. En effet, les références au film de Jonathan Demme sont légion, et le principe même de la relation qui va se nouer entre Michael Martens et le sérial killer Gabriel Engel renvoie directement à la relation qui s'était établie entre Clarice Sterling et Hannibal Lecter. D'ailleurs, cette relation est quasi identique dans la façon de la traiter, puisqu'on assiste à des rencontres entre le policier et le tueur se déroulant en prison, ce dernier étant également maintenu derrière une fenêtre de verre. Mais attention, qu'on ne s'y trompe pas : Christian Alvart n'a pas pompé le film de Demme, il lui rend juste hommage, hommage résumé dans une seule phrase de Gabriel Engel, qui lance à Martens lors de leur première rencontre un tu croyais voir Hannibal Lecter ? qui fait mouche chez le spectateur. On retrouve également chez Gabriel Engel la perversité de Lecter, car il désire aussi en savoir plus sur Martens, en lui posant des questions insidieuses, le mettant face à lui-même et à son côté obscur.

Le côté obscur, voici l'essence même d'Antibodies. Le réalisateur a l'intelligence de ne pas nous proposer un univers manichéen, ou Engel est le mal et Martens le bien. Non, ce serait bien trop simple et guère passionnant. En ce qui concerne le mal, point de doute, Gabriel Engel en est l'incarnation, n'hésitant pas à violer, tuer des enfants, ni à se masturber devant un policier lorsqu'il lui raconte ses méfaits envers un petit garçon. L'acteur André Hennicke porte littéralement sur ses épaules le personnage du serial killer. Son visage dur, sur lequel quasiment aucun sentiment ne vient se dessiner, est vraiment le point fort du film. Bien sûr, comparé à l'interprétation d'Anthony Hopkins pour le rôle de Lecter, Hennicke en est encore très loin, mais quand même, c'est vraiment le personnage qui marque nos mémoires une fois le film fini. Comment oublier la scène d'introduction, nous présentant un serial killer artiste peintre, peignant ses toiles totalement nu, avec du sang humain prélevé directement sur ses victimes ? Une première scène très efficace, dérangeante et qui laisse présager d'une ambiance sombre et dure.

Côté bien, on a donc Michael Martens, ce brave flic de campagne, qui tente d'être un père exemplaire, mais qui a des problèmes de couple et surtout pas mal de soucis avec son fils de quinze ans. Ce dernier, très renfermé sur lui-même, fait parfois encore pipi au lit, s'amuse à mettre le feu à la chambre de sa sœur pour lui faire peur. Un comportement étrange, parfois dangereux, qui a commencé à se manifester le jour de la mort de la jeune Lucia, qui était son amie. Martens tente de faire son possible pour résoudre cette affaire de meurtre, mettant sa famille à l'écart pour mener à bien son enquête. On pense vraiment que c'est un personnage modèle, notamment quand son collègue de travail l'emmène dans un bar à strip-tease et qu'il refuse les avances d'une hôtesse. Pourtant, la ligne qui sépare le bien du côté obscur est très fine et Martens va finir par y succomber. La fragilité du personnage nous apparaît rapidement, on sait qu'il ne pourra pas rester toujours blanc et qu'à un moment ou à un autre, son apparente pureté va noircir. Une fragilité bien comprise par Gabriel Engel, qui va en jouer, tel un chat avec une souris, pour l'entraîner dans une spirale infernale, où la découverte de l'identité supposée du meurtrier de Lucia sera le point culminant.

Cette révélation, qu'on peut aisément deviner si on écoute bien les propos d'Engel à Martens lors de leurs différentes rencontres, donne au film un petit côté glauque et malsain plutôt bienvenu. Dommage alors que toute cette ambiance installée depuis le début ne vienne sombrer dans un happy-end qu'on aurait souhaité éviter. Pourquoi le réalisateur n'a pas été au bout de son idée et a préféré nous faire un retournement de situation ? J'aurai tellement aimé que tout le cheminement amenant au meurtre de Lucia se passe vraiment comme on nous le raconte…

A la manière des films allemands récents comme Anatomie par exemple, Antibodies est filmé de manière froide, ce qui fait qu'on reconnaît immédiatement l'origine géographique du métrage. Christian Alvart s'est bien investi dans son film, mais à l'arrivée, il manque quand même un petit quelque chose pour en faire un thriller de référence. Un peu plus d'action, un peu plus de suspense, un peu plus d'originalité aussi. Antibodies se laisse regarder tranquillement et ne parvient pas à nous faire frissonner, bien que la tension augmente vers la fin. N'hésitez pas à le regarder et à vous faire votre propre avis, il serait quand même dommage de rater cette rencontre avec l'Ange Gabriel…




Stéphane ERBISTI

ANATOMIE (2000)

 

Titre français : Anatomie
Titre original : Anatomy
Réalisateur : Stefan Ruzowitzki
Scénariste : Stefan Ruzowitzki
Musique : Marius Ruhland
Année : 2000
Pays : Allemagne
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Franka Potente, Benno Forman, Anna Loos, Holger Speckhahn...


L'HISTOIRE : Paula Henning, fille de médecin généraliste et petite-fille de grand chirurgien, vient d'obtenir la deuxième place au concours Robert Koch. Cette réussite lui ouvre les portes de la faculté de Heidelberg, dont le cours d'anatomie dispensé par le professeur Grombeck détient une réputation inégalée. L'heureuse nouvelle enchante le grand-père de Paula, mais ne plaît guère à son père, qui semble n'y voir qu'un strass incompatible avec le but réel de la médecine. Pendant ce temps, un homme se réveille dans ce qui ressemble à un bloc opératoire, et s'aperçoit avec horreur qu'on est en train de le disséquer vivant. A peine capable de bouger, il ne peut qu'assister, impuissant, au charcutage artistique dont il fait l'objet. Dans le train qui l'emmène à Heidelberg, Paula fait connaissance avec Gretchen, qui contrairement à elle, fait grand cas des plaisirs terrestres. Puis elle sauve la vie d'un jeune homme affligé de troubles cardiaques congénitaux, sans se douter un seul instant qu'elle va bientôt le revoir sur la table d'anatomie...


MON AVISPremier film produit par la succursale germanique de la Columbia, Anatomie a obtenu localement un succès considérable, notamment grâce à la présence en tête d'affiche de Franka Potente (Cours, Lola, cours), véritable star en Allemagne. Le reste du monde n'étant pas totalement immunisé contre l'ennui, il n'en alla pas de même au niveau international. Intrigue médicalo-universitaire tentant d'égaler le thriller américain et de se rattraper à un genre horrifique mal assimilé, Anatomie ne se détache en effet qu'avec grand peine de la toute-puissante esthétique télévisuelle allemande, et l'idée d'établir une connexion avec le traumatisme de la culpabilité nazie ne suffit pas à lui donner une épaisseur qui lui fait défaut de toute façon .

Vouloir rendre ses lettres de noblesse au genre dans un pays donné est louable, mais le faire en ignorance de cause est un péché. Le problème n'est d'ailleurs pas tant que l'équipe de Anatomie (surtout les acteurs) n'a aucune culture en matière d'horreur. Le problème, c'est que ces lacunes et ces préjugés retentissent forcément sur le produit final. Gloire aux bonus, donc, car ils nous renseignent en partie sur les causes d'un échec.

Personnellement, si je savais de quoi je parlais et que mon pays comptait parmi ses cinéastes des noms comme Andréas Schnaas, Olaf Ittenbach ou Jörg Buttgereit, j'éviterais de débiter d'un ton très sérieux des âneries de ce genre: L'Allemagne ne s'est plus illustré en horreur depuis des dizaines d'années [...] Anatomie n'est pas comme les films d'horreur américains idiots et plein de sang, là il y a de l'humour en plus... Sainte mère du Diable, heureusement que je regarde les bonus APRES avoir vu un film, sinon c'était un aller direct à la poubelle.

Voici donc quelques effets: Paula Henning est coincée, car l'axiome le plus connu de ceux qui n'y connaissent rien est bien entendu que l'héroïne ne doit pas toucher au sexe, tandis que celle qui y touche (Gretchen) passera inévitablement à la découpe. Le générique d'ouverture, avec un scalpel caressant le corps d'une femme, reprend les sinuosités et les inflexions musicales de celui de Alien 4 sans qu'on puisse voir le moindre rapport entre les deux films. Lorsque Paula doit disséquer le cœur de David, le préparateur surgit dans son dos avec une scie électrique (bouh !) et lui demande s'il peut ouvrir le crâne du cadavre (lointain écho à Re-animator ?). Petit problème, à aucun moment il n'a été prévu de prélever le cerveau. Lorsque Paula se rend en fraude à la morgue universitaire, elle prononce à voix haute, angoissée : C'est idiot. Les cadavres restent des cadavres, de nuit comme de jour. C'est un bâtiment universitaire. Et c'est idiot en effet, car rien ne nous a indiqué précédemment qu'un cadavre pouvait se réveiller à Heidelberg, sinon dans une blague que Paula elle-même avait éventé, non sans nous gratifier de ses raisonnements lourdingues. Une autre perle ? Lorsque Paula trouve du sang sur son lit, elle paraît se demander un moment s'il ne s'agit pas de ses règles ! De la part d'une fille qui vient d'effectuer plusieurs années de médecine, ça frise le génie... Mais apparemment, on peut avoir 783 points au concours Robert Koch tout en étant complètement tarte. Bref, à références superficielles, résultat superficiel.

Heureusement, deux ou trois en-cas intéressants nous sont proposés : la première scène de dissection et ses bruitages goûteux, la capture de Gretchen par Hein et la présentation de son travail par ce dernier, sur un air d'Albinoni. Anna Loos et Beno Forman dégagent d'ailleurs une force autrement plus convaincante que la mollasse Franka Potente, experte en moues de toutes sortes et dans le port de basket Nike sans chaussettes, naturel oblige... Il faudra attendre la poursuite et l'affrontement final pour qu'elle commence enfin à nous épargner ses petites manières (quitte à affronter le ridicule lors d'une suspension entre deux rayons de bibliothèque...).

Cela fait tout de même peu de chose à se mettre sous la dent en une heure et demie, et on pense avec commisération aux spectateurs qui n'auront pas pu se préparer deux ou trois café pendant la durée du film. Vouloir faire un thriller à l'américaine (car en dépit de la volonté affichée de réaliser un film d'horreur, il s'agit bien d'un thriller), c'est bien, mais ne ménager aucun suspens entre les scènes fortes, ça l'est beaucoup moins. Si on passe sur la première scène de dissection, il faut quand même attendre 50 minutes pour obtenir, enfin, une scène digne de faire palpiter notre petit cœur !

La faute en revient essentiellement à un scénario et à une réalisation décidément trop marqués par la culture du petit écran. Stefan Ruzowitzki affirme que les premières minutes copient volontairement l'eau de rose des feuilletons télévisés, afin de créer un contraste avec la dissection qui suit. On veut bien le croire, même si ça ne marche pas, mais il n'en reste pas moins que toutes les scènes entre Paula et les autres personnages ressortent de l'esthétique télévisuelle: bonhomie, humour naze (et ce sont les films américains qui sont débiles ?), dialogues surlignés et grossièrement ados, plans d'ensemble qui permettent de faire des économies de pellicule, clip publicitaire ou musical... 
En gros, Ruzowitzki ne s'en sort vraiment que lorsqu'il imite la méthode américaine standard, lors des scènes les plus fortes et les plus rares.

Et voilà. Anatomie ne renouvelle rien, ne rattrape rien, ne mène à rien. S'il a eu du succès quelque part, cela n'est sans doute pas en tant que film de genre, mais pour de toutes autres raisons. Reste aux amateurs à sortir leur bistouri pour s'emparer des pièces de choix : un ou deux pilons noyés dans une sauce sans saveur...




Stéphane JOLIVET

AMSTERDAMNED (1988)

 

Titre français : Amsterdamned
Titre original : Amsterdamned
Réalisateur : Dick Maas
Scénariste Dick Maas
Musique : Dick Maas
Année : 1988
Pays : Pays-Bas
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec Huub Stapel, Monique Van De Ven, Serge-Henri Valcke, Hidde Maas...


L'HISTOIRE Amsterdam est en proie à plusieurs crimes atroces visiblement perpétrés par un adepte de la plongée sous-marine. D’après l’unique témoignage que la Police hollandaise a à sa disposition, ce mystérieux et redoutable tueur serait un monstre caché dans les canaux de la ville et s’attaquant à de malheureuses victimes passant un peu trop près de lui. Le lieutenant de Police Eric Visser est chargé de cette enquête des plus originales et urgentes. Aidé par ses amis collègues, ce dernier se lance dans une traque haletante dans les canaux de la capitale hollandaise, bien décidé à mettre la main sur ce mystérieux monstre aquatique...


MON AVISDick Maas. Voilà bien un homme aux multiples casquettes assez peu connu chez nous mais ayant su s’entourer de nombreux fans dans son pays natal. Ce scénariste, réalisateur, producteur et compositeur hollandais est surtout connu à l’international pour son film L’Ascenseur sorti en 1983, mettant en scène un ascenseur tuant ses occupants et ayant entre autres reçu le Grand Prix du festival d’Avoriaz. On doit à Dick Maas également une trilogie comique très populaire aux Pays-Bas (Flodder) débutée en 1986, le thriller aux allures de giallo/slasher Amsterdamned en 1988, L'Ascenseur Niveau 2 en 2001 ou encore Saint en 2010.

C’est donc vers Amsterdamned que nous allons aujourd’hui nous tourner, un film n’ayant rien à envier à son aîné, L’Ascenseur, dans la filmographie de Dick Maas, bien qu’à ce jour ce dernier ait été quelque peu oublié...

Narré sous fond d’enquête policière, Amsterdamned est un film quelque peu touche-à-tout dirons-nous. En effet, ce dernier mélange divers registres (angoisse, humour) et diverses catégories filmiques (polar, giallo, slasher, action…), particularité qui pourrait presque en faire un petit ovni.

Ce qui retient tout particulièrement notre attention dans Amsterdamned, c’est ce rythme très soutenu du début à la fin, ne faiblissant à aucun moment comme cela peut parfois être le cas dans certains films nous plongeant dans une enquête policière.

Ici, Dick Maas met tout en place pour tenir en haleine son public, pour le divertir. A commencer par cette ambiance angoissante que l’on retrouve à de nombreux moments du film. Amsterdam nous est dépeint ici sous son côté lugubre, glauque, que lui confère ses nombreux canaux, une fois la nuit tombée. Ces eaux sombres et calmes renforcent ce sentiment d’inquiétude quand nous longeons tranquillement les quais, éclairés uniquement par les ampoules des quelques lampadaires disposés à intervalles presque réguliers ou par les phares de rares voitures circulant dans ces quartiers peu fréquentés une fois le soleil disparu.

Plus de 1500 ponts, de nombreux canaux : la Venise du Nord comme on appelle la capitale hollandaise est le terrain de chasse idéal pour un tueur en série qui peut alors facilement disparaître après son crime perpétré et se cacher le temps de commettre son prochain méfait. Des meurtres d’ailleurs parfois très cruels que Dick Maas met en scène en tirant profit de la ville d’Amsterdam et de sa particularité maritime : un cadavre de prostituée pendue par les pieds à un pont qu’un bateau de touristes va heurter en passant dessous, une lame de couteau qui surgit de l’eau pour trancher l’entre-jambes d’une malheureuse baigneuse, un sabotage de bateau suivi d’une attaque à l’arme blanche sous l’eau…

Un tueur qui ne fait pas dans la dentelle (une menace d’autant plus inquiétante que ce dernier peut tout aussi bien attraper ses victimes depuis l’eau que sur terre) et que l’on prendra également plaisir à suivre en vues subjectives, à la manière par exemple de La Nuit des Masques de John Carpenter ou Les Dents de la Mer de Steven Spielberg pour les vues sous-marines.

Hormis les quelques meurtres perpétrés dans Amsterdamned, nous aurons droit également à un jeu de fausses pistes (Dick Maas aime s’amuser ici avec son public) mais surtout à des courses-poursuites dans la capitale dont l’une est devenue une de ces scènes cultes du cinéma de genre que l’on n’oublie pas : la fameuse course-poursuite en hors-bords sur les canaux de la ville. Une scène longue alliant action et humour, avec touristes arrosés, canoë brisé en deux et j'en passe, et ce, pendant une bonne dizaine de minutes !

L’humour a également une place importante dans le film de Dick Maas. Porté en grande partie par le personnage d’Eric Visser (joué par l’acteur fétiche de Dick Maas, Huub Stapel), flic du genre je m’en foutiste au caractère et aux façons d’agir très proches d’un Martin Riggs (Mel Gibson) dans la saga L’Arme Fatale, l’humour flirte bien souvent avec l’action et le suspense. On appréciera plus particulièrement la façon dont Dick Maas semble gentiment se moquer de la Politie - la police en hollandais - dans son film : drague et alcool durant le service, longs regards au travers des vitrines des Red Lights durant les rondes nocturnes, courses-poursuites sans guère se soucier des passants risquant de peu de finir sous les roues du bolide lancé à toutes vitesses dans les rues de la ville…

Bien que certains reprocheront peut-être au film de Dick Maas une fin quelque peu bâclée voire trop simpliste, Amsterdamned demeure un bon petit thriller aux allures de giallo et de slasher qui se suit agréablement bien, sans réel temps mort. Meurtres parfois originaux et cruels, courses-poursuites haletantes dignes de certaines grosses productions hollywoodiennes des années 80, ce savant mélange d’intrigue policière, d’humour et d’angoisse méritait peut-être un meilleur sort que celui qu’on lui connait aujourd’hui. 




David MAURICE

AMOUR ET MORT DANS LE JARDIN DES DIEUX (1972)


Titre français : Amour et Mort dans le Jardin des Dieux
Titre original : Amore e Morte nel Giardino degli Dei
Réalisateur : Sauro Scavolini
Scénariste Sauro Scavolini
Musique : Giancarlo Chiaramello
Année : 1972
Pays : Italie
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano, Orchidea de Santis, Rosario Borelli...


L'HISTOIRE : Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d'études, un ornithologue allemand s'installe dans une propriété isolée au milieu d'un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l'intimité d'Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort...


MON AVISScénariste de nombreux westerns et gialli, Sauro Scavolini décide de passer derrière la caméra en 1972 avec ce film au titre magnifique : Amour et Mort dans le Jardin des Dieux. Un titre qui nous fait penser qu'on va avoir droit à un giallo mais ce ne sera pas le cas puisque le film est avant tout un thriller, voir même un drame psychologique. Frère de Romano Scavolini (Exorcisme Tragique, Cauchemars à Daytona Beach), Sauro Scavolini demande l'aide de ce dernier pour l'assister sur son film, en tant que producteur mais aussi en tant que directeur de la photographie. Sur ce dernier point, c'est une réussite puisque picturalement, Amour et Mort dans le Jardin des Dieux est visuellement superbe, que ce soit les scènes en intérieur ou celles se déroulant dans un parc gigantesque, boisé et verdoyant.

Pour raconter son histoire, Sauro Scavolini utilise un principe simple mais efficace : il place un vieil ornithologue allemand (Franz von Treuberg) dans une luxueuse villa abandonnée, située à l'intérieur d'un immense parc, et dans laquelle un drame a eu lieu. Le scientifique découvre lors d'une promenade un tas de vieilles bandes audio qu'il va écouter. Celles-ci sont les enregistrements des séances de psy d'Azzura, une femme dont on va alors découvrir la vie à travers de multiples flashback. Azzura, interprétée par Erika Blanc, actrice bien connue des amateurs de cinéma Bis, mène une vie assez étrange, puisqu'elle couche avec son mari Timothy (Rosario Borelli) mais semble jouer de son pouvoir de séduction avec son propre frère Manfredi (Peter Lee Lawrence). Ce dernier est en effet totalement sous l'emprise de sa sœur et ne supporte pas de la voir marié à un autre homme.

Une situation familiale proche de l'inceste qui permet au film de friser les limites du malsain et de dégager une atmosphère étouffante et oppressante, qui parvient à créer un léger malaise. Une situation qui va mener à un drame bien évidemment, car même si Manfredi tente d'oublier sa sœur avec la très jolie Viola (Orchidea de Santis), les pulsions qu'il ressent pour Azzura sont plus fortes que sa raison. Dans Amour et Mort dans le Jardin des Dieux, tous les personnages semblent avoir un problème psychologique, que ce soit le mari qui adore se soûler, le psy qui n'a pas l'air bien net non plus, Azzura et ses déviances sexuelles bien sûr et Manfredi qui décroche le pompon. Même le gardien de la villa semble avoir un grain, plaçant des pièges à loups partout dans le parc, au risque que les promeneurs se blessent mortellement. Quant à a charmante Viola, elle n'est pas en reste non plus, je vous laisse le découvrir par vous même.

Avec une minutie qui se voit et surtout se ressent à l'écran, Sauro Scavolini peaufine son ambiance morbide tout en nous réservant quelques rebondissements de situation bien trouvés. Le rythme du film est très lent, suave mais il correspond bien à ce que veut nous faire ressentir le réalisateur. Plus on avance dans l'écoute des bandes, plus le mystère devient intrigant et plus on se laisse prendre par la main jusqu'au dénouement final. Une bonne pincée d'érotisme et un peu de violence viendront égayer l'ensemble, tout comme la partition de Giancarlo Chiaramello. Pour son coup d'essai, Sauro Scavolini n'a pas réalisé une oeuvre évidente et n'a pas recherché la facilité. Il aurait pu mettre un scène un simple giallo mais a préféré s'attarder sur une approche psychologique de ses personnages et sur des situations ambiguës qui créent une angoisse qui parvient à incommoder le spectateur. C'est tout à son honneur.



Stéphane ERBISTI

AGNOSIA (2010)


Titre français : Agnosia
Titre original : Agnosia
Réalisateur : Eugenio Mira
Scénariste Eugenio Mira, Antonio Trashorras
Musique : Eugenio Mira
Année : 2010
Pays : Espagne
Genre : Thriller
Interdiction : /
Avec Eduardo Noriega, Barbara Goenaga, Félix Gomez, Jack Taylor, Martina Gedeck...


L'HISTOIRE : Joana Prats souffre d'agnosie, une maladie qui altère sa perception des choses et des gens. A la mort de son père, elle est au centre d'un complot visant à trouver la formule d'un secret industriel. Or, elle serait la seule à le connaître. Un groupe va tenter de profiter de la faiblesse de ses sens pour lui arracher ce secret...


MON AVISLe cinéma fantastique ibérique est riche en bonnes surprises : on se souvient encore de l'émerveillement et de l'intelligence du Le Labyrinthe de Pan, de l'atmosphère étouffante et triste de L'orphelinat ou plus récemment de Les Yeux de Julia alliant thriller avec un casting solide, ce qui permettait une identification avec le destin de son héroïne. De toutes ces qualités, Agnosia n'en a aucune et si le film d 'Eugenio Mira ne connait pas une sortie en salles, ce n'est pour une fois pas une surprise, car si le jeune réalisateur s'essaie à reconstituer toute une époque (la fin du 19ème siècle et le triomphe de l'âge industriel), il a du mal à choisir un angle d'attaque judicieux. Avant d'aller plus loin dans l'analyse de cette œuvre mineure, il faut déjà signaler aux lecteurs qu'il ne s'agit en aucun cas d'un film fantastique contrairement à ce que pourrait laisser supposer la jaquette et la promo autour du film, via la mention des producteurs.

A la fois romanesque (encore eût-il fallu choisir une actrice plus convaincante que Barbara Goenaga vue dans Timecrimes), thriller d'espionnage avec des Allemands très méchants et film d'époque (limitée à quelques décors), Agnosia commet tellement de maladresses que ça prête à sourire pour ceux qui n'auraient pas décroché. Parmi les aberrations, on peut citer cette histoire de doubles identiques en tous points concernant les deux protagonistes principaux, dont une pêchée directement dans une maison close (et dont personne ne voit la différence). Un procédé très utilisé dans les sérials mais qui ici est inapproprié. Sans oublier l'arrivée de la maladie de Joana qui est certainement la plus belle séquence d'un film qui en manque, mais dont on parle fort peu finalement dans le déroulement de l'intrigue.

L'intrusion d'un second homme plus animal dans la vie de la jeune fille va être pour elle l'occasion de donner un sens à sa vie et de connaître la passion que le trop froid Carles (le toujours très bon Eduardon Noriega vu dans Tésis, Ouvre les Yeux, L'échine du Diable) semble lui refuser. Ce n'est pas tant le choix d'aborder le film sous cet angle amoureux qui pose problème que le manque de crédibilité de l'actrice principale. Tout ce méli mélo nageant en plus dans des eaux troubles de l'espionnage où intervient une Mata Hari chef d'industrie prête à tous les moyens pour arriver à ses fins. Amusant dans un certain type de film (les Fantômas entre autres) mais qui décrédibilise ici une histoire classique et qui aurait dû être déclinée sur le mode de l'uchronie au lieu de vouloir rester sur le chemin de l'histoire traditionnelle.

Au-delà des aspects négatifs cités ci-dessus, il faut aussi un temps d'adaptation pour arriver à suivre et à comprendre ce qui se trame à l'écran durant la première demi-heure. C'est une première haie à franchir, l'autre étant le rythme qui est assez mollasson comme si film historique devrait à tout prix rimer avec soporifique. Guindés dans leurs costumes, les acteurs font ce qu'ils peuvent. Non pas que le film en lui-même soit un ratage intégral. Après tout, une fois avalé l'intrigue rocambolesque, Agnosia se regarde et s'admire comme une chrysalide qui ne se serait pas transformée en papillon. Le final plein de bonne volonté manque cruellement d'émotion, de cette émotion qui aurait dû nous transporter cœur et âme. Hélas, il ne s'agit que d'un coup d'épée dans l'eau pour un film qui n'aura pas su créer l'effet de surprise avec son sujet (pourtant) novateur !



Gérald GIACOMINI

ACTION OU VÉRITÉ (2018)

 

Titre français : Action ou Vérité
Titre original : Action ou Vérité
Réalisateur : Jeff Wadlow
Scénariste : Jeff Wadlow, Michael Reisz, Jillian Jacobs et Chris Roach
Musique : Matthew Margeson
Année : 2018
Pays : Usa
Genre : Thriller, Diable et démons
Interdiction : -12 ans
Avec Lucy Hale, Violett Beane, Tyler Posey, Hayden Szeto, Sophia Taylor Ali...


L'HISTOIRE : Partis au Mexique pour faire la fête, une bande d’amis va faire la rencontre d’un certain Carter qui va les initier à un jeu intitulé Action ou Vérité. Alors que les jeunes gens prennent plaisir à se lancer des défis, ces derniers vont rapidement se rendre compte qu’une malédiction les poursuit depuis qu’ils jouent à ce jeu. Un jeu dont ils ne peuvent plus se défaire, ce dernier les conduisant à une mort certaine s’ils refusent de jouer, s’ils mentent sur une question de type Vérité ou encore s’ils refusent de se plier à l’action demandée...


MON AVISNous ne présentons plus aujourd’hui BlumHouse Productions, une société de production fondée par le producteur Jason Blum et dont la méthode de travail consiste à produire des thrillers fantastiques et des films d’horreur à petits budgets en grande quantité, avec du bon et du moins bon, voire du médiocre !

Focalisons-nous donc sur l’une de leurs multiples productions, à savoir Action ou Vérité. Réalisé par un certain Jeff Wadlow, à qui l’on doit notamment Cry Wolf et Kick-Ass 2, voilà encore une preuve que Jason Blum sait faire des bénéfices. En effet, Action ou Vérité sera un gros succès dès sa première semaine d’exploitation dans les salles américaines, le film rapportant quasi six fois son budget en une dizaine de jours seulement.

La clé de ce succès ? Difficile à dire car ce thriller surnaturel n’a pourtant pas que des qualités, loin de là même. Mais une bonne publicité sur le Net, des bandes-annonces laissant deviner de sympathiques jumpscares et une histoire de jeu maudit (on pense inévitablement à Jumanji ou à Ouija plus récemment, autre gros succès de la firme BlumHouse Productions) suffisent à attirer un public majoritairement adolescent.

Car oui, nous avons ici un pur produit destiné à un public jeune et de ce côté-là force est de constater que le contrat est plutôt bien rempli ! Casting jeune et séduisant, histoires d’amourettes et de cachotteries, jumpscares en nombre conséquent, intrigue relativement accessible... Tout semble présent pour plaire à des amateurs de films d’horreur en herbe et pourquoi pas même aux moins exigeants parmi les fanatiques du fantastique.

Le début-même du film de Jeff Wadlow n’annonçait rien de bien folichon, avec sa bande de jeunes qui partent faire la fête après une année d’études bien remplie et qui décident de jouer à un jeu tout aussi puéril que celui de la bouteille :  Action ou Vérité. Gags vaseux entre les compères, défis mettant en scène des épreuves de nudité, de déhanchés ou de roulages de pelles, rien ne laisse présager autre chose qu’un film estampillé ado dans ces vingt premières minutes de film.

Après cela n’empêche que le film peut s’avérer intéressant sous plusieurs aspects. Premièrement, le rythme est plutôt bien dosé ; l’intrigue se mettant en place assez vite, de manière simple et linéaire au départ pour progressivement donner lieu à des péripéties et quelques (rares) effets de surprises bienvenus au fur et à mesure que l’histoire avance.

Ensuite, notons que le scénario est très fluide, présente assez peu d’incohérences (quelques réactions illogiques de personnages de temps à autres mais rien de bien alarmant à ce niveau) et propose même quelques touches d’originalité bienvenues (un jeu maudit qui va dévoiler au grand jour des secrets bien gardés au sein d’un groupe d’amis qui va alors exploser sous le poids de révélations d’ordre familial ou émotionnel).

Enfin, au niveau de l’ambiance, il faut bien avouer que le film parvient par moments à nous faire monter le trouillomètre le temps de quelques séquences haletantes ponctuées d’un ou plusieurs jumpscare(s) savamment dosé(s), même si certains il est vrai sont parfois amenés avec de bonnes grosses ficelles. Les hallucinations des protagonistes en proie au démon du jeu maudit sont certes réalisées avec des moyens simples (des distorsions de visages facilement réalisables par logiciel) mais le résultat est à la hauteur de nos attentes (certains faciès grimaçants sont carrément flippants) et c’est bien là le principal !

Pour finir, la fin du film, certes expéditive, s’avère intelligente, amorale et cruelle, avec en fond une critique des réseaux sociaux bienvenue.

Alors pourquoi cet avis se termine-t-il donc sur une note mitigée ? Hé bien tout simplement parce que la mayonnaise peine à prendre ici et parce que nos quatre scénaristes semblent ne pas avoir été au bout de leurs idées. Une alchimie défaillante due en grande partie à un manque de crédibilité, des facilités scénaristiques dommageables et une touche probablement trop teenageuse (voire à l’eau de rose) dans le scénario. Je m’explique : je parlais quelques paragraphes avant d’un scénario fluide. Peut-être justement cette intrigue est-elle trop linéaire, trop prévisible par moments (à la différence par exemple d’un Destination Finale qui joue sur les surprises et les rebondissements lorsque la mort possible d’un protagoniste est annoncée). Les morts ou accidents se succèdent mais sont souvent téléphonés, à quelques rares exceptions près, car les péripéties sont là mais sont devinées souvent quelques minutes avant qu’elles n’interviennent.

Oui le film est original par moments et cette idée de base comme quoi des secrets sont dévoilés et brisent progressivement des liens d’amitié entre nos protagonistes est une idée qui aurait pu causer bien plus de dégâts au sein de notre groupe de jeunes. Les mises à mort (à l’exception de cervicales frappées lourdement contre une table de billard) notamment ne sont peut-être pas assez graphiques, intenses et violentes : le film reste soft et flirte plus volontiers avec les vérités (mensonges, trahisons, secrets cachés, vices dévoilés...) - nous distillant au passage quelques dialogues bien creux – qu’avec les actions (là où nous attendions peut-être des séquences chocs). Nous nous retrouvons alors avec un démon qui semble préférer jouer de ces gamineries et de ces cachotteries d’ados lors de phases de Vérité plutôt que de lancer des duels plus physiques et musclés entre nos protagonistes lors de phases d’Action. En ressortent des séquences un brin enfantines par moments (après avoir entendu qu’elle plaisait au mec de sa meilleure amie lors d’une phase de Vérité, notre héroïne va coucher avec lui lors d’une phase d’Action pour ne pas mourir... Quelle histoire !)

Dommage également que certains passages manquent clairement d’intérêt (la séquence où une fille se saoule sur le toit d’une maison lors d’une phase d’Action est un brin longuette) et que la dernière partie du film, avant le final plutôt réussi, soit un peu bancale pour ne pas dire risible avec cette histoire de démon et de sacrifice légèrement tirée par les cheveux et avec certaines incohérences dans le combat final contre le démon.

Au final, Action ou Vérité est un pur produit estampillé ado. A ce niveau-là, le film de Jeff Wadlow s’en sort plutôt bien et semble remplir correctement le cahier des charges d’une telle production. Mais seulement voilà, le public friand de films fantastiques ne s’y prendra pas (où alors presque pas) et verra en Action ou Vérité un petit film certes rythmé, original en bien des points et à l’ambiance pesante parfois bien rendue mais malheureusement pas suffisamment méchant et surprenant. Dommage...




David MAURICE